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Full text of "Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts"

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Bulletin de la Société nivernaise 
des lettres, sciences et arts 

Société Nivernaise des 
Lettres, Sciences et Arts, Nevers 















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BULLETIN 

DE LA 

SOCIÉTÉ NIVERNAISE 

DES 

LETTRES, SCIENCES ET ARTS. 


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NEVERS, 


IMPRIMERIE FAY. — G. VALLIÈRE, SUCCESSEUR, 


PLACI DK LA BALLK BT RUB of REMPART. 


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BULLETIN 


DE LA 

SOCIÉTÉ NIVERNAISE 

DES 

LETTRES, SCIENCES ET ARTS. 

TROISIÈME SERIE. - TOME II*. - XII* VOLUME DE LA COLLECTION. 

QUATRIÈME FASCICULE. 


A NEVERS 

CHKZ MICHOT, LŒRAUtE DE LA SOCIÉTÉ, PI, ACE SaINT-SÉBABTIKH, 
Et cbbz M. MORIN-BOUTILLIER , libraire , bue de l’Embarcadèhb. 

1886 



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S? 

s-vr| 


SOCIÉTÉ NI VE RN AISE 

DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS. 


COMPOSITION DO BUREAU. 

MM. le comte George de Soültrait président . 

Roubet, président honoraire, 
l’abbé Boütillier, vice président, 

Ernest de Tottot, secrétaire, 

Dcminy, bibliothécaire, 

Lutz père, architecte. 

Bricbetbau, trésorier. 

Morin- Boütillier, pro- secrétaire. 

Henri Ganat conservateur du musée de la Porte du Grouse. 
MEMBRES D’HONNEUR. 

M |r l'ÉvÉQUB DE NEVBRS. 

MM. le Préfet de la Nièvre. 

le Président dü tribunal civil. 

de Tottot # , ancien président du tribunal civil. 

LISTE DES MEMBRES TITULAIRES 
dresséb selon l'ordre de leur réception. 


MM. l'abbé Clément, curé de Châtillon, membre 

fondateur, 5 juin 1851. 

l'abbé Hurault, curé de Saint-Pierre, à Nevers, 
id., id. 

le D r Jacquinot (Honoré) # , à Imphy, id., id. 

Lhospied, ancien instituteur, à Nevers, id., id. 

V. db Maumignv (le comte), à Nevers, id., id. 

Robert Saint-Cyr #, docteur-médecin à Nevers, 
id., id. 


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vt 

MM. Adolphe de Rosemont , propriétaire à Nevers, 

membre fondateur, 5 juin 18tfi. 

Arthur de Rosemont, à la Girardière, par Bel- 
leville-sur-Saône (Rhône) , id., id. 

de Soultrait (le comte George) # , à Toury-sur- 
Abron, par Dômes (Nièvre), ûf., id. 

dü Verne (Henri), à Nevors, id., id. 

de Villepossb , ancien archiviste à Nevers, id id. 
le comte Charles de Savigny de Moncorps à 
Fertotot, 3 août 1854. 

le vicomte René de Savigny db Moncorps à 
Fertotot , id. 

Roubet, à La Guerche (Cher), 2 août 1855. 

de Laügardîère, ancien conseiller à la cour de 
Bourges, 23 avril 1857. 

Dèsveaux # , lieutenant-colonel d’artillerie, à 
Lyon, 14 janvier 1858. 

Bogros docteur en médecine à Château- 
Chinon, 3 février 1859. 

Laovbrnay, agent- voyer d’arrondissement re- 
traité, à Nevers, 14 juin 1860. 

Millibn (Achille) # « à Beaumont-la- Ferrière , id. 

l’abbé Pot, curé de Magny-Cours, id. 

l’abbé Rolland, aumônier des Ursulines, à 
Nevors , id. 

l'abbé Boutillibr, curé de Coulanges, 6 décembre 1861. 

de Toytot (Ernest), 6 février 1862. 

Bouvbault, architecte à Nevers, 3 avril 1862. 

Maurice d’Aiguson, ancien magistrat, à Chà- 
teauroux (Indre), id. 

Dbcray conseiller général, à Decize, 12 novembre 1863. 
l'abbé Fouché, aumônier du lycée, à Nevers, 2 décembre 1863. 
Bobert, docteur en médecine à Nevers, 12 janvier 1865. 
Mirault, régisseur à Cours-les-Barres (Cher), 10 janvier 1866. 
René de Lespinassb >J«, à Urzy, 8 juin 1867. 

Malleval, banquier à Nevers, 8 août 1867. 

Morlon, conseiller à la cour d’appel, à Bourges, 5 décembre 1867. 
Henri d’Assigny, à Sauvigny-les-Bois, 7 juillet 1868. 

Blandin- Lyons, propriétaire à Nevers, 4 février 1869. 

l’abbé Dblost, curé de Cercy-ia-Tour, 4 mars 1869. 

db Villbnaut , à Vauzelles, près Nevors, 13 mai 1869. 
du Vbrnb (Charles), au Veuillin (Cher), 3 mars 1870. 

L. Charpentier, docteur en médecine à Prémery, 20 avril 1871. 
Fbraibr (Henri), peintre, à Prémery, id. 


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VII 


MM. de Pibrredon directeur, à Imphy, 1'* février 1872* 

Auguste Le Blakc-Bellevaux , licencié en droit, 
à Paris, 

Gaston de Chalvron , à Nevers , 

Albert Blaudim-Vaubrb , à Nevers, 
l'abbé Bogros , curé de Marzy, 
l'abbé Pannbtieb, curé d'Arleuf, 

Monteignibr, à Dompierre-sur-Nièvre, 
l'abbé Chapois , curé d'Aunay, 

Chbvambr-Lagémssière, président du tribunal 
civil de Mâcon, 
du Verre (Victor), à Nevers, 
l'abbé Soyer , à Nevers , 

Michot, libraire de la Société nivemaise , 

Mokot docteur en médecine à Montsauche, 

Hugon (Edmond), ancien juge à Nevers, 

Victor Gdbicbau , receveur particulier à Loudun 
(Vienne) , 

l’abbé Grosnibr, curé de Saint-Louis de Four- 
chambault, 

Pelletier de Chambcre, au château de la Chaux, 
par Saulieu (Côte-d’Or), 

Busqoet, directeur à La Machine, 
l'abbé Ddbarbier, vicaire général à Nevers, 
de Berthjbr (Charles), propriétaire à Nevers, 

. î de Chabrol , à Saint-Patrice , près Tours , 

. d'Esmard (le baron Henri), à Mazille, par Mou- 
lins- Engilbert, 7 mai 1874. 

Abel Métairie, à Fontfaye, par Châteauneuf- 
val-de-Bargis, 9 juillet 1874. 

_ i Locqum, licencié en droit à Nevers, id. 

Bebtaux (Prosper), à Nevers, id. 

: Ajbéric Gobât, à Saint-Pie rre-le-Moûtier, 17 août 1874. 
Massillon Rouvet, architecte à Nevers, id. 

Théodore Meynier , propriétaire à Coulanges, 5 novembre 1874. 
Gadoih, président à Cosne, 14 janvier 1875. 

Robert, juge à Cosne , id. 

de Lakgle de Cary, ancien juge à Nevers, 13 mai 1875. 

Fa dlqüier (Adrien), ancien conseiller général, 
à Clamecy, id. 

Bobheao do Martray, ingénieur, à Chalon-sur- 


id. 

7 mars 1872. 
id. 

9 mai 1872. 

29 août 1872. 

id. 

30 août 1872. 

5 décembre 1872. 
9 janvier 1873. 

id. 

6 février 1873. 

6 mars 1873. 

3 juillet 1873. 

7 août 1872. 

id. 

6 novembre 1873. 
id. 

4 décembre 1873. 

5 mars 1874. 

26 mars 1874. 


Saône, 

bb Laubismn (le comte) à Tracy, 
Jayilubr, pharmacien à Nevers, 


7 octobre 1875. 

9 décembre 1875. 
id ; 


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VIII 


r juin 1878. 
août 1879. 
id. 

id. 

octobre 1877. 
id. 


MM. Paul Usquin , à Donzy, 6 avril 1876* 

de Saint-Vallier # , à la Cave , commune de 
Beaumont-Sardolles, 1 

Pot, ingénieur à Alby, 3 

Luquet, imprimeur à Château-Chinon , 

Legrand , agent - voyer d'arrondissement à 
Nevers , 

l’nbbé Marillibr, vicaire général à Nevers, 4 
Prégbrmain aîné, au château de Gron, par 
Ch&tillon , 

Maurice de La Planche , au ch&teau de la 
Planche, par Mi Uay, 10 janvier 1878. 

Frédéric d’Assigny, à Sury, commune deSaint- 
Jean-aux-Amognes, 4 avril 1878. 

Montagnon , à Nevers , 13 février 1879. 

Edouard de Fontenay, à Va rennes, x 3 avril 1879. 

Raoul de Dreuillb, à Donzy, l #r mai 1879. 

le D r Perrier , à La Charité , 13 novembre 1879. 

Amédée Julien, 5, rue Saint - Benoist , à 
Paria , 

Paul Perreau, notaire à Saint- Benin-d’Azy 
l'abbé THépÉNiBR, curé de Saint-Parize-le-Châtel, 
le D r Fichot, à Nevers , 

Sarriaü , propriétaire à Cosne , 

Ricard , sous-intendant militaire , à Nevers , 

Charbonnier , prote de l’imprimerie Fay, 
de Rémusat, rue du Lycée , à Nevers, 

Auguste du Verne, à Nevers, 

Brichetbau, banquier à Nevers, 

Henri Canat, à Nevers, 

Maurice Canat, vérificateur de l’enregistrement, 
à Nevers , 

Henri Marandat #, officier retraité, à Thé, 
par Saincaize , 

Charles Lutz, architecte h Nevers, 

Louis Thévenin , directeur des usines de La 
Pique. 2 juin 1881. 

Félix de Grandprê, à Imphy, id. 

Girard (Gustave) , curé de Gimouille , id. 

Albert Maron , rédacteur du journal la Vraie 
France y à Lille, 2 juin 1881. 

Edmond Duhiny, rue Saint-Genesl, à Nevers, id. 

l'abbé Sert, curé de Grenois, 27 octobre 1881. 

l'abbé Cadeau, curé de Livry, id. 


8 janvier 1880. 

4 mars 1880. 
octobre 1880. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 

novembre 1880. 
id. 
id. 

id. 

mars 1881. 
id. 


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IX 


MM. l’k&fcô Charrier (Jules) , vicaire de Clamecy, 27 octobre 1881. 
Gaston de Montiuchard , & la Chasseigne, id. 

Raoul Mbvnibr , officier d’état-major, à Paris, id. 

Mohin-Boutillier , commis au chemin de fer, 
à Ne vers , \d. 

Edouard Mahandat, rue du Sort, 10, Nevers, 24 novembre 1881. 
Albert Robelin, contrôleur des contributions 
directes, & Nevers, id. 

Henri Carimantrand, rue de l’Embarcadère, 
à Nevers, 30 décembre 1881. 

Julien , employé secondaire des ponts et chaus- 
sées, 26 janvier 1882. 

Henri de Flamabe, archiviste du département, 23 février 1882. 
Hippolyte Blanc, à Ghamenay, commune de 
Garchizy, 30 mars 1882. 

Tabbé Boitiat, archiprôtre de la cathédrale, 27 avril 1882. 
le D # Jourdan, rue du Clottre-Saint-Cyr, & 

Nevers, 27 juillet 1882. 

le colonel de Charrant $ , rue d'Auvergne , à 
Nevers , id. 

le comte de La Fargüe, à Fougues, 30 novembre 1882. 

le docteur Robert Saint-Cyr fils, à Nevers, id. 

Charles Col, à Nevers, 25 janvier 1883. 

G. Debourges, avocat à Nevers, 22 février 1883. 

Algar Griveau , juge honoraire à Nevers , id. 

Prôsper de Berthier-Bizt, à Parigny les-Vaux, 31 mai 1883. 
le marquis de Veyny, rue des Moulins , id. 

1 Roger de Cotignon, rue Creuse, id. 

Paul de Maumigny #, lieutenant-colonel, 28 juin 1883. 
Jacques Régnier , négociant au Pont-Patin , 28 février 1884. 

Simon Moutardier , caissier à La Pique , id. 

Théophile Gillotin, négociant à Nevers, id. 

Davanture, marécbal-des-logis-chef de gendar- 
merie à Nevers, 26 juin 1884. 

l'abbé Brunbau, curé de Maux, id. 

Octave Roger >}<. ancien magistrat, à Bourges, id. 

Henri Ponroy, ancien sous-préfet, à Bourges, id. 

Paul BonTROux, propriétaire à Nevers, 31 juillet 1884. 

Charles Dbton, rédacteur en chef du Journal 
de Saône- el- Loire, à Mâcon, 30 octobre 1884. 

l'abbé Guillemenot, curé-doyen de Prémery, id. 

Robert de Mauduit, aux Coques, commune de 
! Chaolgnes , id. 

l'abbé Roy, curé d'Onlay, par Moulins-Engilbert , décembre 1884* 


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X 


MM. OucotJBTHiAL , agent d'assurances de la compa- 
gnie le Phénix , à Nevers, janvier 1885. 

l'abbé Poupin , professeur & l'institution Saint- 
Cyr, à Nevers, id . 

le comte db Cbastellux, à Chas tel 1 ux- sur* Curo 
(YonneJ , février 1885. 

Teste , au château de Vésigneux , par Saint- 
Martin-du-Puy (Nièvre), id. 

A. Jolly, directeur de la Banque de France, à 
Nevers, id. 

l'abbé Bonoron, vicaire de SaintrBtienne , à 
Nevers , id. 

Henri de Borniol, 70, rue des Saints -Pères, 

Paris, 30 avril 1885. 

Achille Mazeron, libraire à Nevers, 25 juin 1885. 

le comte du Hamel de Breuil, au Reconfort, > 

commune de Moneeaux-le-Comte , 30 juillet 1885. 

Rocoffort , au château de Retz , commune de 
Toury-Lurcy, id. 

Emmanuel Cheminade, à Nevers, 26 novembre 1885. 

Roger db Boüteyre, à Munot, près La Charité, 31 décembre 1885. 
Louis-Désiré Langellé, ancien notaire à Pouilly, id. 

Léon Gadoix, à Cosne, id. 

Amédée Sallbix, au château de la Brangelie, com- 
mune de Vauxains, par Ribérac (Dordogne), 27 mai 1886. 

Henri de Lavenne de La Montoisb, chef de gare 
de Paris-Orléans, quai d’Austerlitz, Paris, id. 

Raoul Marcy, ingénieur civil , Nevers, id. 

Léon d’Arbadib de Barrad, 24 juin 1888* -■ • 

François Caquet, à Saint-Hilaire-Fontaine , par,. 

Fours, 29 juillet 1886.. 




MEMBRES CORRESPONDANTS. 


MM. Moreau de Charny, professeur de dessin, à Nevers. 

Baudoin , architecte à Avallon. 

Blanchê, ancien juge. 

Blandin , docteur en médecine à Nantes. 

Bouchardon, & Saint-Denis (Seine). 

Boudard, inspecteur des enfants assistés, & Gannat. 

Brillaud, inspecteur des écoles primaires à Autan. 

Bulliot, président de la Société éduenne , â Antun. 
de Bures, membre de la Société d’émulation, à Moulins (Ailier) 


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XI 


MM. db Brêmond d'Abs (le comte), à Nantes. 
db Chambghe fils. 

Cirodde , ingénieur des ponts et chaussées. 

Cocokt, inspecteur d’académie h Paris. 

Cougny, ancien professeur de dessin, à Bourges. 
Dbsrosier, professeur au collège de Riom. 

Garsonnet # , inspecteur de l’académie de Dijon. 
Gautherin, statuaire, 11, impasse du Maine, Paris. 
Germain , docteur en médecine à Paris. 

Hum ann, propriétaire à Saint-Loup. 

Jullîkn, peintre & Paris. 

Lapetre de Crussol, receveur de l’enregistrement. 
dr L’Etoile (le comte), à Moulins (Allier). 

Morellet, censeur retraité, à Paris. 

Raynaud 3j$ , ancien recteur. 
ce Senac. 

Thomas, employé au ministère de la guerre, à Paris. 
Paul Lehugeub, professeur d'histoire à Angers. 

D r Janicot , à Pougues. 

l'abbé Victor Hugenot, à Brion (Indre). 

E. Bouchard, avocat & Moulins (Allier). 

G. Marty, géomètre à Toulouse. 


SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. 


t Comité des travaux historiques et des sociétés savantes. 

2 Société française d’archéologie. 

3 Société philotechnique, à Paris. 

4 Société éduenne, à Autun. 

5 Société d'agriculture, de commerce, etc., du département de la 

Marne, à Châlons. 

6 Société archéologique de Sens. 

7 Société archéologique et historique , à Orléans. 

8 Académie de Reims. 

9 Société d’émulation de l’Ailier, à Moulins. 

10 Société des sciences naturelles et historiques de l’Yonne, à Auxerre 

1 1 Société historique du Cher, à Bourges. 

12 Société d’émulation de Montbéliard. 

13 Société des lettres, à Varzy (Nièvre). 

14 Société académique du Var, à Toulon. 

15 Académie de Mâcon. 

16 Académie des sciences et belles-lettres d'Angers. 


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XII 


17 Société de l’histoire naturelle, à Colmar. 

18 Société d’études, à Avallon (Yonne). 

19 Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse , à 

Guéret. 

20 Société littéraire de Lyon. 

21 Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, 

à Strasbourg. 

22 Académie des sciences de Clermont-Ferrand. 

23 Société académique de Boulogne-sur-Mer. 

24 Société des antiquaires du Centre, à Bourges. 

25 Académie des sciences , belles-lettres et arts de Marseille. 

26 Société des sciences , lettres et arts des Alpes-Maritimes. 

27 Société d’agriculture, sciences et arts d’Angers. 

28 Commission historique du département du Nord. 

29 Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et-Oise. 

30 Bociété des sciences et arts de Vitry-le-François. 

31 Société des travaux de statistique de Marseille. 

32 Académie du Gard. 

33 Société d’agriculture, belles-lettres, sciences et arts d’Orléans. 

34 Société archéologique de Rambouillet. 

35 Société d’histoire naturelle de Toulouse. 

36 Société d’agriculture, de commerce et d’industrie du déparlemen 

du Var, Draguignan. 

37 Société académique de Cherbourg. 

38 Société historique et archéologique de Soissons (Aisne). 

39 Société d’études des sciences naturelles de Béziers. 

40 Société des sciences et arts du Havre. 

41 Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne. 

42 Académie de la Val-d’Isère, à Moutiers (Savoie). 

43 Société historique et archéologique du Périgord. 

44 Société niçoise des sciences naturelles et historiques, à Nice. 

45 Société littéraire de Clamecy (Nièvre). 

46 Archives générales de la Côte-d’Or, à Dijon. 

47 Société havraise d’études diverses, au Havre. 

48 Comité archéologique de Senlis, à Senlis. 

49 Société historique et archéologique de Langres. 

50 Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis. 

51 Directeur du musée Guimet, à Lyon. 

52 Société des antiquaires de l'Ouest , à Poitiers. 

53 Société d'études des Hautes- Alpes , à Gap. 

54 Société archéologique de Tarn-et-Garonne. 


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XIII 


OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ. 


i® PÉRIODIQUES. 


Journal des Savants , décembre 1882 à décembre i 885 . 

Musée Guimet, Revue de Vhistoire des religions , tomes V, VI, VII, 
VIII, IX, X. Catalogue, première partie: Inde, Chine, Japon. 

Mémoires de la commission des antiquités de la Côte-d’Or, tome X, 
années 1872-1884. 

Mémoires de la Société historique, littéraire et artistique du Cher, 
quatrième série, premier volume (1884). 

Mémoires de la 'Société historique et archéologique de Langres, 
tomes I #r , II, III. 

Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de 
Soissons, tomes XII, XIII, XIV. 

Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, tome XXXVIII. 

Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, années 1882, 
1 883 , 1884, i 885 . 

Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais , 
n # ® 124 à 127. 

Bulletin de la Société académique franco -hispano- portugaise de 
Toulouse, tomes IV, V et VI. 

Annuaire de la même Société (1884-1885). 

Bulletin de la Société archéologique de Sens, tome XI. 

Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, années i 883 à i 885 . 

Mémoires de l’Académie de Nîmes, tomes IV, 1881 ; V, 1882; VI, 
i 883 . 

Revue des Sociétés savantes des départements, septième série, 
tomes I** et II. 

Annales de la Société des Alpes-Maritimes , tomes VIII et IX. 

Bulletin de la Société philomathique de Paris, tomes VI, VII, VIII 
et IX. 

Société des arts et sciences de Vitry-le-François, tomes XI et XII. 

Mémoires de la Société philotechnique, tome XLII, année 18 82. 

Bulletin de la Société d’émulation de l’Ailier, tomes XVI et XVII. 

Mémoires de la Société littéraire, historique et archéologique de 
Lyon, années 1879-1881. 

Bulletin de la Société archéologique et historique de Tara-et- 
Garonne, tome XII, année 1884. 


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XIV 


Recueil de la Société des sciences, lettres et arts de Tarn-epGaronite, 
années 1879 à i 883 . 

Bulletin de la Société d’histoire naturelle de Colmar, tomes XXTI, 
XXIII (1881-1882).. < 

Bulletin de la Société pour la conservation des monuments histo- 
riques de l’Alsace, tome XII. 

Bulletin de la Sociétété académique de Boulogne-sur-Mer, tomes III 
et IV. 

Bulletin de la Société des sciences et arts agricoles et horticoles du 
Havre , n M 24 à 28. 

Travaux de l’Académie nationale de Reims, tomes LXXI à LXXVI. 

Mémoires de la Société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts 
d’Orléans, tomes XXIII, XXIV, XXV. 

Comptes-rendus et mémoires du Comité archéologique de Senlis, 
tomes VIII et IX. 

Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, tomes X, XI 
et XII. 

Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, janvier, février, 
mars, avril, mai, juin i 885 . 

Recueil des mémoires et des documents de l’Académie de la Vàl- 
d’isère, série des mémoires, tome III. 

V Investigateur, revue de la Société des études historiques, quarante- : 
huitième, quarante-neuvième et cinquantième année. 

Annuaire de la Société philomathique de Paris (i 883 ). 

Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques: Section 
d’histoire et philologie (1882, i 883 , 1884). — Section d’archéotogie 
(1883-1884). < 

Table générale des Bulletins du Comité des travaux historiettes 
(i 883 ). 

Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur (i 883 ), 
n ot 1, 2, 3 , 4, 5 , 6, 7, 9, 10, 11, i 3 . ’ 

Discours de M. Ferry à la réunion des délégués des Sociétés savantes, 
le 3 i mars i 883 . 

Annales de l’Académie de Mâcon, onzième série, tome IV. 

Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de 
l’Yonne, tomes XXXVI à XXXIX. 

Bulletin d’histoire ecclésiastique et d’archéologie religieuse des 
diocèses de Valence, Digne, Gap, Grenoble et Viviers, quatrième 
année, cinquième livraison. 

Mémoires de l’Académie de Clermont, tomes XXIII, XXlV, XXV. 

Bulletin de l’Académie du Var, tome XII, premier fascicule. 

Mémoires de la Société éduenne, tome XIII (1884). 

Romania, recueil consacré à l’étude des langues et de la littérature 
romanes, n* 42 à 54. 


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XY 

Mémoires de là Société d’agriculture , sciences et arts d’Angers, 
tomes XXIV, XXV et XXVI. 

Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de 
la Creuse, tome V, bulletins deuxième et troisième (i 885 ). 

Mémoires de la Société d’agriculture, commerce, sciences et arts de 
la Marne (1882 à 1884). 

Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de 
Rambouillet, tomes VI et VII. 

Bulletin de la Société scientifique et artistique de Clamecy (Nièvre), 
n* 4. 

Société d’histoire naturelle de Toulouse, tomes XVI à XIX. 

Mémoires de l’Académie de Marseille (1882, i 883 , 1884, i 885 ). 

Société de secours des amis des sciences, vingt-cinquième exercice 
(| 885 ). 

Bulletin des recherches historiques de l’Aunis et de la Saintonge , 
tomes V et VI. 

Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord 
tomes IX à XII. 

Bulletin de la Société d’agriculture, de commerce et d’industrie du 
Var, septième série, tomes V, VI, VII. 

Bulletin de la Société d’étude des sciences naturelles de Béziers > 
sixième année (1881). 

Mémoires de la Société d’émulation de Montbéliard, tomes XIV et 
XV. 

Sntith sonian Report, année 1882. 

Journal of the New-York microscopical [society , volume premier, 
n* 2, february i 885 . 

Acfas de la academia nacional de ciencias en Cordoba Republica 
Argentine, tomes IV, V, VI, VU. 

Informe general de la comision cientifica de la expedicion al Rio 
Negro {P ata g onia) entrega , I , II , III. 


2 « HOMMAGES DES AUTEURS. 


De Chambrun de Rosemont, Essai d’un commentaire scientifique de 
la Genèse . 

Baschet, Mémoire sur les dépêches des ambassadeurs vénitiens. 
Bonneau dp Martray (Adrien), Dante, l’Enfer , traduction en vers. 
Du Broc de Segange, Notre-Dame de Moulins. 

Godard (docteur Jules), Du Bégaiement x 

Marty (Gustave) , La Caverne de Montlaur ou de l’Hervier ( Ariége ). 
Sa y (Léon), La Politique financière de la France . 

Soucaille (Antonin), Montagnes et Vallées . 


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XVI 


Histoire de la ville , des seigneurs et du comté de Gien , par M. L.-A. 
Marchand. 

Rapport sur les travaux du conseil d’hygiène en 1884, par 
M. Guerrin. 

Guillemenot, curé de Prémery, Essai de science sociale, Éléments 
d'économie politique. 

Marty (Gustave), Deux nouvelles Sépultures de l'époque des dolmens . 

De Soûl trait, De V Iconographie chrétienne dans le diocèse de 
Besançon . 

Subert (docteur), Rapport sur les conseils d’hygiène de la Nièvre 
(1884 et i885). 

Cantonné (E.), La Langue néo-latine. 

Forestié (Em.), Biographie d'Arnaud Sorhin. 

Harold de Fontenay, La Roussillonnade et son véritable auteur. 

Griveau, Etude sur la condamnation du livre des maximes des 
saints, deux volumes. 

Abbé Boutillier, Archives paroissiales de Nevers. 

Docteur Fichot, Causeries du docteur. 

Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur. Etat des 
études dans les facultés des sciences et des lettres. 

Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur. Bacca- 
lauréat, conseils académiques. 

Rapport sur les musées et écoles d’art industriel, par Marius 
Vachon. 


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BULLETIN 

DE LA 

SOCIÉTÉ NIVERNAISE 

DES 

LETTRES, SCIENCES ET ARTS. 


SÉANCE DU 26 AVRIL 1883. 


Présidence de M. Roubet. 


Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
Boutillier, vice-président ; Canat, conservateur 
du musée ; Ernest de Toytot, secrétaire ; l’abbé 
Rolland, le colonel de Charrant* Paul Marandat, 
Duminy, l’abbé Crosnier, le docteur Subert, Col, 
de Lespinasse, Massillon Rouvet, Robelin, de 
Flamare , de Villenaut , Léonard. 

Il est donné lecture d’une lettre de M. le Ministre 
de l’instruction publique au sujet de la préparation 
du programme du congrès des sociétés savantes 
de 1884. Chacun des membres de la Société niver- 
naise est invité à signaler au ministre les questions 
qu’il serait intéressant de voir traiter à la réunion 
des sociétés savantes. 

t. ii, 3 # série. i 


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M. le président Roubet donne lecture d’une 
communication sur la « Céramique nivernaise ». 
Cette note sera insérée au Bulletin. 

M. Bulliot, président de la Société éduenne, 
adresse à la Société nivernaise des remerciements 
au sujet d’une charte que M. Roubet lui avait 
envoyée. Cette charte contient l’accord entre le 
prieuré de Saint-Pierre-le-Moûtier et un seigneur 
voisin , du nom de Girart , pour la délimitation des 
droits de justice de Varie-les-Saint-Pierre. 

Elle intéresse aussi l’Autunois, comme contenant 
les noms de la plupart des moines qui appar- 
tiennent à la région du Beuvray. 

La Société pense qu’il y a lieu de faire imprimer 
le plus tôt possible cette charte dans son Bulletin. 

M. de Villenaut renouvelle une proposition qu’il 
a formulée déjà à la Société ; il s’agirait de de- 
mander à M. Bonvalletde vouloir bien abandonner 
à notre musée une plaque en fonte, aux armes des 
Clèves, qui figurerait parfaitement dans la che- 
minée de la porte du Croux, à côté des landiers 
de M. de Maumigny. 

M. de Lespinasse est chargé d’adresser cette 
requête à M. Bonvallet. 

Sur la proposition de M. de Villenaut, il est 
décidé que la bibliothèque de la Société pourra, 
quand il y aura lieu, se rendre acquéreur des 
livres intéressant le Nivernais, toutes les fois que 
ces livres n’auront pas été adressés à la Société 
par les auteurs. Il y aura lieu, néanmoins, dans ce 
cas, à un vote spécial pour chaque ouvrage. 


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— 3 — 

M. Massillon Rouvet donne communication des 
principaux travaux lus à la Sorbonne pendant la 
session des sociétés savantes. 

M. le docteur Subert fait hommage à la Société 
des rapports sur les travaux des conseils d’hygiène 
publique et de salubrité du département de la 
Nièvre pendant les années 1880, 1881 et 1882. 


UN MOT SUR LA CÉRAMIQUE. 

En publiant son beau travail sur la faïence, notre ancien 
collègue M. du Broc de Segange se plaignait de l’extrême 
pénurie de documents devant laquelle il s 'était trouvé pour 
aborder l’histoire de la céramique nivernaise. 

Depuis lors, vingt années se sont écoulées, et bien des do- 
cuments nouveaux ont dû éveiller l’attention des chercheurs, 
et leur mention me semble de nature à prendre place dans 
notre Bulletin . 

Dernièrement M. de Flamare signalait le passage de 
quelques marchands du Bourbonnais, qui venaient faire 
emplette à Nevers des divers produits céramiques qui s’y 
fabriquaient vers le commencement du dernier siècle. 

Or, voici une lettre curieuse sur plus d’un point qui cons- 
tate l’importance commerciale de la faïence. 

Cette lettre est datée de Blois du 16 mars 1736 ; elle est 
adressée à M. le baron Pierre de Frasnay, seigneur de Neuvy- 
le-Barrois ; elle est ainsi conçue : 

« Nous avons l'honneur de vous réitérer par celle-cy que 
» toute la recepte de la foire de la Saint-Jean sera pour vous, 
» tant de nos marchandises de cristaux, verrerie, que de 
» faïence de Rouen et la vôtre que nous avons. 


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- 4 — 


» Nous espérons une bonne vente malgré la mauvaise 
» année. 

* Vos fermiers pourront-ils nous donner des assorts qui 
» nous sont nécessaires pour écouler nos marchandises ; nous 
b savons qu’ils en ont livré peu à Orléans, et qu’ils n’ont 
3 pas vendu en apparence trop cher le bleu et brun de suie à 
• quatre livres la douzaine, et cinquante sols le blanc bien 
b assorty. 

b Sinon, nous irons à Nevers, ne pouvant nous passer dudit 
b assort ; et nous n’irons à Neuvy que pour avoir le plaisir 
b de vous assurer et à Madame votre épouse de nos respects. 

b Marquez-nous, s’il vous plaît, pour la route et quel 
b chemin nous prendrons, pour les voitures les plus com- 
3 modes; nous serions partis à cheval sans que nous comptons 
b venir avec les marchandises. 

b Veuillez, etc. 

» Badaire père et fils. » 

Il convient de dire ici que Pierre de Frasnay était devenu 
seigneur de Neuvy-le-Barois (ou Neuvy-sur-Allier) en 1725. 
Il voulut établir peu de temps après une fabrique de faïence 
à l'instar de Nevers, dans les dépendances mêmes du château 
de Neuvy. Il y appela les ouvriers, les artistes et les maîtres 
faïenciers qu’il recruta à Nevers. 

En 1735 , il affermait sa manufacture à Claude- Rodrigue 
Duplessis et à François Duplessis, l’un et l’autre peintres en 
faïence, demeurant audit Neuvy et à Nevers. 

Nous comprenons maintenant comment Pierre de Frasnay, 
que nous avons fait connaître comme auteur dramatique, 
put concevoir la pensée de composer en 1735 son fameux 
poème didactique sur la faïence. Il avait sous les yeux tous 
les secrets de la fabrication. 

§ 

L’auteur de l’histoire des faïences hispano-moresques et 
des céramiques de Moustiers, M. Charles Daviilier, vient de 


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- 5 — 


mourir à Paris ; c'est une perte pour les lettres et pour les 
arts ; il a légué au musée du Louvre sa riche collection parti- 
culière que nous avions visitée plus d’une fois. 

Un jour, M. Davillier me communiqua un document qui 
*ntéressait notre cité et qu’il avait rapporté de ses voyages en 
Espagne. C’était une supplique adressée à Ferdinand VI par 
Claude Seigne, fils de François Seigne, manufacturier à 
Nevers, et qui avait été appelé par le roi pour diriger comme 
contre-maître une faïencerie à Aranjuez. 

Notre Nivernais sollicitait un congé pour cause de santé. 
Il ajoutait que les ouvriers qu'il avait dressés ne manquaient 
point d’habileté et que déjà ils savaient fabriquer des gobelets. 

M. Davillier, en me laissant prendre copie de la supplique, 
qui est signée Glaude Seigne, se réservait de la publier à son 
nom. J’ai pensé que je pouvais la reproduire actuellement. 
Ce document prouve ce que nous savions déjà, c'est que les 
ouvriers et artistes des manufactures de Nevers allaient par 
tout pays porter leur enseignement industriel et puiser eux- 
mêmes les nouveaux secrets et les nouveaux genres qu’ils 
introduisaient dans la fabrication nivernaise. 

L. ROUBET. 


LES JEUX DE PAUME A NEVERS ( i ). 

Nous avons eu déjà l’occasion de faire connaître dans le 
Bulletin (2), à propos des réjouissances du jour de Pâques, 
l’usage fort ancien à Nevers du jeu de paume ou de la pelote 
(pilota). La pelote n’est autre chose en effet que la balle (pila) 
dont on se sert pour ce jeu , et que l’on devait renvoyer non 

i 

(1) Voir dans le volume précédent le procès-verbal du 3 o no- 
vembre 1882. 

{2) Tome VIII, Drames liturgiques. 


1 


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— 6 — 


pas avec une raquette, comme cela se fit plus tard , mais avec 
la paume de la main (lusus pilœ cum palma). Dans le nord 
de la France, où tant de coutumes anciennes sont demeurées 
en vigueur jusqu’à ce jour, on voit encore chaque dimanche, 
après vêpres, à la sortie de l’église, les jeunes gens lancer 
d’un bras vigoureux la balle qu’ils appellent indifféremment 
la paume ou la pelote. 

Donc, au treizième siècle , le soir de Pâques , après dîner , 
(post prandium), les chanoines de Saint-Cyr réunis à l’évêché 
(in curia episcopi) , ne croyaient pas déroger à leur dignité 
en venant lancer les pelotes (fcrire poletas), et l’évêque, 
loin de condamner , après les grandes pénitences quadragé- 
simales, cette innocente distraction, avait inscrit, en 1287, 
sur son registre-terrier, parmi ses redevances, l’obligation de 
faire servir des rafraîchissements à tous ceux du chœur qui 
y prendraient part (item episcopus debet dare ad potandum 
omnibus illis qui sunt de choro , qui veniunt in curia 
episcopi...) 

Dans le siècle suivant , le chapitre , de son côté , rappelait 
dans ses statuts que, d’après une antique coutume (de anti - 
qua consuetudine usitatum), les nouveaux chanoines sta- 
giaires doivent fournir des pelotes et aussi des rafraîchisse- 
ments (debent vinum bonum et pilotas) à tous ceux du chœur 
(omnibus de choro), le lendemain de Pâques; seulement, 
cet usage était alors renvoyé au lendemain de la Pentecôte et 
aux jours suivants. 

Dans un réglement du chapitre d’Auxerre, du 18 avril 
1396 , il était spécifié que la pelote sans être trop grosse ne 
devait point cependant être si petite qu’on pût la tenir d’une 
seule main , mais de telle grosseur qu’il fût nécessaire d’y 
mettre les deux mains pour l’arrêter (1). 

L’usage persistait encore au commencement du seizième 
siècle. Cependant, en 1531, un chanoine d’Auxerre, Laurent 

(1) Rational des divin ' offices , traduction de M. Ch. Barthélemy, 
t. IV, p. 448. 


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Bretel, ayant refusé d'assister à la réjouissance du pilota, les 
zélateurs de l’antiquité, dit l'abbé Lebeuf, s'insurgèrent; 
mais comme l'évêque, François de Dinteville, désirait l'abo- 
lition de cet usage , un procès-verbal fut envoyé à la cour du 
Parlement qui , le 7 juin 1 538 , prononça que la complainte 
des doyen , chanoine et chapitre d'Auxerre étoit non rece- 
vable , qu’à l’avenir la cérémonie serait réformée et qu’elle se 
ferait sans aucune oblation de pelotte en forme sphérique 
ni aucune comessation (repas). 

11 est à remarquer que le chapitre clerici du droit-canon 
ne défendait pas ce jeu aux ecclésiastiques. Des person- 
nages très-graves, comme Auguste et Antonin le Philosophe, 
s’adonnaient au jeu de paume et, parmi les chrétiens , des 
magistrats du premier rang en prenaient le plaisir. On voit 
dans une lettre de saint Sidoine , fils des préfets du prétoire, 
qu’il se retirait souvent à sa maison de campagne , et que là 
il se divertissait avec son beau-frère à jouer à la paume 
( pilæ vacamus) dans une allée de tilleuls , jusqu’à ce que la 
pelote fût usée et hors d’état de servir ( consumpto sphæris - 
terio). 

C’est donc l’abus seulement qui était condamné. 

Aussi bien , dans la seconde moitié du seizième siècle , un 
vénérable chanoine de Nevers, messire Étienne Tenon, et 
son frère noble homme maître Guillaume Tenon , élu pour 
le roi en l'élection de Nivernais, sont-ils possesseurs, à Nevers 
même , d’une maison assise au bourg Saint-Étienne , en la 
rue des Bourgeois (1) , où pend pour enseigne la Salemande 
et communément appelée la maison du jeu de paulme de la 
Salemande . 

Bien plus , dans le bail que les deux frères Tenon font , 
le 26 juillet 1564, de leur maison, à François Leclerc, mar- 
chant, demeurant à Nevers, et à Gabrielle Garnier, sa femme, 
les preneurs et leurs hoirs se reconnaissent tenus , outre les 
redevances pécuniaires annuelles, à recevoir ledit messire 

(1) Aujourd’hui rue du Lycée. 


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- 8 — 


Étienne Tenon « toutes fois qu’il lui plaira aller jouer audit 
jeu de paulme et lui bailler des esteufz blancs, et pour ceux 
qu’il perdra n’en payera que trois deniers pour pièce, et s’il 
n’en perd plus de trois, n'en paiera aucune chose, » laquelle 
condition, après le décès dudit « maistre Estienne, » retour- 
nera à Guillaume Tenon, son frère ( i). Parmi les charges du 
bail, il est aussi noté que les preneurs devront fournir 
annuellement « deux douzaines d’esteufz blancs (2). * 

Le jeu de paume , ainsi tenu en honneur par les clercs , 
était de même le divertissement accoutumé des grands 
seigneurs. Nos archives locales nous en donnent fréquem- 
ment la preuve. Au mois de septembre 1460, Madame la 
comtesse de Nevers ayant fait sa nouvelle entrée à Nevers, 
avec Mgr d’Albret , son père, les échevins leur firent donner 
deux quarts de vin et une boîte de dragées, un jour des 
Quatre-Temps qu’ils sont allés « après dyner, 1 en la maison 
de ville, voir jouer à la paulme ( 3 ). 

Le 14 novembre de la même année, M. le comte de 
Charolais faisant aussi sa joyeuse et nouvelle entrée à 
Nevers , il va voir jouer à la paume avec Monsieur le comte 
de Nevers et Madame, et on lui donne dragées, pain, vin et 
épices. 

L’année suivante, au mois de février 1461, M. le comte 
d’Étampes, frère du comte de Nevers, étant venu en cette 
ville, après une absence de plus de vingt années, les échevins 
le reçurent avec de grands honneurs et lui firent de nombreux 
présents. 

Le soir, dit le receveur Philibert Poimbeuf, mesdits sei- 
gneurs de Nevers et d’Étampes et Madame la comtesse étant 
allés, o pour leur plaisance *, regarder jouer à la paume en la 


( 1 ) Minutes Taillandier, archives des notaires. 

( 2 ) L 'esteuf, que Ton prononce éteuf \ était une petite balle foi le 
d'étoffe et garnie aussi d'étoffe, comme l'indique le vieux mot latin 
stoffus, étoffe. (Dictionnaire de Littré.) 

(3) Archives communales, comptes, série CC. 36. 


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- 9 ~ 


maison de ville, on leur offrit la collation , dont le menu 
consistait en douze quartes de vin tant blanc que vermeil , du 
pain blanc, des poires, « noizetes, noiz » et autres fruits (i). 

Il y avait donc un jeu de paume dans l’hôtel de ville, et 
voici comment: Lorsqu’en 1433 Jean Bourgoing, « hu- 
chier » (2), qui avait acheté les bâtiments abandonnés de 
Y Hôpital-Neuf y dans la rue des Merciers, les eut revendus aux 
échevins qui voulaient y établir leur maison commune , ces 
constructions reçurent dès le premier moment le nom de 
Maison-de - Ville ( 3 ). Or, un jeu de paume, établi peut-être par 
ledit sieur Bourgoing ou d’origine plus ancienne, était ren- 
fermé dans ces bâtiments, et les seigneurs comtes et leurs 
familiers continuèrent à aller s'y ébattre et à y conduire 
leurs nobles visiteurs. 

Au dernier siècle encore, en 1767, la ville fait faire des 
réparations « au jeu de paulme » (4). 

Cependant le comte dut avoir bientôt son jeu de paume 
particulier dans son château de Nevers. Un ancien terrier de 
Thôpital mentionnant les redevances qui lui appartiennent 
en la paroisse de Varennes-les-Nevers , observe qu’elles 
avaient été données en janvier 1 559 par le duc de Nivernais, 
en récompense de plusieurs maisons « où est le jeu de paulme 
du chasteaul », lesquelles maisons étaient anciennement 
portées et tenues de l’hôpital ( 5 ). 

Un titre de 1600, relatif à une maison assise en la rue des 
Ouches la délimite en ces termes: « Tenant d'une part à 
Testable et scellier de noble seigneur Jehan de Damas, baron 
d’Anlezy, d’autre aux murailles du chasteaul et du grand 
jeu de paulme de Monseigneur le comte de Nevers . 

Dans l’arrêté pris au commencement de ce siècle (4 mai 

(1) Archives communales, CC. 57. 

(2) Et non huissier, comme le porte l'édition très-souvent fautive 
des Archives de Nevers , de Parmentier. 

( 3 ) Archives de Nevers , t. I #r , p. 1 3 2- 1 3 3 . 

{4) Archives communales, CC. 218. 

'b) Archives hospitalières de Nevers, B. 5 o. 


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10 


1809) pour la démolition et la reconstruction du mur du 
château donnant sur la rue des Ouches, lequel mur, dit l’ar- 
rêté, surplombe par suite des déblais de la nouvelle rue (la 
rue Sabatier) qui conduit de la promenade du château à la 
place du Marché-aux-Blez, il est aussi noté, comme pour 
conserver un dernier souvenir, que les déblais ont été déposés 
dans remplacement de Y ancien jeu de paulme f attenant le 
château. 

Dès le seizième siècle les jeux de paume étaient entrés dans 
le domaine public, et dès-lors ils se multiplièrent (1). Outre 
celui de la Salemande y dans la rue actuelle du Lycée , alors 
rue des Francs-Bourgeois, voici celui de la Cigogne, en la 
paroisse Saint-Arigle. En 1 565 , le i er octobre, honorable 
homme Nicolas Gryngoreaul, marchand « estuvier » demeu- 
rant à Nevers, vend à maître Jacques Desprez, élu pour le 
roi en l’élection de Nivernais, une redevance annuelle et 
perpétuelle de 8 livres 6 sols 8 deniers tournois , constituée 
sur la maison où lui Gringoreaul fait sa demeurance et qu’il 
a naguère acquise de honorable homme maître Guy Coti- 
gnon, secrétaire de Mgr le maréchal de Bourdillon; laquelle 
maison , ci-devant appelée la maison de la beufve , tenant 
d’une part à la rue qu’on descend derrière l’église Saint-Ari- 
gle à la porte Saint-Nicolas, dite du Pont-Cizeau, et d’autre 
à la maison presbytérale de la cure de Saint-Arigle , il a fait 
reconstruire, y faisant faire un jeu de paulme , et y plaçant 
pour enseigne « la Cycoingne » (2). 

La maison du « jeu de paulme de la Cigongne » apparte- 
nait en 1592 à noble homme Claude Miron, prévôt en la 
maréchaussée de Nivernais, qui l’affermait pour cinq années 
à Jehan Guelot, maître paulmier, moyennant le prix de 

(1) < Je donneray le premier lieu à celuy (le jeu de paulme) auquel 
on peut aussi dire la nation françoise estre plus adonnée qu'aucune 
autre : tesmoin le grand nombre de tripots qui sont en cette ville de 
Paris. » (Dictionnaire de Littré, citant H. Estienne, le célèbre éditeur, 
mort à Lyon en i 520 .) 

( 2 ) Archives des notaires, minutes Taillandier. 


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» 


— II — 

27 écus 40 sols , payables par chacun ail , à quatre termes 
égaux, et aussi à la condition que ledit Guelot sera tenu 
c faire sa demorance audit jeu de paulme , le faire valoir, 
l’entretenir de racquettes, battouers, esteufs, balles et aultres 
choses appartenant audit jeu ». 

Plus anciennement encore devait exister le jeu de paume 
des Quatre-Fils-Aymon. Déjà, en 1 53 o, les échevins faisaient 
sortir de la ville un bonnetier demeurant près les Quatre - 
Fils-Aymond , parce que deux de ses enfants étaient morts 
de la peste. Un acte de 1558 cite la maison où pend Y ensei- 
gne des quatre fil\ Emond , sise à l’extrémité d'une petite 
ruelle venant de la descente de la montée du château à la 
rue de la Costellerie (aujourd'hui rue de l’Oratoire). Le 
dernier jour de juin i 6 o 3 , par-devant le notaire Taillandier, 
François Berthelot, marchand, demeurant à Nevers, baille 
et accense pour trois années, commençant au jour de la 
nativité de saint Jean-Baptiste dernier et finissant à pareil 
jour, à Claude Drault, a maistre paulmier », demeurant 
audit Nevers, « ung jeu de paulme assis en cette ville, 
appellé le jeu des Quatre-Fils-Aymon , avec la chambre 
joignant ledit jeu », moyennant le prix de 65 livres par 
chacun an, payé par moitié aux termes de la nativité de 
Notre-Seigneur et de saint Jean-Baptiste. Un acte de vente 
du 22 octobre 1 638 fait mention de la maison et <* tripot 
entiennement appellé les Quatre-F ils- Edmond », qui a ci- 
devant appartenu à François Berthelot, puis à Charles Carré, 
et a été ensuite vendue et adjugée par décret à noble homme 
et sage maître Christophe Cochet, avocat général au domaine 
de Nivernais, et à maître Thomas Berthelot, marchand à 
Nevers. 

Le souvenir de cet ancien établissement est aujourd’hui 
rappelé par la rue qui en porte le nom. 

Dans le siècle suivant, il est fréquemment question d'un 
autre jeu de paume et tripot appartenant aux Gascoing, 
dans la rue des Merciers. En 1696, le conseil de ville 
c >nsent l’acquisition d'une maison appartenant à maître 


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i 


— 12 — 

Claude Girard de Cheugny, élu en l'élection de Nevers, 
ladite maison tenant par le devant, du midi à la rue de 
la Maison-de-Ville (rue Traversière avant son prolon- 
gement pour la création de la rue de la Banque en 1 865 ), du 
couchant à l'hotel commun de la ville , du septentrion à la 
rue de Rome et du levant au jeu de paulme des Gascoing [\). 
Cet établissement était occupé en 1689 P ar Antoine Delorme, 
maître paulmier. Il y eut alors une procédure à la requête de 
François Baillet, compagnon paulmier de la ville de Châlons 
en Champagne , demeurant audit « jeu de paulme des Gas- 
coing », à l’encontre des nommés Bouteron, fils d'un paumier 
de Moulins en Bourbonnais, et Mesnier, compagnon paul- 
mier, accusés d’avoir cherché querelle audit Baillet et de 
l’avoir violemment frappé (2). 

De l'ancien jeu de paume il ne reste plus aujourd’hui 
qu’un léger souvenir dans le nom du café de la Paume, qui 
paraît occuper, en etfet, remplacement du premier jeu de 
paume de la rue des Merciers. 


L’abbé BOUTILLIER. 


SÉANCE DU 31 MAI 1883. 

Présidence de M. Roubet, président. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire ; Bricheteau, trésorier ; Henri 
Canat, conservateur du musée ; M. Canat, Ré- 
gnault, Chevrier, Charles du Verne, Victor du 


(1) Archives communales, registre des délibérations, BB. 32. 

( 2 ) Archives communales, dénonciations, FF. i5. 


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— i 3 - 

Verne, le comte de Maumigny, de Villefosse, 
Blaudin-Valière, deChalvron, Henri d’Assigny, 
Robelin, Carimantrand , P. Perreau, Edouard Ma- 
randat, Duminy, Charbonnier, l’abbé Crosnier, 
l’abbé Thépenier, l’abbé Rolland, Col, l’abbé 
Dubarbier, l’abbé Girard, Lhospied, l’abbé Pot, 
de Flamare, de La Fargue, Michot, de Villenaut, 
l’abbé Boitiat, Thévenin, Léonard, l’abbé Dufrène, 
de Rosemont, Massillon Rouvet. 

M. Bricheteau, trésorier de la Société, donne 
lecture de la situation financière du 31 décembre 
1882 au 31 mai 1883. 

Nous la reproduisons au Bulletin : 

Situation financière de la Société nivemaise du 3 1 décem- 
bre 1882 au 3i mai i883. 

DÉPENSES. 


Mémoire de M. Vallière, imprimeur 2, 1 a 5 r 35 

Fournitures et déboursés de M. Morin- Boutillier. 89 i 5 
Dépenses diverses 149 90 

Total 2,364 4 ° 


RECETTES. 

Solde en caisse au 3 i décembre 1882 1 ,6 1 8 f 12 

Cotisations en 1 883 1,460 » 

Versé par M. Morin-Boutillier 47 50 

Versé par M. Michot 98 60 

Total 3,224 22 

Solde en caisse au 3 i mai r 883 859 f 82 


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M. le président Roubet prend la parole pour 
rendre hommage à M. l'abbé Laborde, notre 
regretté confrère, décédé le 22 mai 1883. 

« Nous avons, dit-il, le douloureux devoir de 
vous rappeler la perte récente qui vient d’atteindre 
notre Société. La mort de M. l’abbé Laborde, ce 
collègue si modeste , si savant et si sympathique , 
laisse un grand vide parmi nous. 

» Je crois me faire aujourd’hui l'interprète de 
tous en signalant ici les profonds regrets que nous 
vouons à une mémoire si aimée et si nivernaise. 

» Mais c’est peu que de lui accorder quelques 
paroles à inscrire dans un froid procès-verbal ; 
nous espérons que MM. les abbés Boutillier et Pot 
voudront bien reproduire dans notre Bulletin une 
note complète sur les travaux et la vie d'un des 
premiers fondateurs de notre Société. » 

L’ordre du jour appelle la nomination du bureau 
qui, aux termes du réglement, doit être renouvelé 
tous les trois ans. 

Le nombre des membres présents , après appel 
nominal , s’élève à 39. 

39 bulletins sont déposés dans l’urne. Le dépouil- 
lement du scrutin donne le résultat suivant : 

Pour les fonctions de président : 


MM. Roubet a obtenu 3 o voix. 

le docteur Jacquinot 5 — 

de Villefosse 2 — 

de Lespinasse 1 — 


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— 15 — 

Pour les fonctions de vice-président : 

MM. l’abbé Boutillier a obtenu. ... 33 voix, 

de Lespinasse 5 — 

Pour les fonctions de secrétaire : 

M. de Toytot a obtenu 34 voix. 

Voix perdues 5 — 

Pour les fonctions de vice-secrétaire : 

MM. Morin-Boutillier a obtenu. ... 26 voix. 

l’abbé Soyer 7 — 

Lhospied 4 — 

Marandat 1 — 

Pour les fonctions de bibliothécaire : 

MM. Duminy a obtenu 32 voix. 

l’abbé Boutillier 4 — 

Henri Canat 1 — 

Léonard 1 — 

Bulletin blanc 1 — 

Pour les fonctions de trésorier : 

M. Bricheteau a obtenu 38 voix. 

Pour les fonctions d ’ architecte : 

MM. Lutz a obtenu 22 voix. 

Massillon Rouvet 14 — 

Pour les fonctions de conservateur : 

M. Canat a obtenu 38 voix. 


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— i6 — 

M. le Président adresse alors à la Société l'allo- 
cution suivante : 

Messieurs , 

Si nous étions constitués en académie, vous vous trouveriez 
à cette heure exposés bien volontairement à entendre un 
discours présidentiel. 

Fidèle à la bonne tradition , je vous aurais développé tout 
d’abord, et tant bien que mal, quelques considérations sur 
l’esthétique des lettres, des sciences et des arts. 

Puis, redescendu bien vite sur la terre, je vous aurais rap- 
pelé le but de notre association ; j’aurais tenté de faire entre- 
voir aux travailleurs les carrières qui, jusqu’à ce jour, n’ont 
pas encore été suffisamment explorées ; j’aurais indiqué 
certains faits qui restent à éclaircir dans nos chroniques ; 
enfin, je vous aurais entretenus avec prédilection de l’étude si 
féconde, si intéressante de l’antiquité, en vous mettant en 
rapport avec le sol du cher Nivernais, dont le contact a le 
privilège de nous communiquer des forces toujours nou- 
velles. 

Si nous étions une académie, notre sympathique secrétaire 
perpétuel eût pris la parole à son tour : il vous eût énuméré 
les travaux accomplis depuis le jour oti vous nous avez 
conviés à continuer la difficile mission qui , pendant tant 
d’années , a été le digne apanage de l’illustre et regretté fon- 
dateur de notre Société ; il vous eût alors rappelé les diverses 
communications historiques et archéologiques qui sont venues 
à chacune de nos séances ajouter quelque chose à nos annales 
locales. 

Sans effleurer la modestie ou la susceptibilité de nos colla- 
borateurs, il eût dit « que si notre Société n’a pas offert 
toujours des fruits rares et recherchés, elle a été au moins 
exempte de produire des fruits atteints de pâleur et de 
siccité ». 

En terminant, il n’eût point omis, j’en suis sûr, d'accorder 


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— 17 — 


de justes remercîments à notre zélé conservateur et aux géné- 
reux donateurs de notre musée lapidaire. 

Mais , Messieurs , telles ne sont pas nos conditions respec- 
tives : nous ne sommes point une académie exigeante et 
fermée ; notre porte du Croux a dès longtemps levé sa herse, 
et pour arriver à cette salle, ou peut-être s’accomplissait jadis 
la veillée des armes, il suffit de faire preuve de bonne volonté 
et de manifester son penchant pour les lettres et les arts. 

Aujourd’hui , il n’incombe donc à votre président qu’une 
tâche facile et toute gracieuse : c’est celle de vous témoigner, 
tant en son nom qu’au nom de ses auxiliaires, toute la grati- 
tude qui vous est due pour l’honneur que vous leur avez fait 
en les appelant à siéger à ce bureau. 

Malgré quelques vagues appréhensions qui pouvaient 
naître dans les esprits les meilleurs , notre Société a , depuis 
trois ans, suivi son cours normal , modestement mais sûre- 
ment. Quarante nouveaux collaborateurs sont venus à nous, 
et le grand nombre de nos collègues qui se pressent aujour- 
d’hui dans cette enceinte trop étroite, proteste suffisamment 
de la vitalité de notre association. 

Je me trouve en rapport assez direct avec plusieurs sociétés 
historiques et archéologiques; eh bien! on s’y plaint momen- 
tanément de l’indifférence et de la pénurie des travailleurs. 

Grâce à Dieu, notre Société n’est pas atteinte par ce malaise 
passager : les mémoires, les monographies, les chartes incon- 
nues qui nous restent à publier ne font point défaut ; mais , 
hélas ! nous avons à compter avec le prudent administrateur 
de nos finances, qui sait modérer notre 'ardeur et qui nous 
dit : « Tout viendra à bien à qui saura attendre. » 

Aujourd’hui , dans la lutte courtoise qui vient de se pro- 
duire et que comporte à peine la capacité de cette urne, j’aime 
à croire qu’il n’y a ni. victoire ni défaite, pas même de 
blessure. 

Demeuré loin du bord, je veux ignorer si d’aventure quel- 
que souffle capricieux est venu rider la surface d’un verre 
d’eau. 

t. il, 3* série. a 


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— i8 — 


Nous faisons donc appel de bien grand cœur à cette confra- 
ternité auxiliatrice qui contribue à diffuser les secrets de 
l’érudition , en même temps qu’elle entretient de sympathi- 
ques relations. 

Dans les suffrages que vous venez d'exprimer je ne veux 
voir, Messieurs , qu'un satisfécit aux efforts plus ou moins 
heureux que nous avons consacrés à notre œuvre commune 
et un encouragement à y persévérer. 

Il y a trois ans, nous vous promettions assiduité et travail ; 
aujourd'hui nous vous devons encore plus de zèle, encore 
plus de labeur. 

Et grâce à la bonne volonté de tous , notre Société pourra, 
j’en ai l'espoir, répéter la devise de l’un de nos ducs, inscrite 
sur quelque pierre de ce musée : 

Nec devio nec retrogradior. 

MM. de Rosemont et H. d’Assigny présentent, 
pour être admis comme membres de la Société, 
MM. Prosper de Berthier-Bizy et le marquis de 
Veyny d’Arbourse. 

MM. de Chalvron et de Rosemont présentent 
au même titre M. Roger de Cotignon. 

Après le dépouillement des bulletins, qui don- 
nent Tunanimité aux candidats, MM. le comte de 
Berthier-Bizy, de Veyny et de Cotignon sont 
admis comme membres de la Société. 


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9 — 


SÉANCE DU 28 JUIN 1883. 

Présidence de M. Roubet, président. 

Étaient présents: MM. Roubet, président-, 
l'abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire ; H. Canat, conservateur du 
musée ; Chevrier, le docteur Subert, l’abbé Soyer, 
Robelin, Marandat, l’abbé Fouché, H. d’Assigny, 
Robert Saint-Cyr, de Flaraare , Massillon Rouvet, 
de Pierredon, de La Fargue, l’abbé Roland, le 
comte V. de Maumigny, de Villefosse, de Rose- 
mont, l’abbé Pot. 

M. Massillon Rouvet renouvelle la demande 
qu’il a faite précédemment au sujet du catalogue , 
ou tout au moins de la liste des ouvrages et bro- 
chures de la bibliothèque de la porte du Croux , 
afin que ces ouvrages puissent être utilement 
consultés. 

M. le Président répond que ce travail sera fait 
ultérieurement et que même il pourra être imprimé 
à la suite du prochain Bulletin. 

MM. H. d’Assigny et de Pierredon présentent 
comme membre de la Société M. le lieutenant- 
colonel V 1 ® Paul de Maumigny. 

Après le vote au bulletin sècret , M. le V Paul 
de Maumigny est admis. 

Lecture est donnée par M. le Président d’une 
lettre adressée à la Société par M. le docteur 
Jacquinot au sujet des dernières élections. M. le 
docteur Jacquinot proteste contre l’usage qui a été 


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— 20 


fait de son nom sur la liste affichée aux murs de la 
porte du Croux. M. le docteur Jacquinot remercie 
les membres qui lui ont donné leurs voix, mais il 
affirme que cette candidature a été posée sans son 
consentement et à son insu. 

M. Massillon Rouvet déclare prendre la respon- 
sabilité à lui seul de la liste sur laquelle figurait le 
nom de M. le docteur Jacquinot. 

M. l’abbé Boutillier donne lecture de quelques 
pages d’un travail qu’il prépare sur les anciens 
artistes de la ville de Ne vers. Cette intéressante 
étude devra être insérée au Bulletin ; mais la 
Société exprime le vœu que la nomenclature des 
oèuvres signalées et relevées par M. l’abbé Boutil- 
lier dans les papiers de la chambre des notaires et 
les diverses archives de la ville soit complétée par 
quelques détails, et notamment par la situation 
présente des sculptures et des monuments actuel- 
lement existants. 

M. le président Roubet donne communication 
d’une note relative à la découverte de jetons trou- 
vés dans une maison en démolition à Paris , près 
de Saint-Séverin , frappés à l’occasion des filles de 
Nevers aumônées. 

M. le Président donne lecture d’un question- 
naire de M. Rohault [de Fleury relatif aux monu- 
ments et objets liturgiques antérieurs au treizième 
siècle que la Société pourrait posséder ou tout 
simplement connaître. 

Les renseignements demandés sont relatifs aux 
plus anciens monuments de la messe et sont des- 


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21 — 


tinés à compléter le grand ouvrage intitulé : La 
Messe. Études archéologiques sur ses monu- 
ments, , par Ch. Rohault de Fleury, auteur du 
mémoire sur les instruments de la Passion. 

M. de Toytot donne connaissance d’une lettre 
qu’il a reçue de M. Georges Veyret, Nivernais, qui 
vient de fonder un cabinet spécial pour recherches 
et copies de manuscrits à faire dans les bibliothè- 
ques et archives de Paris. 

M. Georges Veyret, qui demeure à Cormeilles- 
en-Vésin (Seine-et-Oise) , se met à la disposition 
de la Société. 


SÉANCE DU 26 JUILLET 1883. 

Présidence de M. Loubet, président. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; Léonard, Canat, 
l’abbé Soyer, Chevrier l’abbé Fouché, de Lespi- 
nasse, Robert Saint-Cyr, Duminy, l’abbé Pot, 
Hippolyte Blanc, de La Fargue, de Flamare, Mas- 
sillon Rouvet, de Pierredon, Ernest de Toytot, 
secrétaire. 

M. Canat demande à ce qu’au catalogue déjà 
publié de la porte du Croux on ajoute celui des 
nombreux objets qui sont venus depuis cette 
époque enrichir le musée. 

M. l’abbé Pot donne lecture d’une intéressante 
notice sur la vie et les ouvrages de M. l’abbé 
Laborde , notre savant et regretté collègue. 


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22 — 


Ce travail sera inséré au Bulletin . 

M. Ernest de Toytot, comme secrétaire, demande 
au nom de M. de Lespinasse qu’il soit donné suite 
au vote précédemment acquis de l’impression du 
Cartulaire de La Charité , dont le manuscrit, 
très-précieux pour l’histoire du Nivernais, est mo- 
mentanément en sa possession. 

M. de Lespinasse a la parole pour expliquer le 
travail qu’il propose. Il offre de publier intégrale- 
ment le manuscrit du Cartulaire , qui contient 
158 pages. 

Dans ces conditions, M. de Toytot estime que 
l’impression sera plus avantageuse et moins oné- 
reuse que celle qui a été votée il y a un an. 
Au lieu de 1,2c» pages il n’y en aurait que 450 
environ. 

Sous le bénéfice de ces observations, M. le Pré- 
sident dit qu’il n’y a pas lieu à un vote nouveau , 
puisque cette décision, prise l’année dernière, sub- 
siste dans son entier. L’impression aura donc lieu 
le plus tôt possible par fascicules , conformément 
au vote du 27 août 1881. L’ouvrage sera imprimé 
en caractères pareils à ceux du Bulletin et tiré à 
450 exemplaires, dont 50 réservés à M. de Lespi- 
nasse , les fascicules se suivront par la pagination 
et pourront être brochés en volume. 

M. le Président donne lecture d’une lettre de 
M. R. Brothier de Rollière, demandant des rensei- 
gnements sur une de nos illustrations nivernaises, 
l’abbé Brothier; il se propose d’écrire une notice 
sur la vie de notre savant compatriote. 


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— 23 — 


Cette lettre elle-même fournit quelques docu- 
ments intéressants sur la vie de M. Brothier. 

M. l’abbé Pot communique à la Société l’em- 
preinte d’un sceau trouvé entre Tâche et Moiry, 
commune de Saint-Parize. Ce sceau, de forme 
orbiculaire, porte la légende : f s. hvgonis. de. 
noiers. moach., et dans le champ , deux écussons 
très-pointus, suspendus aux rameaux d’un arbre 
placé au milieu, et présentant, l’un un lion, l’autre 
trois bandes. 

M. l’abbé Boutillier rappelle que, dans une pré- 
cédente séance, M. Perreau, notaire à Saint- 
Benin-d’Azy, avait communiqué aussi à la Société 
un sceau de forme elliptique offrant dans le champ 
un oiseau de proie , empiétant un autre oiseau dont 
il becquète la tête, et autour cette légende : 
f s. ioh’is. de. loriaco. cl’ici. (Sigillum Johannis 
de Loriaco clerici.) Ce sceau a été trouvé à Langy, 
commune de Ville-les-Anlezy. Il ressemble beau- 
coup au sceau de Jean Picard, clerc, décrit par 
par M. le comte de Soultrait dans sa Notice sur 
les sceaux du cabinet de M e Febore, de Mâcon 
(page 40). M. de Soultrait observe que le type de 
ces sceaux se retrouve assez fréquëmment au trei- 
zième siècle, et figure un oiseau dressé pour la 
chasse capturant une proie. 

M. Massillon Rouvet demande qu’il soit fait 
mention d’une erreur commise dans une précédente 
séance. L’épée qui a été déposée sur le bureau de 
la Société avait été présentée au nom de M. Per- 
rier, horloger à Nevers ; M. Massillon Rouvet, en 


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- 24 — 

apportant cette épée sur le bureau, n’était que le 
mandataire de M. Perrier. 

Le même membre demande en outre qu’il soit 
fait communication à chaque séance des dépôts 
des Revues et Bulletins des sociétés savantes. 

M. Massillon Rouvet ajoute que dans le procès- 
verbal de la séance du 28 décembre 1882, en ren- 
dant compte de la discussion sur le bas-relief du 
château de Cuffy, on a oublié de faire mention que 
le dessin de ce bas-relief avait été exécuté par lui. 

Il est voté des remerciements à M. Ligeron pour 
le don qu’il a fait à notre musée , sur les instances 
de MM. H. Canat et Chevrier, des fragments du 
tombeau de Yolande de Bourgogne, première fon- 
datrice du couvent des Cordeliers de Nevers. 


NOTICE SUR M. L’ABBÉ LABORDE. 

Edmond-César Laborde naquit à Nevers le 17 janvier 1808. 
Les sentiments de droiture et d'honnêteté qui étaient le fond 
de son caractère s’étaient développés merveilleusement sous 
l’exemple de ses parents , chez qui brillaient toutes les qua- 
lités qui font l’honneur et la félicité du foyer domestique. De 
si dignes parents placèrent leur enfant au petit séminaire, 
qui, sous la direction de M. l’abbé Sautot, attirait la con- 
fiance de bon nombre des meilleures familles du département. 
Il fit ses études avec distinction et entra au grand séminaire. 
Ses nouveaux professeurs remarquèrent bien vite en lui une 
rare aptitude pour les sciences , et on l’employa à l’enseigne- 
ment des mathématiques au petit séminaire, dont le supé- 
rieur était alors l’illustre M . Gaumç. 


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— ** — 


Après avoir été ordonné prêtre par Mgr Naudo, il exerça 
le saint ministère pendant quelques mois comme vicaire de 
Saint-Benin-d’Azy, et desservait simultanément la paroisse 
de Limon. Mgr Naudo, ayant remarqué en lui un goût 
prononcé pour l'étude des sciences, l'envoya quelque temps à 
Paris pour se former, sous les leçons des meilleurs professeurs 
de l'époque, au cours de physique et de chimie qu’il voulait 
inaugurer dans son petit séminaire , transféré à Corbigny. 
Entré dans cette maison en i835, il y commença, sous 
la direction de MM. Rouchauce et Sergent, cette savante 
carrière qu’il continua sous M. Cortet à Pignelin, et reprit 
ensuite dans la maison de Saint-Cyr, berceau de son éduca- 
tion. 

Pendant cette carrière, qui dura près d'un demi-siècle, il 
ne cessa de s’illustrer par un grand nombre de découvertes 
d’une grande portée, comme le dit le savant abbé Moigno. Il 
ne nous est pas possible de les rapporter toutes ; nous n’avons 
pas sous la main les documents nécessaires pour cela. Une 
des plus anciennes et des moins connues est celle de la télé- 
graphie électrique. Plusieurs années avant que cette décou- 
verte n’eût été annoncée , il l’avait mise en pratique à 
Corbigny. Il avait établi un courant électrique entre sa 
chambre et celle d’un autre professeur et correspondait ainsi 
avec lui. 

En restant toujours dans le domaine de l’électricité, nous 
rappellerons aussi l’ingénieuse pile de son invention qui, 
sous un petit volume, produit un effet puissant, se basant sur 
ce principe que la force électrique s’obtient moins par la 
grandeur des éléments que par leur nombre. Cette pile, dont 
M. Becquerel s’est servi pour ses belles expériences à l’Aca- 
démie, est d’un maniement facile et n’a que quelques déci- 
mètres de longueur sur un décimètre de largeur. 

Rappelons aussi qu’il apporta des simplifications à divers 
autres appareils, et notamment à la puissante machine de 
Holtz, dont la théorie n’avait pas été expliquée d’une manière 
aussi claire avant lui. Nous ne saurions non plus passer sous 


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— 26 — 


silence la simplification des appareils télégraphiques, qui 
réduit à un seul fil l’action électrique pour les bureaux 
établis sur le même parcours. 

Nous croyons devoir rappeler encore la savante explication 
qu’il donna le premier de ce texte mystérieux du livre des 
Psaumes : Fecit fulgura in aquas . « Il changea la foudre en 
eau, et fit de l’eau avec l’électricité de l’atmosphère. Il décou- 
vrit le premier et prouva par l’expérience directe que l’effluve 
électrique, en pénétrant au sein d’un amas de vapeur d’eau, 
y détermine un abaissement de température et la condense en 
eau. On savait simplement jusque-là que les décharges d’élec- 
tricité dans l’atmosphère sont le plus souvent suivies d’une 
averse d’eau. » (F. Moigno.) 

Nous ne quitterons pas cette question de leiectricité sans 
rappeler l’explication qu’il a donnée dans cette enceinte des 
aurores boréales, cîes orages et des trombes. (2 mai 1872, 
Bulletin de la Société nivemaise , tome VI, 2 • série.) 

Après avoir établi qu’on ne peut guère isoler les grands 
phénomènes de la nature, parce qu’ils se rattachent plus ou 
moins les uns aux autres, et que pour expliquer l’un d’eux il 
est souvent utile d’en faire intervenir plusieurs , il compare 
le globe terrestre à une immense bouteille de Leyde, dont la 
terre forme l’armature intérieure chargée d’électricité néga- 
tive; l’atmosphère remplace le verre, et le vide conducteur 
qui l’enveloppe représente l’armature extérieure chargée 
d’électricité positive ; et après avoir expliqué comment l’air 
échauffé de la zone torride, en s’élevant, entraîne avec lui des 
vapeurs chargées d’électricité positive ; après avoir abandonné 
l’électricité négative à la terre , il explique que pour rétablir 
l’équilibre troublé entre l’atmosphère et la terre, les aurores 
boréales, les orages et quelquefois les trombes sont les grands 
moyens qui se substituent les uns aux autres et se complètent. 

L’analyse du spectre ne pouvait échapper à son esprit inves- 
tigateur, et l’on a pu voir comment, à l’aide d’instruments 
par lui inventés ou modifiés , il a pu simplifier les moyens 
d’arriver à un résultat plus facile et reconnaître promptement 


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— 27 — 

la plupart des métaux et les radicaux d’un grand nombre de 
sels. 16 juillet i 865 , Bulletin de la Société nivemaise , 
tome II, 2 e série.) 

Il a découvert aussi le moyen de mesurer la vitesse insai- 
sissable de la lumière, et vous savez tous que la lettre qu’il 
avait adressée à ce sujet au savant Arago s’est trouvée perdue 
dans l’immense portefeuille de l’Observatoire, et n’a été 
retrouvée que six ans plus tard, au moment où M. Fizeau 
en exécutait l’expérience. (F. Moigno.) 

Les phénomènes les plus insaisissables de la nature, et dont 
le mécanisme échappe à l'observation ordinaire même des 
savants, étaient l’objet continuel de ses observations et de ses 
études. Il a donné des explications fort curieuses sur les 
mouvements ascensionnels, descendants, circulaires, droits 
comme une flèche du vol des oiseaux; et après toutes ces 
savantes observations il finit par avouer, en les voyant 
ralentir leurs mouvements, revenir sur eux-mêmes et conti- 
nuer leur route sans descendre et sans faire un seul mouve- 
ment d’ailes, que si un oiseau mort ayant le même poids , la 
même surface et le même mouvement était à leur place , il 
tomberait comme une pierre, « L’oiseau vivant, continue-t- 
il, aurait-il le moyen de se soustraire à la pesanteur et de la 
combattre ? » Il reconnaît qu’on n'a pu encore expliquer ce 
phénomène parce qu’on ignore ce que c’est que la pesanteur. 
« L’oiseau qui plane dans l’air, dit-il en terminant, sera 
longtemps encore une énigme vivante et comme un défi porté 
à la sagacité du physicien. » [Bulletin de la Société niver - 
naise, séance du 9 juillet 1874, tome VII, 2® série.) 

Une de ses dernières communications est celle relative à 
l’attraction universelle dans tous les corps. Une expérience 
faite en 1798 par le savant Cavendisch l’avait depuis long- 
temps déjà mise en évidence, mais elle exigeait des instru- 
ments si parfaits et des précautions si minutieuses que peu 
de physiciens ont osé la renouveler. Le génie inventif et 
pénétrant de notre collègue a pu , avec un appareil des plus 
simples et à la portée de tout le monde , arriver au même 


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résultat: un fil à plomb suspendu solidement au plafond 
d’une salle et deux corps solides, comme deux pierres de taille 
placées à la suite l’une de l'autre, à droite et à gauche de la 
ligne que devront suivre les oscillations du poids. Ce poids, 
en passant devant la première pierre, subit une attraction qui 
le fait dévier à droite, et en passant devant la seconde, l’at- 
traction qu’il subit concourt à le faire dévier dans le même 
sens. Les premières déviations paraissent peu ; mais en renou- 
velant l’expérience on ne tarde pas à observer une déviation 
très-sensible vers la droite. Après différentes expériences, 
soit avec plusieurs masses, soit avec une seule , il termine en 
disant que pour faire une étude mathématique de ces expé- 
riences il vaudrait mieux n’employer qu’une seule masse 
attractive, parce que les conséquences, qui ne lui paraissent 
pas faciles à établir, sont, comme celles de Cavendisch , très-' 
importantes, puisqu’elles ont servi à mesurer la densité de la 
terre, et cette densité une fois bien déterminée a servi à son 
tour à mesurer la masse du soleil, la masse des planètes et de 
leurs satellites. [Bulletin de la Société nivemaise, tome I er , 
2 e fascicule, séance du 28 juillet 1881.) 

Il travaillait en même temps au téléphone, à l’aide duquel 
il cherchait à arriver à calculer la vitesse du son. La maladie 
qui l’a enlevé est venue mettre fin à ses investigations. 

La photographie, pour laquelle la chimie joue un si grand 
rôle, ne pouvait manquer d’attirer son attention. 11 s’y est 
appliqué dès l’apparition du procédé sur plaque d’argent de 
Daguerre. Par les perfectionnements qu’il y apporta, il obtint 
des épreuves d’un modelé plus profond , d’un aspect plus 
suave et plus velouté. Puis vint le procédé sur papier ; il 
enrichit aussi les épreuves négatives ou clichés de procédés 
plus prompts et d’un effet plus puissant. Vint ensuite le pro- 
cédé au collodion, qui a détrôné complètement les clichés 
sur papier. Il l’a amené en peu de temps à un tel perfection- 
ment que ses procédés ont été adoptés par les meilleurs opé- 
rateurs. Les tons noirs, pourprés, violacés des épreuves sur 
papier sont également une de ses découvertes, et la Société 


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- 29 - 

française de photographie, dont il était une des lumières, lui 
a décerné, il y a quelques années, une médaille d’argent pour 
plus de trente perfectionnements qu’il y avait apportés. Mais 
la plus importante de ses découvertes en photographie est, 
sans contredit , celle qui l'occupait encore quand la mort est 
venue l’arrêter, savoir : son procédé sur émail. Les procédés 
photographiques sont aujourd’hui d’une grande perfection : 
on obtient des épreuves positives sur papier d’une grande 
beauté; mais, il faut le dire avec regret, elles ne sont pas 
durables. Elles s’altèrent plus ou moins promptement, selon 
les soins avec lesquels elles ont été traitées. En peu d'années 
on les voit jaunir, s’altérer et disparaître ; en passant ses 
épreuves au four d’émailleur chauffé au rouge il les fixe pour 
toujours, et elles traverseront le cours des siècles sans s’altérer. 

Nous devons mentionner que MM. Geymet et Alker ont, 
depuis plusieurs années déjà , publié un procédé photogra- 
phique sur le même sujet ; mais les opérations préliminaires 
soht longues et d’une difficulté telle qu’on obtient rarement 
une épreuve satisfaisante au premier passage à la moufle. Il 
faut la retoucher à plusieurs reprises et la repasser au feu 
après chaque retouche, ce qui explique pourquoi ce procédé, 
qui est dans le domaine public depuis une dizaine d’années, 
est si peu répandu et ne peut d’ailleurs être mis en pratique 
que pour des épreuves de petite dimension. Dans le procédé 
de notre collègue, qui n’a de commun avec celui de ces Mes- 
sieurs que le passage au feu, tout est simplifié, et l’on obtient 
au premier coup, comme dans le procédé sur papier, une 
épreuve parfaite, quelle qu’en soit la dimension. 

N’oublions pas d’ajouter qu’à la reconnaissance des photo- 
graphes vient se joindre aussi celle de nos artistes faïenciers , 
pour les nouvelles couleurs dont il a enrichi leur palette, 
comme celle de nos agriculteurs qui , dans un des concours 
tenu à Nevers il y a quelques années , lui a décerné une mé- 
daille d’argent pour un appareil très* simple de son invention 
au moyen duquel on peut reconnaître, en quelques instants, 
la quantité d’élément calcaire contenu dans un terrain. 


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— 3o — 


L’amour des arts n’était pas moins vif chez lui que celui 
des sciences. La musique avait pour lui un tel attrait qu’il l’a 
cultivée toute sa vie, non-seulement par la manière pleine de 
charme avec laquelle il maniait divers instruments, mais par 
la connaissance profonde des règles de la composition et de 
Tharmonie , dont il a laissé des spécimens pleins de grâce et 
de suavité. Dès l’apparition des anches libres, il avait entrevu 
le parti qu’on pouvait en tirer. Il avait composé avec ces 
lames un instrument portatif d’un maniement facile, auquel 
il avait donné le nom de mélodino. Il en jouait lui-même 
avec une grande perfection et n’en employait pas d'autre pour 
diriger le bel orchestre qu’il avait fondé à Corbigny. 

Il simplifia aussi le jeu de la contre-basse en la réduisant à 
une seule corde , et par le moyen d’un clavier dont chaque 
touche agit sur un mécanisme qui pince ladite corde et rend 
le jeu de ce gros instrument facile, au point qu’après quelques 
exercices on arrive à exécuter ce qu’on n’obtenait qu’après de 
longues études. Cet instrument, qu’il fit figurer à l’avânt- 
dernière exposition, fixa l’attention des experts, qui lui 
décernèrent une mention honorable. 

Comment parlerons-nous maintenant de ses qualités per- 
sonnelles ? Quel beau caractère ! On admirait en lui le prêtre 
estimable et sans reproche. Plein de bonté, de bienveillance 
pour ses semblables , jamais parole d’aigreur ne sortit de ses 
lèvres. Sa modestie était si grande qu’il ne pouvait souffrir ce 
qui avait pour lui la moindre apparence d’éloges. Ce savant, 
que ses découvertes avaient mis en rapport avec les sommités 
scientifiques contemporaines ne s’en est jamais prévalu. En 
un mot , cet homme de bien ne laisse après lui qu’un senti- 
ment d’admiration pour son savoir et de vénération pour ses 
vertus. 

L’abbé POT. 


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— 3i — 


SÉANCE DU 25 OCTOBRE 1883. 


Présidence de M. Roubkt, président. 


Étaient présents: MM. Roubet, président ; 
l'abbé Boutillier, Ernest de Toytot, l'abbé Pot, 
l'abbé Fouché, Massillon Rouvet, Canat, Robert 
Saint-Cyr, le docteur Subert, Duminy, de Rose- 
mont , de Lespinasse , de Maumigny, de Lafargue, 
de Flamare, de Pierredon, Marandat. 

M. le Président annonce en ces termes la mort 
d'un de nos regrettés collègues , M. Léonard : 

Avant de reprendre nos [paisibles travaux, nous avons le 
devoir de consacrer quelques paroles à la mémoire de l’un de 
nos collègues, Victor Léonard, que la mort vient de nous 
enlever. 

Il fut quelque temps mon condisciple au collège de Nevers, 
où il obtenait, notamment en la classe de philosophie, des 
succès incontestés ; après quoi , suivant le programme rétros- 
pectif du ci-devant collège des Quatre-Nations, il voulut 
recommencer vaillamment son cours de rhétorique sous 
M . l'abbé Sergent. 

Doqé d’un caractère facile, Victor Léonard se faisait aimer 
de tous ses camarades, et nous pouvons ajouter que, dans la 
durée de sa vie privée, il fit toujours preuve d’aménité et 
d’une abnégation sans limites. 

Travailleur modeste, collectionneur intelligent, il ne de- 
meura jamais indifférent à tous les travaux publiés par notre 
Société; il ne négligeait point d’y apporter son tribut et de 
faire connaître toutes les intimités qui intéressaient notre 
histoire locale. 

Il aimait surtout à lire et relire les Commentaires de César , 


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— 32 — 


qui furent quelque temps son vade mecum. Il y puisa sou- 
vent des remarques utiles et judicieuses. 

Nous ne voulons pas ici entreprendre 'la biographie de 
notre regretté collègue ; elle trouverait naturellement sa place 
à l’occasion de la lecture qui vous sera donnée d’un travail 
qu’il avait préparé sur la vie et les œuvres de Marchangy, 
dont il revendiquait la glorieuse parenté. 

Confié il y a quelques mois à M. l’abbé Boutillier et à 
moi, ce manuscrit vous sera bientôt présenté, et nous espé- 
rons que son insertion sera agréée au Bulletin. 

Ce sera là une marque de sympathie en même temps qu’un 
hommage posthume accordés à la mémoire de Victor Léonard, 
qui fut l'un des fondateurs de notre Société et l’un de ses 
membres des plus zélés. 

M. Duminy, à l’occasion du projet de catalogue 
des livres de la Société, signale un certain nombre 
de livres qui, empruntés à la bibliothèque, ne sont 
pas rentrés. Cette liste des ouvrages qui manquent 
à nos archives devra être publiée , afin de les pré- 
senter à l’attention de ceux qui pourraient les avoir 
en leur possession. Désormais il sera tenu un regis- 
tre des livres prêtés, et chaque ouvrage devra être 
timbré d’un timbre humide. 

M. Massillon Rouvet demande la parole. IJ allè- 
gue qu’à une précédènte séance il a présenté 
diverses observations verbales, notamment au sujet 
de l’épée à mains déposée par lui sur le bureau de 
la Société au nom de M. Périer, dont il n’était que 
le mandataire. 

M. Massillon Rouvet estime que cette obser- 
vation verbale n’a pas été reproduite au procès- 
verbal d’une façon suffisamment explicite. Il 


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— 33 — 


* 

demande à ce qu’on imprime en entier le texte de 
la note écrite- qu’il a déposée sur le bureau à la 
séance même. 

M. le Secrétaire répond à M. Massillon Rouvet 
que son observation verbale a été reproduite dans 
les termes mêmes où elle avait été formulée. La 
lecture faite en fin de séance a consacré comme 
exacte cette rédaction, et M. Massillon Rouvet 
lui-même n’a point réclamé. 

En ce qui concerne l’impression au Bulletin 
d’une note manuscrite, M. le Président fait obser- 
ver qu’il n’est point d’usage de faire imprimer 
textuellement les observations présentées orale- 
ment au cours de la discussion. Si M. Massillon 
Rouvet considère la note manuscrite qu’il a déposée 
sur le bureau comme un travail d’impression, il 
devra la soumettre à nouveau à la Société , qui en 
votera ou en rejettera l’insertion au Bulletin, sui- 
vant les dispositions du réglement voté dans la 
séance du 29 mars 1883. 

M. Canat lit une note sur quatre médailles 
trouvées à Saint-Révérien, canton de Brinon-les- 
Allemands (Nièvre). 

Ces pièces sont très-minces ; module, 17 milli- 
mètres. Le métal employé paraît être de l’argent 
allié à une forte proportion de cuivre. 

Sur la face principale, les deux écus de France 
et d’Angleterre accolés, surmontés du mot : heri- 
cus, avec un signe d’abréviation pour Henricus ; 
en exergue : francorum et angliæ rex. A la 
suite, un léopard. 

t . 11, 3* série. 3 


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-3 4 - 

Au revers, une croix accostée d’une fleur de lys 
et d’un léopard ; au-dessous : hericus , et en 
exergue : sit nomen domini benedictum. 

Ce sont d’anciennes monnaies , dites grands 
blancs aux écus, appartenant à la période désignée 
dans les catalogues sous la rubrique : France 
sous la domination des Anglais. 

Il en a été frappé à Paris, Rouen, Saint-Lô,- 
Auxerre, Le Mans et Dijon. 

Leur valeur commerciale est de 2 à 3 fr. 

M. l’abbé Boutillier donne lecture d’une étude 
au sujet de la signature jusqu’ici inconnue d’Adam 
Billault, dont le paraphe semble représenter un 
rabot. 

M. de Toytot donne communication de quel- 
ques objets en granit trouvés à Alexandrie par le 
P. Méchin, Nivernais ; il lit une notice sur ces objets. 
La Société ne pense pas que ces instruments soient 
des marteaux, mais plutôt des polissoirs. 

Les manuscrits de MM. Boutillier et de Toytot 
seront insérés au Bulletin. 

M. le Président remet en question le vote d’une 
somme d’argent pour la restauration de la statue 
de Yolande de Bourgogne, qui a été donnée à 
notre Société par M. Ligeron. Le devis de cette 
restauration a été préparé par notre architecte, 
M. Lutz, sur l’avis d’un sculpteur, M. Ballet, 
qui serait chargé de ce travail. 

La Société vote en principe la restauration de la 
statue, mais il est décidé qu’il sera sursis à ce 
travail jusqu’à nouvel ordre. 


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- 3 5 - 


UNE SIGNATURE D'ADAM BILLAULT 

LE VIRGILE AU RABOT. 


On connaît aujourd’hui bon nombre de signatures de 
maître Adam ; nous ne sommes plus en 1 842, où les derniers 
éditeurs des poésies du menuisier de Nevers étaient obligés 
d’avouer que malgré les recherches les plus minutieuses et 
les plus persévérantes, il leur avait été impossible de se procu- 
rer un autographe de maître Adam , qui eût si bien complété 
leur série de documents (1). 

A cette époque, on n’avait pas encore songé à explorer, 
comme une mine précieuse, les anciens registres des paroisses. 
Or, c’est précisément dans les registres des paroisses de 
Nevers que nous avons, plusieurs fois déjà, rencontré, notam- 
ment à Saint- Laurent et à Saint-Pierre, des signatures 
d’Adam Billault à la suite d’actes oü il figure comme 
parrain. 

Le menuisier de Nevers signe toujours non par un o sim- 
ple, comme l’écrivent le plus souvent les curés dans le corps 
de l’acte, mais par un au avec la terminaison It ; ceci soit dit 
pour fixer d’une manière certaine l’orthographe du nom . et 
répondre à un article antrefois publié dans le Bulletin , sous 
ce titre : Adam Billiot et ses enfants (2). 

Des recherches faites tout récemment dans le « Livre des 


(1) Introduction. Note de la page vu. 

(2) L'auteur ayant rencontré une signature d'Adam Billiot à la suite 
d’un acte de 1623, en avait conclu que telle était la véritable orthogra- 
phe. {Bulletin de la Société nivemaise , 2* série, tome l #r , pages 122- 
123.) Mais il est à remarquer que cette signature est unique ; que le 
jeune Adam, à cette époque, avait seulement vingt-un ans ; que l’or- 
thographe des noms propres variait alors très-fréquemment, et qu’il 
avait écrit son nom de la même manière que le curé dans le corps de 
l’acte. Depuis i63o jusqu’à sa mort, en 1662, la signature de maître 
Adam n’a jamais varié. 


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— 36 — 


baptesmes de la paroisse de Sainct-Eloy », pour compléter 
nos Archives paroissiales de Nevers , nous ont fait rencontrer 
une autre signature de maître Adam. Elle se trouve apposée 
à la suite d’un acte solennel de bénédiction de la plus grosse 
cloche de l’église dudit « Sainct-Esloy », faite, le i 3 septem- 
bre 1657, par vénérable et discrète personne messire Adrien 
de Chéry, écuyer, chanoine de Nevers. Le parrain est 
noble Ferdinand de Pirville, écuyer, capitaine des châteaux 
de Nevers et de Saint-Éloy ; la marraine , M mo Marie de 
Pirville, épouse de noble Gilbert Charteron , seigneur de 
Clavières. 

Tous ces personnages ont signé au bas de l’acte avec le 
sieur Cougnet, curé du lieu, et plusieurs autres témoins, 
parmi lesquels J. Billault , sans doute fils de maître 
Adam, et enfin notre poète (1). 

L’intérêt particulier de cette signature consiste en une sorte 
de paraphe qui l’accompagne et figure, sans qu’on puisse s’y 
méprendre , cet instrument du menuisier illustré par maître 
Adam , le rabot. 

Les poètes et les beaux-esprits du grand siècle, qui tous 
ont chanté le menuisier de Nevers, ne manquent jamais de 
faire allusion à son métier et surtout à son rabot. L’un dit 
que ce rabot fait moins de bruit que sa plume; l’autre pré- 
tend qu’on ne doit plus dire « limer » mais « raboter » un 
vers ; celui-là déclare que le bois dont le « poète pousse- 
rabot » fait ses chevilles n'est pas un bois commun et qui 
croisse en tout lieu (2). 

(1) Il avait eu successivement deux fils baptis r, sous le nom de 
Jehan , en la paroisse Saint-Jean (aujourd’hui la cathédrale) : l’un le 
9 juin i 63 o, l’autre le 9 mars i 632 . 

(2) Maître Adam, étude biographique et littéraire sur le poète- 
menuisier de Nevers, par Ch. Deton, 1882. 


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- 3 7 - 

Écoutons le grand Corneille lui-même célébrer, dans un 
sonnet, médiocre il est vrai, mais intéressant pour nous, les 
mérites de notre compatriote : 

Le dieu de Pythagore et sa métempsycose, 

Jetant l’àme d’Orphée en un poète françois : 

« Par quel crime, dit-elle, ai-je offensé vos lois, 

» Digne du triste sort que leur rigueur m’impose ? 

» Les vers font bruit en France, on les loue, on en cause; 

» Les miens en un moment auront toutes les voix, 

» Mais j’y verrai mon homme à toute heure aux abois 
» Si, pour gaigner du pain, il ne sait autre chose. » 

— « Nous savons, dirent-ils, le pouvoir d’un métier, 

• • Il sera fameux poète et fameux menuisier, 

» Afin qu'un peu de bien suive beaucoup d’estime. » 

A ce nouveau parti l’àme le prit au mot, 

Et s’assurant bien plus au rabot qu’à la rime, 

Elle entra dans le corps de maître Adam Billot. 

Scudéri , l’émule de Corneille , adresse aussi ces strophes à 
maître Adam : 

Nevcrs, séjour glorieux, 

Cache ton émail curieux ; 

Ne le fais plus voir à l’Europe , 

Mais fais voir à tous les passants 
L’immortelle et grande varlope 
Sur l’autel où fume l’encens. 

Fais voir sur les rives de Loire 
Des arcs de triomphe élevés , 

Où soient doctement engravés 
Et le rabot et l’écritoire. 

Un bel-esprit du temps, M. de L’Isle Chaudieu, pousse 
Thyperbole jusqu’à comparer maître Adam tenant son rabot 
au dieu des vers, à Apollon lui-même, tenant en main la 
lyre : 

Muses, que me venez-vous dire, 

Que Phébus est un grand faliot 
De quitter l’archet et la lyre 
Pour prendre en sa main le rabot ? 


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— 38 — 


Tout beau ! troupe sçavante et belle , 

Le rabot vaut bien la truelle 
Pour le divin faiseur de vers; 

Il veut que tout le monde croye, 

S’il fut jadis maçon à Troye 
Qu'il est menuisier à Nevers. 

Enfin, M. de Nicolle termine son éloge au poète 

A qui le dieu des vers apprit 
L’art de la scie et de la plume 

par cet hommage : 

Ces vers sont mal polis, ils sont sans élégance, 

Ils sont provinciaux de l’un et l’autre bout; 

Mais pour les ajuster et polir d’importance, 

Passes-y ton rabot , ils passeront partout. 

Et maître Adam lui-même prend plaisir dans ses vers à par- 
ler de son rabot ; plus d’une fois il aime à s’appeler le raboteur. 

La dernière de ses stances à Son Altesse Royale , qui pre- 
nait les eaux de Bourbon, est ainsi formulée : 

Voilà tout ce que souhaite 
Maistre Adam le raboteur , 

Qui n’est pas si bon poète 
Comme il t’est bon serviteur. 

Au surplus , si l’on s’en rapportait à quelques assertions 
fréquemment reproduites dans les dictionnaires historiques, 
maître Adam , qui aimait à donner à ses ouvrages des noms 
rappelant son métier, comme les Chevilles et le Villebrequin, 
en aurait composé un troisième , portant le titre du Rabot ; 
mais des recherches persévérantes ont fourni la preuve qu’il 
n’existait pas même en manuscrit. On peut affirmer, sans 
crainte d’avoir à se rétracter, que le Rabot n’a jamais vu le 
jour ; que ce fut un titre adopté momentanément par le poète, 
et que les pièces dont il devait se composer ont été fondues 
dans le Villebrequin (i). 

(i) Poésies de maître Adam Billault. Nevers, 1842. Introduction, 
page iv. 


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— 39 — 

Que si, en terminant , quelqu’un s’étonne de rencontrer 
Adam Billault à Saint- Éloy, pour la cérémonie toute reli- 
gieuse d’une bénédiction de cloche , la réponse nous paraît 
bien facile. 

D’abord les parrain et marraine étaient des familiers du 
château de Nevers , où maître Adam aussi avait ses entrées ; 
et quoi de plus naturel que d’inviter le menuisier-poète à 
une fête solennelle où sa muse pouvait se trouver inspirée, au 
grand contentement de la noble assemblée ? Et puis, le héros 
de la fête était le neveu de 

Ce grand de Chéry, 

Dont le fameux renom est partout si chéry 

Qu’il doit un jour passer dans le nombre des anges, 

messire Eustache de Chéry, évêque de Nevers , que le poète 
se plaisait à chanter ; qu’ailleurs encore il appelle : 

Honneur de cent temples divers, 

Enfin, grand subject de mes vers. 

C’est là plus qu’il n’en faut, assurément, pour expliquer la 
présence de maître Adam, celui qu’alors surtout le monde 
appelait, ironiquement ou non , le Virgile au rabot , et qui, 
dans un mouvement de bonne humeur sans doute, voulut 
ajouter à sa signature l’image même de ce rabot. 

En vérité, il nous est agréable d’avoir pu, le premier, offrir 
cette image aux regards curieux, non pas « doctement engra- 
vée », comme le voulait Scudéri, mais mieux encore, tracée 
de la main même du poète. 

Octobre 1 883. 


L’abbé BOUTILLIER, 

Curé de Coulanges-les-Ncvers. 


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— 40 — 


UN ARCHÉOLOGUE NIVERNAIS 

A ALEXANDRIE. 


Messieurs, 

Je voudrais faire passer sous vos yeux quelques objets qui, 
malgré leur minime importance, ne sont pas sans quelque 
intérêt archéologique. 

Ces débris ne sont point nivernais. 

Ils ne ressemblent nullement à ceux qui font l'objet de 
vos études ; ils appartiennent à une antiquité, à une civi- 
lisation, à une matière qui n’ont rien de commun avec les 
médailles , les bronzes ou les pierres que fournissent parfois 
les fouilles de notre sol. 

Ils sont égyptiens , et je me serais demandé quel droit , 
aux termes de nos réglements , j’avais de vous en entretenir, 
si celui qui les a découverts à Alexandrie n'était lui-même 
un enfant de la Nièvre. 

Avant donc de vous parler des modestes petits vases et des 
humbles marteaux que j'ai l’honneur de déposer sur le 
bureau, je voudrais mettre cette note sous le patronage de 
celui qui , archéologue et Nivernais, m’a chargé de soumettre 
ces objets plus ou moins énigmatiques à l’appréciation et à 
l'examen de la Société. 

Le R. P. Méchin, de la Compagnie de Jésus, est Nivernais 
par la naissance autant que par le cœur : il est né à Decize et 
a fait ses études au petit séminaire de Pignelin. 

C’est lui qui a découvert à Alexandrie, dans les jardins 
du collège de Saint-François-Xavier, dont il est le fondateur, 
les objets en question. 

Je veux tout d’abord vous le faire connaître. 

Depuis quelques années, notre compatriote s’est fait 
apprécier par ses travaux dans les sciences naturelles et 


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— 4i — 


physiques. Plusieurs de ses observations et de ses mémoires 
sont consignés dans les annales des diverses sociétés savantes 
dont il est le correspondant en France, en Belgique et surtout 
en Angleterre. 

En dehors de cette notoriété scientifique, le P. Édouard 
Méchin s’est illustré récemment par le courage, on peut dire 
l’héroïsme, avec lequel, à l’époque du bombardement 
d’Alexandrie, il a su affronter la mort et soutenir vaillam- 
ment l’honneur du nom chrétien et du nom français devant 
les populations arabes. 

Deux Jésuites, le P. de Dianous et le P. Méchin, les 
deux seuls Français qui fussent restés dans la ville au milieu 
de la fuite générale de nos compatriotes, furent emmenés 
comme otages en prison par les hordes d’Arabi- Pacha à tra- 
vers des scènes épouvantables de meurtre, d’incendie, de 
pillage. Pendant près de quatre jours le P. Méchin et son 
compagnon surent tenir tète aux brigands qui voulaient les 
massacrer, avec les 50 otages qu’ils avaient enlevés de vive 
force. Sans proférer une parole ni une plainte, sans daigner 
même implorer le secours des soldats égyptiens qui eussent 
pu les sauver, les religieux endurèrent les plus atroces traite- 
ments le front haut et le cœur impassible. Le crâne à moitié 
fendu, couvert de sang et de blessures, le P. Méchin put 
maintenir, par son exemple et par ses paroles, le courage de 
ses compagnons d’infortune; il les prépara à la mort, les 
assista dans leur agonie ; en fin de compte il sut organiser 
et soutenir une sorte de siège dans la prison même d’où les 
soldats voulaient faire sortir les otages pour les livrer aux 
assassins et aux pillards qui ravageaient la ville. Enfin, après 
des souffrances épouvantables et des aventures sans nombre 
à travers la ville, qui ont fait l’objet de récits dramatiques 
dans les journaux, le P. Méchin et quelques-uns de ses com- 
pagnons parvinrent à échapper miraculeusement à la mort. 
C’est à lui en grande partie que les Européens emmenés en 
prison durent leur salut. Ces faits sont de notoriété publique 
à Alexandrie. 


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— 42 - 


Qu’il me soit permis d’adresser publiquement ici, pour le 
conserver dans nos annales, l’hommage de notre admiration 
à ce Français, à cet enfant de la Nièvre, à ce savant modeste 
non moins qu’illustre, qui a su honorer si grandement notre 
pays par son courage, sa charité et sa grandeur d’âme ; il n’a 
qu’un regret aujourd’hui : celui de n’être pas mort martyr de 
sa foi et de sa patrie, pour l’amour desquelles il a souffert. 

Cet héroïsme toutefois ne devait pas rester sans récompense. 
Après avoir fait l’objet de l’étonnement des séides eux-mêmes 
d’Arabi-Pacha , il a conquis aux Pères Jésuites d’Alexandrie 
une sympathie et une reconnaissance immenses dans la popu- 
lation égyptienne. Quelques mois à peine après le bombar- 
dement de la ville, les religieux étaient sollicités d’ouvrir un 
collège; ce collège est aujourd’hui déjà extrêmement florissant. 

C’est là qu’afflue en grand nombre la jeunesse de l’Égypte, 
avide de se former aux langues , aux sciences , à la civilisation 
de la vieille France. Cet apostolat de la religion, de la science 
et des lettres n’est-il pas le plus glorieux de tous ? N’illustre- 
t-il pas notre pays jusque dans ces régions lointaines, où son 
influence est combattue précisément parce qu’on la sait toute- 
puissante, invincible, féconde entre toutes ? Et pouvais-je 
me dispenser de vous dire un mot de ces nobles exploits, de 
ces grandes conquêtes avant de vous parler des découvertes 
beaucoup plus modestes que notre savant compatriote a été 
amené à faire, précisément en creusant les fondations du 
collège d’Alexandrie ? 

Mais hélas ! 

Desinit in piscem mulier formosa superne. 

C’était déjà vrai au temps d’Horace ! et voici que les mas- 
sacres du légendaire Arabi- Pacha, les scènes dramatiques de 
la vieille cité d’Alexandre, le courage héroïque d’un Fran- 
çais, qui est en même temps un enfant de notre province, tout 
cela, que je n’ai fait qu’effleurer, se termine en queue de 
poisson et aboutit à de minuscules marteaux de granit : 
Desinit in piscem . 


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-43 - 

Il est vrai, c’est là ce qui fait mon excuse, que sans le 
bombardement d’Alexandrie le P. Méchin n’eût pas été arrêté, 
qu’il n’eût pas eu la tête fendue , qu’il n’eût pas eu occasion 
de se conduire en héros d’épopée, que vraisemblablement 
aussi il n’eût pas été appelé à fonder le collège dont je vous 
ai parlé et que, toujours par voie de conséquence, il n'eût pas 
été amené à trouver sous la terre de la vieille Égypte ces 
débris de l’antiquité. 

Qu’est-ce à dire, sinon que, contrairement au proverbe, les 
grandes causes produisent quelquefois de petits effets? 

Le collège de Saint-François-Xavier à Alexandrie et les 
vastes jardins qui l’entourent sont situés près de la porte 
de la colonne de Pompée , au milieu même de l’ancienne 
ville d’Alexandre, non loin de l’emplacement qu’on croit 
être celui de la fameuse bibliothèque brûlée par Omar. 

Dans ces jardins, où les fouilles viennent à peine de 
commencer, on a découvert de magnifiques chapiteaux 
corinthiens en marbre de Carrare, des colonnes finement 
ciselées, des marbres précieux entourés d’ornements élégants, 
des blocs énormes de pierre dont quelques-uns ont plus 
d’un mètre cube , tous les spécimens de l’art et de l’architec- 
ture de Rome. Nul doute qu’on ne se trouve en cet endroit 
dans le voisinage de temples et de monuments d’une certaine 
importance. Il est probable que des fouilles subséquentes 
sortiront des œuvres sculpturales plus précieuses encore. 

Mais, en dehors des monuments d’architecture, on a 
recueilli une grande quantité de lampes funéraires en terre 
cuite , les unes analogues à celles de la poterie étrusque, de 
couleur brun - foncé , d’autres en terre rouge , fine et 
onctueuse au toucher, comme les poteries samiennes , 
d'autres enfin de forme et de substance plus grossières. Il 
est certain que ces lampes trouvées au milieu d’objets romains 
appartiennent à la même civilisation et sont de la même 
époque. 

Dans le jardin , on a recueilli aussi des vases en terre de 
diverses formes , des lacrymatoires , un ornement en verre 


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— 44 — 


de style étrusque destiné à former un pendant de bracelet ou 
de collier, analogue à ces bijoux d’or qu’on rencontre encore 
chaque jour dans les tombeaux de Rome ou de Pompéï. 
Peut-être cependant ce petit objet n’est-il tout simplement 
qu’un vase lacrymatoire. 

Au milieu de divers débris de bronze plus ou moins 
altérés par le feu , une des œuvres les plus remarquables et 
les mieux conservées est un os travaillé avec art , qui repré- 
sente une femme nue, la tête coiffée de nattes enroulées en 
forme de turban, et tenant d'une main un bouclier, de l’autre 
une sorte de pierre. 

Le P. Méchin nous a signalé aussi divers objets parmi 
lesquels nous citerons un vase à anse et à renflement qui 
paraît être une lampe funéraire. Ce vase est en terre de 
couleur bleu - verdâtre , comme les statuettes funéraires 
égyptiennes qu’on remarque en grand nombre dans les 
vitrines de nos musées. 

Cette couleur bleue, d’un aspect assez riche, est pro- 
bablement due à la présence d’un sulfate de cuivre qui 
ressortait de la terre à la cuisson. Tout le monde sait qu’on 
faisait avec cette même substance des scarabées et d’autres 
emblèmes funéraires destinés à orner les momies ; on en 
fabriquait également de plus précieux en lapis-lazuli , en 
cristal de roche, en cornaline , en améthyste. 

Mais nous voulons insister plus particulièrement sur les 
objets qui nous ont été communiqués par le R. P. Méchin 
et que nous avons l'honneur de présenter à la Société. 

11 s’agit: i # d’un petit mortier en granit; 

2 ° De deux marteaux de forme cylindrique également en 
granit, et d’un autre marteau de forme conique en marbre 
blanc ; ces trois marteaux ne portent pas trace d’emmanchure ; 
on pourrait les prendre au besoin pour de petites enclumes ; 

3° Enfin, nous signalons deux autres marteaux en granit, 
précédés d’une sorte de manche taillé dans le même morceau, 
dont on ne saurait mieux définir la forme qu’en la compa- 
rant à celle d’une pipe. 


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— 4 * — 

En ce qui concerne le petit vase ou mortier, il est droit, 
lourd, non évasé ; il porte ce cachet d’immobilité et de pe- 
santeur qui fait le propre de l’architecture de l'Egypte et qui 
se retrouve jusque dans les plus petits objets; le P. Méchin 
pense qu'il doit être rapporté à l’époque égyptienne con- 
temporaine de tombeaux, par ce motif qu’on en rencontre 
d'absolument semblables dans les sarcophages de l’Egypte. 
On ne saurait dire d’une façon précise à quoi servaient ces 
petits vases; ce qui est certain, c’est qu’ils se trouvent en 
grand nombre, le plus souvent empilés les uns sur les 
autres, aux côtés de la momie. 

Comment cet objet, en apparence d’origine égyptienne, 
s’est-il trouvé dans les fouilles du jardin avec les marteaux 
de granit provenant vraisemblablement d’une autre fabri- 
cation et d’une tout autre époque? Voilà ce que nous ne 
saurions expliquer, sinon par le bouleversement des ruines 
et la succession des diverses races qui ont occupé l’empla- 
cement d'Alexandrie. 

Le R. P. Méchin a parcouru diverses collections égyp- 
tiennes à Marseille, à Paris et ailleurs, sans compter le 
musée de Boulacq. Il lui semble difficile de trouver aucune 
analogie précise entre ces marteaux et les divers instruments 
qui nous révèlent l’industrie antique, soit dans les fresques, 
soit dans les divers objets trouvés. 

Il s'est demandé néanmoins si ces objets, de fabrication 
beaucoup plus récente, n’étaient pas semblables à ceux 
dont on se servait, il y a quelques années encore, dans 
les carrières du Sinaï pour extraire les turquoises de la 
pierre. 

Dans un ouvrage récemment paru, la description de 
marteaux semblables de granit semble en effet se rapprocher 
beaucoup de ceux qui nous occupent. Plusieurs portent 
même, à l’instar de l’un des nôtres, la trace d'une rainure ou 
sillon qui servait à emmancher l’objet ou peut-être même à 
le détacher du bloc. 

Quant à moi, s’il me fallait hasarder une opinion, je 


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- 4 6 - 

pencherais à croire que les prétendus marteaux ne sont autres 
que des polissoirs. 

Dans toute hypothèse, d'ailleurs, il faudrait admettre qu’en 
dehors de la grande civilisation égyptienne antérieure à Jésus- 
Christ, les instruments usités pour les divers usages de la vie, 
analogues à ceux que nous produisons, ont pu conserver au 
moyen-âge et plus tard les formes, l'aspect extérieur, la cou- 
leur locale, en un mot, qu’affectent les objets égyptiens. Il 
est certain que le granit, la diorite et les autres substances 
minérales provenant de la Haute- Egypte n’ont cessé d’être 
employés et ont même gardé le plus souvent leur forme 
primitive. 

Quoi qu’il en soit, et dussions-nous rester, au sujet de 
l’usage de ces outils , dans la plus complète ignorance , nous 
nous en consolerions aisément à la pensée que la science 
égyptologique n’en périclitera pas pour autant. Ce malheur 
d’ailleurs serait moins grand assurément que l’incendie de 
la bibliothèque d'Alexandrie. 

En tout cas, c’est à vous, Messieurs, qu’il appartient 
d’apprécier si l’opinion du R. P. Méchin est justifiée et 
rationnelle. A vous aussi de me pardonner si , à l’occasion 
de ces minuscules instruments de granit , je vous ai entraîné 
en dehors de nos voies habituelles pour vous faire connaître 
l’homme qui les a découverts. 

Ernest DE TOYTOT. 


SÉANCE DU 27 NOVEMBRE 1883. 


Présidence de M. Roubbt. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; Ernest de 
Toytot, Canat, conservateur du musée ; le 


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— 47 — 

colonel de Charrant, l’abbé Soyer, l’abbé Foucher, 
le docteur Robert Saint-Cyr , Marandat , de 
Rosemont, A. Griveau, le docteur Subert, le 
colonel de Maumigny, Massillon Rouvet et de 
Flamare. 

M. Canat, conservateur du musée, rend compte 
de la démarche qu’il a été chargé, à la dernière 
séance , de faire auprès de M. Ruprich Robert 

M. Ruprich Robert a bien voulu examiner la 
statue de Yolande de Bourgogne. Il a trouvé 
l’œuvre remarquable et pensé qu’il serait à désirer 
que la statue fût restaurée , qu’elle était d’ailleurs 
dans un état de conservation très-suffisant. Le prix 
approximatif serait de 700 à 800 fr. 

M. Canat, conservateur du musée, a bien voulu 
exposer la question financière à M. l’Architecte des 
travaux de la cathédrale, en lui faisant observer 
que nos ressources modestes nous permettraient 
difficilement de donner suite à notre projet. 
Selon M. Ruprich Robert, il y aurait lieu de 
s’adresser à la direction des beaux-arts pour obte- 
nir gratuitement cette restauration. Un rapport 
sur cette question a été préparé par M. l’abbé 
Boutillier. Il est donné lecture de cette intéressante 
notice, qui sera annexée à la demande au directeur 
des beaux-arts. 

Une courte discussion s’engage sur la date du 
monument, que M. l’abbé Boutillier et la plupart 
des membres attribuent au quatorzième siècle 
avancé. 

La Société décide que le rapport de M. l’abbé 


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- 4 * - 

Boutillier sera tiré à part à un certain nombre 
d'exemplaires. 

M. le président Roubet donne lecture d'une note 
dans laquelle il annonce son intention de com- 
pléter les diverses notices biographiques concer- 
nant Marie-Casimire de LaGrange-d’Arquien, née à 
Nevers, le 28 juin 1644, épouse de Jean Lamoisky, 
palatin de Sandomir, et de Jean Sobieski, roi de 
Pologne. 

Nos historiens nivernais et Salvandy lui-même, dit M. le 
Président , ignoraient l'existence d’une correspondance pres- 
que mystérieuse échangée entre Marie-Casimire et Sobieski 
avant leur mariage, qui eut lieu le 6 juillet 1 665, c’est-à-dire 
trois mois après la mort du palatin de Sandomir. 

Cette correspondance a été récemment révélée par 
M. Kluczychi, publiciste polonais. C’est là que seront 
puisés les nouveaux documents qui permettront de faire 
connaître plus intimement cette fille d’honneur de Marie- 
Louise de Gonzagues et à qui il fut réservé une si haute 
destinée. 

Plusieurs de ces lettres sont datées de Prix (s/c) en Niver- 
nais; elles sont d’autant plus curieuses qu'il existait entre 
Sobieski et la princesse un vocabulaire de convention , mais 
qu’il est facile de traduire. C’est ainsi que Marie-Casimir se 
nommait la Rose ou le Bouquet , et que Sobieski s’appelait 
Céladon ou Orondate. Leurs lettres étaient désignées sous 
le nom assez doucereux, mais fort étrange, de confitures. 

Le travail annoncé, pour prendre date avant tous autres, 
sera produit surtout au point de vue nivernais. 

Il est fait hommage à la Société, par M. Marty, 
membre de la Société d’histoire naturelle de Tou- 
louse , d’un travail sur les grottes de Montlaur ; 


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— 49 “ 


l'auteur demande à faire partie, comme membre 
correspondant , dë la Société nivemaise. 

M. le docteur Subert voudra bien prendre 
connaissance de ce travail et nous en lire un 
rapport à la première séance. 

Il est déposé sur le bureau , à titre de don , 
quatre livraisons des actes de l’Académie des 
sciences de Corduba (République argentine) et 
deux Bulletins de la même société. Ces ouvrages, 
très-soignés comme typographie et gravures, nous 
sont adressés en échange de nos Bulletins que la 
société de Corduba veut bien nous demander. 

M. le Président donne lecture d’une notice 
intitulée : « Decize, la chapelle des Sallonyers », 
laquelle sera insérée au Bulletin. 


RAPPORT 

SUR LE TOMBEAU D’YOLANDE DE BOURGOGNE , COM- 
TESSE DE NEVERS, RÉCEMMENT DÉPOSÉ AU MUSÉE 

LAPIDAIRE DE LA PORTE DU CROUX. 

Au mois d’août de l’année 1879, des travaux de restau- 
ration entrepris à Nevers dans la maison Maratray, qui 
occupe une partie de l’ancienne église des Récollets , mirent 
à découvert les débris d’un magnifique tombeau en marbre 
noir. 

Ces fragments avaient servi , en guise de moellons , à 
maçonner une baie dans le mur latéral , à gauche de 
l’église. 

Un de nos collègues de la Société nivernaise, M. Bou- 
veault , architecte à Nevers , immédiatement instruit du fait, 
t. ii, 3* série. 4 


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— 5 o — 

écrivit aussitôt , dans un journal de la ville , un long article 
sur cette précieuse découverte (i). 

L’article se terminait ainsi : 

« Quel que soit l’état de mutilation dans lequel se trouve 
cette œuvre d’art de la fin du treizième siècle, il est impor- 
tant que ces vestiges soient au moins soigneusement recueillis 
au musée lapidaire de la porte du Croux. » 

Ces vœux sont maintenant réalisés ; grâce au zèle de 
M. Henri Canat, conservateur du musée, habilement 
secondé par M. Chevrier, le propriétaire de ces débris, 
M. Ligeron, a consenti à s’en dessaisir gracieusement et à 
les abandonner au musée de la porte du Croux. 

La Société nivernaise , fidèle à son titre de t société des 
sciences, lettres et arts, * a dès- lors voté en principe, aussitôt 
que l’état de ses finances le lui permettra , la restauration de 
ce monument vraiment artistique. Mais quel est donc le 
personnage pour qui avait été construit ce tombeau aujour- 
d’hui si horriblement mutilé? C’est là, assurément, une 
question des plus intéressantes pour notre histoire niver- 
naise. 

M. le comte Georges de Soultrait a publié, il y a quelques 
années , d’après le Recueil d'épitaphes de la collection 
Gaignières, une description du caveau sépulcral de la 
vieille église des Récollets (2). 

Nous voyons qu’on y trouvait : i° le tombeau d’Engilbert 
de Clèves, en son vivant comte de Nevers, d’Eu et d’Auxerre, 
décédé le 2 1 janvier 1506 et inhumé en ce lieu le 2 décembre. 
A côté se trouvait aussi le tombeau de son fils Charles de 
Clèves , deuxième de ce nom. 

2 0 Le tombeau de très -haute et puissante princesse 
madame Marie d’Albret, duchesse de Nivernois, comtesse 

(1) La République de Nevers , 7 novembre 1879. 

(2) Guide archéologique dans Nevers , par le comte Georges de 
Soultrait, pages 58-59. 


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— 5i - 


de Rethelois et Dreux et de Beaufort en Champagne , dame 
de Donziois , etc., laquelle trépassa en son hôtel , à Paris , 

’e 27 octobre 1549. 

3 ° Le tombeau de très-illustre, très-vertueuse et pru- 
dente dame Marie de Clèves, fille de François de Clèves, 
duc de Nivernois, décédée à Paris, au mois d’octobre 
1574, etc. 

Évidemment, le tombeau qui nous occupe ne peut 
appartenir à ces personnages ; il est bien antérieur à cette 
époque , puisqu’il porte tous les caractères du style de la fin 
du treizième siècle , peut-être même du quatorzième siècle 
avancé, mais certainement pas au-delà. 

Les Cordeliers ou Frères-Mineurs, dont les Récollets 
tirent à Nevers leur origine, et auxquels ils ont succédé, ont 
été, dit Parmentier (1), selon la plus commune opinion, 
appelés et établis en cette ville, entre 1270 et 1280, par 
Yolande de Bourgogne, comtesse de Nevers, femme en pre- 
mières noces de Jean de France, dit Tristan , et en secondes , 
de Robert de Béthune. 

Ce qu’il y a de certain à cet égard , c’est que cette prin- 
cesse, par son testament fait à Decize au mois de mai 1280, 
leur donne 40 livres de rente et choisit sa sépulture dans 
leur monastère, qui était alors situé à la Chaussée, au lieu 
où fut depuis établie la maison des Minimes. 

Les églises des faubourgs de Nevers ayant été détruites 
pendant les guerres du quatorzième siècle , dans la crainte 
qu’elles ne servissent de refuge aux bandes anglaises, la 
maison des Cordeliers fut ruinée en 1 358 . Mais cinq ans 
plus tard, en 1 363 , Marguerite de France, comtesse de 
Nevers, fille de Philippe-le-Long et veuve de Louis II, 
comte de Nevers , qui avait fait élever chez eux son fils 
Louis III, les retira dans la ville et leur fit donner par le 
comte, pour leur habitation, une partie de son château 
nommée Gloriette. 

( 1 ) Inventaire historique des archives de Nevers , tome !•% page 35 1 . 


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— 52 — 

Les Cordeliers entrèrent dans le nouveau couvent le 
16 avril 1 363 et y apportèrent avec eux le corps de leur 
fondatrice et son épitaphe , gravée sur une grande table de 
marbre noir qu'on voit encore , ajoute Parmentier, derrière 
le maître-autel, c'est-à-dire en 1770, époque où le laborieux 
archiviste terminait son Inventaire . 

Or, n’est-il pas tout naturel de supposer que cette sépul- 
ture de ladite Yolande qui, pour parler comme Guy- 
Coquille , par cette translation d'église et monastère , fut 
aussi transférée au chœur de ladite église des Cordeliers , 
devant le grand autel , est bien vraisemblablement le tom- 
beau qui nous occupe ? 

Et comme la translation de la sépulture n’implique pas 
nécessairement la translation du monument lui-même, qui 
avait pu être brisé dans la ruine des bâtiments de l'ancien 
monastère, les principes archéologiques qui, rigoureusement 
appliqués, indiquent le milieu du quatorzième siècle, se 
trouveraient, une fois déplus, d'accord avec l’histoire. Il 
suffirait d’admettre que le monument funèbre eût été refait 
avec le nouveau monastère. Quoi qu’il en soit, voici, d’après 
Guy-Coquille, qui seul nous l’a conservée, la copie de 
l’épitaphe gravée d'ancienneté sur ladite sépulture de 
marbre noir haut eslevée ( 1 ) : 

HIC JACET, UT CERNIS, LAPIDIS SÜB PONDERE GRANDIS, 
QUONDAM NI VERNIS COMITISSA POTENS YOLANDIS : 

JUSTA FUIT, STABILIS, CONSULTAQUE , M1T1S , HONESTA , 
COMPATIENS , HUMILIS , SAPIENS , DEVOTA , MODESTA : 

EJ US NEC METRA CAPERBNT LAUDES , NEQUE PKTRA. 

(1) Histoire du pays et duché de Nivernois . Paris, 1612, pages 175- 
176. 

Si Ton en croit notre vieil historien, cette épitaphe était déjà effacée 
de son temps. Cependant Parmentier, qui l’avait vue, observe qu'au 
cinquième vers il faut lire compensant au lieu de caperent (et, en 
effet, la mesure du vers l’exige), ce qui indique qu’on pouvait encore 
en déchiffrer le texte. 


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- 53 — 


SIT PROCUL A TETRA CALIGINE , REGNET IN ÆTRA : 

MŒSTIS SOLAMEN ERAT HÆC MISERISQUE JUVAMEN. 

SIT TIBI SOLAMEN TRINUS ET UNÜS. AMEN. 

BIS CENTUM, MILLE, SEPTEM DECIES , NOTAT ILLE, 

ATQUE DECEM, CLALE QUI VULT SUA FATA NOTARE , 
FERIA PRIMA JUNIO, TOLLITUR E MEDIO. 

HÆC QUOQUE QUI VIDET, ORANDO JUVAMEN El DET. 

VISU CHRISTI TUI POSSIT UT IPSA FRUI. 

On nous permettra d’ajouter la traduction de cette épitaphe : 

Ici gtt, comme tu le vois, sous le poids de cette haute pierre , 
Yolande , autrefois puissante comtesse de Nevers ; 

Elle fut juste, ferme et de bon conseil , douce , honnête , 
compatissante , humble , sage , dévouée , modeste : 

Ni ces vers ni cette pierre ne pourraient justement redire 
ses louanges. 

Loin d'elle soient les ténèbres profondes , qu'elle règne 
au plus haut des deux ! 

Elle était la consolation des affligés , le secours 
des malheureux. 

Que la Trinité sainte soit sa consolation . Amen. 

Qpi veut clairement compter les jours de sa destinée 
Devra noter deux fois cent , mille, dix fois sept 
en y ajoutant dix . 

C'est en la première férié de juin qu'elle fut enlevée 
du milieu de ce monde . 

Que celui qui lit ces lignes lui accorde le secours 
de sa prière, 

Et qu'il puisse comme elle , ô Christ , jouir de ta vision 
éternelle ! 

Après cet éloge emphatique, assez accoutumé d’ailleurs 
dans les monuments de ce genre , on peut se demander ce 
qu’il faut penser de certaines chroniques qui font peser sur la 
comtesse Yolande la plus grave accusation. 


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- 5 4 - 

D’après Y Histoire latine des Évêques et des Comtes de 
Nevers, attribuée à notre compatriote Henri Le Tort, au 
seizième siècle, et publiée pour la première fois dans nos 
Bulletins , par M. René de Lespinasse, Robert de Dampierre, 
second mari d’Yolande, avait eu de sa première femme* 
Blanche, fille du roi de Sicile, un fils nommé Charles. Pen- 
dant que Robert guerroyait en Sicile , Yolande dit un jour 
au jeune prince : « Mon fils, mes enfants seront de bien petits 
princes auprès de vous , car ils auront peu de territoire à 
attendre de leur père. Le droit d’aînesse vous attribue presque 
tout. * Celui-ci répondit fièrement : « Ils en auront toujours 
assez, s’ils ont quelque valeur personnelle, et ils seront bien 
faits pour me servir. » Or, peu de temps après, Charles 
mourut empoisonné, sorte autem contigit , dit le texte, quod 
paulo post dictus Carolinus intoxicatus obiit, et on attribua 
ce crime à Yolande. Robert, irrité de cette mort, et prévenu 
contre la princesse, rentrait vainqueur de ses guerres de 
Sicile; apercevant son épouse Yolande parmi ceux qui 
venaient le féliciter, il la frappa si rudement avec le mors de 
son cheval qu’elle en mourut à l’instant. Les parents de cette 
noble dame voulurent venger sa mort ; mais , pour le respect 
dû au père, on parvint à étouffer la discorde... (i) 

On nous saura gré d’ajouter à ce trop long rapport 
la restitution du tombeau d’Yolande telle que l’établit 
M. Bouveault dans l’article précédemment cité : 

« Autant qu’on en peut juger par les débris qui nous res- 
tent, et en comparant ce tombeau à ceux de la même époque, 
ce monument devait se composer d'un socle en marbre noir 
richement mouluré, portant un dé, dont les quatre faces 
étaient ornées d’arcatures. Le dé était recouvert par une large 
dalle également en marbre noir, taillée en corniche, dont les 
profils, élégants et fermes, portaient une ombre puissante 
sur le dé. 

(i) Bulletin de la Soc . niv., a* série, t. V, p. 36-8i. 


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— 55 — 

» Sur cette dalle était couchée une statue en marbre noir 
de grandeur naturelle. 

» La comtesse était vêtue d’une longue robe dont l’un des 
plis retombait sur le bras gauche. Les deux mains jointes et 
posées en avant de la poitrine lui donnaient l'attitude de la 
prière. La tête, parfaitement sculptée, encore intacte aujour- 
d'hui, n'a pas de couronne; des bandelettes et un voile 
entourent le visage et viennent se réunir sous le menton. Les 
yeux ouverts donnent à la figure un aspect doux et vivant. 
La tête était abritée par un dais richement sculpté. » 

Enfin, il nous semble superflu d’expliquer, en terminant, 
que l’époque de la mutilation du tombeau , dont les impor- 
tants débris seront désormais conservés avec honneur, n’est 
autre que celle qui vit disparaître, dans un irréparable oubli, 
tant d'autres monuments de ce genre, en particulier, dans le 
chœur de notre cathédrale, les magnifiques tombeaux de 
Louis de Gonzague et d’Henriette de Clèves, son épouse. 

L’abbé BOUTILLIER 


DECIZE. 


FONDATION DE LA CHAPELLE DITE DES SALLONNIER, 

en l'église des minimes. 

Quatre années après leur installation à Nevers, c'est-à-dire 
en 1621 , les Pères Minimes proposèrent de fonder à Decize 
un couvent de leur ordre. Le duc de Nivernois et les échevins 
de la ville donnèrent une adhésion complète à cette œuvre, 
qui avait pour but principal de combattre l’hérésie du pro- 
testantisme. 

11 existait alors à Decize un ancien prieuré sous le vocable 


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— 56 - 


de saint Pierre ; il avait , par suite du malheur des temps , 
été en partie abandonné par l’abbaye de Saint-Germain 
d’Auxerre de laquelle il relevait ; on pensa que les bâtiments 
et l’église qui en dépendaient pourraient être restaurés et mis 
en état de recevoir les nouveaux religieux. 

Après de nombreux pourparlers , il intervint une con- 
vention pécuniaire t qui amena l‘abbé de Saint-Germain 
d’Auxerre à faire l'abandon complet de tous les droits quel- 
conques qu’il possédait sur l’ancien prieuré de Saint-Pierre. 

Les bâtiments étaient bien délabrés, l’église surtout était 
en si déplorable état , que les portes , faute de fermetures , 
demeuraient ouvertes jour et nuit et servaient de refuge aux 
mendiants et aux animaux. 

On dut naturellement songer tout d’abord à la reconstruc- 
tion de l'église ; mais avant que l’on pût recueillir toutes les 
ressources nécessaires à cette entreprise, la nef s’écroula dans 
la nuit du 17 juin 1626 ; il ne resta debout que l’abside et le 
clocher qui existent encore aujourd’hui. 

Les travaux d’édification commencèrent vers l’année 1629. 

A cette époque , noble maître Jacques Sallonnier, sieur de 
La Garde, conseiller du roi , receveur des gabelles au grenier 
à sel de Decize , en même temps procureur fiscal pour le 
duc, et honnête femme dame Esmée Dornant, son épouse, 
voulant contribuer de leurs commodités à l' édification , 
construction et ornement de Véglise que les révérends 
Pères Minimes faisaient alors bâtir en lenr couvent , leur 
proposèrent de faire construire à leurs frais une chapelle qui 
serait dédiée à la glorieuse vierge Marie. 

Les propositions furent agréées; et le 7 septembre 1629, 
devant Gilbert Jolly et Gilbert Cousin, l’un et l’autre notaires 
royaux à Decize, il était dressé acte 

Entre lesdits Sallonnier et Dornant, d’une part, et les 
vénérables Pères, frère Ignace de La Forest, vicaire et 
supérieur dudit couvent , Claude Lorinet, Jehan Robineau 
et Denys Arnoult, prêtres et religieux dudit couvent, d’autre 
part. 


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— 5 7 — ' 


En voici un extrait : 

Moyennant une somme de huit cents livres tournois , les 
religieux Minimes de Decize s'engagent à taire construire 
« une chapelle à costé droict de la nef de leur église qui se 
» bastit présentement, de longueur de douze pieds et demy, 
i et de largeur de dix pieds, et de hauteur convenable, 
» pavée et couverte de mesme forme, pierre, thuille ou 
» ardoise que la nef de leur dite église, voultée par le 
i dessus, avec une pierre platte servant de clef au milieu de 
» la voulte sur laquelle seront mises les armes dudit Sallon- 
» nier et de ladite Dornant qui leur seront données à ceste 
» fin (i); une petite voulte par dessoulz pour servir à inhumer 
» lesdits sieur et dame fondateurs, leurs hoirs héritiers ou 
» ayant-cause à l’advenir ; fournir aussy le verre nécessaire 
» pour faire le jour; apposer ung tableau en thoille au- 
» dessus de l’autel auquel sera représentée la Visitation , où 
1 lesdits Sallonnier et Dornant tirez au vif au bas d’iceluy, 
î scavoir ledit Sallonnier du costé droict, et ladicte Dornant 
» de l’autre costé, à genoux en prières et ayant la vue vers 
» la Vierge. » 

Ce à quoi lesdits religieux se sont obligés. 

Le contrat ci-dessus, était dans le courant du même mois 
de septembre lu , enregistré et remis au chapitre provincial 
tenu au couvent de Nigeon, et recevait l’approbation du 
chapitre, ainsi qu'il résulte d’une copie collationnée délivrée 
le 2 7 août i 632 et signée par frère Luc de Troyes, du 
couvent de Nigeon. 

Nous avons cru convenable de faire connaître cet acte de 
fondation qui précise exactement la date de la construction 
de la nef de l’église du couvent des Minimes de Decize. 

( i ) Sallonnier : D’aqur, à la salamandre d'or lampassée de gueules sur 
des flammes de même. ( Armorial du Nivernais, le comte de Soultrait.) 

Dornant et d 'Ornant : De gueules , à une tour sommée d'un casque de 
même . Devise : Vit tûtes adornant. (Communication de M. Griveau.) 


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/ - 5 8 - 

Nous ajouterons que la façade en pierre de taille de cette 
église porte en relief deux blasons qui représentent les armes 
royales. 

Ils avaient été placés pour enseigner à tous, qu’en l’an 
i65o, le vingt-troisième jour de novembre, Sa Majesté, de 
l’advis de la royne régente, sa mère, exemptait le couvent 
des Pères Minimes de Decize de tous logements des gens de 
guerre, sous peine aux officiers d’en répondre en leurs 
propres et privés noms et aux soldats de la vie ; et permettait 
de mettre ses armoiries aux endroits des lieux que besoin 
serait, pour monstrer qu’ils sont en la protection et sauvegarde 
de Sa Majesté. 

Les documents originaux que nous venons de citer sont 
entre nos mains. 

L. ROUBET. 


SÉANCE DU 27 DÉCEMBRE 1883. 


Présidence de M. Roubet, président. 


Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; H. Çanat, 
Robelin, E. et Paul Marandat, l’abbé Soyer, le 
docteur Subert, de Flamare, Massillon Rouvet, 
le colonel de Charrant, de Lespinasse, l’abbé 
Crosnier, A. Griveau. 

M. le docteur Subert dépose sur le bureau le 
compte-rendu de l’Association des Médecins de 
la Nièvre pour 1883. 

Le même membre lit un rapport relatif au 
travail de M. Marty sur les grottes de Montlaur. 
Après la lecture de ce rapport, qui sera inséré au 


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— 59 — 

Bulletin , M. Gustave Marty est nommé membre 
correspondant de la Société. 

M. le Président communique à la Société deux 
lettres de M. le Ministre de l’instruction publique , 
suivies du programme des questions soumises à la 
réunion des sociétés savantes en 1884. 

M. le Président annonce ensuite qu’on a décou- 
vert récemment sur la voie romaine de Patinges 
et à cent mètres de la ville de Mons A Ibanus, 
un plat en bronze près duquel était une statue, 
également en bronze, de Marc- Aurèle, de très- 
bonne conservation, avec la légende : m. avrel. 
antoninvs. pivs ; sur la face et au revers : imp. 
ni. cos. m. p. p. pm. tp. xviiii, et un fragment de 
poterie romaine. 

M. l’abbé Boutillier donne lecture du premier 
chapitre de la deuxième époque de la verrerie 
nivemaise , consacré aux Castellan. 


ANALYSE 

D’UN TRAVAIL DE M. GUSTAVE MARTY 

SUR LA GROTTE DE MONTLAUR (ARIÉGE). 

C’est avec un bien vif intérêt que j’ai parcouru le travail 
de M. Gustave Marty, et je suis heureux d’en avoir entrepris 
l'analyse, pour la présenter à la Société nivernaise. 

En dehors du mérite incontestable des découvertes qui 
y sont mentionnées , j’ai trouvé , à chaque instant , des 
descriptions qui ont rappelé à mon souvenir l’époque où 


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nous visitions si gaiement et si cordialement les grottes 
d’Arcy (i). 

La caverne de Montlaur ou de l’Herm (Ariége) offre 
avec ces dernières des similitudes nombreuses que je vais 
signaler, au fur et à mesure qu'elles se présenteront. 

La grotte de l’Herm , à laquelle M. Marty restitue le nom 
de grotte de Montlaur, est située dans le hameau de ce nom, 
vers l’ancien château de Montlaur. Elle a été visitée par 
plusieurs savants et en particulier par M. E. Filhol, direc- 
teur de l’école de médecine de Toulouse, et qui est très- 
compétent en semblables matières , en raison du grand 
nombre de grottes analogues qu’il a explorées. Cette grotte 
de l’Herm a été décrite (au point de vue historique ou 
paléontologique ) par M. l’abbé Pouech , M. Alzieu , les 
docteurs Garrigou , Filhol et Noulet. M. Marty l’a par- 
courue et fouillée en géomètre , en compagnie d’un de ses 
amis, M. Fouque, qui a bravément partagé ses fatigues et 
ses dangers. 

Cette grotte a 1,800 mètres de parcours (les grottes d’Arcy 
n’en ont que 876) , abstraction faite des méandres et des 
détours inévitables en semblables excursions. 

C’est un ossuaire du terrain quaternaire; nos infatigables 
et courageux collectionneurs y ont recueilli un nombre 
considérable de squelettes de carnassiers, dont les principaux 
types appartiennent au genre ursus (1 ursus spelœus , ursus 
arctos, ursus priscus et ursus gaudryi) et au genre felis 
ou lion ( felis spelœa et felis antiqua). 

Ils ont également trouvé la hyène des cavernes (hyena 
spelœa ), le rhinocéros (rhinocéros tichorrinus) , des osse- 
ments de loup, de renard, de cheval, de grand cerf, de renne, 
de bœuf, d’aurochs, de chèvre, de brebis, de chien, de 
cochon, etc., etc. 

(1) Bulletin de la Société nivernaise , a* série, t. VII. Excursion de 
la Société nivernaise dans les vallées de la Nièvre , du Beuvron, de 
V Yonne, de la Cure et du Nohain , en juillet 1873. 


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— 6 1 — 


Comment de tels ossuaires se sont-ils formés? L'auteur 
admet avec raison que : « La vraie cause de l'accumulation 
des débris fossiles est le transport par les eaux , et que ces 
dépôts se trouvent dans les parties les plus profondes et 
souvent même disposées par couches. » Il se déclare par- 
tisan de vieille date des idées de Boucher de Perthes. lia, 
comme ce dernier, retiré de ces divers dépôts des haches de 
pierre et d'autres objets également en silex. 

M. Marty a non-seulement tracé sur place des croquis 
des différentes cavités qu’il décrit, mais il a joint à sa 
description un plan d’ensemble très-important et très- 
intéressant. Ce plan seul suffirait pour assurer au travail 
de M. Marty la plus sérieuse attention de la part des savants 
qui s’occupent de ces recherches. Il en donne la description 
dans un chapitre spécial. 

« C’est à l’ouverture de la grotte que furent pratiquées, 
dit-il , les fouilles qui amenèrent la découverte d’ossements 
humains, (une mâchoire, comme à Arcy), des débris de 
poteries et quelques rares objets travaillés de l’époque de la 
pierre polie. » Il nomme cette pièce le vestibule , puis se 
trouve V antichambre , et un couloir conduit à la salle ovale 
ou ossuaire qui présente c cinq couches bien distinctes 
d’ossements fossiles, qui se trouvaient séparés de chacune 
d’elles par un plancher stalagmitique dont l’épaisseur variait 
de dix à quarante centimètres ». Puis il rencontre le passage 
du bénitier , et décrit les amas de guano formés par les 
excréments d’innombrables chauves-souris. Il a recours à 
une échelle, puis il franchit le canal qui le mène à la 
galerie d'Amphitrite , précédée par la salle d'attente de la 
galerie d'Amphitrite , puis vient le passage des orgues qui 
aboutit à la salle de Tantale . 

Cette dernière appellation est assez caractéristique par 
elle-même, et elle explique le lyrisme de l’explorateur qui 
y voit « les ornementations fantastiques que les romanciers 
ou les poètes décrivent quelquefois , ou que les peintres 
représentent sur nos théâtres pour figurer les palais en- 


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— 62 — 

chantés, la demeure de cristal élevée par les caprices des 
ondines. » 

Puis il traverse la salle du loup , le passage perdu , la 
salle du chat , les trois caveaux , la salle du lac, la cathé- 
drale, le chemin du paradis , la galerie dangereuse, le 
paradis et le conservatoire . 

J'emprunterai mes conclusions à M. le professeur Melliés, 
de l’Académie des sciences de Toulouse: 

< M. Marty a trouvé des ossements de presque tous les 
animaux qui constituent la faune des cavernes, et le grand 
ours est représenté (dans ses trouvailles) par plusieurs milliers 
de pièces. » 

En résumé , Messieurs , je viens , à mon tour, vous dire 
que M. Marty est digne du titre de membre correspondant 
qu’il sollicite , et que l’œuvre que j’ai analysée fait double- 
ment honneur à son courage et à sa science. 

Docteur SUBERT. 


SÉANCE DU 31 JANVIER 1884. 

Présidence de M. Roubet. 

£ 

Etaient présents: MM. Roubet , président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, Messery, 
l’abbé Soyer, l’abbé Fouché, Col, Subert, F. 
d’Assigny, de Chalvron, Blaudin Valière, H. 
d’Assigny, de Berthier, de La Fargue, Massillon 
Rouvet, de Pierredon, de Villenaut, Duminy, de 
Flamare, E. de Toytot, Griveau, Marandat, le 
vicomte de Maumigny, le colonel de Charrant, 
l’abbé Pot. 


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— 63 — 


M. le Président donne lecture d’une circulaire 
de M. le Ministre de l’instruction publique et des 
beaux-arts relativement à la réunion des délégués 
des sociétés savantes qui aura lieu du 15 au 19 avril 
1884. 

M. le Président donne lecture d’une préface de 
M. le vicomte René de Savigny de Moncorps, 
destinée à précéder la publication posthume de 
fables et opuscules dont son père, M. de Savigny, 
est l’auteur. Trois fables inédites et deux poésies 
sont lues à la Société, qui en vote l’impression au 
Bulletin. 

Par une autre lettre, dont il est aussi donné 
lecture, M. le vicomte de Savigny communique à 
la Société une petite pièce de vers qu’il a retrouvée 
dans un livre excessivement rare : La Terre- 
Sainte ou Description topographique très- 
particulière des Saints-Lieux et de la terre 
de promission, etc., le tout enrichi de figures 
par F. Eugène Roger, récollet, missionnaire de 
Barbarie, publié à Paris, chez Antoine Bertier, 
rue Saint-Jacques, à l’enseigne de la Fortune. 
1 664. 

L’auteur est ce même; a prieur de Sainct-Quaize » 
connu surtout par son « épistre à maistre Adam » : 

Ornement du siècle où nous sommes 
Maître Adam le premier des hommes 

épltre qui se lit en tête de la première édition 
du Villebrequin de notre poète nivemais, en 
1663. 


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— 6 4 — 

Voici la copie de ce sonnet : 

A FRÈRE EUGÈNE ROGER 

sur son livre 

De la Terre-Sainte. 

SONNET. 

Séraphique escrivain , rare et dévot Eugène, 

Que le zèle est ardant, que le sort est heureux, 

Qui t’a fait accomplir le dessein généreux 
D’aller au sacré mont où ton Dieu fit la Cène ! 

Que le plaisir est grand qui succède à la peine 
D’avoir veu de Jésus le séjour amoureux , 

Nazareth, Bethléem et le mont douloureux 
Où mesme il expira pour la nature humaine. 

Après avoir marché dessus ses sacrez pas, 

Des lieux de sa naissance à ceux de son trépas 
Et baisé de ses pieds les vestiges augustes ; 

Après, dis-je, avoir veu le tombeau glorieux 
Où fut ce Saint des saints et ce Juste des justes, 

Que te restait-il plus que de voler aux cieux ? 

BERTIER , curé de Saint-Caise. 

M. de Villenaut demande la parole. 

A l’occasion de la révocation des fonctions gra- 
tuites d’archiviste de la ville de Nevers que 
M. l’abbé Boutillier remplissait depuis dix-huit ans, 
M. Adolphe de Villenaut propose à la Société de 
voter l’ordre du jour suivant : 

« La Société, désirant donner un témoignage 
de sympathie à son vice-président, M. l’abbé Bou- 
tillier, émet un vote d’éloges en faveur du savant 
et laborieux archiviste, et passe à l’ordre du jour. » 


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— 65 — 


La Société vote sans discussion la proposition 
de M. de Villenaut. 

M. Griveau dépose sur le bureau la description 
des armes de la famille d’Omant : De gueules, à 
une tour d’or sommée d’un donjon de même, 
timbrée d’un casque trois quarts d’acier poli, 
orné de lambrequins d'or et de gueule, avec 
cette devise : Virtutes adornant. 

M. le président Roubet fera figurer cette note 
dans son travail sur les Sallonyer. 

Lecture est donnée par M. le Président d’une 
lettre du P. de la Croix, S. J. Le savant religieux 
demande que ‘ les sociétés savantes de France 
s’unissent pour tenter auprès du Gouvernement la 
conservation des monuments romains de Sanxey. 

Autant que faire se pourra il sera donné suite 
à la proposition. 


QUELQUES MOTS 

SUR LES FABLES INÉDITES DE M. DE SA VIGNY. 

M. A. Duvivier, dans la préface qu’il a publiée en tête de 
l ’ Inventaire des archives de Nevers , par Parmentier, 
développe avec talent l'idée de la création de bibliothèques 
départementales : « La science gagnerait énormément à cette 
organisation ; les études locales seraient plus faciles et plus 
profitables ; chaque chef-lieu de département deviendrait un 
foyer de lumière; chaque ancienne province posséderait 
complètement ses richesses intellectuelles en même temps 
que sa statistique scientifique , littéraire et artistiqué, etc... 
t. il, 3* série. 3 


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— 66 — 


Ne pourrait-on donc pas réimprimer sous le titre de Biblio- 
thèque nivemaise toutes les productions littéraires de notre 
pays , en y ajoutant les ouvrages manuscrits ? Il y a encore 
disséminés dans le champ du passé maints épis à recueillir 
et à lier en gerbes. » 

Tout en partageant l’avis de M. Duvivier, tout en faisant 
des vœux pour le succès d’une pareille entreprise, j'y recon- 
nais aussi comme lui , du reste , des difficultés nombreuses. 
Les recherches seraient pénibles , la publication très-longue 
et la question d’argent élèverait certainement entre l’idée et 
sa réalisation une barrière presqu’infranchissable. 

Mais ne pourrait-on pas du moins glaner quelques-uns de 
ces épis et faire connaître des œuvres inédites, dans lesquelles 
on trouverait toujours , j’en suis sûr, quelque chose de bon 
et d’utile? Chacun apporterait son tribut et le Bulletin de la 
Société nivemaise s’enrichirait encore de documents très- 
intéressants pour le pays. 

Aujourd’hui, j’en veux donner l’exemple , tâche qui me 
sera bien douce , puisque j’aurai à parler de mon père. 
Presque tous les membres de la Société nivemaise Font 
connu ; les autres ont entendu souvent prononcer son nom. 
J’espère donc qu’ils apporteront un bienveillant intérêt à ces 
quelques lignes consacrées à sa mémoire et me pardonneront 
volontiers le légitime sentiment d'orgueil qui me pousse à 
faire revivre en eux le souvenir d’un homme de bien , ami 
fort éclairé des arts , collectionneur passionné , cultivant les 
lettres avec amour, à ses heures de loisir. 

Un mémoire fort remarquable sur des questions fores- 
tières : Considérations sur la diminution de valeur et la 
dépréciation des bois dans la Nièvre , mémoire qui a valu 
à son auteur la médaille d’or décernée en 1845 par la Société 
d'agriculture et qui a été complété par deux autres sur 
l’aménagement des ioréts et sur la situation forestière du 
département en 1 856 ; un recueil inédit de jolies fables , un 
traité de la pêche du mulet , dont plusieurs chapitres ont été 
jugés dignes d’être insérés dans le Dictionnaire des Pêches t 


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- 67 - 

de H. de La Blanchère , sont les titres scientifiques et litté- 
raires de mon père. 

Parmi les manuscrits qui sont entre mes mains , il en est 
un auquel j attache une réelle importance , à tous les points 
de vue. Il renferme soixante-neuf fables , toutes charmantes 
de verve et de finesse ; les vers en sont bien tournés , vifs et 
élégants et Ton y trouve les traces d’une observation délicate, 
d'une douce philosophie et la connaissance approfondie du 
cœur humain. Ces petites narrations enjouées et aussi variées 
que possible contiennent de vrais principes de morale et des 
vérités utiles au bonheur des hommes. Ce sont des leçons de 
sagesse pour tous les rangs et pour tous les âges, propres à 
l’instruction de l’enfance aussi bien qu’à celle des hommes 
faits, qui ne sont le plus souvent que de grands enfants. 

Toutes les qualités qui conviennent à l’apologue: la 
naïveté, la grâce, la correction du langage, se trouvent 
réunies dans les fables de mon père dont je veux faire 
connaître quelques-unes. On en appréciera , j’en suis sûr, le 
charme et la pureté de style. 

Mon père, chasseur ardent, pêcheur passionné, un jour le 
fusil sur l’épaule , un autre jour la ligne en main, trouvait 
dans ses exercices favoris presque tous les sujets de ses fables. 
Les mœurs , les habitudes des animaux , l’état du ciel , la 
configuration du sol , étaient l’objet de ses constantes obser- 
vations. Aussi excellait-il dans ces agréables passe-temps. 

« Ce qui constitue le vrai chasseur ou le vrai pêcheur, 
nous disait-il souvent, ce qui fait de la chasse ou de la 
pêche un art véritable , ce n’est point le plus ou moins de 
perfection des instruments , des armes ou des filets , ce n’est 
point la lecture des livres, c’est tout simplement l’étude de la 
nature. » J’ajouterai, moi, que cette même étude de la nature 
a fait aussi un véritable fabuliste. 

Des poésies diverses , dans lesquelles on rencontre parfois 
une légère teinte de mélancolie , complètent le petit trésor 
littéraire que je me suis fait un pieux devoir de signaler à la 
Société nivernaise. 


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Les jolis vers: Pontilîard (i), souvenirs, seront d’autant 
mieux accueillis , sans doute , qu’un vieux manoir de notre 
belle province du Nivernais a su les inspirer à celui qui y 
passa la plus grande partie de son enfance. 

Je pourrais faire de plus nombreux emprunts à mon 
précieux manuscrit ; mais , voulant rester dans le cadre 
que je me suis tracé d’avance, je rappellerai simplement 
l'épilogue qui termine le premier recueil des fables de La 
Fontaine : 

Bornons ici cette carrière; 

Les longs ouvrages me font peur; 

Loin d’épuiser une matière 

On n’en doit prendre que la fleur. 

V* DE SAVIGNY DE MONCORPS. 

Château de Fertot, janvier 1884. 


L’ENFANT ET LA FUMÉE. 

FABLE VI. 

A mon fils Henry. 

Naïf, heureux comme à cet âge 
Où les jours passent sans regret, 

Où tout encore est plaisir, badinage , 

A côté de son père un enfant folâtrait, 

Lui faisant tour à tour, au gré de son caprice , 
Une caresse , une malice. 

Pendant qu’il surveille ses jeux, 

Pendant qu’avec amour il le couve des yeux , 
L’heureux père , au tuyau d’une pipe enflammée , 
Pleine d’un tabac superfin, 


(ij Pontilîard, petit manoir flanqué d’une tourelle seizième siècle, 
commune de Saxi-Bourdon. ( Répertoire archéologique du département 
de la Nièvre , par le comte de Soultrait.) 


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— 69 — 

Aspirait l’odeur parfumée 
De cette plante renommée 
Qui fait le désespoir du sexe féminin. 

Voir fumée pour l’enfant c’était chose nouvelle ! 
Aussitôt il quitte le jeu 

Pour s’approcher du point d’où la flamme étincelle, 
U veut voir de plus près pourquoi brille ce feu , 
Prendre à ses doigts cette pipe allumée, 

Retenir dans sa main ces flocons de fumée; 

Ne faut-il pas qu’un enfant touche à tout? 

Le voilà s’efforçant d’arrêter au passage 
Le blanchâtre brouillard qui voile son visage 
Et l’épaisse vapeur qui se répand partout : 

Fol espoir, trompeuse chimère ! 

Malgré lui la fumée impalpable, légère, 

S’élève en voltigeant et passe dans ses doigts 
En montant par-dessus les toits. 

Comme cet autre enfant qui veut prendre la lune. 
Le nôtre, hélas! n’en peut venir à bout. 

Laissons passer la fortune , 

La gloire, les honneurs: que sont-ils après tout? 
Cette fumée en est l’image, 

Et qui les poursuit est moins sage 
Que le folâtre enfant : ils sont capricieux 
Et trompent les désirs de maint ambitieux. 


LE BRICK ET LA CHALOUPE. 

FABLE XII. 

Que la mer soit tranquille, ou qu’un flot écumant 
Vienne en courroux frapper la plage, 

Tout plaît au spectateur assis sur le rivage ; 

Le moindre objet apparent, 

Une barque que la rame 
Fait résister à la lame, 

Un bâtiment gracieux 

Qui se joue au milieu des vents et des orages 
Et s’apprête à lutter de vitesse avec eux, 

Plus loin ces oiseaux sauvages 
Reposés sur la vague ou planant dans les cieux. 
Tout charme, tout distrait, tout occupe la vue. 


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- 7 « - 

L’Océan à ses pieds, un voyageur pensif 
En silence, des flots admirait l’étendue, 

Et suivait deux points noirs que son œil attentif 
Ne voyait que par intervalle ; 

Éloignés et confus, de grosseur inégale, 

Chacun d’eux approcha : d’abord un frêle esquif 
Sans mât, sans voile et pour tout équipage 
Quelques bras endurcis luttant contre la rage 
Des éléments capricieux ; 

Fuis au-delà paraît, ses voiles déployées, 

Comme un cygne élégant aux ailes argentées , 

Un navire majestueux ; 

Et ce géant ailé semble voler sur l’onde 
En laissant dans sa course une trace profonde. 

« Ramez, dit l’inconnu, pécheurs, ramez bien fort, 
t Travaillez, vous aurez beau faire, 

» Ce gros vaisseau touchera terre 
> Quand vous serez, hélas 1 encor bien loin du port ; 

» N’est-ce pas le droit du plus fort 
» Qui toujours a fait loi sur la machine ronde ? 

» Que peuvent les petits contre les grands du monde ? 

>i Souffrir, céder le pas et se mettre à l’écart ; 

» Aux heureux la fortune, aux faibles le courage, 

» Oui... ce brick le premier atteindra le rivage, 

» Et vous, pauvres pêcheurs, ne viendrez que plus tard. » 
Mais tout-à-coup le vent cesse d’enfler les toiles 
Et le long des grands mâts on voit tomber les voiles ; 

La vague s’aplanit; ce superbe vaisseau 
Un instant si rapide est inerte sur l’eau , 

Il a perdu soudain le mouvement , la vie : 

Son équipage est triste et voit avec envie 
Passer auprès de lui la barque de pêcheurs. 

Aux cris joyeux de ses rameurs 
L’esquif léger s’avance et bientôt il arrive , 

Laissant l’autre attendre le vent ; 

La chaloupe a touché la rive 
Tandis que le navire attend. 

C’est ainsi que, dans sa sagesse, 

Dieu trompe quelquefois nos orgueilleux efforts ; 

En signe de puissance, il abaisse les forts 
Et prend pitié de la faiblesse. 


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— 7 I — 

LE PÊCHEUR A LA LIGNE. 


FABLE XXVII. 

Un pécheur à la ligne, au bord de la rivière, 

Essayait les remous, l’eau calme, les courants; 

Un badaud, sur le pont, depuis une heure entière 
Le voyait s’épuiser en efforts impuissants ; 

Pas un goujon... pas même une ablette légère... 

« Métier de sot, dit-il, stupide passe-temps ! 

9 L’ami, ces plaisirs-là sont par trop innocents ! » 
Mais l’autre : < Je sais, moi, soit dit sans te déplaire, 
b Métier plus sot encore, celui de ne rien faire. » 


PONTILLARD. 

SOUVENIRS. 

A ma mère. 

Petit château, frais ombrage, 
Grands arbres dont le feuillage 
Mollement penche sur l’eau, 

Lieux chéris de mon enfance, 
J'éprouve un plaisir nouveau 
Quand, après les jours d’absence, 

Je vous revois : vieux château , 

Bel étang dont l’eau limpide 
Reflète mille couleurs, 

Où la sarcelle timide 
Se cache au milieu des fleurs ; 

Joncs que le brochet agite, 

Roseaux que la carpe habite, 
Grenouilles, léger bateau 
Flottant sur le bord de l’eau ! 

Enfant, aux grands jours de pèche, 
Quand barbottaient dans la crèche 
Mille et mille gros poissons, 

Ou qu’on tondait les moutons, 

Mon cœur palpitait d’avance 
De joyeuse impatience. 

La nuit souvent m’a surpris , 
Immobile au marécage, 

Guettant le canard sauvage 


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_ 7 2 — 


Dans le silence des bois ; 

Et quand , malade autrefois , 

L’âme pleine de tristesse. 

Fatigué de la jeunesse. 

Pouvant à peine marcher... 

Sur ces collines fleuries 
Et dans ces vertes prairies 
Souffrant, je venais errer. 

Près de ces objets que j’aime, 
Pourquoi ce bonheur extrême r 
D’ou vient-il ? Je n’en sais rien ; 

Et cependant, à leur vue, 

Une larme inattendue 
Vient couler... Je la sens bien ! 
C’est que là cachés, ma mère, 

Sa sœur et leurs vieux parents (i), 
Au règne de Robespierre, 

Fuyaient jadis les tourments, 

La terreur et la misère. 

Sans cesse attendant la mort ; 

Et, pour abriter leur tête 
Des fureurs de la tempête, 

C’est là qu’ils trouvaient un port. 
Cette maison solitaire 
A vu fiancer ma mère 
Naïve comme à seize ans, 

Pauvre mère dont le temps 
Était compté sur la terre, 

Qui devait, hélas! mourir 
Et trop tôt dans la souffrance 
Voir briser sans espérance 
Ses beaux rêves d’avenir, 

Allant où va toute chose , 

Où tous nous devons aller... 
Maintenant elle repose... 

Mon Dieu ! laissez-moi pleurer ; 
Tous ceux qu’aimait mon enfance 
Vous les avez appelé, 

Et ces lieux m’ont rappelé 
Du bonheur ’a souvenance. 

a) Le comte et La comtesse des Ulmes. 


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— 73 - 


RICHESSE OBLIGE. 

Lorsque, son b&ton à la main, 

Un inconnu de pauvre mine, 

A la porte de la cuisine 

Vient s’arrêter, disant : a J’ai faim, » 

Et demande un morceau de pain. 

Où va mon fils ?... Laissez-le faire ; 

Car, devinant la charité 
A l’aspect de tant de misère, 

Le peu d’argent qu’a mérité 
Son travail et sa diligence, 

Il vient l’offrir à l’indigence : 

« Prenez, dit-il, vous avez faim , 

» Voilà pour acheter du pain. » 

« Mon enfant, Dieu vous récompense, 

1 Répond le pauvre. Il gardera 
i De vos bienfaits la souvenance; 

» Merci, le bon Dieu bénira 
» Les jours heureux de votre enfance. î 

C’est bien , mon fils. En grandissant 
Reste bon comme en ta jeunesse, 

Sois généreux, compatissant. 

Si Dieu nous donna la richesse, 

U fit notre frère indigent. 

Et nous devons soulagement 
A ceux que la fortune afflige. 
Souviens-toi que richesse oblige. 

Janvier 1843. 


SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1884. 

Présidence de M. Roubet, président. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l'abbé Boutillier, oice-président ; E. de Toytot, 
secrétaire ; Canat, conservateur du musée ; le 
t. ii, 3 * série. g 


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— 74 — 

docteur Subert, l’abbé Soyer, de Rosemont, de 
Villenaut, Massillon Rouvet, de Flamare, Du- 
miny, Ch. de Berthier-Bizy, l’abbé Foucher, 
l’abbé Crosnier, Griveau , Edouard et Henry 
Marandat. 

Lecture est donnée : i° d’une circulaire du 
Comité archéologique de Senlis, relativement à 
une souscription pour la commission des arènes ; 
2° d’une circulaire du ministre de l’instruction 
publique au sujet de la réunion des sociétés 
savantes à la Sorbonne ; 3 0 d’une lettre du prési- 
dent au ministre de l’instruction publique au sujet 
de la demande de subvention formée par la Société 
nivernaise pour aider à la publication du Cartu- 
laire du prieuré de La Charité-sur-Loire. Le 
ministre demande certains renseignements sur 
le travail de M. de Lespinasse. La Société est en 
mesure de répondre à la demande de M. le 
Ministre ; le premier fascicule imprimé du Car— 
tulaire sera adressé au ministère à titre de 
spécimen. 

M. le docteur Subert communique à la Société 
une hache en pierre lui appartenant. Cette hache , 
à pointe et à tranchant brisé garni d’un sillon , a 
été trouvée sur les cailloux de la Loire par M. le 
curé de Challuy. 

Il est donné lecture d’une notice fort intéres- 
sante écrite sur cette hache par M. Canat. 

M. Ad. de Rosemont soumet à la Société une 
Vierge en bois de la commune de Tresnay. A titre 
de renseignement, il demande de quelle époque 


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— 75 — 

est cette statuette, et en outre s’il n’y a pas une 
particularité spéciale dans ce fait que la Vierge 
tient l’Enfant- Jésus sur le bras droit au lieu de le 
tenir sur le bras gauche , comme d’habitude. Il est 
répondu que cette statue, assez médiocre d’ailleurs, 
est du dix-septième siècle. Quant à la particularité 
indiquée par M. de Rosemont, M. l’abbé Boutillier 
fait observer que cette attitude n’a aucune impor- 
tance iconographique. Il est naturel que la Vierge 
tienne l’Enfant avec la main droite ou plutôt avec 
les deux mains, car elle ne le porte point, à 
proprement parler, au repos ; elle le présente , et 
c’est pourquoi la main droite paraît être en avant. 

M. l'abbé Boutillier continue la lecture du 
travail commencé sur les gentilshommes verriers 
de Nevers. Le chapitre relatif à la deuxième 
époque concerne les Castellan. 

M. le président Roubet donne lecture d’une 
notice sur la verrerie d’Aspremont. 

Il est procédé au scrutin de vote pour la récep- 
tion comme membres de la Société nivernaise de : 
M. Régnier, négociant au Pont-Patin, présenté 
par MM. l’abbé Boutillier et Thévenin ; de 
MM. Gillotin, négociant à Nevers, et Moutardier, 
caissier à la Pique, présentés par MM. Boutillier 
et Subert. 

MM. Régnier, Gillotin et Moutardier sont 
admis. 


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- 7 6 — 


NOTE SUR UNE HACHE A SILLONS 

TROUVÉE A CHALLUY (NIEVRE), 

APPARTENANT A M. LE DOCTEUR SUBERT. 

Cette hache est d’une pierre gris verdâtre dont la nature 
ne m’est pas connue. Elle a été faite avec un caillou roulé 
qui n’a été poli artificiellement que dans la partie où devait 
se trouver le tranchant, lequel a disparu par suite d’une 
cassure ancienne. Elle présente sur chacune de ses faces un 
sillon longitudinal qui les partage inégalement. 

Sur l’une des faces le sillon est à peine indiqué et n’existe 
que dans la partie qui a été soumise à un polissage. Sur 
l’autre face il est beaucoup plus accusé et se prolonge jus- 
qu’auprès de la pointe, un peu sur le côté. Sa profondeur, 
dans la partie la plus saillante de l’instrument, est de deux 
millimètres, la largeur de trois; le fond en est obtus et les 
parois sont striées dans le sens longitudinal. 

Les haches à sillons sont réputées rares; il en existe 
cependant, à ma connaissance, dans un certain nombre de 
collections publiques ou privées. Les rainures ne sont pas 
toujours tracées sur les faces et dans le sens de la longueur; 
elles sont parfois transversales, diagonales ou disposées en 
forme de V, ou bien encore placées sur la tranche latérale. 

Quelle était la destination de ces sillons ? 

Diverses hypothèses se sont fait jour. On a prétendu 
notamment qu’ils servaient à assujettir un lien de suspension 
et que les haches ainsi préparées devaient être portées comme 
des amulettes ; mais cette explication ne saurait s’appliquer à 
celle que nous avons sous les yeux, car les sillons creusés sur 
les deux faces ne se rejoignaient ni à la base ni au sommet, 
et comme ils ne se dirigeaient pas exactement vers la pointe, 
le centre de gravité se fût trouvé déplacé. Elle est encore 
moins applicable à un échantillon que je possède et qui ne 
présente qu’une seule rainure placée sur le côté. 


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- 77 - 

Je passe sous silence d'autres explications plus ou moins 
fantaisistes, et j'arrive à celle fournie par M. de Mortillet. 
Voici ce qu’on lit à ce sujet dans son dernier ouvrage (le 
Préhistorique , 1 883) : 

« Les palafittes nous ont fait connaître un procédé parti- 
culier pour préparer le premier éclatement des ébauches. 
C’est le sciage. Les pièces polies des palafittes de la Suisse 
ont été faites avec des caillous roulés. La surface de ces 
caillous étant arrondie et rendue lisse par le roulis, il était 
assez difficile de les éclater régulièrement. Le marteau mor- 
dait mal sur la surface lisse et en dos d’âne. Pour remédier à 
cet inconvénient et pour régulariser les cassures, on pro- 
duisait sur le caillou un trait de scie longitudinal dans le 
sens de la cassure désirée. Ce trait était poussé jusqu’à un ou 
deux centimètres de profondeur. On n'avait plus alors qu’à 
frapper violemment sur un des côtés du trait pour diviser la 
pierre dans le sens voulu. 

» Ces traits de scie se donnaient aussi pour diviser, sans 
les morceler, les pierres d’espèces rares et de qualité supé- 
rieure dont on utilisait avec soin tous les fragments. C’est 
ainsi qu’on voit souvent des tracés de scie sur les haches en 
jade, en chloromélanite et autres roches de première 
qualité. 

» Parfois on trouve des échantillons portant le trait de 
scie, sans que le détachement des deux parties ait été opéré. 
On reconnaît alors que l’évasement du sillon est assez consi- 
dérable. Dans trois échantillons de ce genre que possède le 
musée de Saint-Germain, cet évasement est au sommet de 
7 , 8 et 9 millimètres pour des profondeurs de 12 , 9 et i5. 

» Le fond, au lieu d'être aigu, est obtus. Ses parois sont 
toutes garnies de stries longitudinales. Ces stries prouvent 
qu’on employait du sable interposé pour opérer le sciage. 
L’évasement du sillon et son fond obtus montrent que 
l’outil employé n'était pas en silex. Ce devait être tout bon- 
nement un morceau de bois taillé en biseau à la base. 


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- ;8 - 

L’agent actif était le sable humide; l’outil en bois n’avait 
d’autre fonction que celle de promener le sable tout le long 
du trait en le pressant contre la pierre à entamer. » 

Les sillons devaient en outre avoir, dans certains cas, 
pour objet de permettre d’abattre les parties saillantes de la 
pierre et d’en diminuer l’épaisseur sans crainte de l’entamer 
trop profondément, de manière à lui donner la forme défi- 
nitive et à en rendre le polissage plus facile et plus prompt. 

Le Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris 
(tome III, 3 e série, 1880, 736 ) contient la description de 
différentes pièces découvertes par M. Franck Bousselot dans 
la station lacustre de Treytel, près Bevaix, canton de 
Neuchâtel, qui permettent de se rendre compte des procédés 
de fabrication qui viennent d’être expliqués. C’est d’abord 
un gros caillou glaciaire en roche serpentineuse très-tenace» 
provenant du Valais. Vers l’un des côtés, dans le sens de la 
longueur, on voit une entaille rectiligne dont la coupe forme 
un angle en forme de V, produit d’un sciage. Un second 
échantillon montre comment s’opérait l'équarrissage : c’est un 
caillou roulé dont un côté offre une trace de sciage et au- 
dessous une face de cassure obtenue par le choc, suivant la 
ligne creusée. Un troisième échantillon est en outre dégrossi ; 
enfin, un quatrième est une hache polie, finie, mais qui 
présente encore des traces de faces de sciage. 

Une remarque curieuse, c’est qu'en faisant la part de 
certains perfectionnements dus à l’emploi d’agents métal- 
liques, on est amené à reconnaître que les procédés en usage 
de nos jours pour le dégrossissement et la mise au point des 
blocs que l'on veut sculpter sont à peu près les mêmes que 
ceux qu’avait trouvés le sauvage de l’époque néolithique pour 
la fabrication de ses outils. 

CANAT. 


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— 79 — 


SÉANCE DU 27 MARS 1884. 


Présidence de M. Roubet, président. 


Étaient présents : MM. Roubet, président; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du 
musée ; Griveau, Robert Saint-Cyr, Charbonnier, 
l’abbé Pot, de Villenaut, l’abbé Soyer, Massillon 
Rouvet, de Flamare, Ed. et Henry Marandat, 
le comte de Maumigny, le lieutenant-colonel de 
Maumigny, Duminy. 

M. le Président donne lecture d’une lettre de 
M. d’Asis, nous informant qu’un arrêté municipal 
aurait autorisé la Société académique à tenir ses 
séances dans le local de la porte du Croux, à des 
jours différents de la Société. 

Le même arrêté municipal serait dans l’intention 
de charger la Société académique de la conserva- 
tion des musées de la ville , parmi lesquels se 
trouverait compris le musée lapidaire de la porte 
du Croux. 

M. d’Asis demande si la Société conteste le 
droit en vertu duquel la Société académique serait 
substituée à la Société nivernaise ; en tout cas, 
M. d’Asis prévient M. le Président que la Société 
académique compte siéger dans notre local samedi 
prochain, c’est-à-dire le dernier samedi du mois 
de mars. 

M. le président Roubet a déjà répondu à la 


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— 8o — 


lettre de M. d’Asis, en lui permettant, à titre 
purement gracieux, mais sous toutes réserves de 
nos droits, de tenir la prochaine séance samedi 
29 mars à la porte du Croux. En tout cas , il n’y a 
pas lieu à répondre pour le moment à un arrêté 
qui n’a pas été notifié et que nous ne connaissons 
que par la lettre de M. d’Asis. 

En outre , la Société pense qu’il y a lieu de 
répondre à M. le Président de la Société acadé- 
mique du Nivernais. La teneur de cette lettre est 
votée à l’unanimité. 

M. Roubet fait part à la Société de la décou- 
verte faite à Preuilly, commune de Lury (Indre), 
d’une médaille en bronze à l’effigie du cardinal 
Robert de Lenoncourt, prieur de La Charité. 

La figure du cardinal porte une longue barbe ; 
sur le revers on lit cette légende : in labore 
quies. 1554, autour d’un écu portant : D’or , à la 
croix engrèlée de gueules. 

Enfin, M. le Président fait passer sous les yeux 
de la Société une affiche indiquant une représen- 
tation du Théâtre de la Nation par les comédiens 
français ordinaires du Roi, donnée le 5 décem- 
bre 1789. 

Au mois de juillet 1789, dit-il, la Comédie- 
Française prit le titre de Théâtre de la Nation. 
Elle garda néanmoins le sous-titre de comédiens 
ordinaires du Roi, ce qui fit dire à un plaisant : 

Le» comédiens français très-prudemment calculent ; 

En citoyens ardents, ces messieurs s'intitulent : 
a Théâtre de la Nation, » 


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— &I — 


Titre qui permet seul à leur ambition 
Une recette toujours riche ; 

Et « comédiens du Roi n reste encore sur l'affiche 
Pour garantir la pension. 

Le titre de la pièce est : Charles IX , tragédie 
nouvelle, suivie du Legs de Marivaux. 


SÉANCE DU 24 AVRIL 1884. 


Présidence de M. Roubkt, président. 

9 

Etaient présents : MM. Roubet, président; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire; Canat, conservateur du 
musée; le colonel de Charrant, Col, de Rosemont, 
Edmond et Henri Marandat, de Villenaut, Jullien, 
Massillon Rouvet, l’abbé Soyer, Duminy, Griveau. 

M. Ernest de Toytot demande à M. le Président 
quelle suite a été donnée à l’incident relatif à 
l’abandon provisoire de notre salle à la Société 
académique du Nivernais. 

M. le Président constate qu’aucune séance n’a 
eu lieu à la porte du Croux, malgré l’autorisation 
donnée à M. le Président de la Société acadé- 
mique. 

Il ajoute qu’aucune réponse n’a été adressée à 
notre lettre et que nulle communication des arrêtés 
dont il nous avait été donné officieusement avis 
par M. le Président de la Société académique ne 
nous a été notifiée. 


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— 82 — 


Dans les circonstances actuelles, les choses 
restent en état , et nous continuons à réserver les 
droits de la Société nivemaise, sans avoir à entre- 
prendre aucune démarche nouvelle. 

Sur l’observation d’un membre, il est bien 
entendu d’ailleurs que si une nouvelle demande 
nous était adressée pour l’occupation de notre 
local, il y serait fait une réponse dilatoire, sauf 
délibération ultérieure à la séance suivante. 

M. Duminy demande qu’un délai de trois mois 
soit fixé réglementairement au-delà duquel les 
livres de la bibliothèque devront être rendus, sauf 
à renouveler la demande. 

M. de Villenaut donne lecture d’une intéres- 
sante notice sur la famille de La Ferté-Meung. 

M. l’abbé Boutillier continue la lecture de son 
travail sur les verriers de Ne vers (troisième 
époque : les Borniol). 


SÉANCE DU 29 MAI 1884. 


Présidence de M. Roubet, président. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; l’abbé Marillier, 
Massillon Rouvet, Col, Duminy, de Pierredon, 
Arthur et Adolphe de Rosemont, de Flamare, 
l’abbé Soyer, Robert Saint-Cyr, l’abbé Crosnier, 
Griveau, de Villefosse, Henri et Édouard 
Marandat. 


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— 83 - 


M. le Président communique une lettré de 
M. Ruprich-Robert , par laquelle il promet d’in- 
téresser M. le Ministre des beaux-arts à la 
restauration du tombeau d’Yolande et de lui 
transmettre la requête de la Société nivemaise. 

M. Roubet donne également lecture d’une lettre 
de M. Canat qui annonce que Mme veuve Barat 
offre au musée de la Société une meule romaine. 
Dans la même lettre sont signalées plusieurs trou- 
vailles faites à l’occasion des travaux du percement 
des nouvelles rues sur les terrains de l’ancienne 
caserne : i° un mur parallèle à la façade de 
l’église des Minimes, et qui aurait peut-être appar- 
tenu à l’enceinte de l’ancien monastère des 
Cordeliers ; 2° un meneau de fenêtre avec sa base 
et son chapiteau et l’extrémité d’un autre meneau 
identique au premier, qui n’a pu être extrait ; 
3° un assez grand nombre d’ossements humains, 
parmi lesquels un doigt auquel était adhérent un 
anneau que les ouvriers ont brisé en voulant le 
retirer ; 4 0 trois pièces de monnaie, dont deux de 
métal jaune, très-frustes. 

M. l’abbé Boutillier continue la lecture de son 
travail sur la verrerie de Nevers. Il donne con- 
naissance du chapitre intitulé : Principales 
verreries du Nivernais. 

M. Arthur de Rosemont fait hommage à la 
Société de son livre : Essai (T un commentaire 
scientifique sur la Genèse. 

M. le vice-président Boutillier, invité à lire une 
note qu’il a rédigée au sujet de l’œuvre, dit que 


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- 8 4 - 

certaines propositions paraissent difficilement con- 
ciliables avec les données de la théologie. 

La parole est à M. de Rosemont , qui expose le 
sommaire de son travail. 

M. l’abbé Marillier fait observer à M. de Rose- 
mont qu’il est très-difficile, sinon impossible, de 
concilier son système avec l’enseignement de 
l’Église sur la création de l’homme, le péché 
originel et l’universalité de la rédemption du genre 
humain. M. de Rosemont défend de nouveau ses 
assertions, tout en reconnaissant que l’universalité 
de la rédemption constitue à ses yeux une immense 
difficulté. En fin de compte , il proteste que les 
hypothèses qu’il a émises n’ont , dans sa pensée , 
rien de contraire à l’enseignement catholique. 

M. de Villefosse annonce qu’il a trouvé dans 
l’église de Château-Landon ( Castrum Nantonis 
— Seine-et-Marne) une boiserie du dix-septième 
siècle provenant du prieuré de Saint-Révérien de 
la même ville , représentant la guérison de saint 
Eulade, évêque de Nevers, par saint Séverin. 


SÉANCE DU 26 JUIN 1884. 


Présidence de M. Roubet, président. 


Étaient présents: MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice - président; Ernest de 
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du 
musée; le docteur Subert, Durainy, de Flamare 


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— 85 — 


de Villenaut, Col, de Villefosse, Soyer, Griveau, 
de Rosemont, E. Marandat, H. Marandat. 

M. le docteur Subert lit une notice nécrologique 
consacrée à la mémoire du docteur Thomas, 
notre regretté confrère. Cette notice sera insérée 
au Bulletin. 

M. le Président communique à la Société une 
lettre du président de l’Association française pour 
l’avancement des sciences. Cette lettre est destinée 
à inviter les membres de notre Société à assister à 
la réunion de Blois du 4 septembre 1884. 

Lecture est donnée par M. le Président d’une 
note sur un petit objet de bronze gallo-romain 
parfaitement conservé, trouvé très-récemment 
dans la commune de Chantenay. 

Le similaire de ce • bronze ne se rencontre pas 
dans nos musées; il mérite donc que nous en 
fassions la description. 

Cet objet, de (orme cylindro-conique, haut de six centi- 
mètres, affecte la forme d’une gerbe de blé. Il se compose de 
deux valves identiques qui s’entr’ouvrent au moyen d’une 
charnière longitudinale. 

L’intérieur présente le moule d’une petite gerbe de blé. 

Quelle était la destination de cette petite boitte, capsula ou 
receptaculum ? 

Etait-ce un moule? Il ne pouvait alors recevoir pour la 
reproduction du moulage qu’une matière malléable, comme 
la cire ou l’argile. 

On pourrait peut-être hasarder que cet objet a dû servir 
au culte de Cérès. 

Sur la partie externe on voit en relief la lettre C deux fois 
répétée. 


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- 86 - 

Pourrait-on interpréter ces deux lettres par Cultus 
Cereris ? 

Ce n’est là qu'une conjecture fort osée. 

Ce petit monumentum est entre les mains d’un membre 
zélé de notre Société, M. Albéric Gonat. 

M. le président Roubet et M. Ernest de Toytot 
présentent M. Octave Roger, ancien magistrat, 
chevalier de la Légion-d’ Honneur, et M. Henry 
Ponroy, ancien sous-préfet. 

M. l’abbé Boutillier et M. Régnier présentent 
M. Davanture, maréchal-des-logis-chef de gendar- 
merie à Nevers ; M. l’abbé Boutillier et M. l’abbé 
Soyer présentent M. Bruneau, curé de Maux, 
comme membres de la Société. 

Ces Messieurs sont admis. 

M. l’abbé Boutillier termine la lecture de son 
intéressant travail sur Y Histoire des gentils- 
hommes verriers et de la verrerie de Nevers. 
Le dernier chapitre est intitulé : Altare et 
Nevers. 

La Société vote , avec ses félicitations et ses 
remercîments, l’impression spéciale de l’ouvrage 
de M. l’abbé Boutillier, avec les planches qui s’y 
rapportent. Le tirage à part sera de deux cents 
exemplaires. 

La Société décide qu’il y a lieu de commander 
à la Monnaie, le plus tôt possible, une certaine 
quantité de jetons d’argent de présence pour 
opérer l’échange de dix jetons de bronze à ceux 
qui en ont cette quantité. Il sera frappé quarante 
jetons d’argent. 


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— 87 — 


La Société confirme le vote précédent au sujet 
de l’échange des jetons de présence de bronze 
contre un jeton d’argent, dont le principe avait 
été mis en discussion. Il est maintenu qu’il faudra 
dix jetons de bronze pour obtenir un jeton 
d’argent. 

M. le président Roubet lit une notice sur les 
capitaines châtelains de Cufiy. 


NOTICE NÉCROLOGIQUE 

SUR LE DOCTEUR THOMAS. 

Vous me permettrez , Messieurs, de retarder de quelques 
instants vos travaux habituels pour rendre, au sein de notre 
Société, un hommage de plus à la mémoire de notre tant 
regretté collègue, M. le docteur Edmond Thomas. 

Je ne vous entretiendrai pas ici de son habileté chirur- 
gicale ni de sa dignité confraternelle. Cette partie si glorieuse 
de sa vie sera rappelée dans une autre réunion. Je ne m’ar- 
rêterai pas non plus sur les sentiments charitables de ce 
favorisé de la fortune, qui savait faire de celle-ci un si noble 
emploi. Vous savez tous, du reste, combien il en fut récom- 
pensé ici-bas par l'estime générale de son vivant , et après sa 
mort par le concours unanime de la population nivernaise 
autour de son char funèbre, qui disparaissait sous un amon- 
cellement de couronnes de laurier et de fleurs , témoignage 
touchant de la reconnaissance publique. 

Ce que je veux présenter à votre souvenir, à l’occasion de 
cette fin si attristante, c’est que le docteur Thomas fut un 
des ardents fondateurs de notre Société, qu’il joignait à 
toutes les qualités , qui en firent l’homme exceptionnel que 
chacun regrette, un goût éclairé pour les choses artistiques. 


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— ss- 


ii pouvait facilement satisfaire à ce charmant penchant, et 
il réussit à grouper une collection d'amateur qui constitue 
actuellement un véritable musée. Il se plaisait à en faire les 
honneurs aux connaisseurs qui lui étaient présentés, et cet 
accueil était toujours fait avec un gracieux empresse- 
ment et une exquise courtoisie. Il s’était passionné depuis 
longtemps pour les faïences, dont il possédait des spécimens 
admirables. Il aimait les vieilles tapisseries, les bronzes, les 
tableaux, les meubles anciens, les produits de nos verriers et 
de nos émailleurs . et il avait une riche bibliothèque où la 
place de prédilection était réservée aux livres concernant 
notre histoire locale. 

Enfin, il portait un vif intérêt à notre Société nivernaise, 
dont il avait accompagné l’excursion de. 1873. Il suivait en 
véritable érudit vos remarquables travaux et il en approuvait 
la marche et les progrès. Le docteur Edmond Thomas était 
donc, à tous ces titres, digne de notre respectueux hom- 
mage. 

D r SUBERT. 


OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ. 

Bulletin de la Société historique et archéologique du 
Périgord , tome IX, 3 « et 4* livraison. 

Bulletin de la Société académique franco-hispano-portu- 
gaise de Toulouse , tome III, 1882, n° 1. 

Recueil des publications de la Société havraise d'études 
diverses , 46 e année, 1879. 

Annales de la Société des lettres , sciences et arts des 
Alpes-Maritimes , tome VII, 1881. — A consulter, un docte 
mémoire de M. Edmond Blanc : Tables de Vépigraphie 
antique du département . 

Mémoires de la Société d'agriculture , commerce , sciences 
et arts du département de la Marne , année 1880-81. — 
Volume rempli de mémoires importants : La Sépulture de 


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- 8 9 - 

Champignjr (Aube), première époque du fer, et Le Cimetière 
mérovingien de l'Académie , par M. Auguste Nicaise; — 
L'Église de Buison et sainte Posenne (beate Posinne vir - 
ginis), d’après une inscription du onzième siècle, par M. le 
chanoine Lucot ; — Cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre 
d'Oyes, par M . le comte Édouard de Barthélemy, etc. 

Bulletin de la Société d'études d'Avallon, trois volumes, 
19 e , 20 et ai* année, 1878-1879^880. — Le troisième 
volume contient un important rapport sur l’exploration des 
tumulus de Rochiguard, commune de Blannay, accompagné 
de planches. 


LA VERRERIE D’APREMONT. 

Les seigneuries de Neuvy-le-Barrois et d’Apremont, que 
baignent les eaux de l'Ailier, faisaient partie de l'ancien 
Nivernais. En 172 7, le comte Louis des Crots, capitaine des 
galères du roi, vendait sa baronnie de Neuvy, à Pierre de 
Frasnay, alors trésorier du roi à Nevers, où fleurissait 
l’industrie de la faïence. Comme le nouveau seigneur avait 
sous la main des artistes et des ouvriers , il songea à créer 
dans l’enceinte même du château de Neuvy, une manufac- 
ture qu’il célébra en vers et qui eut ses jours de prospérité. 

Les seigneurs d’Apremont, voulant aussi mettre à profit le 
cours propice de l'Ailier, en même temps que l'exploitation 
de leurs bois : résolurent, vers la même époque, d’y créer un 
établissement industriel, c'est-à-dire une verrerie. 

Tel est l’objet de ce court mémoire. 

La châtellenie d’Apremont avait été acquise, en 1722, 
par Louis de Béthune- Pologne et par Marie-Françoise Poitier 
de Gesvres de Thème, sa femme. En 1731, cette seigneurie 
devenait la propriété exclusive de M m « de Béthune. C’est à 
elle à qui est dû l’établissement de cette verrerie. 

Elle s’adressa à cet effet à un habile ingénieur, nommé 
t. 11, 3 * série. 7 


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— 9<> — 

Dubuisson, qui lui transmit tous les enseignements et 
moyens pour conduire l’entreprise à bonne fin. 

11 lui indiqua, pour la partie technique, un sieur de La 
Fosse, qui devint le premier directeur de rétablissement. 

11 fallut tout d’abord se pourvoir de privilèges royaux. 

L’administration des eaux et forêts est consultée et donne 
un avis préalable. Après quoi le bailliage de Saint- Pierre-le- 
Moûtier fait procéder à une enquête de commodo et mcom- 
modo . 

« C’est une assez longue procédure, sujette à bien des 
atermoiements, écrivait alors Dubuisson ; il est visible que 
ces formalités, dites nécessaires, n’ont lieu que pour donner 
à Messieurs du Parlement de quoi gruger ; les supprimer 
serait tirer sur les pigeons de son colombier. » 

Bref, le 3 juillet 1752 , Blanzat, conseiller du roi au bail- 
liage de Saint-Pierre, se transportait à fin d’information parti- 
culière et générale et de dresser son procès-verbal de commo- 
dité ou d’incommodité. 

Paimi les témoins assignés, nous voyons Jean-Marie 
Colin , juge de la prévôté de Sancoins , qui déclare devant le 
commissaire délégué « — qu’il y a utilité ; — que l’établis- 
sement sera très-appréciable pour beaucoup de gens qui se 
trouvent sans travail, ont peine à vivre, et qui, par suite, 
pourront plus facilement payer leurs tailles. » 

Comme on doit le présumer, des lettres-patentes furent 
obtenues avec tous les privilèges que Henri IV avait 
octroyés aux verriers, et que treize siècles avant lui Constantin 
avait promulgués en leur accordant le titre d'ingenui , 
hommes libres. 

La verrerie d’Apremont prit donc le nom de Verrerie 
royale. 

Pendant que s’accomplissaient ces formalités administra- 
tives, les aménagements et préparatifs pour la prochaine 
exploitation suivaient leur cours. 

Au pied des remparts en terre-plein du château, près de la 
rive de l’Ailier, on construisait des fours, de vastes halles et 


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— 9i — 

magasins, des bâtiments destinés à la pillerie , à la poterie . 
On demandait du sable à Nemours et des terres réfractaires 
à la Bouchatte, près Saint-Amand-Montrond ; et comme les 
cendres neuves ne paraissaient point devoir être recueillies 
en suffisante quantité, on se précautionnait de soude aux 
bords de l'Océan. 

Tous ces approvisionnements, avait écrit Dubuisson, sont 
essentiels, mais il convient de ne point négliger les autres, 
qui sont infinis et vétillards. 

La verrerie devait fabriquer à la fois des bouteilles , du 
cristal et du verre blanc : tiseurs, fondeurs, potiers, tamiseurs 
et grands-garçons se mirent à l’œuvre. 

Parmi les potiers nous trouvons deux frères, Pierre et 
François Semel ; ils sont du pays de Lorraine. Nous rencon- 
trons Krine , ouvrier en bouteilles ; Stander, ouvier en verre 
blanc ; ScherfF, ouvrier en cristal , et Keser, ouvrier salinier. 

Bientôt, les ouvriers verriers fabriquaient un lustre des 
plus merveilleux , pour en faire don à l’église Notre-Dame 
d’Apremont. Plus tard , Alexandre André offrait une lampe 
en cristal à la chapelle du bourg. C’est devant cette chapelle 
que, dans une rixe arrivée le 16 octobre 1753, avait été tué 
un malheureux tiseur. 

Le directeur de La Fosse avait été remplacé par Jean 
Letard ; celui-ci mourut à Apremont le 25 juin 1734. 

Son successeur fut Nicolas Perrin , qui décédait le 1 1 dé- 
cembre 1755, et était inhumé dans l'église, à côté de Jean 
Letard. Il était du pays de Lorraine. 

Après Nicolas Perrin nous trouvons Nicolas Philibert, qui 
mourut à Apremont en 1761. 

la comtesse de Béthune étant décédée à Paris le 
25 août 1764, son fils, Joachim-Casimir- Léon , comte de 
Béthune, maréchal des camps et chevalier d’honneur de 
Adélaïde de France, devint possesseur de la terre d'Apre- 
mont. 

Il choisit pour directeur de la verrerie Charles-Joseph de 
Rupt, avec lequel il fit un traité le 28 juin 1766. 


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— 9 ? — 

Aux termes de ce traité, le fonds d’association était fixé à la 
somme de 24,000 livres. Le propriétaire entrait pour deux 
tiers et le directeur pour un tiers dans les bénéfices de 
l’exploitation. 

Un jour de la fête de l’Épiphanie, de Rupt se présente à 
l’église si excentriquement encapuchonné, que les assistants 
ne purent tenir leur sérieux. Et le curé, sans doute pour 
transmettre à la postérité le fait local , laissa tracer sur le 
registre de la paroisse le portrait, peu flatté, du directeur, 
avec cette mention textuelle : 

« Un monsieur à perruque rousse , dont la figure est ici 
tirée au naturel , s’est avisé de venir ainsi bâti à la messe. 
Monstrum horrendum ingens , s’écria saint Roch , qui mit 
son chien après luy. » 

On ne devait guère s'attendre à voir saint Roch en cette 
affaire ! 

De Rupt mourut à Apremont, le 22 octobre 1769. 

§ 

C’est à cette époque que nous trouvons libellé le réglement 
alors en vigueur dans la verrerie. 

En voici la teneur : 

% 11 ne faut jamais, autant que possible, détourner un 
ouvrier de sa besogne. 

» S’il arrivait qu’un ouvrier s’enivrât , l'autre ouvrier qui 
fera son ouvrage jouira de sa paye, et les deniers lui en seront 
comptés. 

» S’il est possible, point de femmes dans une verrerie. 

* Il faut éviter autant que possible de battre les tiseurs ; 
mais s’il on en était réduit à certaine extrémité, il faudra 
les rosser ou les faire mettre au pain et à l’eau. 

» S’il arrivait qu’un ouvrier maltraitât un autre ouvrier 
dans l’enceinte de la verrerie qu dans la verrerie, il sera con- 
damné à dix livres d’amende ; s’il le blêmit, on retiendra de 


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- 93 - 

quoi payer le chirurgien ; et s’il était hors d’état de trayailler, 
on mettra un hommç aux dépens de celui qui aura fait la 
blessure. 

» Si un ouvrier tirait l’épée dans l’enceinte de la verrerie 
contre un autre ouvrier qui n’en aurait pas, il payera trente 
livres d’amende et sera mis en prison, et même renvoyé. 

• On fournira l’ustensile à tous les ouvriers; mais, à 
l’égard de ceux qui ont des femmes, on pourra s'en dispenser. 
On fournira des marmites aux tiseurs et fondeurs, et même 
aux maîtres quand ils ne sont point mariés. » 

Il arrivait parfois que des gamins s'avisaient de dérober 
quelques-unes des bouteilles entassées sur le port en attendant 
leur embarquement. On avait coutume alors de condamner le 
délinquant à quelques heures de pilori. Ce pilori était situé 
tout près de la verrerie , sur la berge d’un petit ruisseau qui 
traverse le bourg , et qui se nomme encore le ruisseau du 
Pilouri. Cette justice sommaire, exempte de trop longue 
procédure, réjouissait fort les jeunes tiseurs qui, mettant en 
main du coupable la bouteille dérobée, s’en venaient chanter 
devant lui ce refrain si connu : 

Si tu la casses tu seras pendu. 

En 1775, Robert de Brossard, écuyer, sieur de Bois- 
Mallet, devint maître de la verrerie d'Apremont. Veuf de 
dame Jeanne-Françoise Genest, il épousait en 1777 demoi- 
selle Angélique-Cécile-Louise Noël de Prémaret, fille de 
Pierre de Prémaret, chevalier de Saint-J ean-de-Latran et de 
l'Éperon-d'Or, et de Louise-Françoise Walle. 

La famille de Brossard avait fourni dès longtemps des 
directeurs verriers à beaucoup d'établissements. Bois-Mallet, 
dont elle avait pris le nom seigneurial, est situé en Norman- 
die, et dès 1 3 1 3 on y signalait une verrerie en activité. 

En 1561, Mathieu Brossard faisait un traité avec le sire de 
Roussillon pour l’établissement d’une verrerie à Gien-sur- 
Cure, en Nivernais. 


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— 94 — 


Pour l'exploitation de la verrerie royale d’Apremont , 
Robert de Brossard avait associé avec lui son fils, Jean- 
Nicolas de Brossard, ancien lieutenant de cavalerie et gen- 
darme du roi. Ils eurent successivement pour contre maîtres 
Sifflet du Coudray et un sieur Jean Mathieu. 

Ce fut à cette époque que la verrerie atteignit sa plus grande 
prospérité ; elle réclamait souvent des ouvriers à la verrerie 
établie à Souvigny-en-Bourbonnais. 

Mais des jours mauvais devaient bientôt préparer sa ruine. 
Déjà, le 12 novembre 1790, une crue de l'Ailier, qui, en 
même temps que celle de la Loire, dépassa en hauteur toutes 
celles que mentionnaient les chroniques locales, vint sub- 
merger le bourg d’Apremont. On circulait en batean dans les 
rues, et les autorités , ainsi qu’elles l’ont mémorablement 
mentionné , prirent sur elles de se mettre à Veau jusqu'aux 
aisselles pour le sauvetage des personnes et de leur 
mobilier. 

Les fours de la verrerie se trouvèrent éteints par les eaux. 
La perte des marchandises dépassa 2,000 livres. 

Puis arriva la Révolution avec ses réquisitions. L’an II, 
au mois de floréal, la verrerie était forcée de livrer ses chau- 
dières pour le besoin de la salpêtrerie de Sancoins. Bientôt 
l'exploitation des bois, des carrières et de la verrerie se trouva 
forcément suspendue. Jean-Nicolas de Brossard était décrété 
d’arrestation comme suspect ; il se cacha à Moulins , mais il 
fut découvert et conduit à Lyon , où il perdit la vie, par le 
motif sans doute qu’en faisant travailler à la fabrication du 
verre la noblesse n’avait point dérogé. 

Aujourd’hui, l’existence de la verrerie à Apremont n’est 
plus qu'un souvenir lointain qui va s’effaçant tous les 
jours. 

L’an dernier, on vint m’avertir que des ouvriers, en pra- 
tiquant les fondations d’un nouveau mur d’enceinte, avaient 
rencontré des voûtes souterraines qui, sans doute, indiquaient 
l’existence d’un primitif château. Je me rendis sur les lieux 
et je reconnus le substructions des fours et fosses de l’an- 


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— 95 — 


cienne verrerie ; je pus au moins en rapporter une de ces 
marmites dont il est fait mention dans le réglement que plus 
haut nous avons restitué. L’antiquaire trouve qu'il n’y a 
rien de négligeable: une prosaïque marmite, fortement 
oxydée, revêtue des rugosités sablonneuses, voilà ce qui reste 
de la verrerie royale d’Apremont. 

APPENDICE. 

Dés que nous avons mis le pied sur le sol de l’ancien 
Nivernais, entre Loire et Allier, il peut être à propos de 
mentionner que dans la commune de Torteron, ci-devant 
paroisse de Patinges, il existe un domaine qui porte le nom 
de la Verrerie. 

Il va sans dire que ce domaine faisait autrefois partie du 
couvent de Fontmorigny ; or, comme les moines avaient 
déjà créé près de l’abbaye un fourneau pour la fonte du fer, 
la tradition vulgaire laissait supposer qu’ils avaient aussi 
établi une verrerie sur leurs terres. Il n’en est rien. Benjamin 
Fillon raconte, dans son excellente étude sur V Ancienne 
fabrication du verre en Poitou , que beaucoup de localités 
ont des noms, avec la même consonnance que verrerie , sans 
pour cela indiquer un lieu où se fabriquât le verre. C’est 
ainsi que verrie ou verria rappelle la dénomination, dans le 
principe, d’une simple étable à porcs, à verrats . Telle doit 
être l’origine du nom du domaine de la Verrerie, commune 
de Torteron. Nous ferons observer que dans les bois d’alen- 
tour, au douzième siècle, l'abbaye de Fontmorigny avait 
droit d’envoyer pacager jusqu’à concurrence de deux cents 
chefs de porcs au moment de la glandée. 

Nous ajouterons encore, pour terminer, qu’il y a vingt 
ans , dans la commune du Chautay, en creusant un caveau 
dans la cour d’une maison située proche l'église, les ouvriers 
rejetèrent parmi les déblais une si grande quantité de frag- 
ments de verres à boire, qu’il fallut bien conjecturer que sur 
cet emplacement il avait été autrefois établi une petite 


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— 96 — 

fabrique de verroterie blanche. Nous avons remarqué que 
tous ces verres étaient pédiculés, et parmi leurs débris nous 
avons recueilli les fragments d’une coupe à boire remarquable 
par son galbe archaïque. Le pourtour était orné de trois 
minces filets en émail blanc; la vasque côtelée en coquille 
était rehaussée sur chaque côte de points perlés de même 
émail. 

Nous avons aussi recueilli une pierre cubique de dix 
pouces de côté, offrant sur toutes ses faces des cavités peu 
profondes et de différentes grandeurs. Assurément, ces cavités 
servaient à recevoir le verre incandescent avant d’être soufflé 
par la canne ou chalumeau de l’ouvrier. 

Nous supposons que cette petite fabrique vint s’établir au 
Chautay au seizième siècle; c’est à cette époque , au surplus , 
que de nombreux établissements similaires ont été signalés 
dans la province du Berry; elle a dû aussi peut-être se 
trouver favorisée spécialement par le chapitre de Sainte- 
Croix d’Orléans, auquel appartenait alors la seigneurie du 
Chautay. 

L. ROUBET. 


SÉANCE DU 31 JUILLET 1884. 


Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents: MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice -président ; Ernest de 
Toytot , secrétaire ; Canat, conservateur du 
musée ; de Villefosse, le docteur Subert, l’abbé 
Pot, Le Blanc - Bellevaux , de Rosemont, de 
Flamare, Marandat, Hippolyte Blanc, l’abbé 
Soyer, Duminy. 

M. le docteur Subert dépose sur le bureau , à 


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- 97 - 

titre d’hommage, le rapport des conseils d’hygiène 
de la Nièvre. 

M. l’abbé Boutillier et M. l’abbé Cadeau , curé 
de Livry, proposent comme membre de la Société 
M. Auguste Bénard, instituteur-adjoint à Livry. 

M. l’abbé Boutillier et M. Thévenin proposent 
M. Paul Boutroux, propriétaire à Nevers. 

Ces Messieurs sont admis. 

Sur la demande de M. Canat , M. le Maire de 
Nevers a bien voulu offrir au musée de la Porte- 
du-Croux une statue trouvée dans les fondations 
de l’hôtel de ville , un meneau et un chapiteau du 
couvent des Cordeliers, dont il a été fait mention 
précédemment ; enfin une tête en terre cuite , 
provenant, dit-on, de Saint-Etienne. 

M. l’abbé Boutillier donne communication d’une 
lettre de M« r Barbier de Montault au sujet 
d’Anne de Prye, prieure de La Fermeté, sur 
laquelle il a demandé quelques renseignements. 
Me r Barbier de Montault nous offre un mémoire 
sur un bréviaire manuscrit de ladite Anne de Prye, 
qu’il nous propose d’insérer à notre Bulletin. 

La Société adresse ses remerciements à Mon- 
seigneur, mais elle pense que les usages du régle- 
ment et les traditions ne nous permettent pas 
d’imprimer un travail aussi long. 

M. le Président donne lecture d’une lettre de 
M. le Ministre de l’instruction publique annonçant 
à la Société qu’une somme de 400 fr. lui est 
accordée à titre d’encouragement pour ses travaux. 

M. le président Roubet lit un compte-rendu du 

t. u, 3* série. 8 


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- 9 » - 


congrès cinquantenaire de Poitiers. Il parle de 
l’intérêt qui , au congrès , s’est attaché surtout aux 
découvertes du Père de La Croix, le savant 
archéologue de Poitiers , en particulier des subs- 
tructions de Sanxay et de l’hypogée dit des 
Dunes, lequel est situé dans le village même 
de Poitiers. 


SÉANCE DU 30 OCTOBRE 1884. 

Présidence de M. Roubbt. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, conser- 
vateur du musée ; de Rosemont, l’abbé Crosnier, 
de Villefosse, Duminy, bibliothécaire. 

M. l’abbé Boutillier et M. le Président pro- 
posent M. Charles Deton, rédacteur en chef du 
Journal de Saône-et-Loire, à Mâcon ; M. l’abbé 
Camus, curé de Saint-Éloi ; M. l’abbé Guille- 
menot, chanoine honoraire de Nevers, curé-doyen 
de Prémery. 

M. de Villefosse et M. de Rosemont proposent 
M. Robert de Mauduit, propriétaire aux Coqües, 
commune de Chaulgnes. 

Ces quatre Messieurs sont admis à l’unanimité. 

Hommage est fait à la Société par M. l’abbé 
Boutillier de son volume : Archives paroissiales 
de Nevers ; par M. le docteur Fichot, de son 
ouvrage médical intitulé : Causeries du docteur 
Fichot. 


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— 99 — 


La parole est donnée à M. l'abbé Boutillier, qui 
lit un rapport sur un manuscrit du dernier siècle à 
lui communiqué par un de nos collègues, M. l'abbé 
Hurault, curé de Saint-Pierre de Nevers. 

Ce rapport mentionne plusieurs documents rela- 
tifs à l'histoire religieuse ou politique de l'époque, 
et concernant aussi le Nivernais, ainsi que plu- 
sieurs pièces de vers de l'abbé Cassier, l’auteur 
de la Roussillonnade , intéressant plus particu- 
lièrement la Société. Ce rapport sera inséré au 
Bulletin. 


RECUEIL 

DE DIFFÉRENTES PIÈCES CURIEUSES / 

SUR DIVERS OBJETS. 

Tel est le titre d’un grand registre in-folio, manuscrit du 
siècle dernier, sans nom d’auteur ni indication d'origine, 
mais certainement nivernais et très-probablement deClamecy, 
comprenant 328 pages d’une écriture très-fine et très-serrée, 
dont un de nos vénérables collègues et membres fondateurs, 
M. l’abbé Hurault, curé de Saint-Pierre de Nevers, a bien 
voulu nous faire présent pendant ces vacances. 

A défaut des livres de familles si rares en Nivernais et qui, à 
proprement parler, n’ont jamais été en usage parmi nous, il 
n’est pas sans intérêt d’ouvrir ces recueils manuscrits, d’un 
caractère moins intime, mais pourtant très- topique, où l’on 
retrouve notés, non pas précisément au jour le jour, mais 
selon les circonstances et sans ordre préconçu, à des dates 
plus ou moins rapprochées, les faits religieux ou politiques, 
les nouvelles littéraires, les événements de toutes sortes qui 
impressionnaient plus vivement le public, et jusqu’aux 


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IOO 


variétés, aux jeux de mots, qui eurent leur jour de vogue. 
Sans nul doute, l’histoire générale occupe dans ces pages la 
part la plus considérable ; mais la chronique locale y trouve 
aussi à recueillir une assez abondante moisson. 


I. 

Sous le rapport religieux, la question qui, durant la pre- 
mière moitié du dix-huitième siècle et au-delà, passionna le 
plus les esprits fut sans contredit l’hérésie du Jansénisme. 
Nous ne sommes pas surpris de voir la plus grande partie du 
volume consacrée à la copie de documents relatifs aux 
Réflexions morales du Père Quesnel, à l’écrit intitulé : Cas 
de conscience , et surtout aux doléances parfois très-acerbes 
contre la célèbre bulle Unigenitus par laquelle le pape 
Clément XI, après dix-huit mois d’examen, condamna 
solennellement cent et une propositions extraites de ce 
dernier ouvrage. 

Le diocèse d'Auxerre, qui fut un des plus travaillés par le 
Jansénisme, comprenait une partie du diocèse actuel de 
Nevers, et entre autres paroisses Clamecy. Or, l'évêque de 
Bethléem-les-Clamecy, dom Bernard La Taste, fut un des 
antagonistes les plus redoutables qu’eurent à subir les jansé- 
nistes, qui ne l'épargnèrent pas, le traitant de bête de 
V Apocalypse, blasphémateur , diffamateur , écrivain forcené , 
auteur abominable d'impostures et d'ouvrages monstrueux , 
et publièrent contre lui plusieurs pamphlets. Notre recueil 
en contient un intitulé : 

Mandement de Monseigneur l'Évêque de Bethléem , tant 
au sujet de la condamnation faite à Rome du livre des 
Réflexions sur le Nouveau-Testament que du mandement de 
Messeigneurs de Gap , Luqon et La Rochelle (i). 

(i) Voir dans la belle Histoire de Vévêché de Bethléem, de notre 
collègue M. Louis Chevalier-Lagénissière, 1872, l’article si intéres- 
sant consacré à l’évêque Louis Bernard La Taste (pages 276-282). 


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— 101 — 


En voici le début : 

Jacques , évéque de Bethléem (i) f 
Suffragant de Jérusalem, 

Aux gens de notre diocèse. 

Gens comme nous mal à leur aise, 

Espoir et consolation, 

Salut et bénédiction. 

Puisqu'à tout propos, sans synode , 

Les mandements sont à la mode, 

Que Gap , La Rochelle et Luçon 
Font aux cardinaux la leçon ; 

Que dans Paris, jusqu'aux corniches, 

Tout est rempli de leurs affiches , 

Et que, sans ce lustre, un prélat 
Chez ses confrères n'est qu'un fat, 

Comme eux je dois en conscience 
Faire preuve de ma science. 

Sachent donc tous que je proscris 
De Jansénius les écrits ; 

Contre luy tout prélat fidèle 
Doit faire paraître son zèle... 

Suivent plus d’une centaine de vers (il y en a en tout 1 68), 
et enfin comme conclusion : 

Fait et passé l'an précis 
De Jésus mil sept cent dix , 

L'an de Jésus , non l'an de grâce , 

Erreur qu’encore icy j’efface : 

La grâce se prend de plus haut. 


Soit donc ce calcul corrigé 
Par le peuple et par le clergé , 
Menaçons de notre disgrâce 
Quiconque dira l'an de grâce. 


(i) Pourquoi ce prénom inconnu d t Jacques? M. Chevalier-Lagé- 
nissière nous apprend dans une note de la page 280 que les Jansénistes 
avaient, sous le nom supposé d'un évêque de Bethléem , fait paraître 
un premier pamphlet contre les adversaires des doctrines du P. Quesnel. 


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— 102 — 


Fait encore un coup Pan précis 
De Jésus mil sept cent dix, 

Signé Jacques, et plus bas Hilaire, 

De Monseigneur le secrétaire. 

Le diocèse de Nevers, sans être aux mains du parti jansé- 
niste comme l’Auxerrois, avait eu pourévéque, de 1719 à 
1740, Mgr Fontaine des Montées, prélat d’une inépuisable 
charité (1) et d’une profonde piété, mais en même temps très, 
ami des réformes liturgiques que les novateurs suscitaient 
partout, sous le fallacieux prétexte de revenir à l’antiquité, en 
réalité dans le dessein perfide de propager leurs erreurs et de 
les insinuer jusque dans la prière publique de PÉglise. C’est 
ce prélat qui fit imprimer les bréviaires, missels et livres de 
chant nivernais que l’on retrouve encore dans bon nombre 
de sacristies du diocèse. Il s’était fait aider dans la rédaction 
de ces nouveaux livres par le célèbre janséniste Le Brun des 
Marettes, surnommé le sieur de Mauléon. Le docte abbé 
Lebeuf, qui lui-même partageait ces erreurs, le dit formelle- 
ment dans une de ses lettres (2), adressée le 11 mai 1725 à 
l’abbé Charles-Henri Fenel , doyen du chapitre de Sens : 
c J’aurai l’honneur de vous dire, Monsieur, qu’étant allé à 
Donzy, petite ville de ce diocèse , sur le chemin de Nevers, 
j’ai poussé jusqu’à Nevers pour y voir le savant ecclésiastique 
qui travaille au bréviaire avec Mgr l’Évêque de cette ville, 
attendu qu’il est déjà sur l’âge et accablé d’infirmités. Ce 
vénérable acolyte a la même part dans la composition du 
bréviaire de Nevers que j'ai dans celui que vous savez. Mais 
comme l’évêque de ce lieu est asse\ particulier dans ses ma- 
nières le public neconnaît dece qui se passeque ce qu’il veut. » 

(1) Pendant Phiver si rigoureux de 1729, il fit allumer de grands 
feux devant la porte de son palais, et, tous les jours, tant que dura le 
froid, il fit des distributions de comestibles à plus de cinq cents pau- 
vres. (Voir Parmentier et Mgr Crosnier, Histoire des Évêques de 
Nevers.) 

(2) Lettres de Pabbé Lebeuf, publiées par la Société des sciencss 
historiques et naturelles de l’Yonne, 1867, t. I", p. 417. 


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— io 3 — 


Ces derniers mots indiquent une certaine mauvaise humeur 
à l’endroit du prélat et donnent bien à entendre qu’il ne se 
laissait pas dominer par le parti. Aussi, à sa mort, y eut-il 
grand émoi parmi les partisans des nouvelles doctrines, et 
l’on en retrouve l’écho dans un long article intitulé : Relation 
de ce qui s'est passé à Nevers depuis la mort de M. Charles 
Fontaine des Montées , évêque dudit Nevers , et inséré dans 
les Nouvelles ecclésiastiques , journal clandestin imprimé sur 
les fonds d’une caisse secrète longtemps dénommée la boite à 
Perrette , du nom de la servante du célèbre Nicole, qui, par 
testament, avait légué à cette caisse la somme de 40,000 fr. (1). 

L’auteur de notre recueil n’a pas manqué de transcrire en 
six longues pages cet article à sensation , où Ton voit tout le 
dépit qu’inspirait la conduite des chanoines de Nevers : en 
recevant la lettre de M. l'abbé Vrayer, archidiacre de leur 
église et grand-vicaire du prélat, qui leur apprenait la mort 
de Mgr des Montées, « on est fâché de ne pouvoir pas dire 
que le chapitre de Nevers ait été affligé d’une nouvelle , si 
triste en effet pour une compagnie ecclésiastique qui aurait 
connu et senti ses vrais intérêts. Le diocèse perdait un évêque 
qui avait du goût pour la bonne doctrine et encore plus 
pour la paix. » 

D'un autre côté, la lettre de M. le comte de Saint-Florentin, 
secrétaire d’État , qui leur marquait , au nom du roi , de ne 
nommer pour grands-vicaires ni appellans , ni réappellans , 
ni personne qui fût suspecte dans sa doctrine , « annonçait 
assez clairement à cette église les suites fâcheuses d’une perte 
qui, dans les conjonctures présentes, ne se répare point. Mais 
ce chapitre est composé de telle sorte que ce qui est un si 
grand mal aux yeux des personnes intelligentes et bien inten- 
tionnées n’y a été regardé que comme un événement ou 
indifférent ou même avantageux ». 


(1) Nous avons entendu dire que la « boîte à Perrette 1 existe en- 
core à Auxerre et que, sur les fonds de la caisse, sont soutenus 
divers membres des anciennes familles jansénistes. 


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— io4 — 


Ces quelques mots donnent le ton de la relation et de quan- 
tité d’autres documents, en prose ou en vers, d’une longueur 
démesurée, comme certain poème, en vers plus que libres, 
sur la constitution Unigenitus , intitulé : Philotanus , qui n’a 
pas moins de i,o 36 vers (i) ; — un autre poème burlesque 
de 582 vers, sous le titre de : Harangue des habitants de la 
paroisse de Sarcelles à Mgr Christophe de Beaumont du 
Repaire , archevêque de Paris , au sujet des affaires du 
temps , imprimé à Aix, chez Jean-Baptiste Girard, rue de 
Bret, à l’enseigne du Hérault, vis-à-vis le Tronc-Fleury, 
M.DCC.LIV ; et qui commence par cette préface: c Ami 
luiseur, j’avons ayeu l’honneur de ramager comme ça ce petit 
compliment à Mgr l’Archevêque dès le 16 novembre 1752, et 
je ne vous le baillons, ami luiseur, que pour vos étrennes de 
sainte année 1754. Oh dame ! c’est que je ne tenons pas ici 
notre mouleux ! Il demeure je ne sais où, quasiment au fin 
bout du monde... Enfin à la parfin le via; j'espérons que l’y 
ferez bonne accueillance et que vous en serez content : du 
moins c’est de bon cœur que je vous le baillons. Queuqu’un 
qui a magné notre compliment, l’a enjolivé de cartaines 
petites broutilles qu’on appelle des notes...; pis il abouté 
itou à la fin cartaines autres choses sur les évêques de Pou- 
logne, qui, comme on voit, ne valont pas mieux que les 
nôtres. Tout ça viant d’un homme qui n’est parguié pas 
manchot, et par ainsi tout ça ne gâtera rian. Aguieu : joye, 
santé et toujours bon appétit, ami luiseur. » 

Enfin, quantité d’autres pièces du même genre qu’il serait 
trop long d’énumérer. Laissons là le domaine religieux et 
passons aux événements politiques. 


(1) L’auteur explique en note que ce nom Philotanus est composé 
de deux mots, dont le premier est grec ( philos , qui signifie ami) et le 
second latin, et même français, anus ; je ne transcris pas toute cette 
première note, suivie d’un très-grand nombre d'autres. Qu’on juge 
par là de cet ignoble pamphlet ! 


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— io 5 — 


II. 

Les faits qui paraissent avoir le plus impressionné l’auteur 
du recueil sont: premièrement, la mort du grand roi; il 
relate, entre autres pièces historiques, la harangue de 
Mgr le duc d'Orléans au Parlement, le 2 septembre 1715, 
lendemain de la mort de Louis XIV, pour obtenir la 
régence. 

En second lieu, c’est le mariage du roi Louis XV à 
Fontainebleau. Il nous donne la copie du discours prononcé 
en cette circonstance, le 5 septembre 1725, par M. le cardinal 
de Rohan, et des deux harangues du Parlement de Paris au 
roi et à la reine sur leur mariage , avec la briève réponse 
de la reine au Parlement : 

t Je souhaiterois , Messieurs, qu’il me fût aussi aisé de 
vous marquer ma reconnaissance pour l’attachement que 
vous faites paroître aujourd’hui, qu’il m’est doux et naturel 
de le sentir. » 1 

En troisième lieu, la célèbre victoire remportée le 1 1 mai 
1745 par Louis XV sur les Autrichiens, Anglais et Hollan- 
dais, à Fontenay en Flandre, avait mis en verve tous les 
faiseurs de vers ; l’auteur de notre recueil a pris plaisir à en 
copier un nombre considérable. Il commence par une pièce 
intitulée : Requête du curé de Fontenoy au roi . Elle est 
précédée d’un court avertissement oü le sieur curé prévient 
le public que si sa pièce paraît trop longue (224 vers) ou 
trop négligée, c’est parce qu’il n’a été que trois heures à la 
composer, la revoir, la corriger et l’écrire. En résumé, le 
bon curé raconte qu’ 

On vante déjà Fontenoi , 

Et le village avec le roy 
Sera célébré dans l’histoire. 

Mais à quoi sert un nom pompeux 
Sans l’avantage des richesses ? 


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— io6 — 


Je suis le crésus du village 
Et ma cure vaut cent écus : 

Ce sont de faibles revenus ; 
Puisque, grâce à votre courage, 
Je deviens un grand personnage ; 
Tous les jours mille curieux 
Viennent en foule dans ces lieux , 
Voir le siège de votre gloire ; 

Il me faut, comme je le puis , 
Faire les honneurs du pays, 

Les gîter, leur donner à boire. 


Les fonds du pauvre bénéfice 
Seront bientôt anéantis 
Si vous ne formez un hospice 
Où on les hauberge gratis : 

Ou bien , augmentant ma dépense , 

Augmentez donc mon revenu... 

Et, continuant sur un ton de plus en plus familier : 

Vous ferez bientôt mon affaire. 

Car vous verrez qu’entre nous deux 
Il reste un petit compte à faire; 

Lorsque les morts sont enterrés , 

Il revient des droits aux curés. 

Or, on a fait, dans mon domaine , 

Plus de huit mille enterrements 
Dont, à douze francs la douzaine. 

Il m'appartient huit mille francs ; 

En les mettant l’un portant l’autre, 

Vous voyez que c’est bon marché. 


Après la requête du curé suivent les vers du vicaire de 
Fontenoy sur la même bataille ; il veut aussi , 

Sans parler la langue des dieux 
Et faire des vers pompeux , 

Qu’en écoutant souvent on baille , 

... Vaille que vaille , 

Célébrer son roy glorieux ! 

Et répéter... 

Vive Louis victorieux ! 


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— 107 ~ 


Puis vient VEpitre du sieur Aubert , maître d'école de 
Fontenoy, sur les victoires du roy : 

... Je me trouve poète au seul désir de l’être : 

Voici le temps heureux , Louis n’a qu’à paraître , 

Son aspect en héros change tous les soldats... 

Mais quel ton dois-je prendre ( Irai-je avec emphase 
Des bulletins du camp rimer la paraphrase, 

Amonceler des noms, découper des portraits 
Et commencer un tout qui ne finit jamais?... 

Moi qui n’ai point encore pris couleur au Parnasse , 

J’observe les acteurs pour y trouver ma place ; 

J’ai rimé quelquefois des chansons pour Iris ; 

Même à Toulouse, à Caen j’ai disputé des prix ; 

Mais je connais fort peu les détails militaires. 

Et le brave instituteur se résigne au silence après s’être écrié : 

O muse! fais un pacte avec la vérité, 

Garde-toy de risquer un récit contesté... 

Pauvres vers ! dira-t-on. Eh ! sans doute ; et il en est de 
même de bien d'autres qui suivent, sans que le poème de 
Voltaire qui les termine fasse exception; mais encore valent- 
ils bien ceux qu’on lisait, avant la Révolution, à Nevers, sur 
l’arc de triomphe élevé en 1746 à la place de l’ancienne porte 
de Paris. Sur le fronton extérieur on lisait : 

Au grand homme modeste, au plus doux des vainqueurs, 

Au père de l’État, au maître de nos cœurs. 

et sur le fronton intérieur : 

A ce grand monument qu’éleva l’abondance. 

Reconnaissez Nevers et jugez de la France. 

Je ne parle pas des vers qu'on lit encore sous l’intrados du 
monument : 

Dans ces temps fortunés de gloire et de puissance, 

Où Ix>uis répandant les bienfaits et l’effroy, 

Triomphoit des Anglois aux champs de Fontenoy... 

Les peuples de Nevers en ces jours de victoire 
Ont voulu signaler leur bonheur et sa gloire... 


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Ces vers qu’on prendrait, observe avec raison M. de Sainte- 
marie, pour l’ouvrage d’un écolier de rhétorique, sont cepen- 
dant de Voltaire, à qui les échevins les payèrent cent louis. 

Enfin, l’auteur s’arrête aussi très-longuement à transcrire en 
une vingtaine de pages tous les documents relatifs à la tentative 
d’assassinat du roi Louis XV, le 5 janvier 1757, à la mise à 
la question et au supplice de Damiens , convaincu du crime 
de lèse-majesté divine et humaine au premier chef, pour le 
très-méchant , très-abominable et très-détestable parricide 
commis sur la personne du roi. 


III. 


Passons maintenant aux pièces diverses , aux poésies qui 
abondent dans le recueil, et surtout aux variétés nivernaises : 

i° La Roussillonnade , sous le titre de : Description de 
l'église et presbytère de Roussillon-en-Morvand , adressée à 
l’abbé Goy, un des voisins de l’auteur et sans doute aussi son 
confrère en poésie , ne pouvait échapper à notre copiste ; elle 
s’y trouve, avec des variantes assez considérables du texte 
publié par M. Cougny, professeur de rhétorique au collège 
de Ne vers, d’après un manuscrit de l’auteur conservé à la 
bibliothèque de la ville (1). Le nouveau texte est d’ailleurs 
bien préférable; on en jugera par ces premiers vers , dont 
nous mettons les deux copies en regard : 


TEXTE MANUSCRIT. 

Ami, dont la verve facile, 

En adorant de l'Évangile 
La divine simplicité. 

Sait, dessous la poudre et l’argile 
D'une chrétienne humilité, 
Couvrir l’or et la pureté 
De l'éloquence et du beau style : 
Toi qui, dans tes moindres écrits 
Avec tant de grâce t'exprime ; 


TEXTE IMPRIMÉ. 

Ami dont la muse facile 
En adorant de l'Évangile 
La sublime simplicité, 

Fait voir en toute humilité 
Les trésors d’un esprit fertile 
Parés des ornements du style 
Et des charmes d'une piété 
Libre de la chaîne servile 
Que le bigotisme imbécile 


(1) Almanach de la Nièvre de 1846. 


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— io9 — 


Qui , suivant l'ancienne maxime 
De ne chercher que le mépris , 
As négligé l'art et la rime 
De peur d’en emporter le prix ; 
Toi qui, par l'oraison sublime, 
Concitoyen des saints esprits. 

Au bon goût joins la grâce intime 
Du Dieu dont ton cœur est épris... 


Couvre du plus auguste nom ; 
Toi dont le cœur sensible et bon 
En si doux langage s'exprime; 
Qui, suivant l'austère maxime 
De ne point chercher le renom , 
As négligé l'art de la rime 
De peur d'en emporter le prix ; 
Toi qui, par l'oraison sublime... 


2° Plus loin (folio 274 du recueil) se trouve une autre pièce 
de vers de l’abbé Cassier, extraite du deuxième volume du 
Mercure , de janvier 1756 ; elle est signée : Par un curé des 
Amognes en Nivernois , le 12 décembre ij55. Comme tout 
le monde ne possède pas la collection du Mercure , et que 
cette pièce est d'ailleurs remarquable, nous la transcrivons à 
notre tour ; elle est intitulée : 


VERS 

A M. Monin , secrétaire de Son A Itesse Sérénissime Mons r le prince 
de Conty (1). 

Sage secrétaire d’un prince 
Qui t'estime et qui te chéris ; 

Toi qui des bords lointains d'une obscure province, 

Sur les ailes de ton esprit , 

As sçu, si jeune encore, prendre un essor sublime, 

Et poussé d'une noble ardeur, 

T'élever, sans guide, à la cime 
De la fortune et de l’honneur; 

Toi, de qui les talens aussi brillants qu'utiles , 

Connus, éprouvés tant de fois, 

Dans une cour féconde en connoisseurs habiles. 

T'ouvrent le cœur des grands et l'oreille des rois ; 

Toi, qu'à Paris enfin, au sein de la mollesse, 

Des plaisirs et des jeux la troupe enchanteresse 
Poursuit partout, flatte, caresse, 

Obsède, et peut-être séduit; 


(1) M. Monin était compatriote de l'abbé Cassier, né comme lui à 
Château-Chinon. {Almanach de la Nièvre de 1846, II* partie, biblio- 
graphie nivernaise : l'abbé Cassier.) 


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— IIO — 

Quoi ! tu penses à moi , moi curé de village , 

Et curé du plus bas étage (il, 

Qui, sous le toit rampant d’un rustique ermitage, 

Qu’habitent la faim et l’ennui , 

Dans une ignorance profonde 
De Paris, de l’Europe et du reste du monde, 

Croyois n’être connu dans la machine ronde 
Que du seul receveur de notre don gratuit. 

Quoy ! Monin, tu voudrois, par ton puissant appui, 
M’arrachant de ce lieu de peine et de souffrance , 

Me procurer ailleurs, avec un peu d’aisance, 

Le mérite flatteur d’observer l’abstinence, 

Et de gagner le paradis 
Sans le secours de l’indigence ! 

Oh ! cher Monin , tes vœux sont accomplis ! 

Ton souvenir, ta bienveillance, 

Sont pour moi d’un aussi grand prix 
Que le meilleur bénéfice de France. 

Le rédacteur du Mercure ajoutait en note : Si l’on mesure 
la bonté du bénéfice à celle des vers qu’on vient de lire, nous 
croyons que ce curé doit être pourvu d’un bon prieuré. 

3 ° Une autre pièce encore, plus que grivoise, se lit au 
folio 178, sous ce titre : Le Pater du Jaloux . 

Voici le premier seulement de ses dix-huit quatrains : 

A quels maux dans l’hymen ne suis-je pas en proye! 
Longtemps je me suis tu , je veux enfin parler : 

Je ne puis seulement goûter la faible joie 
D’entendre à mes côtés des enfants m’appeler 
Pater Noster. 

(1) Après avoir été curé de Saint-Maurice-les-Saint-Saulge, puis de 
Roussillon-en-Morvand , notre poète était alors curé de Saint-Sulpice- 
aux-Amognes. Plus tard, grâce au zèle de ses puissants protecteurs, il 
devint curé de Prémery et y demeura jusqu’au jour où , grâce à son 
ami, M. Monin , il fut appelé auprès du prince de Conti pour diriger 
l’éducation du jeune comte de La Marche, son fils. 11 mourut à Ne vers, 
sur la paroisse Saint-Arigle, en 1772, et fut solennellement inhumé le 
19 septembre. Messieurs du chapitre avaient délégué quatre d'entre 
eux pour porter les quatre coins du poêle. (Voir Archives paroissiales 
de Nevers, p. 347.) 


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III — 


L'auteur, curé de campagne du Nivernais, était l'ami des 
Pères Minimes de Nevers, chez qui il avait même prononcé, 
le 2 avril 1740, le panégyrique de saint François de Paule^ 
11 fut de ce chef, et pour sa paraphrase impie, — à ce que 
rapporte le rédacteur des Nouvelles ecclésiastiques , — 
dénoncé par MM. les Grands - Vicaires du chapitre de 
Nevers à M. le Cardinal-Ministre, qui ordonna au provincial 
des Minimes de retirer le Père correcteur de Nevers, et fit 
reléguer le curé au séminaire. Le poète se vengea par dix- 
sept autres quatrains intitulés : 

Pénitence de Vauteur du Pater du Jaloux . 

Maudit Phébus, maudite rime, 

Pour toujours, je vous dis à Dieu. 

Vous m’avez fait commettre un crime , 

Je n’ose plus nommer mon Dieu 
Pater noster. 


Sur l’Oraison dominicale 
J’ai mal écrit, j’en fais l’aveu. 
Mais une furie infernale 
Par moi profanoit de ce jeu 
Nomen tuum. 


Maudit Phébus, je le répète. 

Par tes dangereuses leçons 
Tu corromps l’âme la mieux faite, 
Va donc dire ailleurs tes chansons 
Et ne nos inducas in tentationem. 


Délivré de ta servitude , 

Mon esprit fait un autre choix; 

Et dorénavant son étude 
Est d’adorer le Roi des rois. 

Amen. 

Parmi une quantité d’autres extraits du Mercure et de 
divers ouvrages poétiques alors en renom, d'inscriptions 


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françaises et latines , de fables choisies , de variétés de toute 
sorte, citons encore ces deux vers que messire Étienne 
Blayet, curé d’Apremont, avait graffités en 1751, ainsi que 
nous l’a appris notre président (1), sur la porte du pavillon 
bâti au milieu de la vigne de son presbytère, mais qu’il avait 
sans doute copiés à Nevers : 

Intus et exterius donantur munera solis. 

Exterius gratis. Gratis nunquam intus habentur. 

Notre copiste observe, en effet, que cette inscription « étoit 
anciennement sur le frontispice du grenier à sel de Nevers ». 

Nous terminerons, si la Société le permet , par une des 
dernières pièces du recueil. C’est un fragment de l'ode bien 
connue et toujours si admirée de Lefranc de Pompignan sur la 
mort de Jean-Baptiste Rousseau. L’auteur du manuscrit le 
fait précéder de ce titre, qui n’a d’ailleurs rien perdu de son 
actualité : « Vers que l’on peut bien appliquer à ces philo- 
sophes modernes, blasphémateurs ignorants. » 

Le Nil a vu sur ses rivages 
De noirs habitants des déserts 
Insulter par leurs cris sauvages 
L’astre éclatant de l’univers. 

Cris impuissants ! fureurs bizarres ! 

Tandis que ces monstres barbares 
Poussoient d’insolentes clameurs. 

Le Dieu poursuivant sa carrière 
Versoit des torrents de lumière 
Sur ces obscurs blasphémateurs. 

Coulanges, octobre 1884. 

F. BOUT 1 LLIER. 


( 1 j Epigraphie historiale du canton de La Guerche , par Louis 
Roubet, p. 93, et Bulletin de la Société nivernaise t 2* série, t. VI, 
p. 233 . 


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HISTOIRE 

\ 

I des 

GENTILSHOMMES VERRIERS 

ET 

DE LA VERRERIE DE NEVERS. 


CHAPITRE I". 


PREMIÈRE ÉPOQUE. 


Jacques SARODE, premier maître de la verrerie de Nevers. 
( Seconde moitié du XVI» siècle. ) 


Établissement d’une verrerie de cristal à Nevers sous Henri IV ; — il 
est fait mention, dans l’épître dédicatoire de Gaston de Claves, en 
1590 , au duc Louis de Gonzague, des artifices artis viirariœ fixés à 
Nevers avec les faïenciers et les émailleurs; — on les rencontre, dès 
i585, sur les registres de la paroisse Saint-Laurent; — le seigneur 
Jacques Sarode et sa famille; — il fait enregistrer par les échevins 
de Nevers les privilèges royaux en faveur des gentilshommes ver- 
riers; — originaires d’Italie, les Sarode sont à Lyon, puis à Melun, 
avant de se fixer à Nevers ; — dans le même temps les maîtres 
potiers du nom de Gambin , eux aussi Italiens, sont à Lyon, puis à 
Nevers ; — Jacques Sarode va fonder une verrerie à Paris; il laisse 
pour lui succéder à Nevers son neveu Horace Ponté et son frère 
Vincent Sarode; — offrandes de verres de cristal raffiné faites par 
les échevins aux rois, princes et grands seigneurs de passage en 
notre ville; — Altare, au pays de Montferrat, est le lieu de naissance 
des Sarode; preuves de leur noblesse. 

Un vieil auteur contemporain d'Henri IV, racontant 
X Histoire de la Paix sous le règne du très-chrestien roy 
t. h, 3* série. y 


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de France et de Navarre , exprime en quelques lignes, d'une 
concision pleine de charme , comment son héros s’empressa 
d’employer les loisirs de la paix au rétablissement en son 
royaume des manufactures et industries , et notamment des 
verreries de cristal qui « se font d'ordinaire par les estran- 
gers », mais comment en particulier il avait été devancé par 
le duc de Nevers. 

c Encore un autre embellissement, dit-il (i), s’est recom- 
mencé des verreries de crystal , à la façon de ceux de Venise, 
qui, ayant esté commencé par grande solemnité à Saint- 
Germain-en-Laye, du temps du roy Henri second, et continué 
jusques-à Charles IX, néantmoins s’est depuis intermis et du 
tout cessé finalement, pour ce qu’il falloit que tous biens 
revinssent au roy victorieux de tous troubles et empesche- 
ments, pour faire revivre et régner un chacun art en sa propre 
splendeur et le ramener à sa perfection la plus grande qui se 
puisse. 

» Le duc de Nevers deffunct en donna au roy les mouve - 
mens premiers , lequel aussi en sa maison de Nevers avoit 
recommencé ledict artifice , non-seulement pour les verres 
de crystal , mais pour les couleurs de topase , esmeraudes , 
iacintes, aigues marines et autres jolivete^, qui approchent 
du naturel des pièces vrayes orientales. C'est asse\ pour 
ceste heure parlé de ces manufactures (2). » 

En vérité , cette brillante description nous fait regretter 
que l’auteur, « très-humble et très-fidèle serviteur domestique 

(1) Il vient d’être question des manufactures de soye d'or et d’argent 
et de l’établissement des pépinières de meuriers . ( Chronologie septé- 
naire de l’Histoire de la Paix entre les roys de France et d’Espagne , 
de i5g8 à 1604. 2* édition, à Paris, chez Jean Richer, rue Saint- 
Jean-de-Latran, à l’Arbre-Verdoyant. 1606; fol. 409-10.) 

(2) Livre V* de V Histoire de la Paix , p. 371, verso, à 376. — 
L'auteur est Pierre-Victor- Pal ma Caiet ou Cayet, dont la vie fut très- 
orageuse. Né. de parents catholiques, il avait embrassé le calvinisme, 
puis il rentra dans le sein de l’Église à Paris, en 1 596. 


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de Sa Majesté », comme il se qualifie lui-mên^, et qui paraît 
d’ailleurs avoir été fort bien renseigné sur les faits et gestes 
de nos princes, car il se plaît à raconter en grands détails 
tout le voyage du duc Charles en Tannée 1602, pour le siège 
de Bude, en Hongrie, n’ait pu trouver t l’heure » de revenir 
sur ce sujet avant de terminer son curieux ouvrage. 

Toutefois, dès 1590, un autre auteur originaire de notre 
province, Gaston de Claves, félicitait l’illustre prince Louis 
de Gonzague, duc de Nivernais et de Rethel, d’avoir intro- 
duit dans son duché trois arts nouveaux et distincts : les 
verriers, artifices artis vitrariœ , les potiers, figulinœ , les 
émailleurs, encausticœ , et il s’exprimait en ces termes pleins 
d’enthousiasme , dans l’épître dédicatoire de son apologie 
(Apologia Argiropeiœ et chrysopeiœ adversus Thomam 
Erastum , Nivernis ): 

« Parmi les hommes qui procurent la célébrité aux villes, 
il faut compter les ingénieux artistes en toutes sortes d’arts. 
C’est ainsi que les artistes habiles dans le travail de la verre- 
rie, de la poterie et de l’émaillure, appelés par vos ordres ou 
attirés par l’immunité des impôts, ont su produire d’excel- 
lents ouvrages, non moins utiles à nos concitoyens qu’admi- 
rables aux yeux des étrangers... Vous avez voulu que ces 
hommes distingués vinssent contribuera l’ornement de votre 
cité par leurs talents et par les édifices dont ils vont 
l’embellir... (1) ». 

Le duc de Gonzague, en effet, observe M. du Broc de 


fi) Hinc vitrariœ y figulinœ et encausticœ artis artifices egregii, jussu 
tuo accersiti... prœstantia opéra civibus tuis commoda magisque exteris 
admiranda subministrant... Cette si curieuse épître, bien qu'imprimée à 
Nevers, était demeurée introuvable jusqu'en ces dernières années, où 
M. du Broc de Scgange eut l’heureuse fortune de la rencontrer dans 
l'ouvrage anglais de Marryat : History of potery, p. 88, et de la publier 
dans son magnifique volume sur la Faïence , les Faïenciers et les 
Émflillenrs de Nevers, p. 56. 


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Segange, malgré les agitations de la vie des camps, malgré 
les graves préoccupations des affaires du temps , employait 
toute son activité à naturaliser dans son duché les différents 
arts qu’il avait vu briller d'un si vif éclat en Italie ; Nevers 
était devenu le rendez-vous des hommes les plus distingués 
par leur naissance et par leur savoir. Parmi les étrangers, les 
Italiens occupaient naturellement le premier rang. Arrivés la 
plupart en France à la suite des Médicis, ils devaient cher- 
cher à se rapprocher d’un prince qui tenait à honneur de 
propager dans ses États les magnificences artistiques de leur 
commune patrie... 

Et si maintenant, à l’exemple du savant historien de la 
Faïence , des Faïenciers et des Émailleurs de Nevers , nous 
allons tout d’abord, comme à une source féconde, chercher, 
dans les anciens registres [des paroisses de la ville, la trace 
oubliée de nos premiers artistes en l’art de verrerie , voici , à 
l’ombre de l’antique église Saint- Laurent , dont le dernier 
vestige vient de disparaître pour faire place à un marché 
public, voici, au premierrang, le nomd’un Italien, hier encore 
bien inconnu parmi nous : Jacques Sarode , lequel pourtant, 
plus que celui des Gambin et des Conrade, a brillé d’un vif 
éclat, non-seulement à Nevers , mais dans les plus grandes 
villes de France. 

Le curé de Saint- Laurent lui-même, il est vrai, ne connaît 
pas, dès le début, d’une manière bien exacte, le nom du 
nouveau paroissien , de sa grande rue de la Tartre, il n’ose 
du moins le transcrire. Une première fois, « le dymanche 
après la Saint-Laurent 1585 », il se contente de cette vague 
indication : « Feut baptizé ung filz des verriés nommé 
Joseph; parrin le frère, — marreines la femme Guillaume 
Conte et Rehaine Gairard. » Deux ans plus tard, le dimanche 
20 août 1587, il écrit encore d’une façon indécise : « Feut 
baptizé le fils du seigneur Jacques, verrier; combien qu’il 
y avoit environ quinze jours que l’enfant estoit né, mais il 
attendoit ung parrin nommé le seigneur Pierre et ung aultre 
verrier nommé Baptiste. » L’enfant fut nommé Jehanni , sa 


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marraine fut a une petite damoyselle que son père fait des 
bacgues (?), ne scay le nom (i). » 

Le 21 février 1590, le seigneur Jacques, qualifié du titre 
de « maître-verrier », est parrain d’une fille de Reine 
(Rehaine) More avec la femme de monsieur Roy; et Cathe- 
rine Gambigne (sic), femme du maître potier, pour mar- 
raines. Il l’est de nouveau, en 1591, avec l’autre verrier 
Baptiste, d’un fils de Jacques Guillier; mais toujours point 
de nom patronymique ! Cette même année (19 février 1591) 
fut aussi baptisé un troisième fils du seigneur Jacques et de 
sa femme... (le nom est resté en blanc), nommé Hugoné, et 
« furent parrins ung verrier nommé Hector Borniol et 
Thomas Pollet, mabrier; marrène Gilhberde Charisman- 
trant; » — puis, le 6 avril 1594, est baptisé François, fils 
du seigneur Jacques Sarrode (2) et de damoiselle Marguerite; 
parrains : noble Martin Dyédes , émailleur, et Anthoine 
Brisson; marraine, Françoise Curre; — et encore, le 
16 octobre 1595 : a A esté baptizée la fille du seigneur 
Jacques Sarrode, maître verrier de la verrerye de Nevers, 
et de dame Margueritte sa femme. Ses parrin et marrenes 
honorable homme maître Vincent Brisson , honeste femme 
dame Estiennette M illin et honneste fille Catherine Pompe 
{sic), et a nom Catherine. » 

Le bon curé avait raison de craindre de fausser le nom de 
ces nouveaux venus ; ici même, il fait erreur dans le nom 
de la seconde marraine : ce n’est point « Pompe 1 qu’il faut 
lire, mais « Ponté », nom italien aussi qui bientôt fixera tout 
spécialement notre attention. 

(1) Probablement un des premiers émailleurs, avec lesquels les 
verriers furent, dès le principe, en constante relation, à raison de la 
communauté de leurs travaux. 

(2) Les comptes de la ville cependant le nomment antérieurement : 
A la date du 19 juillet 1592, le receveur délivre au seigneur Jacques 
Sarraulde... un mandat de 5 écus 20 sols a pour seize cens de mosle 
(bois de moule), qu’il a livré pour les gardes de ceste ville ». Le reçu 
est signé : Jacobo Sarodo. 


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Le 5 août 1597 et le 22 mai 1599, sont encore baptizés 
deux autres fils de « honorable homme Jacques Sarrode et de 
honnête femme Marguerite Sara. Le premier a nom Jehan (i) f 
le second se nomme Françoys, et a pour parrains honorables 
hommes Augustin Chorade, Françoys Sarode, et pour 
marraine honnête femme Marie Carpantier. » 

Dès-lors il n’est plus question du « seigneur Jacques », qui 
semble avoir quitté Nevers... Mais le gentilhomme verrier 
n’était point venu seul en notre ville. Comme nos premiers 
faïenciers, il apparaît accompagné d’une famille nombreuse 
de frères , beaux-frères et neveux , qui tous ont voulu suivre 
sa fortune (2). 


(1) C’est lui sans doute qui signe très-élégamment Jehan Sarodo , 
le 6 août 1610, comme parrain d’un fils du maître émailleur Gervais 
Dupré, puis en 1614, 1618, 1625 ; qualifié d’abord d’honnête fils, il 
porte dans ces derniers temps le titre de « seigneur Jehan ». 

(2) Nous devons à M. de Laugardière la communication d’une 
curieuse généalogie de la famille Sarode, publiée dans le Dictionnaire 
des familles de Vancien Poitou (tome II, 1840-1854). On y lit que 
Jacques Sarode était fils d J Antoine Sarode , marié le 25 juin 1 55 1 à 
Marguerite Ponté (son frère Jo^et et son cousin germain Pierre Sarode, 
écuyer, seigneur de la Voste, assistaient au mariage), et petit-fils de 
Gassepard de Sarode , marié à Catherine Massard. Vincent Sarode , 
frère du seigneur Jacques, écuyer, seigneur de Mise-Grande, fut le 
premier qui vint s’établir en France. Il épousa, le 24 novembre i 5 q 3 , 
Jeanne Babin, fille de Jean, écuyer, et d’Angélique de Buisson, qui 
demeuraient à la verrerie de la Fosse-de-Nantes , et eut deux fils, 
François et Étienne (on oublie Jérôme Sarode , dont il sera parlé au 
chapitre suivant, dans deux actes de 1624). — Ce dernier, qualifié 
seigneur de la Theurière, eut : d’un premier mariage avec Françoise 
Cillard, veuve de feu noble homme Jean Gendron, seigneur de Drouil- 
lay, Joseph , écuyer, seigneur de la Theurière, marié le 4 août 1682 à 
Suzanne Varenne, fille de François, seigneur de la Lombardière, et de 
Judith Thomelet, veuve de Sébastien de Brossard, écuyer, seigneur de 
la Brosse ; d’un second mariage avec Julienne Perdrier, veuve de feu 
François Morin, Charles , écuyer, seigneur du Baignon, qui épousa, le 
3 i janvier 1687, Edmée de Varenne; Virgile- Joseph, marié le 26 oc- 
tobre 1697 à Marie-Madeleine Chaumont, veuve de Jacques Massard. 
— De ce mariage est issu Char les- Joseph, chevalier, seigneur de Bon- 


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Et vraiment, avant de poursuivre notre récit, n’est-ce pas 
faire acte de bonne justice que de consigner sur ces pages, 
comme en un mémorial d’honneur, les noms des divers 
membres de cette légion d’artistes qui, à l’appel d’un prince 
d’une magnificence vraiment royale, étaient venus illustrer 
notre cité ? 

i° Vincent Sarode, frère de Jacques et son associé, c ung 
des maistres de la verrière de ceste ville ». Il est une première 
fois parrain, le io février i SgS, d’un fils d’Étienne Doyard, 
maître serrurier de la ville, et encore, le 28 septembre 1612, 
d’un fils d’honorable homme Antoine Julyen; il signe cet 
acte en italien : Vicencio Sarodo. 

2 0 Benostin Sarode, parrain, le 27 janvier 1599, avec 
honnête fille Catherine Ponté et Jeanne Grénetier, marraines, 
d’une fille d’un certain Jehan, du pays de Sousse (?). 

3 ° François Sarode, parrain, le 22 mai 1599, avec Augus- 
tin Conrade et honnête femme Marie Carpentier, marraine, 
du dernier fils du seigneur Jacques, qui portera ce même nom 
de François et que nous retrouverons qualifié , non pas du 
titre de honorable homme, réservé aux hommes mariés, mais 

nœuvre, marié à Marie-Madeleine de La Touche-Limouzinière , d’où : 
i* un fils, Joseph-Pierre , marié à demoiselle N. Beaulieu de La Man- 
truère ; 2 0 Henri-Philippe , chevalier, seigneur de la Bignonnière, marié 
en premières noces à Marie-Éléonore-Hector de Tirpoil, puis en 1772 
à Rose-Marguerite Landois de La Gonterie, fille de Nicolas, seigneur 
des Landrières, procureur fiscal de la baronnie des Essards, et de 
Renée-Charlotte Houillon. — De ce dernier mariage sont issus quatre 
filles et un fils, Henri-Joseph de Sarode, né le 22 juin 178 1, marié le 
25 juillet 1812 à demoiselle Marie-Jeanne-Adelalde Baron de La 
Fumoire, dont il eut trois fils et trois filles; la plus jeune, Virginie- 
Hyacinthe-Adelaîde, est née le 2 janvier i 8 i 5 ; le précédent, Gustave- 
Adolphe-Ferdinand, né le 3 août 1821, a épousé le 16 novembre 1845 
demoiselle Euphrasie-Marie-Flavic Brilhouet de Montaigu. 

Dans cette généalogie très-importante, puisqu’elle nous donne l'ori- 
gine du seigneur Jacques, on remarquera qu’il n’est aucunement 
question de sa descendance directe, qui, cependant, n’a point manqué 
à Nevers. 


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20 


de honnête fils , parrain, à son tour, le 19 janvier 1617, avec 
Gabrielle Brisson, marraine, d’une fille de Philbert Gyrard, 
✓ puis, le 21 juin 1621, avec honnête fille Françoise Chasti- 
gnier, marraine, d’un fils de Jean Besson, maître potier, et 
encore, en 1625, d’un fils de Gervais Dupré, émailleur. 

4 0 Marcoroli Sarodo , qui signe, le 16 juillet 1599, un 
mandat délivré par les échevins au nom du seigneur Vincent, 
et n’est connu que par ce seul acte. 

5 0 Plusieurs parents de Jacques Sarode, encore en bas âge 
à sa venue à Nevers, ne tardent pas à apparaître sur les regis- 
tres de paroisse ou dans les contrats. 

D’abord, honnête fils Mamfrein Sarode , parrain le 17 mai 
1602 avec un autre honnête fils Jean Ponté, son cousin , et 
Marguerite Sarode, sa cousine ou peut-être sa sœur, mar- 
raine, de Jehan, fils d’Étienne Macet et d’Anne Morin. De 
nouveau parrain, le 11 novembre 1 6 1 3 , pour le baptême 
d’une fille de honorable homme Jehan Prestereau , « maître 
esmailleur », et de honnête femme Marguerite de Ville, il 
signe d’une façon très-nette et parfaitement lisible : Manfrin 
Sarodo . On le retrouve de même le i ep octobre 1619. 

Nous retrouvons aussi comme parrains , sur les registres 
de la paroisse* Saint- Laurent : Antonio Sarodo , en 1604 et 
1609; Hiromi Sarodo , en i6o9eti6i3; Andrea Sarod, 
en 1626, etc.; — honnête fils Jacques Sarod est parrain à 
Saint-Genest le i« r mai 1670; il signe : Jo Jacomo Sarodo 
lui parino . 

Un certain nombre de femmes du même nom de Sarode se 
rencontrent aussi tout particulièrement dans les actes de 
baptêmes : Le 14 juin 1597, Léonie Sarode , une sœur du 
seigneur Jacques, est marraine avec dame Françoise Chorade 
et son frère Jacobo Sarodo, de Jacquette, fille d’Etienne 
Massé, et d’Anne Morin; elle l’est de nouveau en 1598, le 
pénultième du mois de mai, avec dame Valentine Gambin et 
honorable homme Horace Ponté, d’une fille de Michel 
Seyton. Et, le i 3 août 1599, une fille de Vincent Parron 
(sic), verrier, et de ladite Léonie Sarode, a pour parrain 


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I 2 1 — 


François Ponté et pour marraines Marie Sarode et dame 
Françoyse Corade. Ce nom de Parron , qu’on ne rencontre 
qu’une seule fois dans les actes de la paroisse Saint-Laurent, 
n’est-il pas le résultat d’une mauvaise prononciation des 
parrain et marraines, tous Italiens? Le vrai nom italien 
pourrait être Perrotto Vicentio, dont on retrouve plusieurs 
fois la signature sur des actes de 1 609 conservés dans les 
minutes Charpy, aux archives de la chambre des notaires. 

Puis c’est Marguerite Sarode , fille de défunt le seigneur 
Vincent Sarode, marraine, le 25 janvier 1601, avec Augustin 
Conrade, et le 17 mai 1602 avec honnête fils Jean Ponté. Le 
3 juin 1606, c’est Catherine Sarode , marraine d’un fils de 
Laurent Gambin, maître potier...; et le pénultième d’août 
1611, un fils du maître émailleur Gervais Dupré a pour 
parrain honorable homme Pierre Dubois . tailleur de 
madame la Duchesse de Nevers, et pour marraine damoiselle 
Julitte Sarode qui signe : Gulia Saroda. 

Enfin, et pour terminer cette longue énumération, il faut 
au moins rappeler les noms de Vincent Ponté, beau-frère du 
seigneur Jacques, et A' Horace Ponté , son neveu et associé, qui 
bientôt sera son successeur en qualité de maître de la verrerie 
de Nevers. Lui aussi, d’ailleurs, se montre entouré, on a pu 
le remarquer déjà, de plusieurs personnes de son nom. Dès 
1599, François Ponté, dont un fils, du même nonl de 
François (Francisco P ont a) , marié à Jehanne Roy, aura 
lui-même un fils aussi nommé François, baptisé à Saint- 
Laurent le i er septembre 1651; Catherine Ponté, sa sœur ; 
Antoinette Ponté, en 1600; honnête fils Jean Ponté, en 
1602, etc. (1). 

(z) Quelques autres noms de verriers compatriotes de Jacques 
Sarode et venus avec lui se rencontrent encore dans les actes de la 
paroisse Saint-Laurent : Le 6 avril i 588 est baptisé le fils de 
c Zaquarie , le verrié » ; il a pour parrain Etienne Brisson et un 
verrier nommé Joseph; — le 6 septembre 1 5 g 1 est parrain « ung 
garson de la verrerie nommé Anthoyne »; — le 20 janvier 1604, César 
Marassan, < verrier en cette ville », est parrain , avec honnêtes 
t. ii , 3 * série. 10 


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122 — 


Mais revenons à notre Jacobo Sarodo qui tout-à-coup 
nous est apparu plein d’honneur, puis, après quelques 
années, subitement, disparaît , et dont le nôm même semble 
oublié de ses successeurs ( i ). 

D’où venait-il? où s’en est-il allé en quittant nos murs? 
Double question des plus intéressantes assurément, et dont la 
solution se trouve en grande partie dans le trésor de nos 
archives communales. Ouvrons en effet les registres des déli- 
bérations de l’hôtel commun , ces énormes in-folio si heu- 
reusement conservés, et qui recèlent tant de documents 
précieux pour notre histoire. 

A la séance du 3 juillet 1594, le seigneur Jacques Sarode 
se présente devant leà échevins en qualité de « gentilhomme 
verrier et maître des verreries établies en villes de Lyon et de 
Nevers », et leur demande d’enregistrer deux lettres-patentes 
de Henri III, roi de France et de Pologne, concédées la pre- 
mière à Lyon, au mois d’octobre 1574, la seconde à Paris, le 
23 septembre 1 585 , afin, dit-il, qu’il puisse jouir des privi- 
lèges à lui accordés et à ceux de son art et science de 
verrerie (2). 

Nous avons lu avec une curiosité avide, on le comprend, 
les longues pages où se trouvent transcrites ces lettres et 
leurs vidimus renouvelés en divers lieux ; et si notre espoir a 


femmes Jeanne More et Jeanne Gambin, d'une fille d’Etienne Massey 
et d'Anne Morin; — puis, le 27 juin 1607, c’est Paulo Mirengo, 
« Itallien », qui se retrouve, en la même qualité, sur un autre acte du 
17 janvier 1608; son nom est francisé: Paul Myrangue , t verrier ». 

M. H. Schuermans, dans sa quatrième lettre sur les verres fabriqués 
aux Pays-Bas, à la « façon de Venise », et « d’Altare » mentionne 
aussi, parmi les Altaristes fixés à Liège Antoine Mirengo, qui devait 
y être établi avant 1648 et que l’on retrouve encore comme parrain 
en 1668. 

(1) Voir dans le chapitre suivant l'acte si important de 1619, où se 
trouve résumée l’origine de la verrerie nivernaise, sans aucune 
mention de Jacques Sarode. 

(2) Archives communales de Nevers, série BB. 20. Registre des 
délibérations, folios 319 à 324. 


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— 123 


élé quelque peu déçu au point de vue de la chronique pure- 
ment nivernaise, il n’en est pas de même pour l’histoire 
générale des verriers , dont nous pouvons ainsi reconstituer 
une page des plus intéressantes. 

Les lettres de 1574 s’adressent en effet à tous les gentils- 
hommes de l’art et science de verrerie résidant en ce royaume 
de France et dans tous les pays, terres et seigneuries soumis 
à l’obéissance royale. Comme de tout temps et ancienneté, y 
est-il dit, les verriers et leurs serviteurs, et aussi les marchands 
vendant en gros et en détail , menant et conduisant les mar- 
chandises dont est composé le verre, sont affranchis de toutes 
tailles, aides, subsides, impôts, coutumes, etc. , le roi les 
confirme dans ces privilèges, franchises, immunités et 
exemptions, et veut qu’ils en jouissent dorénavant pleine- 
ment, paisiblement et perpétuellement. En conséquence, le 
28 janvier 1576, Marquin Buisson et Christophe Marien, 
gentilshommes verriers « résidants domicilliers en ce 
royaulme de France » font enregistrer ces lettres de confir- 
mation par les sénéchal et gens tenant le siège présidial établi 
à Lyon. 

Le 16 juin i582, Jacques Sarodo , maître verrier, exhibe 
une copie desdites lettres, collationnée par les gens de la 
cour et sénéchaussée de Lyon. Le 23 septembre même année. 
Girard Duboys, notaire au châtelet d’Orléans, fait un 
vidimus de cette copie collationnée, à la requête de Claude 
Garnier, marchand de verre, demeurant à Orléans , [paroisse 
Saint- Paul. Le 7 avril 1584, Claude Gobillot, notaire au 
duché de Nivernois, fait un nouveau vidimus à la requête 
de Giles Noury, marchand de verres, demeurant à Dom- 
pierre-sur-Nièvre. 

On voit avec quel soin les privilèges royaux étaient 
enregistrés ou produits dans les villes, partout où s’établis, 
saient les artistes et marchands verriers. Cependant , parce 
que, est-il dit dans les lettres de 1 585 , les gentilshommes 
demeurant en divers lieux du royaume, parfois grandement 
éloignés les uns des autres , ne peuvent , quand ils en sont 


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— 124 — 


requis, représenter en toute occasion les originaux de leurs 
privilèges, à cause qu’ils demeurent le plus souvent aux 
mains de ceux qui ont charge de leurs affaires, chose qui 
leur apporte plusieurs incommodités ; pour ces raisons, vu 
l’humble supplication de a notre ami et féal Robert Bonguar, 
sieur de Varennes et Courtoys, en nostre pays de Nivemoys », 
Sa Majesté mande et ordonne très-expressément à tous ses 
baillis, sénéchaux, leurs lieutenants et autres, laisser jouir 
ledit exposant et ses serviteurs travaillant de la verrerie 
de tous les privilèges, franchises, libertés à eux octroyés... 

Le 25 janvier i5gi, « noble homme Jacques Sarodo, 
gentilhomme verrier », fait faire, par les notaires royaux au 
bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, collation de ces lettres, 
dont il présente les originaux retirés des mains de noble 
Robert de Bongars, gentilhomme verrier (i). 

De tous ces actes il résulte qu’au moins en 1 582 Jacques 
Sarode était établi à Lyon, et qu’alors même qu’il habite 

(i) Dès i 543, un fragment de compte de dépenses de la maison de 
Henri, dauphin de Viennois, comte de Valentinois, duc de Bretagne, 
plus tard Henri II (au camp de Chàtillon, 27 juillet), renferme cet 
article , où nous croyons découvrir le nom de Bongars : t A Florent 
Bongart, verrier, la somme de 9 livres tournois, pour son payement 
d’un petit ménage de verre qu’il a vendu et livré audit seigneur pour 
mademoiselle Diane, sa fille naturelle, etc. (Extrait de VJnventaire 
sommaire des archives de Seine-et-Mame , série E., titres de 
famille, E. 57.) Les Bongars possédaient déjà des verreries en Nor- 
mandie avant le quinzième siècle. En 1637, Nicolas de Bongars, 
écuyer, sieur de Grandval et du Landel , obtient du roi la confirma- 
tion des privilèges précédemment concédés à David de Bongars, 
aussi écuyer, son père, lequel avait fait construire un four à faire 
verre pour y exercer son art de verrerye de grands verres à faire 
viltres, verre de fougère et aultres ouvraiges. ( Les Verreries de la 
Normandie..., par Le Vaillant de La Fieffe. Rouen, 1873.) Il est pro- 
bable qu’ils en avaient également en Nivernais dès le seizième siècle. 
— Robert de Bongars est qualifié d’écuyer, sieur de Courtois et 
àutres lieux, en la paroisse de Nolay. (Archives du département, 
série E. 256.) — Voir plus loin le chapitre V, consacré aux différentes 
verreries de gros et petit verre établies en Nivernais. 


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— 125 — 

Nevers , il conserve toujours son titre de maître des verreries 
de Lyon. 

On rencontre fréquemment, dans les actes notariés de cette 
époque, la trace des relations nombreuses entre les deux 
cités, pour les échanges d’approvisionnements ; la ville de 
Roanne est le point intermédiaire. Et pour n’en citer que 
quelques exemples : 

Le sixième jour d’avril 1 594, Benoit Barillier et Mathieu 
Desaurant, c voicturiers par eaue s, demeurant en la ville 
de Roanne, promettent à honorable homme Jacques Sarode, 
maître de la verrerie de Nevers, de « voicturer et amener sur 
la rivière de Loyre par bateaulx , toute la marchandise de 
soulde qui arrivera en ladite ville de Roannes », appartenant 
audit Sarode, depuis cette ville jusqu’à Nevers , et ce, pen- 
dant le temps et espace d’un an , commençant cejourd’hui , 
moyennant quoi ledit Sarode a promis payer auxdits Barillier 
et Desaurant, la somme de douze sols tournois pour chacune 
balle de ladite soulde, aussitôt après la livraison. Seront 
aussi tenus lesdits Barillier et Desaurant, « incontinent 
qu’ils sauront qu’il sera arrivé de ladite soulde audit Roannes, 
de la voicturer et amener incontinent, et sans séjour, à peyne 
de tous despens, dommaiges et intérestz (1) ». 

Par un autre marché conclu le I er juin 1594, Jean Millet 
et Claude Picquard , aussi voituriers par eau , demeurant à 
Nevers, s'engagent envers Jacques Sarode à conduire, depuis 
le port de Tarault (2) jusqu’en la ville de Roanne, la quantité 


(1) Archives de la chambre des notaires de Nevers, minutes Brisson. 
(Communication de M. de Laugardière.) 

(2) Le Port-Tarraud est un hameau de la commune de Saint-Hilaire- 
Fontaine, dans le canton de Fours, en Nivernais. La très-belle argile 
blanche connue déjà des faïenciers de Roanne au seizième siècle, sous 
le nom de terre du Port-Tarraud , servait aux verriers de Fours à 
faire leurs creusets. Elle est encore exploitée de nos jours, notamment 
à Toury-sur-Abron, où a été établie en i 852 par M. Brac de La Per- 
rière une importante fabrique de produits réfractaires de tout genre : 
briques, pipes, pièces moulées, etc. 


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— 1 26 — 


de « trois poinssons de terre blanche propre à faire vessailles 
et potherye blanche », qu’ils recevront de Jehan Boucquyn, 
demeurant audit Port-Tarrault , oü ils devront séjourner un 
jour entier, et attendre qu’elle soit tirée , puis la livreront à 
Anthoine Vallence , marchand , demeurant audit Roanne , 
moyennant la somme de 9 écus soleil pour ladite terre ; puis, 
arrivés à Roanne, ils seront tenus aller jusques en la ville de 
Lyon , en la verrerie dudit lieu , et, s'il y a de la soulde en 
icelle, la conduire à Nevers par eaul , depuis Roanne jus- 
qu’à Nevers, sur le port, moyennant la somme de i 5 sols 
tournois pour chacune balle de ladite soulde, somme que ledit 
Sarode a promis leur payer à la livraison (1). 

C’est qu’en effet, la terre blanche nécessaire pour les 
fours et pots ou creusets de verrerie était abondante en 
Nivernais et de qualité tellement supérieure que plus tard 
nous la verrons transporter non plus seulement à Lyon, 
mais jusqu’en Italie. Quant à la soude, un des principaux 
éléments du verre, nous apprenons par un curieux marché 
passé le 5 septembre de cette même année 1594, entre 
P’rançois Maistre, maître charpentier, demeurant à Sainte- 
Valière-lez-Nevers , et Pierre Gondière dit Callot, meunier 
en la paroisse de t Collanges-lez-Nevers » , que ledit Maistre 
s’engageait à faire les réparations et toutes choses nécessaires 
pour battre soulde à faire verres en un moulin assis sur la 
rivière de Nièvre, au lieu appelé Pofillat , et rendre le tout 
fait dedans la fête de saint Martin d’hiver prochain (2). 

On ne peut plus douter, d’après tous les documents qui 
viennent d’être cités, que le premier initiateur des verreries 
nivernaises ne soit venu de Lyon, cette grande capitale de 
l’industrie française. 

Mais, rapprochement bien curieux et qui mérite d’être 
signalé ! c’est de Lyon aussi que nous arrivent , dans le 
même temps, nos premiers maîtres potiers, les Gambin, 

1 ) Mêmes minutes Brisson. 

(2) Archives des notaires, minutes Taillandier. 


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127 — 


avec lesquels les Sarode sont si étroitement unis dès 
l’origine. 

On se souvient d’une curieuse brochure publiée, en 1862, 
par M. le comte de La Ferrière- Percy, sous ce titre : Une 
Fabrique de fàience à Lyon sous le règne de Henri II 
(lisez Henri III] (1). L’auteur signale un Julyen Gambin, 
natif de Fayence, en Italie, qui, avec un certain Domenge 
(Dominique) Tardessir, adressent requête au roi et lui 
remontrent qu’ils ont « la cognoissance et expérience de faire 
la vaisselle de terre, façon de Venise », et demandent à 
dresser train et métier de ladicte vaisselle dans la ville de 
Lyon. 

A ce sujet, M. du Broc de Segange, ayant rencontré une 
fois, comme par hasard, dans un registre de la paroisse 
Saint-Jean, un acte baptistaire du 28 avril 1592, où le nom 
de Scipion Gambin , « pothier », apparaît en qualité de 
parrain, se demandait déjà si le Scipion de Nevers n’aurait 
pas quelque lien de parenté avec ce Julien Gambin de 
Lyon. 

Or, l’hésitation ne nous semble plus permise quand, aux 
archives de la chambre des notaires de Nevers, on ren- 
contre, dès 1590, un acte de résiliation d’un contrat d’asso- 
ciation passé deux ans auparavant entre Julio Gambin et 
Augustin Corade (2) ; quand, d’autre part, sur les registres 
de la paroisse Saint-Laurent, on peut lire, non pas une fois 
seulement, mais cent fois, les noms de Scipion Gambin et de 
sa femme Jeanne More, de Laurent Gambin et de sa femme 
Marguerite Massé, et enfin de Jules Gambin (probablement 
le Julien de M. de La Ferrière), maître pottier qui perpé- 
tuera ce prénom de Jules en l’imposant, le i ar septembre 1602, 
à un enfant dont il est à la fois et le grand-père et le 

( 1 ) Documents relatifs aux anciennes faïenceries lyonnaises, dans la 
Revue du Lyonnais , recueil historique et littéraire, tome XXXI 
octobre i865. 

( 2 ) Acte découvert par M. de Laugardière. ( Bulletin de la Société 
nivernaise, 2 * série, tome II, p. 357 .) 


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— 128 — 


parrain (i) et qui, en 1612, préside avec plusieurs autres 
« pothiers » à l’inventaire des biens délaissés par honorable 
homme Augustin Conrade, « maistre pothier en euvre blanche 
et autres couleurs, en forme de fayance (2). » 

Et maintenant , où notre Jacobo Sarodo s’est* il retiré en 
quittant Nevers ? Une première réponse nous est fournie 
bien à propos et d'une façon très-imprévue par un des mem- 
bres éminents du Comité des travaux historiques et des 
sociétés savantes. M. L. Dotiet d’Arcq, rendant compte d'un 
mémoire publié dans la Société archéologique du dépar 
tement d’Ille-et-Vilaine, sous ce titre; De la Verrerie et des 
Vitraux peints dans V ancienne province de Bretagne , cite 
ces paroles de l’auteur, M. Auguste André , directeur hono- 
raire du musée archéologique de Rennes ; « Tout le pays 
nantais était plein des établissements industriels de ces gen- 
tilshommes verriers d’au-delà des monts. Leurs fourneaux 
s’allumaient et y chauffaient partout... » Il ajoute ensuite ( 3 ) : 
« Au seizième siècle, il est souvent fait mention de ces 
gentilshommes verriers. Nous citerons , entre plusieurs 
autres, des lettres données à Châteaubriant, le i 3 juin 1551, 
qui permettent à Theseo Mutio , gentilhomme italien, natif 
de Bologne, de pouvoir faire en France toutes espèces de 
verreries à la façon de Venise. D'autres, datées de Paris^ 
12 juillet i 566 , qui sont une confirmation d’exemption 
d’impôts pour les gentilshommes verriers du royaume. Au 


(1) « Le premier jour de septembre 1602 a esté baptizé le filz de 
honorable homme Laurens Gambin et de honeste femme Margueritte 
Massey ( alias Macel, Massé). Ses parrins et marrène, honorable 
homme Julles Gambin, grand-père dudit enfant, honeste fils Jehan 
Ponté et honeste femme Marye More. Et a nom Julles. » (Archives 
du greffe de Nevers.) 

(2) Archives de Nevers, série GG. 16. — Nous avons publié pour la 
première fois une analyse de ce très-curieux document dans les 
Archives paroissiales de Nevers , paroisse Saint-Laurent. (Almanach 
de la Nièvre , 1875, 2* partie.) 

( 3 ) Revue des sociétés savantes, 7* série, t. II, p. 87. 


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] 


— 129 — 

mois d'août 159 7, Henri IV, se trouvant au camp devant 
Amiens, accorde à Jacques et Vincent Sarode, frères, et à 
Horace Ponté, leur neveu, un brevet pour rétablissement 
d’une verrerie de cristal à Melun. « Lesquels , portent les 
lettres, ayant cy-devant et depuis longtemps tenu les four- 
neaulx et verreries de cristal en noz villes de Lyon et Nevers, 
ont acquis une telle réputation en la perfection de leurs 
ouvraiges , que la plupart des verres dudit cristal, desquels 
l’on c*C6t servy en nostre court et suilte, et par tout nostre 
royaume , ont esté apportez desdictes villes de Lyon et de 
Nevers, etc. Que lesdits Sarode et Ponté nous ont fait dire 
que s'il nous plaisoit de leur permettre de dresser une verrerie 
en nostre ville de Melun..., le verre deviendroit moins cher 
et pourrait mieux approvisionner la ville de Paris (1). » 

(1) Archives nationales, registre des ordonnances X la 8643, folio 5 g, 
verso. — Nous sommes heureux de publier en note le texte entier de 
ces lettres-patentes, d’après une double copie qui nous a été adressée 
très-obligeâmment par M. Lemaire, archiviste de la préfecture de 
Seine-et-Marne, à Melun, et par notre collègue M. René de Lespinasse. 
M. Gabriel Leroy, archiviste de la ville de Melun et correspondant du 
ministère, avait déjà fait connaître l’existehce de ce curieux document 
dans la Revue des sociétés savantes en 1869, 4* série, t. IX, p. 572. 

« Henry par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, a tous 
presens et advenir, salut. Comme chacun scait assez quel bien profïict 
et utillité est provenu a tous les royaulmesct républiques par le moyen 
des arts et sciences, seul fondement de leurs richesses et embellisse- 
mens, et combien les hommes qui, par leur long estude, dilligence et 
expérience les ont inventez et introduietz, ont été recongneuz, honno- 
rez et recompensez d’ung si louable labeur afin que tant par leur tesmoi- 
gnage que par la prospérité de leurs mérites les autres fussent poussés 
d'ung mesme désir à rechercher, à leur exemple, non seulement la 
perfection des premières inventions, mais encore à trouver avec plus 
haulte contemplation plus haultes et belles choses non congneues à 
l’antiquité, pour s’acquerrir par là une honnorable louange ainsy 
qu’ont faict noz chers et bien amez Jacques et Vincent Sarrode frères 
et Horace Ponté leur nepveu gentilzhommes en Fart et science de 
verrerie lesquels ayant cy-devant et depuis long temps tenu les four- 
neaulx de verrerie de cristal en noz villes de Lyon et Nevers ont acquis 
t. 11, 3 * série. 11 


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— i 3 o — 

A quelques jours de là , le 5 septembre 1 597, les échevins 
de Nevers délivraient à maître Pierre Gouneaul, leur rece- 
veur des deniers communs, un mandat de payement, sur les 
deniers de sa recette , « au seigneur Jaques Sarodo et Orace 
Ponte, maistres de la verrière de ceste ville de Nevers », 

telle réputation en la perfection de leurs ouvraiges que la pluspart des 
verres dudit cristal desquels Ton c'est servy en nostrc court et suitte 
par tout nostre royaulme ont esté apportez des villes de Lyon et 
Nevers, mais d’aultant qu’en les allant quérir si loing la despence qui 
se faict à les apporter les rend beaucoup plus chers, sur ce que lesdits 
Sarrode et Ponté nous ont faict dire que s’il nous plaisoit leur per- 
mectre de dresser une vçrrerie en nostre ville de Melun ils y déploye- 
roient vollontiers le plus beau et exquis de leur art et science et y 
feroient des ouvraiges par le moyen desquels nostre ville de Paris 
capitalle de nostre royaulme seroit grandement acommodée et y 
seraient lesdits verres a meilleur marché qu’ils ne sont pour le peu de 
distance qu’il y a de l’ungà l’autre et la commodité de les transporter 
par la rivière, scavoir faisons que nous mettons en considération la 
grande expérience desdits de Sarrode et Ponté audict art et science de 
verrerie et le fruict et utillité qui en reviendra en nostre dite ville de 
Paris et au public, nous leur avons de nostre grâce spécialle, plaine 
puissance et autorité royalle , permis octroyé et acordé , permectons 
octroyons et acordons, par privillége particulier, par ces présentes 
qu’ils puissent tenir en nostredite ville de Melun une verrerie de 
cristal et y faire construire ung fourneau a y faire par eulx et leurs 
ouvriers dudit art des verres de cristal et telles autres choses qu’ils 
adviseront deppendantes dudict art pour le service et usaige tant de 
nostre court et suitte que des habitans de nostre dite ville de Paris et 
de tous autres qui en vouldront achapter, pour par lesdits Sarrode et 
Ponté tenir en nostre dite ville de Melun ladicte verrerie aux mesmes 
droicls et honneurs, privilléges, franchises, immunitez, libertez et 
exemptions tant pour eulx que pour leurs serviteurs et marchands, 
vendeurs en gros et destail mannans et conduisans ladite marchandise 
de verrerie et matière dont est composé le verre, par eau et par terre, 
en la mesme sorte et manière qu’ils ont bien et deuement joy et usé 
par le passé et sans fraulde en nosdites villes de Lyon et Nevers, 
jouissent et usent encores a présent suivant la confirmation de leurs 
privilèges que nous et noz prédécesseurs roys, leur en avons succes- 
sivement accordé, la coppie desquelz privilléges vérifiiez en nostre 
court de Parlement, Chambre de noz comptes et Court des aydes à 
Paris, est cy attachée soubz le contrescel de nostre chancellerie sans 


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— 1 3 1 — 

d’une somme de 12 écus soleil pour huit douzaines de verres 
de cristal envoyées à Paris , « pour faire des présents, à la 
sollicitation d’un procès qu’a la ville... La quittance, datée 
du dernier jour de décembre, n’est signée que d’Horace Ponté. 

Deux ans plus tard, un autre mandai, daté du 23 mai 1 599, 
est délivré, « au seigneur Vincent Sarrodo, ung des maistres 
de la verrière de ceste ville *, pour une somme de 49 écus 
3 o sols , à raison de « trente-trois douzaines de verres de 
cristal raffiné qui ont esté présytez et envoyez en la ville de 
Paris, scavoir : à monsieur de La Grange Courtin , douze 
douzaines; à monsieur de Laulnav, six douzaines; à 
monsieur Vivian, six douzaines ; à monsieur Verne, trésorier 
à Molins, six douzaines ; à monsieur Jolly, trois douzaines. » 
Le reçu, daté du 16 juillet 1599, est signé de Marcoroli 
Sarodo. 

Durant ces trois dernières années , le seigneur Jacques ne 
fait â Nevers que de rares apparitions ; peut-ctre organise-t-il 
sa troisième verrerie à Melun. Il ne paraît pas cependant y 
avoir fait un bien long séjour en cette ville (1); et c’est à 

qu'il soit besoing les spécifier ny desclarer par cesdites présentes, par 
lesquelles afin que lesdits Sarrode et Ponté puissent mieux recueillir 
le fruict du labeur qu'ils employcroient en ladicte verrerie nous avons 
dit et déclaré disons et déclarons, voulions et nous plaist qu'en nostre 
dicte ville de Paris ny à trente lieues à la ronde d’icelle, il ne s’esta- 
blira à l'advenir autre verrerie de cristal que celle desdits Sarrode et 
Ponté, révoqué et révoquons par cesdictes présentes. N'entendons tou- 
tefois préjudicier aux verreries de Feugère et de Pierre qui se trou- 
veront esiabliez et s'establiront cy après es environs de nos dictes villes 
de Paris, Melun et ailleurs partout nostre royaume... 

» Donné au camp devant Amyens au moys d'aoust l'an de grâce mil 
cinq cens quatre vingts dix sept et de nostre règne le neufiesme 
signé : Henry, et sur le reply, par le roy : de Neufville. > 

(1) M. Lemaife, archiviste départemental de Seine-et-Marne, nous 
écrit que l’établissement de la verrerie à Melun a bien été autorisé, 
mais qu’on doute qu’il ait jamais été effectué. Peut-être le classement 
méthodique des archives judiciaires de la ville fournira-t-il quelques 
indications ! — Il y a bien eu une verrerie à Melun , puisqu’un des quais 
en emprunte le nom, mais elle n’était pas antérieure au dernier siècle. 


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- I 3 2 — 


Paris même que le vaillant artiste est allé s'établir. Un 
nouveau mandat délivré par les échevins, le 6 juillet i 6 o 3 , 
nous apprend en effet que maître Laurent Thonnellier, 
receveur de l’hôtel commun, est invité à payer « au seigneur 
Orace Ponté , maistre de la verrière deNevers », la somme 
de 93 écus 40 sols, revenant à la somme de 281 livres, 
savoir : 63 écus 40 sols, tant pour verres de cristal pris en la 
verrière de Paris , pour faire présent à plusieurs seigneurs 
du conseil, que pour autres yerres aussi de cristal, pris en 
la verrerie de Nevers, pour porter à Moulins et faire présent 
à messieurs les Trésoriers généraux, — et 20 écus qui ont 
été prêtés à monsieur l’élu Destrappes, échevin, étant à Paris 
pour les affaires de cette ville, par le seigneur Jacques 
SarodOj maître de la verrerie dudit Paris. 

En vérité , ce Jacobo Sarodo n’était pas seulement un 
grand industriel, comme on dirait de nos jours, ce devait 
être un véritable artiste dans le sens large et noble de ce mot. 

Et voici qu’en effet notre érudit collègue M. de Laugar- 
dière nous signale un Poème sur Vart de la verrerie , et la 
comparaison de V homme à un verre , par Jacques Sarode, 
en 1594, petit in-4 0 manuscrit sur papier, avec correc- 
tions et ratures, indiqué dans le catalogue des livres , impri- 
més et manuscrits de la bibliothèque de feu M. d’Aguesseau, 
doyen du conseil (1). 

Ce manuscrit, avec corrections et ratures , était sans 
doute l’autographe de l’auteur ; il était en français, car il 
figure au paragraphe des Poètes françois, après les œuvres 
de Ronsard et de des Portes ; les poètes italiens ont leur 
paragraphe à part. 

C’est là malheureusement tout ce que nous pouvons dire de 
l’ouvrage de Jacques Sarode. Peut-être, quelque jour, nous 
sera-t-il donné d’y revenir, si tant est que ce manuscrit existe 
encore et qu’une bonne fortune nous le fasse retrouver ! 

(1) Pari», Gogué et Née de La Rochelle, libraires, 1785, in-8 # ; 
page 208, n* 3178. 


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— 1 33 — 


Mais, du moins, en terminant ce premier chapitre consacré 
à la mémoire du seigneur Jacques , comme on l’appelait à 
Nevers il y a trois siècles, sommes-nous heureux d’indiquer 
d'une manière précise quel était en Italie son lieu d’origine. 

Nous trouvons à ce sujet tous les renseignements dési- 
rables dans le Dictionnaire historique , biographique et 
généalogique des familles de V ancien Poitou , par Henri 
Filleau ( 1 ). 

Les Sarode, d’ailleurs, se rencontrent jusqu'à la fin du 
siècle dernier, non-seulement dans les différentes verreries 
du Nivernais ( 2 ), mais dans la plupart des verreries de 
France, et spécialement en Poitou, où cette famille est encore 
aujourd’hui noblement représentée. 

Pendant plus de deux cents ans on les voit aux verreries 
de la Fosse-de-Nantes et de Vendrennes en Bas-Poitou, où 
ils avaient remplacé une famille du nom de Babin, qui elle- 
même avait succédé à Jean Ferro ou Ferré , gentilhomme 
verrier, autorisé, en i588, à établir une fabrique de faïences 
blanches dans cette ville (3). 

Ils eurent donc plus d’une fois, pour jouir des privilèges 
de la noblesse, que toujours le fisc essayait de leur contester, 

(j) Publié par son petit-fils H. Beauchet-Fillcau et Ch. de Chergé. 
Tome II. Poitiers, Dupré, 1840-1854, pages 670-672. (Communication 
de M. Ch. -R. de Laugardièrc.) 

(2) Dans ses Notes pour servir à Vhistoire de la commune de Mon - 
taron (Nièvre), M. Victor Gueneau a l’occasion de citer : Jean-Claude 
de Sarraudes, écuyer, qui avait épousé, le 21 avril 1673, Claude de 
Balorre, fille de feu Louis de Balorre et de damoisellc Jeanne de 
Chargèrc ; — Jean de Sarraudes, seigneur de Mussy, issu de ce 
mariage, indiqué en 1697 comme époux de Jeanne-Françoise Ber- 
geron ; — un M. de Sarraudes, écuyer, seigneur de Mussy, fut inhumé 
le 4 janvier 1717 dans l’église de Montaron. (Voir plus loin le 
chapitre VI.) 

( 3 ) Bientôt nous retrouverons, sous les Castellan, noble Jean Babin, 
gentilhomme verrier, se mariant à Nevers avec une Jeanne Castellan, 
en 1678, et il se peut bien aussi que Gaspard Fer, cité dès le début 
du chapitre suivant dans le contrat d’association de 1614, appartienne 
à cette même famille des Ferro, Ferré, Ferry ou de Ferre , 


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occasion de rappeler leur origine et de montrer leurs certifi- 
cats de gentilshommes verriers. C'est une de ces pièces dont 
nous allons donner l’analyse (i) : « Au nom du Seigneur, 
ainsi soit-il. L’an de la naissance du même Seigneur, 14 du 
mois de février 1645, en la ville d’Altare, état de Mont- 
ferrat, diocèse de Noli, par-devant le notaire Jean-François 
Massard, sont comparus en personne, devant le juge commis 
par Sérénissime Charles II, duc de Mantoue et de Mont- 
ferrat (2), nobles personnes Thomas-Pierre-Vincent de Coste, 
Jacques-Philippe de Coste, Barthélemy Ponté, Joannin de 
Raquet, Baptiste Coste, consuls en ladite ville d’Altare, 
pour l’art de la verrerie ; cette autorité leur ayant été 
concédée par Illustrissime et Excellentissime seigneur Guil- 
laume, marquis de Montferrat, dès Tan 1495, le cinquième 
jour du mois de février, et ensuite confirmée par Sérénissime 
seigneur Guillaume de Gonzague, duc de Mantoue et de 
Montferrat, Tan i 552 . 

» Lesquels, sur la requête du seigneur Etienne Sarode, ont 
attesté que Vincent de Sarode était décédé, suivant le cours 
de nature, déjà depuis longtemps, étant né dans ladite ville 
d’Altare, de la noble race des Sarode, duquel, par légitime 
mariage contracté en cette ville, était né à Altare Antoine- 
Abraham de Sarode . père légitime du susdit Etienne, 
présentement vivant, et que pour plus grand témoignage de 
vérité Etienne-Jérôme de Coste et Françoise Massard ont été 
ses parrain et marraine ; qu’il est enfin vrai que lesdits 
Sarode sont nobles vivant noblement, sont crus et regardés 
comme nobles, tant dans la ville d’Altare que dans tout 
l’état de Montferrat et dans les lieux circonvoisins, et que le 
nom dudit Etienne est inséré au Catalogue des nobles, ce 

(1) Une copie s’en trouve également dans l’ouvrage de M. Benjamin 
Fillon : L'Art de terre chef les Poitevins, suivi d’une Étude sur la 
fabrication du verre en Poitou. — Niort, L. Clouzeau, libraire- 
éditeur, 1864. 

(2) Ce n’est que plus tard qu’il ajouta les titres de duc de Nivernois 
et de Rethelois. {Voir plus loin, deuxième époque, chapitre l ,r .) 


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— 1 35 — 


que les susnommés attestent non par ouï-dire, mais comme 
l’ayant vu et appris de leurs ancêtres qui devaient l’avoir 
également appris de leurs pères. 

» Et enfin, ce qui est une autre preuve de la noblesse 
desdits Sarode, c’est qu’ils jouissent du privilège d’exercer 
l'art de la verrerie, auquel ne sont pas admis ceux qui ne 
sont pas nobles (1). » 


(i) Nous verrons plus tard Jean Castellan produire un document 
tout à fait identique, par-devant le commissaire chargé de la vérifi- 
cation des titres de noblesse et de la poursuite des usurpateurs dans 
les généralités de Moulins et de Bourges. 11 est dit, en effet, dans 
l'attestation de noblesse à lui délivrée, le 6 juin 1662, par les consuls 
d’Altare Jacques-Philippe Saroldi, Charles Bormioli, Antoine Rachetti, 
Jean Rachetti, Alexandre Ponta et Antoine Mireingo, que les Castellan, 
de père en fils, ont, de temps immémorial, exercé la profession de 
verriers, a ce qui est une preuve de noblesse; car les plébéiens qui 
ne sont pas de race noble ne sont pas admis à Altare à exercer l’art 
du verre, ce qui est vrai et a toujours été reconnu publiquement. > 

Telle était, d'ailleurs, la déclaration formelle des consuls d’Altare, 
juridiction instituée par les ducs de Mantoue, qui furent pendant 
longtemps marquis de Montferrat : 

« Plebci qui non sunt de nobili prosapia, ad artem vitream exer- 
cendam non admiituntur et ita vero se rem habere hoc que palam et 
publiée pro comperto haberi... n 

Il n’en était pas de même en France, où les gentilshommes verriers 
formaient une classe particulière entre les autres nobles qui affectaient 
de les dédaigner, témoin cette épigramme tant de fois citée de Maynard 
contre le poète Saint-Amand, dont les ancêtres étaient verriers : 

« Votre noblesse est mince, 

» Car ce n’est pas d’un prince, 
t Daphnis, que vous sortez. 

» Gentilhomme de verre, 

» Si vous tombez à terre , 

» Adieu vos qualités. » 

Cest ce qui a très-ingénieusement induit M. H. Schuermans, dans 
la troisième de ses lettres si instructives sur les verres « à la façon 


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— 1 36 — 

C'est donc du duché de Montferrat, dont les ducs de 
Nevers étaient aussi seigneurs, qu’était originaire notre 
Jacques Sarode, ainsi que son frère, Vincent Sarode, tous les 
deux venus à Nevers à Tappel de l’illustre prince Louis de 
Gonzague. 

A titre de curiosité historique, et comme document pou- 
vant éveiller l’attention sur les origines, communes peut- 
être, des verreries et des faïences, citons en dernier lieu une 
requête d’Henri-Philippe de Sarode, sieur delà Bignonnière, 
datée de Vendrennes (bourg de l’arrondissement de Napo- 
léon-Vendée), le 14 mai 1772, par laquelle il sollicite la 
faveur d’être autorisé, avec Marc Lozelet, dudit Vendrennes, 
à fabriquer de la porcelaine en la verrerie de cette paroisse. 
Tous deux se recommandent de l’ancienneté de leur famille 
en l’état de verrier et de la pratique qu’ils ont de ce nouvel 
art, ledit sieur Lozelet l’ayant exercé plusieurs années à Paris 
et autres endroits, et le sieur Sarode prétendant en avoir été 
instruit par Virgile Sarode, son aïeul, maître de verrerie 
expert à la fabrication de la porcelaine (1). 

Coïncidence assez singulière, les bâtiments de la verrerie à 
bouteilles établie à Nevers en 1780 sur le quai de Loire sont 
maintenant occupés par une fabrique de porcelaine ! 


de Venise » fabriqués aux Pays-Bas, à distinguer trois sortes de 
noblesse verrière : 

En France et aux Pays-Bas , les nobles , quoique verriers ; 

A Venise, les nobles, parce que verriers ; 

A Aitare, les verriers, parce que nobles. 

( 1 ) VAri de terre chef les Poitevins , p. i63. 


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IJT et III: Signatures de JACQUES etVINCENT SARODE frères et de MARCOROLI 
SARODE avec la date par lui écrite en 1599. 

UTe tV: Signatures d'HORACE PONTE, Neveu de JACQUES SARODE 
et de SUZANNE DALBANÉ, son épouse. 


mp. c. VAuifmf, mtvta». 


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CHAPITRE II. 


PREMIÈRE ÉPOQUE. (Suite.) 


Horace PONTÉ, deuxième maître de h verrerie de Nevers. 
( 1600 - 1645 .) 


Communauté existant entre les gentilshommes verriers; — contrat 
d’association de trois d’entre eux pour la création d’une nouvelle 
verrerie; — les manquements aux réglements sont punis selon les 
ordonnances des consuls de l’art de la verrerie d’Altare; — humeur 
aventurière des verriers ; — intervention de Charles de Gonzague 
(août 1619) auprès du roi, en faveur d’Horace Ponté, contre Bernard 
Dubuisson, se disant syndic des gentilshommes verriers français ; — 
grande prospérité de la verrerie de Nevers sous Horace Ponté ; — 
nombreux marchés pour achat de bois * de moule, de terre 
blanche, de cailloux blancs, de soude ; — mémoire des ouvrages de 
verre fournis aux échevins pour être offerts à la reine, en 1622, 
lors de son passage à Nevers ; — énumération des principaux pro- 
duits artistiques des verriers altaristes; — Horace Ponté joint à 
son commerce de menu verre ou gobeléterie le trafic du gros verre 
dont une manufacture importante existe dans le Morvand , à Bois- 
Giset ; — mort d’Horace Ponté et fin de la première époque de la 
verrerie nivernaise. 

Le seigneur Horace Ponté, depuis le départ de son oncle, 
devient en effet « maître de la verrerie de Nevers » ; mais il 
est à remarquer que, pendant les premières années, les autres 
gentilshommes verriers demeurés avec lui pour partager sa 
fortune prennent tous indistinctement, dans leurs actes 
privés, la qualification de « l’un des maîtres de la verrerie *. 
Se présente-t-il à conclure quelque traité intéressant la 
fabrication ou la marche des affaires de la communauté, 
tous les verriers sont témoins et apposent leur signature l 
t« 11, 3 * série. 12 


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— 1 38 — 


Le 3 mars 1604, Pierre Gondier, demeurant à Coulanges, 
et Benoist Joyn, a hoste », demeurant à Sainte-Valière-lez- 
Nevers, s'engagent à livrer au seigneur Horace Ponté et à 
Vincent Sarode, maîtres de la verrerie de cette ville, la 
quantité de six-vingts milliers de bôis de moule, bois de 
chesgne et autres, moyennant le prix de 7 livres pour 
chacun millier. Étaient présents à cette convention et ont 
signé : Horace Ponté, — Antoyne Sarode, — François 
Vallentin, — Vicentio Sarodo , tous verriers (1). 

A la date du 22 septembre 1609, trois reconnaissances, 
rédigées en termes identiques, portent que noble homme 
Horace Ponté s’est obligé, le 18 du présent mois, envers 
Girard Imbert, marchand flamand , demeurant en la ville de 
Dord, en Hollande (2), pour la somme de i, 5 oo livres, 
faisant partie de 3,150 livres portées sur une obligation 
du dernier août 1607 et délivrée en ce jour à Antoine 
Sarodo, laquelle obligation ledit Horace Ponté a promis 
rembourser. 

Ces reconnaissances sont toutes trois signées de Antonio 
Sarodo', — Manfrin Sarodo et Horace Ponté , — Francisco 
Ponte, — Vicencio Perrotto, — Hieromi Sarodo ( 3 ). 

Nous avons prononcé le nom de communauté , à propos de 
cette union de nos gentilshommes verriers; quel pouvait 
bien être le réglement intérieur qui la régissait ? C'est une 
difficile question que nous nous serions bien gardé de sou- 
lever, si nous n’en avions trouvé, ce nous semble, la solution 
la plus claire dans un contrat d’association précisément 
conclu, à cette époque, le 21 juin 1614, entre nobles 
Valentin Sarode, Annet Marin et Gaspart Fer, trois gentils- 
hommes verriers qui, semblables à un essaim d'abeilles, ont 
pris un jour la résolution de quitter la ruche pour s’en aller, 


(1) Archives des notaires de Nevers, minutes Charpy. 

(2) Sans doute Dordrecht ou Dori, ville située dans une île, ou la 
Merwe se jette dans la Meuse. 

( 3 ) Minutes du même notaire Charpy. 


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— i3 9 - 

— en quel lieu, ils ne le savent, — fonder une verrerie 
nouvelle. 

Cet acte est trop important pour qu’il puisse suffire de 
l’analyser, en voici la copie (i) : 

« Par devant le notaire au duché de Nevers et tesmoings 
cy après nomméz, ont esté présens en leurs personnes nobles 
hommes Vallantin Sarraude, Annet Marin et Gaspart Fer, 
tous gentilshommes verriers du pays d’Italye, demeurant à 
présent à Nevers, lesquels ont fait les pactions, accordz et 
associations qui s'ensuyvent, assavoir qu’ils ont promis et se 
sont obligés l’ung envers l’aultre de tenir et dresser une 
verrière au lieu où ils adviseront entre eux. Et pour ce faire, 
promettent de contribuer, chacun pour un tiers, à tout ce 
qu’il conviendra à icelle dresser. Et afin de pouvoir trouver 
leurs commoditéz, ont lesdits Sarraulde et Fer donné et 
donnent pouvoir audit Marin de pouvoir aller aux champs, 
au lieu qu’ils adviseront entre eux, pour voir s'il pourra 
trouver un lieu propre à dresser verrerye ; faire et négotier 
tout ce qu’il trouvera être nécessaire, que lesdits Sarraude et 
Fer promettent advouer et agréer, comme si par eux avait 
été fait, et ce pendant et durant le temps et espace d’ung an 
à compter de cejourd’huy; et ayant trouvé lieu commode 
pendant ledit temps, il sera tenu en donner advis auxdits 
Sarraude et Fer, afin d’eus transporter au lieu qu’il aura 
trouvé, ce qu’ils promettent et s’obligent faire à peine de tous 
despens, dommaiges et intérestz. Et au cas que ledit Marin 
ne trouve lieu propre pour faire ladite verrière dans ledit an, 
le présent contract et association demeurera nul et résolu. 
Et ce faisant, lesdits Sarraude et Fer ont promis et se sont 
obligés de payer et rembourcer audit Marin les frais qu’il 
fera utillement auxdites recherches, chacun pour un tiers. 

— Comme aussi ont iceulx Sarraude, Fer et Marin, promis 

(i) Minutes du notaire Caradin (acte découvert par M. Bouveault, 
architecte à Nevers, membre de la Société nivernaise). 


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— 140 — 


de fournir et advancer ce qu’il conviendra tant pour le 
payement des erres que ledit Marin pourra promettre, que 
ce qu’il conviendra pour faire ladite verrerye. — Comme 
aussi pour le payement des ouvriers qui seront demeurans 
pour faire valloir ladite verrerye , se payeront par tiers; et 
quant au prouffict qu’ils feront durant le temps de ladite 
association, lesdites parties ont promis de le partaiger en fin 
desdites six années. — Et prendront les deniers communs 
pour achepter ce qui sera nécessaire pour la fourniture tant 
de leur nourriture que pour autres leurs nécessités . Et 
pour leur entretien d'habits et autres nécessités particu- 
lières, chacun des dessusdits prendra de l'argent commun , 
la somme de i5o livres . — Il est accordé qu’en cas que l’un 
desdits Sarraude, Marin, ou Fer, cesse de travailler, soit pour 
absence ou maladie, plus de quinze jours, en ce cas les deux 
qui travailleront prendront des deniers commungs, plus que 
celluy qui deffauldra, la somme de quatre doubles pistolletz 
qui est pour chascung de ceulx qui travailleront, deux 
doubles pistolletz. Comme aussy est accordé que pendant le 
temps de ladite association, ils ne pourront faire aulcungs 
marchéz concernant le faict de leurs marchandises , l’ung 
sans l’aultre. Et en cas que l’ung des dessusditz se voullust 
despartir de la présente association, il sera tenu de payer aux 
aultres qui la vouldront entretenir la somme de 1 5o livres à 
chacun d’eulx. Et si deulx se voulloient despartir, ils seront 
tenuz de donner à celluy qui la vouldra entretenir ladite 
somme de i5o livres. — Et à l’entretencment et accomplis- 
sement des dessusdites clauses et choses cy-dessus rapportées 
se sont lesdites parties obligées l’une envers l’aultre corps et 
biens. — Faict au lieu et ville de Nevers, le vingt-uniesme 
juing, l'an mil six cent quatorze, présens : Pierre Perreaul, 
escolier, et François Lucas, clerc, demeurant à Nevers. 
Signé : Valantin Sarodo, — A net Marin , — Gaspar Fer ; 
— Lucas, — P. Perreaul, — Caradin (notaire). » 

Nos trois verriers purent-ils trouver c lieu propre à dresser 


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vcrrcrye », ou le contrat devint-il « nul et résolu » ? Aucun 
document, jusqu’à ce jour, n’a pu nous l’apprendre (i). 

D'autres faits viennent encore confirmer l’humeur aventu- 
rière de nos verriers, t ces bohémiens gentilshommes », 
comme les appelle M. Van de Casteele (2). 

Le 4 mars 1625, par devant le notaire royal François 
Pellé , sont comparus en leurs personnes , Anthoine 
Traveto , Anthoine Dagna et Odoardo Buxono , gentils- 
hommes verriers, demeurant et travaillant, de présent, en la 
verrerie de Nevers ( 3 ), lesquels ont certifié et attesté, certi- 
fient et attestent qu’il est bien vrai qu’ils ont vu un nommé 
Constantino Carcamo , aussi gentilhomme verrier, natif de 


(1) M. Ernest Reboul a publié, dans les Mémoires de la Société 
académique du Var, un très-curieux travail sur les de Ferry et les 
d’Escrivan , verriers provençaux. Au mois de mai 1670, Amos et 
François de Ferres, fils légitimes de noble Gaspard de Ferres, sont 
inscrits dans le catalogue des véritables nobles de la province de Dau- 
phiné. Nous ne serions pas surpris que notre Gaspard Fer fût le 
même que ce Gaspard de Ferres, comme les Saroldi deviennent les 
de Sarode; les Castellani , de Castellan ; les Bormioli, de Borniol. 

{2) Lettre à M. Schuermans sur l’ancienne verrerie liégeoise, p. 8. 

( 3 ) Ambrosio Traveto , verrier, est parrain en la paroisse Saint- 
Genest, le 3 o septembre 1640; — Benedeto Dagna , aussi verrier, l’est 
à Saint-Laurent, le 23 mai 1627. 

Henri IV avait permis, en 1398, à Vincent Busson et Thomas Bar- 
tholus, gentilshommes verriers, natifs du duché de Mantoue, de 
construire à Rouen une verrerie pour y fabriquer « verre de cristail’ 
verres dorez , esmaulx et aultres ouvraiges qui se font à Venize et 
aultres lieux et pays estrangers ». Mais dès i 6 o 5 ils étaient remplacés 
à Rouen par un gentilhomme provençal, François de Garsonnet ( les 
Verreries de la Normandie , p. 276). Ce Busson de Rouen nous semble 
bien proche parent du Buxono ou Bussone de Nevers. — M. Schuer- 
mans, dans sa quatrième lettre sur les verres fabriqués aux Pays-Bas, 
signale aussi parmi les Altaristes venus à Liège, dès 1623, Antoine 
Buffone, et observe avec raison qu’il faut bien se garder de confondre 
les membres de cette famille avec certains de Buisson mentionnés aussi 
à Liège au dix-septième siècle. Nous allons bientôt, en effet, rencontrer 
un du Buisson , verrier français en opposition avec les verriers 
altaristes. 


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l’Altare, au marquisat de Montferrat, demeurer dans cette 
ville, en la maison de la verrerie, oü il a travaillé de l’état de 
verrier sous noble Horace Ponté, maître de ladite verrerie, 
l'espace de deux mois, suivant la paction que ledit sieur 
Ponté avait faite avec ledit Carcamo, le 9 juin 1624, par 
laquelle ils savent , ledit Carcamo être tenu de travailler en 
ladite verrerie pendant un an continuel , à commencer en la 
fête Saint-Martin d’hiver dernier passée, et qui devra finir à 
même jour de l’an présent. Et néanmoins ledit Carcamo n’a 
travaillé qu’environ deux mois, s’en étant retiré le jour de 
Saint-Mathias dernier, sans congé ni permission dudit sieur 
Ponté et à son insu , « sans que ledit sieur Ponté luy ayt 
mesfaict ny mesdict en aucune façon, ny que la femme dudi 
sieur Ponté, ses domesticques et aultres travaillans à ladite 
verrerie aient baillé aucun sujet ni occasion audit Carcamo 
de s’en aller ainsi... » Ce que lesdits gentilshommes ont 
affirmé, lesdits Traveto et Dagna demeurant et travaillant en 
ladite verrerie depuis un an, et ledit Buxono depuis le jour 
de Saint-Mathias qu’il arriva et trouva ledit Carcamo. 

Dont et de ce que dessus ledit sieur Horace Ponté a requis 
et demandé acte pour s’en servir ce que de raison, à l’encontre 
dudit Carcamo, à l’effet de recouvrer contre lui tous dépens, 
dommages et intérêts , selon les ordonnances des sieurs 
consuls de l'art de la verrerie de ladite ville d’Altare, pour 
ne l’avoir servi pendant le temps porté par ladite paction. 

A l’exception d’Antoine Traveto, qui a déclaré ne le savoir, 
tous ont signé: Jo Doardo Bussone , Jo Antoni Dagna, 
Horace Ponté . 

L’année suivante, un autre verrier se disposait aussi à 
quitter Nevers pour s’en aller travailler de son art en 
Normandie : 

Le 19 septembre 1626, Jehan Bourniol, verrier, demeu- 
rant à présent en cette ville de Nevers, s’oblige envers noble 
Pierre d’Azémar, écuyer, maître de la verrerie de la ville de 
Rouan , y demeurant, à le servir de son état de verrier, en la 
verrerie qu’il a fait faire et construire au village d 'Arcourt, 


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— 143 — 

au lieu appelé la Guionnée , en la duché d’Aumalle, pays 
de Normandie , avec trois hommes, sans qu’ils soient tenus 
faire la couserye , et aussi sans que ledit d’Azémar soit tenu 
les nourrir (i). Et ce à raison de 76 livres 10 sols tournois 
par chacun mois que ledit sieur d’Azémar a promis et sera 
tenu payer de mois en mois. Ledit marché sera pour deux 
ans continuels et consécutifs, qui commenceront lorsque 
ledit Borniol sera arrivé avec ses hommes, au plus tard à 
Pasques charnels prochain venant. Toutefois , le sieur 
d’Azémar promet payer par avance et faire tenir à Nevers, 
dans six semaines, audit Borniol, la somme de 3 oo livres 
tournois, sur lesquels il a présentement payé 45 livres 1 2 sols 
dont ledit sieur s’est tenu pour content et bien payé. 

Et seront ledit Borniol et ses hommes tenus faire par 
chacun jour 110 verres, savoir 55 par cuvée, à demye côte, 
55 à la bague et 60 tout unis, le tout bon, loyal et marchand. 

L’acte est signé de P. d’Asémar, du sieur Borniol, Jo 
Jiouane Borniolo, et d’un autre verrier cité déjà comme 
témoin dans Pacte précédent , Anthoine Dagne , Jo 
Dagna (2). 


(1) Nous renvoyons ici à l’histoire de la verrerie de Rouen, dans le 
livre si important de M. Le Vaillant de La Fieffe : Les Verreries de 
la Normandie , les Gentilshommes et Artistes verriers normands. 
Rouem, 1873. On y lit (page 279) que les ancêtres de Jean et Pierre 
d’Azémar exerçaient Part de la verrerie depuis deux cent cinquante 
ans et avaient « les premiers en France trouvé l’invention de travailler 
en cristal ». — Le même auteur rapporte (pages 236-248) que Jean 
de Bamiolles, après avoir travaillé pendant quinze ou seize ans à la 
verrerie des sieurs Jean et Pierre d’Azémar, à Rouen, dans le fau- 
bourg Saint-Séver, s’associa avec Jean-Baptiste de Postel , vicomte de 
Conches, et fit construire avec lui, en i 638 , dans la paroisse de 
Beaubray, un fourneau, où ils travaillèrent et firent travailler en verre 
de cristal, entreprise que les sieurs d’Azémar le contraignirent à 
abandonner. Notre gentilhomme verrier mourut audit lieu de Beau- 
bray, le 3 janvier 1649, et son corps reçut la sépulture dans l’église 
de cette paroisse. 

(2) Archives de la chambre des notaires de Nevers, minutes 
Vaillant. (Communication de M. de Laugardière.) 


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— *44 — 


Ces faits et autres de même nature n’étaient toutefois que 
des incidents sans grande importance et qui ne pouvaient 
influer d’une manière bien sensible sur la prospérité de la 
verrerie nivernaise. 

Cependant, Horace Ponté et Vincent Sarode qui, plus habi- 
tuellement, prenaient ensemble le titre de maîtres, avaient 
eu à subir, en 1619, une attaque des plus périlleuses pour 
l’avenir même de leur industrie à Nevers. Un certain gentil- 
homme verrier français, du nom de Dubuisson (1), se quali- 
fiant du titre de syndic et procureur des verriers français, 
avait prétendu imposer des conditions qu’Horace Ponté et 
son associé rejetaient obstinément. Le duc de Nevers 
n’hésita pas à prendre parti, devers le roi de France, pour 
les artistes dont sa ville était fière. 

Louis de Gonzague, il est vrai, était mort en 1595, mais 
sa noble veuve avait continué ses royales largesses envers les 
gentilshommes verriers; puis le prince Charles, leur fils, 
plus connu sous le nom de duc de Rethelois, en héritant, 
en 1601, de leurs immenses domaines, s’était fait le conti- 
nuateur de leurs inépuisables générosités. 

Donc, ce fut Charles de Gonzague qui , par honneur pour 
la mémoire de son glorieux père, intervint solennellement 
auprès du roi avec Horace Ponté et Vincent Sarode ; et c’est, 
sans contredit, à cette haute intervention que Nevers dut la 
conservation de sa verrerie. 

Le document contenant les moyens d’intervention du 
noble duc auprès de Sa Majesté nous a paru d’un si vit 
intérêt, tant pour l’histoire locale que pour l’étude générale 
des verreries de France, que malgré sa longueur nous en 
donnons ici la copie in extenso (2) : 

(1) Un sieur Dubuisson, ingénieur, préside, en 1752, à l’installa- 
tion de la verrerie d’Apremont. (Notice sur cette verrerie, par 
M. Roubet, page go du présent Bulletin .) 

(2) C’est un grand cahier papier de neuf feuillets, très-élégamment 
écrits en belle cursive, dont nous devons la communication à M. l’abbé 
Griveau, curé de Sauvigny-les-Bois. 


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t Moyens d’intervention que met et fournit par devers le 
Roy et Nosseigneurs de son Conseil messire Charles de Gon- 
zagues, duc de Nivernois et Rethelois, pair de France, 
gouverneur pour Sa Majesté en Champagne et Brye, deman- 
deur en requête d’intervention du 19 e jour d’août der- 
nier 1619. 

» Contre Bernard Dubuisson , gentilhomme verrier 
françois, soy disant sindic et procureur des gentilshommes 
verriers françois , deffendeurs de ladicte intervention et 
demandeur de lectresdu 8 e jour de febvrier 1619, 

» Et Horace Ponté et Vincent Sarode, escuiers, maîtres de 
la verrerie de Nevers, deffendeurs. 

» A ce qu’il soit dict, s’il plaist à Sa Majesté et Nossei- 
gneurs de son Conseil, faisant droict sur ladicte intervention 
dudit sieur demandeur, en conséquence des lettres-patentes 
du feu roy Henry le Grand, que Dieu absolve, du mois de 
septembre mil cinq cens quatre vingts quatorze, lesdicts 
Ponté et Sarode seront maintenus et conservés en ladicte 
verrerie de Nevers, pour en jouir suivant et conformément 
aux privilèges et exemptions qui leur ont esté accordez, avec 
deffense audict Dubuisson et tous autres de les troubler ny 
empescher en l’exercice et fonction de leur art, audict Nevers, 
de façon aucune, soit par eulx ou personnes interposées, à 
peine de trois mille livres d’amende et aux despens de la 
présente intervention. 

9 Le faict est que le feu sieur duc de Nevers, père dudit 
sieur intervenant, aiant recogneu deffunct Vincent Ponté et 
Vincent Sarode, gentilshommes verriers d’Italie, du mar* 
quizat de Montferrat, estre fort experts en l'art de verrerie, il 
désira les attirer en France et establir en sa ville de Nevers, 
pour y travailler de leur art pour le bien et utillitépublicque 
de tout le royaume ; et pour affermir leur establissement 
obtint permission du feu roy Henry troisième de faire faire 
ledit establissement, mesmes obtint lettres de naturallité en 
faveur desdits gentilshommes verriers pour eulx et leur 
postérité, afin de les obliger par ce moien à se résoudre à 
t. u, 3 * série. i 3 


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— 146 — 

passer le reste de leurs jours en ladite ville de Nevers et y 
travailler de leur art, et furent doués des mesmes privilèges, 
exemptions, franchises et libertez qui ont de tout temps esté 
concédez aux aultres gentilhommes verriers françois. 

» Cest establissement aiant esté ainsy faict et authorisé par le 
prince, il y a bien trente-cinq ou quarante ans, ledictdeffunct 
Ponté et Sarode, après le déceds dudict roy Henry trois, 
auroientà la recommandation dudict feu sieur duc de Nevers 
obtenu confirmation du feu roy Henry le Grand de très-heu- 
reuse mémoire, que Dieu absolve, tant de leur establissement 
que de leurs exemptions et franchises, sur ce que l’on recognut 
par expériance qu’ils estoient des plus expérimentez en leur 
dict art de verrerie et que le publicq en recepvoit une grande 
utillité et contentement par le grand débit qui se faisoit des 
verres de cristal excellemment travaillés en ladicte verrerie, 
et que outre ce, ils aprenoient le secret excellant dudict art de 
verrerie à plusieurs gentilshommes français dudict art de 
verrerie qui se mettoient en apprentissage soubz eulx (1). 

(1) On 1 reprochait aux gentilshommes verriers italiens de refuser de 
faire connaître à leurs apprentis français les secrets de leur art; d’où, 
disait-on, grand préjudice pour les pauvres 'gentilshommes nécessi- 
teux de France, dont les verreries étaient supprimées par la concur- 
rence italienne, et un conseil de commerce avait été institué par 
Henri IV pour se préoccuper des moyens de favoriser l’industrie 
française. (Voir Champollion-Figeac, Mélanges historiques tirés des 
collections manuscrites de la Bibliothèque nationale — collection de 
documents inédits sur l’histoire de France — IV, p. 170, 196, 208, 287.) 

Les maîtres de la verrerie de Nevers se défendent victorieusement 
de ce reproche et protestent qu’ils n’ont jamais provoqué aucune 
plainte, se comportant comme vrais et naturels Français. 

M. Schuermans, dans sa quatrième lettre déjà citée, raconte, en effet, 
qu’un verrier d’Altare, du nom de Sarode, travaillant en France, et 
poursuivi de ce chef par ledit conseil, alléguait qu’il ne peut, sans 
autorisation de son souverain , le duc de Mantoue, forfaire au serment 
de garder les secrets de son art, d’autant plus qu’au cas contraire tous 
ses ouvriers le quitteraient. A quoi il fut obvié par lettres de natu- 
ralité accordées d’office, par nature de défense nationale, aux gentils- 
hommes verriers italiens qui se trouveraient dégagés de leurs serments 


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.» Soubz l’authorité desdictes lettres et promesses des roys 
prédécesseurs , ledict deffunct Ponté a tousjours jouy paisi- 
blement de ladicte verrerie, comme aussy ledict Sarode et le 
fils dudict Ponté qui est l’un des deffendeurs sans aucun 
trouble jusques au deuxième jour de may dernier que lesdicts 
deffendeurs ont été assignés au conseil, à la requête dudict 
Buisson, demandeur, en vertu des lettres du huictiesme feb- 
vrier précédent soubz une supposée et empruntée quallité de 
procureur sindicq de tous les gentilshommes verriers de 
France, tendant à ce que lesdicts Ponté et Sarode, deffendeurs, 
soient condemnés à prendre aultant d’ouvriers et aprentifs 
françois que d’estrangers ; sur laquelle assignation lesdictes 
parties aiant contesté et esté réglées , ledict sieur intervenant 
aiant advis de ce trouble seroit intervenu en ladicte instance, 
pour l’intérest notable qu’il a de conserver et maintenir 
lesdicts deffendeurs en leur dict establisscment et longue 
possession de ladicte verrerie et auroit esté receu partie inter- 
venante sur la requeste qu’il en auroit présentée à ceste fin le 
dix-neuvième jour d’aoust dernier. 

* Dict et soustient ledict sieur intervenant, sans appro- 
bation de ladicte prétendue qualité de procureur sindicq 
dudict demandeur, que icelluy sieur intervenant a grand 
intérest d’intervenir en ladicte instance, à fin de ladicte con- 
servation en faveur desdicts deffendeurs, l’establissement 
desquels et longue possession on veult esbranler soubz couleur 
de prétendu réglement dudict demandeur et cela par une 
envye mauvaise et odieuse qu’il a contre lesdicts deffendeurs 
à cause de l’expériance plus grande qu’ils ont dudict art de 
verrerie que non pas ledict demandeur et quelques autres qui 
se meslent dudict art. 

» Premièrement ledict sieur intervenant soustient ledict 
demandeur non recepvable en sadicte demande, fins et con- 


envers leur patrie ; et c’est ainsi que les Saroldi, devenus les de Sarode, 
ont fait souche en France, où leurs descendants existent encore en 
divers lieux. 


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— 148 — 

clusions n’aiant jusques icy... communiqué aucune procu- 
ration valable et autentique justifficative de sadicte prétendue 
quallité de sindic des autres verriers de France, sur laquelle 
il n’est pas recevable en son action d’aultant que comme 
particulier il n'est pas partie capable pour demander un tel 
réglement, joinct que c’est un homme de néant qui ne s’est 
advisé de faire ceste indue poursuitte que pour vexer et tra- 
vailler les deffendeurs en procès. 

» Au fonds et sans se départir de la fin de non-recevoir 
pertinante et sur laquelle il est préalable de faire droict, 
d’aultant qu’en cour souveraine on est obligé de deffendre à 
toutes fins, dict ledict sieur intervenant qu’en ce qui regarde 
ledict réglement d’astraindre lesdicts deffendeurs à prendre 
aultant d'ouvriers françois que d’estrangers , que c’est parti- 
culièrement à iceulx deffendeurs à y respondre, et néanmoings 
ledict sieur intervenant, pour l’intérest notable qu’il a de 
conserver ladicte verrerie en sa splandeur et intégrité , que 
ledict réglement n’est juste et raisonnable, d’aultant que par 
ce moien ladicte verrerie dépériroit en la perfection qu’elle a 
tousjours eue aux ouvrages divers, veu qu’il est certain que 
les Italiens sont d’ordinaire plus experts et adroictz audict 
art que non pas les François , desquels néanmoings ils se 
servent lorsqu’il se rencontre de bons ouvriers , et est une 
chose qui a toujours esté et est pratiquée en toutes sortes 
d’arts et mes tiers qu’il est permis aux maistres lesquels doib- 
vent tousjours estre François ou naturalisés , de se servir de 
toutes sortes d’ouvriers de toutes nations "ainsy qu’ils se ren- 
contrent; et en cela, ledit sieur intervenant a tousjours été 
curieux et soigneux qu’un bon ordre y ait esté perpétuelle- 
ment gardé et observé et ny voudroit permettre aucun 
désordre, dont jamais aussy il ne s’est faict de plaincte depuis 
trente-cinq ou quarante ans qu’ils sont establis, que jusques 
à présent par ce particulier soubz une supposée quallité de 
laquelle il n’a point faict apparoir et jusques à ce est non 
recevable. 

» Ledict demandeur fonde sesdictes conclusions sur un 


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— i 4 9 — 


arrest du conseil qu’on dit estre du septiesme jour de juin 
mil six cens cinq et porter réglement entre les verriers de 
France , qu’ils auroient autant d’ouvriers françois que 
d’estrangers. On ne scait que c’est de cet arrest , et n’a poinct 
esté communiqué. Et après qu’on l’aura veu, s’il y en a, on 
y répondra. 

» Et ce que trouve estrange ledict sieur intervenant c’est 
que lesdicts deffendeurs sont seuls attaquéz et poursuivis, 
bien qu’en Daulphiné et divers lieux de ce royaume l’on a 
depuis ledit temps de mil six cens cinq librement exercé ledict 
art de verrerie ainsy que l’on faict encores à présent en ladicte 
province de Daulphiné en un bourg appartenant au sieur 
Dorlano , et en Bretagne en un lieu appelé Héry, en un 
chasteau apartenant au sieur de Rohan , distant de quatre à 
cinq lieues de Nantes, sans qu’ils aient jamais esté molestés 
de personne, encores que ce soient tous Italiens non natura- 
lisez , qui ne sont par ce moien en sy fort termes que les 
* deffendeurs ; et sy ceste poursuitte n’estoit envimeuse par 
ledict demandeur, on attaqueroit aussy bien les aultres 
comme on faict les deffendeurs, à cause qu’ils excellent aux- 
dicts ouvrages. 

» En un mot ledit sieur intervenant a notable intérest que 
ladicte verrerie ainsy establye par ledict feu sieur son père, 
authorisée par les roys et fondée en bons tittres et possession 
de trente-cinq ou quarante ans, plus que suffisants pour 
acquérir prescription , soit maintenue et conservée en son 
entier sans qu’il y puisse estre rien inové, ny qu’il y aye 
cause de ce faire, veu que depuis ledict temps lesdicts maîtres 
verriers s’y sont comportés et gouvernés avecq une telle pru- 
dence et modestie qu’il ne s’est jamais trouvé aucune plaincte 
contre eulx, aiant tousjours vescu soubz les loix de France, 
comme vrais et naturelz François , et au contraire ont aporté 
et aportent journellement une grande utillité et contentement 
à toute la France par la grande quantité de verres excellem- 
ment ouvrez qui se font en ladicte verrerie et se débitent en 
tous les lieux et endroictz de ce royaume dont la preuve forte 


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— i5o 

et irréprochable est toute commune et notoire par le moien 
dudict débit. C’est pourquoy ledict sieur intervenant se 
joinct avec lesdicts deffendeurs à ce qu’ils soient maintenus 
et conservez, à ce que ledict demandeur tant par fin de non- 
recevoir que aultrement soit débouté de l’efect et anlérine- 
ment desdictes lettres fins et conclusions et condemné aux 
despens(i). » 

Peu de temps après cet acte si solennel, le 12 novembre 
1619, le duc Charles de Gonzague constituait une rente 
annuelle de yS livres au profit desdits sieurs Horace Ponté et 
Vincent Sarode, et de Hiérosme Sarode, fils de ce dernier. 
Déjà, le 18 mars 1617, par contrat passé devant Jarre, notaire 
royal , M me Catherine de Lorraine, duchesse de Nivernois et 
de Rethelois, tant en son nom qu’en celui de Me r Charles de 
Gonzague de Clèves, duc desdits pays, son époux, constituait 
une rente annuelle de 68 livres 1 5 sols au profit de noble 
Horace Ponté, maître de la verrerie de Nevers, et de noble 
Vincent Sarode (2). 

(1) A la suite on lit encore : c Et pour justiffication de ce que 
dessus, produict ledit sieur demandeur intervenant les pièces qui en- 
suivent. 1 Ces pièces, très-sommairement indiquées, ne nous appren- 
nent rien, sinon la date des lettres de confirmation par Henri le Grand» 
du mois de septembre i5g4, des exemptions accordées aux défendeurs 
par le feu roi Henri III. 

(2) Les minutes du notaire Jarre ont disparu pendant la Révolution, 
et nous ne pouvons guère espérer de retrouver la copie de ces deux 
contrats. L’indication nous en a été fournie par un acte du notaire 
Taillandier, en date du 14 novembre 1654, portant remboursement 
desdites rentes à Suzanne d’Albane, veuve d’Horace Ponté. La pre- 
mière rente, en effet, avait été cédée à Horace Ponté par Jérôme 
Sarode, fils de Vincent-François Sarode, par-devant Gentil, notaire 
royal, le 27 janvier 1624; la seconde rente avait été cédée par les 
mêmes Jérôme et François Sarode audit sieur Ponté, le 3 o janvier 
1624, par-devant le même notaire Gentil, dont les minutes ont égale- 
ment disparu; et Suzanne d’Albanc en était devenue propriétaire par 
suite du don mutuel qu’elle et son mari s’étaient fait de tous leurs 
biens dès l’année i 635 . 


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Et combien d'autres faits de ce genre nous demeurent sans 
nul doute inconnus ! 

Bien loin donc de péricliter entre les mains d'Horace 
Ponté , la verrerie prit au contraire une extension si consi- 
dérable qu'elle ne fut jamais dépassée, et nous croyons 
pouvoir attribuer à cette époque la construction du bel Hôtel 
de la Verrerie y en la grand'rue de la Tartre, dont la tou- 
relle carrée et la galerie à jour indiquent si bien l'architecture 
italienne. 

La preuve manifeste du grand développement de la verrerie 
se trouve surtout dans l’incroyable quantité d’actes notariés 
dont fourmillent les archives ; nous n’en citerons que quel- 
ques-uns des plus importants : d’abord les marchés d’achat 
du bois de moule nécessaire pour chauffer les fours. 

Le 17 décembre 1610, Gilbert Dutret, voiturier par eau, 
demeurant en la paroisse de Cuffy, vend et promet livrer à 
noble Horace Ponté, maître de la verrerie de Nevers, la 
quantité de cent milliers de bois dj^rhcple, moison (mesure) 
d'Orléans , bon bois chesgne et charme 'loyal et marchand. 
Sera toutefois tenu ledit Ponté de recevoir le quart d’icelle 
quantité de bois de tremble. Lesdits cent milliers seront 
livrés dans la cour de la verrerie, au jour de Caresme prenant 
prochain venant, moyennant le prix et somme de 8 livres 
1 5 sols tournois pour chacun millier, le tout revenant à la 
somme de 875 livres (1). Semblable quantité de cent milliers 
de bois de mosle , à raison de 8 livres tournois pour chacun 
millier, revenant à la somme de |8oo livres, est vendue, le 
le 19 juin 1614, par honorable homme Claude Damond, 
marchand, demeurant à Nevers (2). 

En 1619 encore, un nommé Jean Pynault, simplement 
qualifié laboureur, demeurant en la paroisse d’Aglan, vend 
cent milliers de même bois de mosle , chesgne et charme , 
promettant les conduire et livrer dans la cour de la maison 

(1) Archives des notaires, minutes Peilé. 

(2) Archives des notaires, minutes Duplessis. 


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— i5a — 


de ladite verrerie, moyennant le prix de ? 5 o livres tournois 
qui est, à raison de 7 livres 10 sols pour chacun millier, sur 
laquelle somme ledit sieur Ponté a immédiatement payé 
5 o livres en quarts d’écu et doüzains. 

Ce même laboureur, vers la fin de cette même année, 
18 novembre 1619, vend au même prix cent autres milliers 
de bois qu'il s’engage à fournir en quatre livraisons, savoir : 
25 milliers dans le jour de Pasques charnels prochain^ 
25 pour la Nativité saint Jean Baptiste, 25 dans la fête de 
Saint-Martin d’hiver et 25 à la Nativité Notre-Seigneur, qu'on 
comptera 1620. Parmi les autres marchés moins importants, 
mais beaucoup plus nombreux, notons seulement, au passage, 
la vente de 8 milliers, au prix de huit livres chacun , par 
messire Pierre Cazal, prêtre, curé de Chevenon, le 2 juin 1621. 

Enfin, le 17 février 1622, noble François de Roffignac, 
écuyer, sieur de Bouhy et d’Aspremont, demeurant audit lieu 
d’Aspremont, vend à noble Horace Ponté et à honorable 
homme Jean Thonnelier le jeune, marchand à Nevers, la 
coupe et superficie d’un bois-taillis, assis en la terre de 
Bouhy, paroisse de Saint-Oing , appelé le bois de Goullène, 
contenant 94 arpents, 69 carreaulx à 22 pieds pour corde..., 
dans lequel bois lesdits sieur Ponté et Thonnellier seront 
tenus de délaisser 3 oo chesgnes propres à faire haliveaulx 
et sans aucune autre réserve..., et pour taire laquelle coupe 
et enlever ledit bois ils auront le temps de trente-sept années 
continuelles, et le pourront faire couper en toutes saisons, 
excepté le mois d’août, etc.; moyennant le prix de i, 3 oo livres, 
sur laquelle somme ledit sieur Ponté a présentement payé au 
sieur de Bouhy 900 livres en testons et autres monnaies, et 
ont promis payer le reste dans le premier jour de juillet 
prochain. En outre, le sieur Ponté a présentement payé à 
damoiselle Anne Duplessys , épouse dudit sieur de Bouhy, 
la somrtie de 2 5 livres pour ses espingles (1). 

(1) Archives des notaires, minutes Pellé. Les autres actes cités, 
depuis celui de 1614, sont aussi du même notaire. 


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— 153 - 

Après Tâchât des bois viennent les marchés pour la terre 
blanche des fourneaux, puis pour les cailloux blancs et pour 
la soude qui, jetés dans les creusets embrasés du four, cons- 
tituent l’élément principal de la composition du verre : 

i° Le 18 octobre 1616, Nicolas Maulcourant, manœuvre, 
demeurant à Martangy, paroisse de Nolay, s’oblige à noble 
Horace Ponté de tirer la quantité de 1 2 poinssons de terre 
blanche , qu’il prendra dans les Crots-Blancs , assis en la 
paroisse et justice de Saint-Benin-des-Bois ; et icelle étant 
tirée devra la faire chesser (sécher), puis après la piller , 
cribler , et la rendre bien nette de pierre et cailloux , puis, 
ce fait, la destramper et mettre en paste , bien et dûment, 
et en remplir 12 poinssons qu’il sera tenu livrer en la maison 
de la verrerie ou sur le port du Pont-Cizeau, dans d'huy en 
un mois; et sera le sieur Ponté tenu de fournir audit Maul- 
courant, au lieu de Saint-Bcnin, les 12 poinssons et 100 sols 
tournois pour chacun poinsson de ladite terre, qui est pour 
le tout 60 livres, sur laquelle somme ledit sieur Ponté a 
payé 20 livres par avance (1). 

Le même Nicolas Maulcourant s’oblige pareillement, le 
3 août 1618, à livrer dans la cour de la verrerie, d'huy en 
un an prochain venant , la quantité de 4 poinssons de terre 
blanche pillée, passée et destrampée , propre à faire les four- 
neaux à faire verre et à viltre..., laquelle terre sera tirée au 
Crot-Blanc, paroisse de Saint-Benin-des-Bois, et sera tenu 
ledit Maulcourant icelle apprester, rendre et conduire à ses 
frais. 

Après de vingt ans de distance, Nicolas Maulcourant, 
qualifié cette fois de fondeur de verre de viltre, s’engage , le 
25 novembre 1637, à délivrer audit sieur Ponté S poinssons 
de terre propre à faire fourneaul pour verre de viltre, prise 
au lieu des Crots-Blancs, en la paroisse de Nollay, et où il 
n’y aura que le moins de pierre que ledit Maulcourant 


(1) Archives des notaires, minutes Pellé. 
t. u, 3» série. 


H 


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pourra, moyennant la somme de 44 livres, qui est pour 
chacun poinçon 110 sols... (1). 

Enfin, le 1 1 avril 1640, Jehan Mousnier et Claude Boura- 
chon, voituriers par eau, demeurant à Nevers, s’engagent 
envers noble Horace Ponté à voiturer dans leurs bateaux, à 
toutes eaux et sans séjour, — réservé fortune de rivière, — 
12 poinssons de terre des Crots-Blancs et de terre du port 
Tharault , pour faire fourneaux à verre , savoir 6 poinssons 
pris à Nevers, au logis dudit sieur Ponté, et qu’ils condui- 
ront sans cesser sur le port Tharault, et 6 autres, qui leur 
seront délivrés par maître Antoine Febvre, marchand audit 
port, pour le tout conduire sur le port de Roanne et délivrer 
au sieur David, hôte du logis où pend pour enseigne saint 
Sébastien, duquel apportant décharge il leur sera payé par 
le sieur Ponté, pour la voiture et camionnage, 48 livres 
tournois (2). 

2 0 Un marchand de Moulins en Bourbonnais, Étienne 
Amoul, s’engage, le 23 mars 1627, à vendre et livrer à 
Nevers, sur le port du guichet de Loire, à noble Horace 
Ponté, la quantité de 20 poinssons pleins de cailloux blancs, 
et iceulx amasser au long de la rivière d' Allier, dans les 
quinze jours après la fête de Pâques charnels prochainement 
venant, ou plutôt, si faire se peut, moyennant la somme de 
45 sols pour chacun poinsson desdits cailloux , qui fait pour 
le tout 45 livres. 

Le 21 octobre 1641. Horace Ponté fait marché avec Jean 
David, voiturier par eau, demeurant à Nevers, lequel 
s’oblige à recevoir du sieur Julien Musnier dit la Muraille, 
marchand verrier en la ville d’Orléans, i 5 ou 20 barrys de 
sable blanc d* Estampes, les charger en ses bateaux et amener 
à Nevers, au plus tôt que faire se pourra, moyennant le prix 
de 16 sols pour chacun barry ( 3 ). 

(1) Archives des notaires, minutes Casset. 

(2) Archives des notaires, minutes Pellé. 

( 3 ) Archives des notaires, minutes Casset. — On sait que les faïen- 


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3 ° Quant à la soude, Horace Ponté continue à la faire 
venir de Lyon, et il l'envoie chercher à Roanne par les 
mariniers de Nevers, en y expédiant des terres blanches, 
comme le pratiquait Jacques Sarode. 

Ainsi, le 3 janvier 1618, Blaize Berthet, voiturier par eau, 
demeurant à Nevers, en la paroisse Saint-Sauveur, promet à 
noble Horace Ponté d’aller jusqu’à Rouane , au logis du 
sieur Pascal David, hôte du logis où pend pour enseigne 
saint Nicolas, recevoir dudit David la quantité de 44 barils 
et 24 balles, lesdites barries et balles pleines de soulde , 
appartenant audit sieur Ponté. Lesquelles il sera tenu 
amener et conduire par eau, en cette ville de Nevers, sur le 
port du petit guychet de Loire ou de Ninchat , et délivrer 
au sieur Ponté, moyennant le prix et somme de 5 o sols pour 
chacun millier pesant de ladite soude, payables à la livraison 
d'icelle. 

Sera d’ailleurs tenu ledit Berthet partir dès le lendemain 
et être de retour dans huit jours; et dans le cas où la soude 
ne lui serait pas délivrée , soit qu’elle ne fût pas arrivée à 
Roanne, ou qu’on eût fait marché avec quelque autre mari- 
nier pour l’amener à Nevers, les parties ont été d’accord que 
le sieur Ponté serait seulement tenu de bailler audit Berthet, 
pour une fois, la somme de 4 livres pour six journées qu'il 
pourra employer à aller et venir de Roanne. 

Trois semaines plus tard, le 26 janvier, le même marinier 
faisait encore marché avec le sieur Ponté de lui amener de 


ciers de Nevers, du temps d’Anthoine de Conrade, en i 632 , tiraient 
de la paroisse du Gravier, près de La Guerche, le sable « propre à 
faire de la vesselle de fayence ». Ce sable grossier contient une grande 
quantité de cailloux en quartz très-pur, blanc et opaque, qui pou- 
vaient parfaitement être employés à la fabrication de l’émail, après 
avoir été broyés sous la meule. ( La Faïence, les Faïenciers et les 
Émailleurs de Nevers , par M. du Broc de Segange, p. 76-77.) — Il est 
à présumer que nos verriers profitèrent aussi du voisinage du Gravier 
pour utiliser ces cailloux blancs qu’ils recherchaient partout si soi- 
gneusement. 


5 


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— 1 56 — 


Roanne vingt balles ou barries pleines de soude , moyennant 
la somme de 18 sols tournois, pour chacune barrye ou balle 
livrée sur les ports du Guichet ou de Ninchat. 

Cependant, Horace Ponté se procurait aussi de la soude 
d'alicante, alors si renommée (r). Le 19 mars i 635 , il fait 
un contrat avec un marchand de Rouen , Jehan Auzout, 
lequel s’engage à lui fournir et livrer la quantité de dix 
milliers de soudde d'Espaigne à? Alliquante , bonne, loyale et 
marchande, servant à faire verre, rendue et conduite à Paris, 
où elle sera mise et serrée en magasin sec , dans le premier 
jour d’août prochain, et ce, moyennant la somme de 
10 livres 10 sols pour chacun cent pesant, plus 18 livres, 
pour remballage et futaille de ladite marchandise bien 
accommodée dans de bons muyds (2)... 

La soude d’Alicante était particulièrement employée pour 
la composition du beau verre blanc, après avoir été pilée et 
passée au tamis, puis mêlée avec du sel de nitre, du sable et 
du manganèse en poudre. Le tout étant en fusion, disent les 
verriers, on apercevra à la surface un sel qu’on appelle sel de 
verre; il ne faut pas ôter ce sel trop tôt, mais seulement 
quand la matière est bien fondue.,.; on l’enlève avec l'ins- 
trument appelé la poche, mais pas entièrement. Et il faut 
bien prendre garde qu’il n’y ait de l’eau dans la cuillère, cela 
ferait sauter le sel avec grand bruit, et l’on risquerait d’avoir 
le visage brûlé et même les yeux crevés ( 3 ). 

Cette formation du sel de verre a pour nous un intérêt 
particulier, car les minutes du même notaire qui nous ont 
fourni le marché de soude d’Alicante nous font connaître, à 
la date du 3 juillet 1634, un très-curieux marché entre noble 
Horace Ponté et honorable homme Jean Jachiet, marchand 

(1) La soude d'alicante est aussi appelée soude de barille, du nom 
de cette plante, la barille , qui se recueille et se brûle aux environs de 
la ville d’Alicante. C’est la véritable soude de barille qu’il faut 
employer pour la fabrication des glaces à miroirs. (Encyclopédie.) 

(2) Archives de la chambre des notaires, minutes Casset. 

( 3 ) Grande Encyclopédie. 


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— 1 57 — 

de la ville de Lyon, par lequel ledit seigneur Ponté vend et 
promet de livrer en la maison du sieur Michel Rabdeau, 
marchand quincaillier de Nevers, muni de la procuration du 
sieur Jachiet, tout le sel de verre qu’il fera faire en la 
verrerie de Nevers pendant un an, à commencer de ce jour, 
sans pouvoir en vendre à d’autres; et ce, moyennant le prix 
et somme de 12 livres 10 sols, pour chacun cent pesant dudit 
sel de verre, que ledit sieur Ponté livrera de trois mois en 
trois mois, laquelle somme ledit Rabdeau sera 'tenu de payer 
en la maison du sieur Ponté, et avant d’obtenir la délivrance 
de chacune livraison, sera tenu aussi ledit Rabdeau « le 
desnoncer à messieurs les officiers du grenier à sel et d’iceux 
en apporter certificat » au seigneur Ponté. 

A la date du 16 février 1641, le seigneur Horace Ponté, 
de son bon gré et bonne volonté, consent à livrer à Daniel 
d’Hennézel, écuier, demeurant en la verrerie de Bois-Giset, 
ung poinsson de sel de verre pesant six cents et valant la 
somme de ?5 livres , pour laquelle somme ledit sieur 
d’Hennézel livrera la quantité de 150 liens de verre (1)... 

Ce qui prouve mieux encore l’importance croissante des 
productions de nos verriers à cette époque , c'est le grand 
nombre de baux de locations nécessitées pour l’emmagasi- 
nement des marchandises, sur les deux rues de la Tartre et 
des Fumiers (rue actuelle de Saint-Didier), entre lesquelles 
se trouvait l’hôtel de la Verrerie. 

C’est, par exemple, le 3 mars 1616, un bail pour quatre 
années, commençant à la fête Saint-Jean-Baptiste, consenti 
par Perrette Poin , femme de Charles Roy, écuyer, sieur de 

(1) Minutes Pellé. — Ajoutons que les manufactures de faïence de 
Nevers faisaient aussi une grande consommation de salin ou sel de 
verre. Dans une statistique faite au commencement du premier 
Empire sur toutes les usines de la Nièvre, on voit que la seule 
manufacture de VEcce Homo , rue Saint-Genest, consommait six 
milliers de sel de verre à 22 francs le cent; on le tirait alors des 
verreries de la Seine-Inférieure. (La Faïence , les Faïenciers et les 
Émailleurs de Nevers , par L. du Broc de Segange, p. 223 .) 


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— 1 58 — 


Mimasson, à rioble Horace Ponté, d’une grange assise der- 
rière la maison de ladite damoiselle , en la rue des Fumiers, 
paroisse de Saint- Laurent, sous l’accense de 1 5 livres tournois 
par chacun an, qui est pour quatre ans 60 livres, que le sieur 
Ponté s’empresse de payer d’avance. Il a soin aussi de stipuler 
que pour aller et venir en ladite grange, il aura son entrée 
tant par devant la maison de ladite damoiselle , du côté de la 
rue de la Tartre, que par derrière ; et au cas qu’il lui arrive 
de la marchandise avant la fête de Saint-Jean-Baptiste, il la 
pourra mettre dans ladite grange, sans pour cela être tenu à 
aucune chose à ladite damoiselle. 

De la même année encore et années suivantes, bail d’une 
maison appartenant à Marie du Puis, assise en la grande rue 
de la Tartre , paroisse Saint-Laurent , appelée la maison de 
Chasteau-Gaillard, avec ses droits, aisances et appartenances, 
à la réserve seulement d'une des bouticques de devant , la plus 
proche de la maison du maître émailleur, Gervais Du pré , et 
du cellier de ladite maison , où ladite du Puis pourra entrer 
par une porte qui est entre la maison de Chasteau-Gaillard 
et la maison de Saint-Pierre ..., sous l’accense de 24 livres 
tournois par chacun an (1). 

En 1619, bail d’une petite cour proche et attenant les 
murailles des bastimens de la verrerye , avec un petit cellier 
joignant ladite cour, le tout appartenant à Perrette Compte, 
veuve de feu Guillaume de Font-Ferrière, et à Michel de 
Font-Ferrière, vigneron,' son fils, sous l'accense de 6 livres 


( 1 ) Le 5 octobre i63o, Étienne Vaquet, huissier, sergent royal des 
tailles en l'élection de Nevers, et Symonne Gigauld, sa femme, vendent 
à Sébastien Paulet, chanoine de Nevers, une maison assise en la 
rue de la Tartre, vers la verrerye , appelée vulgairement la maison de 
Saint-Pierre , tenant par le devant à ladite rue, d’autre part à la maison 
dudit sieur acquéreur, appelée le Château-Gaillard, d'autre à la maison 
des héritiers feu Jean Thanne, et par le derrière à la maison du sieur 
Genest, chanoine, laquelle dépend du chapitre de Saint-Cire ; ladite 
vente faite moyennant mil livres... (Archives de la chambre des no- 
taires de Nevers, minutes Defrance.) 


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- 1 59 - 

tournois , qui est pour quatre années la somme de 24 livres, 
sur laquelle ledit sieur Ponté a payé par avance 18 livres (1). 

Tous ces documents accumulés, et bien d'autres passés 
sous silence , nous montrent assez quelle animation devait 
alors régner, dans la ville par le seul fait de la verrerie , sans 
compter les faïenceries et les ateliers d emailleurs. Mais 
quelles étaient donc les productions de nos verriers,? En 
vérité, il nous tarde de faire connaître quelques-unes de ces 
oeuvres maîtresses, sorties des mains de nos artistes gentils- 
hommes. 

Ce n’est pas que nous puissions espérer, comme pour les 
faïences et même pour les émaux , retrouver intactes , dans 
nos musées ou dans les collections particulières, ces trop 
fragiles pièces rares de verrerie de Nevers dont un vieil 
auteur raconte que les curieux remplissent leurs cabinets, à 
l'égal des cristaux de Venise , et toutes ces sortes de gen- 
tillesses propres à orner les cheminées , les armoires , que 
chacun , riche ou pauvre , veut avoir (2)..., mais les archives 
où nous avons puisé déjà si largement nous font espérer 
encore d’heureuses découvertes. 

Leséchevins, en effet, sont pleins d’admiration pour les 
produits de nos artistes , et ils se plaisent , — nous l’avons 
constaté en 1597, 1599 et i 6 o 3 , — à en faire présent à tous 
les princes et grands seigneurs qui visitent la cité, à tous les 
personnages dont ils ont besoin de gagner les faveurs , par 
exemple à messieurs les trésoriers généraux, receveur et 
greffier de la généralité de Moulins; eux-mêmes sont fiers 
de s’attribuer chaque année, pour étrennes, quelques-uns de 
ces grands verres de cristal raffiné qui remplacent si élé- 
gamment les coupes du potier d’étain, ou quelque beau 
vinaigrier de cassidoine, etc. Lisons plutôt cette ordonnance 
du quatrième jour de mars 1618 : 

(1) Ces baux sont tous tirés des minutes Pellé. 

(2) Citation de M. Charles Grouet dans VEcho du monde savant , 
27 juin 1844. 


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— i6o — 


« Maître Vincent Bordet, recepveur des deniers commungs 
de la ville de Nevers, paiez des deniers de vostre recepte au 
seigneur Orace Ponté, maître de la verrerie de ceste ville, la 
somme de quatre-vingt-neuf livres cinq sols, pour dix-neuf 
douzaines de verres de cristal par luy fournies et livrées pour 
bailler et distribuer tant à nous qu’aux officiers de l’hostel 
commung de ceste ville, ainsi que Von a accoustumé, le jour 
Saint-Rémy qu’ils entrent en charge , ou le jour de Saint- 
Michel à ceux qui sortent de charge (i), et le premier jour 
de l'an pour leurs estrennes, et ce pour ledit jour Saint- Rémy 
et premier de Pan, derniers passés. Ensemble pour cinq 
vinaigriers de cassidoyne (2), laquelle somme vous sera 
passée à la despense de vostre compte, rapportant par vous 
la présente, avec quittance dudit Ponté au bas d’icelle. » 

Trop rarement, dans les circonstances plus importantes, à 
l’appui de son ordre de payement, le receveur joint le 
mémoire de l’artiste. Nous avons retrouvé plusieurs de ces 
pièces ; et l’une d’elles en particulier, datée de 1622 , l’année 
de la venue de la reine Anne d’Autriche en notre ville , offre 
de si minutieuses descriptions et des détails si charmants que 
nous estimons comme une bonne fortune l’honneur d’en 
publier intégralement le texte. C’est vraiment le commen- 
taire le plus fidèle et le plus séduisant des quelques lignes de 
nos anciens chroniqueurs : 

« Au mois de juing 1622 j’ay envoyé à Pougues, suivant 
l’ordre de messieurs les eschevains , douze douzaines verres 
rafinés, desquels y en avoit six couverts, savoir : deulx avec 
des fleurdelis et ung avec une forme de couronne , les aultres 
avec des aneaulx ; deulx couppes avec des oyseaulx dedans 

( 1 ) Archives communales de Nevers, CC. 195-1629. 

(2) Vinaigriers de cassidoine . Le Glossaire de M. de Laborde nous 
apprend que la chalcidoine , mot altéré dans la basse latinité en 
cassidonia, cassidoine , est un quartz agate de couleur blanche, 
laiteuse et quelquefois bleuâtre ou saphirine. 


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— i6x — 


et deulx posées sur des pilliers en las d'amour , vallant le 
tout cinquante-huit livres douze sols. 

» Plus deux grands va\es jaspés de trois livres la pièce, 
vallant six livres. 

» Plus deulx moyens vazes de mesme estofe avec six 
couppes de vingt-cinq sols pièce , vallant dix livres. 

» Plus deulx vinaigriers de mesme estofe (i), à vingt-cinq 
solz pièce . vallant deux livres. 

* Plus j’ay fourny pour cinq solz , foin et paille pour 
acommoder lesdits verres et trente-cinq solz qu’ay payé 
pour le port d'iceulx, le tout deux livres. 

» Plus délivré à mons r d’Origny (2) le jour après que 
lurent portés lesdits verres quatre verres tenantz environ 
deulx paintes, vallant vingt solz pièce, deulx aultres tenantz 
environ chopine , la pièce, de dix solz. Les deuU font quatre 
livres dix solz 

» Plus délivré audit sieur d’Origny douze verres rafinés 
pour donner à quelquauttre personne, vallant quatre livres 
dix solz. 

» Plus deulx aultres verres rafinés avec ung couvert , ung 
cerf de cristal rafiné , servant de vinaigrier, ung poisson 
esmaillé , ung chien et ung panier pour donner à Madame 
sœur du roy, vallant le tout cinquante-sept solz six deniers. 

» Le 9 m# juillet 1622 j’ay envoyé à Mollains par Philbert 

(1) Vinaigriers jaspés , c’est-à-dire imitant le jaspe, quartz jaspé. 
Dans la longue nomenclature des quartz jaspés il faut mentionner le 
jaspe sanguin, les jaspes rubanés, tigrés, arborisés, agatisés, fleuris. 
( Glossaire de M. Léon de Laborde.) 

(2) M. Bardin d’Origny, procureur du fait commun de cette ville, 
qui, avec l’échevin François Moquot et vingt notables bourgeois, fut 
député pour aller saluer la reine à La Charité, le mardi i 3 du mois 
d’août. — Voir dans les Archives de Nevers , par Parmentier (t. II, 
pages 175 à 179) le procès-verbal de l’entrée de la reine à Nevers, le 
23 août 1622. 11 avait été résolu que, attendu que Sa Majesté n’avait 
encore fait son entrée en cette ville, on lui en ferait une, la plus 
célèbre qu’il serait possible, et que toutes les solennités accoutumées 
seraient observées. 

t. u, 3* série. i5 


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— I Ô2 — 


Girard (i) suivant l’ordonnance de messieurs les eschevains 
la quantité de vingtz-trois douzaines et demie verres de 
cristal rafiné, vallantz quatre livres dix solz la douzaine. 

» Plus j’ay payé audit Girard pour sa peine d'avoir porté 
lesdits verres cent solz, à quoy il est demeuré d'accord ayec 
mons r Henry (2). 

» Plus j’ay payé pour le loin et paille pour acommoder 
lesdits verres sept solz et dix solz pour des cordes. 

» Le i 5 me jour dudit mois audit an, j'ay délivré à mes- 
sieurs les eschevains, tant pour faire présent à monsieur 
le gouverneur qu’à plusieurs aultres personnes, la quantité 
de quinze douzaines verres rafinés, vallantz soixante-sept 
livres dix solz. 

» Quelque temps auparavant j’ay délivré à deulx fois, 
pour monsieur Henry, une douzaine verres rafinés vallantz 
quatre livres dix solz. 

» A madame Gueneaul ( 3 ) six verres rafinés vallantz deux 
livres cinq solz. 

» A madame Daurigny (4) une douzaine de mesmes verres 
vallantz quatre livres dix solz. 

1 Le i 5 6 jour d’aoust audict an, délivré à Loricquet une 
douzaine grandes bouettes à confitures qu’il est venu de- 
mander au nom de madame Gueneaul, vallantz dix solz ( 5 ). 

» Le dimanche 28 e jour dudit mois d’aoust audit an, 

(1) Ce Philbert Girard est souvent cité sur les registres de la 
paroisse. Aux baptêmes de ses enfants, c’est ordinairement un des 
gentilshommes verriers qui est parrain. 

(2) Pierre Henry, premier échevin en exercice cette année. 

( 3 ) $ans doute la femme de Philbert Gueneau, avocat, quatrième 
échevin en l’année 1622. 

(4) La femme du sieur Bardin d’Origny, précédemment cité. 

( 3 ) L’usage de présenter des confitures était très-fréquent. Le lende- 
main de l’arrivée de la reine à Nevers, MM. les Échevins furent de- 
rechef faire la révérence à Sa Majesté , à laquelle ils présentèrent des 
confitures, comme aussi furent saluer M"* la princesse de Conti et 
M"" de Chcvreuse, auxquelles ils présentèrent des confitures, etc. 
(Parmentier, loco citaio.) 


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— 1 63 — 


j’ay délivré à ung homme que messieurs les eschevains ont 
envoyé à Mollains (Moulins) trois douzaines sarbacanes 
de plusieurs coulleurs, dorées et esmaillées (i), pour porter 
à la Royne régnante dont y en avoit sept ou huict que j’ay faict 
esmailler aulx esmailleurs , vallant le tout dix-huict livres. 

» Les parties cy dessus escriptes se montent à la somme 
de deulx centz quattre-vingtz-dix-neuf livres deulx solz six 
deniers. » 

Au bas de ce mémoire si curieux se trouve la quittance 
du seigneur Horace Ponté, munie de sa grande et belle 
signature ( 2 ). 

Nos verriers excellaient, on le voit, dans la confection de 
t ous ces capricieux objets de luxe, devenus si rares de nos 
jours : verres de cristal raffiné, de toute grandeur, vinaigriers 
de cassidoine , grands et moyens vases jaspés , boîtes à confi- 
tures, sarbacanes émaillées, et toutes autres choses qui se 
peuvent faire de cristal , comme : chandeliers , tasses , bou- 
teilles, burettes, bénistiers, esguières (3) ; puis ces beaux 

(1) La sarbacane est un long tube au moyen duquel on lance quel- 
que chose en soufflant. Les sarbacanes furent en grand usage à la cour 
de Henri III. De Thou raconte (livre LXXIV) que Saint-Luc, un des 
favoris du roi, se servit d’une sarbacane pour lui faire, pendant la 
nuit, des menaces au nom du ciel et l’arracher à ses désordres. La 
ruse fut bientôt découverte et Saint-Luc obligé de prendre la fuite. 
( Dictionnaire historique des institutions, mœurs et coutumes de la 
France , par Chéruel.) 

(2) Arch. com. de Nevers. Pièces justificatives des comptes. CC. 291. 
— Tous les artistes qui habitaient Nevers avaient été mis à contribu- 
tion pour cette solennelle entrée. Nous trouvons quatre peintres : 
Philippe Crétin, Jean Mayux, Jean de Dijon, Pierre Daguet, qui 
ont peint divers tableaux et écussons aux armes de la reine; un bro- 
deur, Michel Mambrun, qui reçoit 16 livres pour la façon du « poisle » 
de la reine, en velours bleu orné de cannetilles d’or et d’argent , etc., 
et jusqu’au maître boulanger, Gabriel Crosatier, qui reçoit 14 livres 
pour un < massepin » et une pyramide de sucre... 

( 3 ) Revue du Lyonnais, note de la page 280. Actes consulaires de 
Lyon dressés en i 665 , BB. 28. 


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— 164 — 

verres à aneaulx si gracieusement décorés , ces coupes garnies 
d'oiseaux, ce cerf servant de vinaigrier, toutes ces c jolivetez » 
enfin dont nous serions si heureux aujourd’hui de faire 
montre dans les vitrines de nos collections (i). 

On nous saura gré, sans doute, de reproduire à la suite du 
mémoire d’Horace Ponté quelques extraits de la lettre déjà 
citée de M. Van de Casteele à M. Schuermans sur l'ancienne 
verrerie liégeoise. Dans les nombreux engagements contractés 
par les gentilshommes italiens venus pour travailler « à la 

(i) M. Bouveault possède, dans sa riche collection, entre autres objets 
des plus curieux de la verrerie nivernaise à la façon d’Altare, un de ces 
gracieux verres à aneaulx . Nous reproduisons ici un gobelet de même 
genre, à boutons et anneaux, conservé au musée de Nevers (vitrine 
des émaux de Limoges), avec un ancien calice de verre et sa patène , 
trouvés en i 832 , dans une tombe de pierre de l’église Saint-Genest. 
Au-dessous du gobelet, nous sommes heureux aussi d’offrir le dessin 
d’un magnifique vase à pied et à anses , découvert il y a quelques 
années par M. Charles Le Blanc-Bellevaux dans la commune de Bona, 
en Nivernais, et dont il a bien voulu nous adresser une photographie. 
Ce vase en verre blanc fut trouvé dans le jardin de l’ancien fief de 
Charry, au milieu de débris d’assiettes en faïence camaieu et de 
fragments d’appliques en verre contourné en torsades. Peut-être faut- 
il voir là un spécimen de ces « vases à pied en verre » dont Y Album 
du Nivernais (t. I* r , p. *79) dit, à propos des anciennes verreries, 
que plus d’un auteur du temps en fait mention. M. Touchard-Lafosse, 
dans la Loire historique , pittoresque et biographique (t. II, p. 648), n'a 
pas manqué de reproduire cette indication, et l’érudit M. Schuermans, 
qui a réuni tant de documents Sur l’histoire des verreries artistiques, 
citant aussi ces quelques mots dans sa quatrième lettre au comité du 
Bulletin des commissions royales d’art et d'archéologie (t. XXIII, p. 108 J, 
ajoute finement que « cette indication mettra sans doute M. l’abbé 
Boutillier sur la voie pour retrouver les auteurs cités, que j’ai, quant 
à moi, cherchés en vain ». A quoi je ne puis qu’ajouter que, moi aussi, 
jusqu'à ce jour, je n’ai rien trouvé, si ce n’est ce texte : Sunt et 
officinœ vitriariæ in urbe , ubi vitra et vasa diversœ delectationis con - 
flantur ; lequel texte, d’après Y Album du Nivernais qui nous le cite, 
en l’attribuant au quinzième siècle, serait tiré d’anciennes chroniques 
sur Decize. V Album ne donne d’ailleurs aucun détail sur ces chroni- 
ques, sans doute manuscrites, et n’indique pas davantage entre les 
mains de qui elles sont conservées. 


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VERRERIE N IVE RNAISE |l re Epoque) 



VASE A PIED ET A ANSES ( Appartenait à MT Ch. Le Banc -Belle vaux ) 


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0A*HtST. 004 sr </ 



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— 165 — 

vénitienne » aux verreries de Liège , et que publie l’auteur, 
se retrouve en effet l’indication des principaux ouvrages 
artistiques de nos verriers : En i 65 o, Antoine Meringo\ 
s’engage à faire toutes sortes de verres bien faits , tant pour 
servir au vin qu’à la bière (on a vu précédemment, page 122, 
Paulo Mirengo, à Nevers, en 1607); — Jea n Rigoz 
fera € verres à quattre bouttons , deux bouttons et haulte 
olive » ; — Francisco Santin met dans ses conditions « que, 
s’il convenait faire des verres extraordinaires, comme à 
serpent (i), et d’autres façons », on les lui payerait par 
journée en lui fournissant un garçon. — En i 655 , Jean 
Ongaro, de Muranc, fera des verres à la façon des Al taris tes 
(nous soulignons ces mots pour bien rappeler que nos 
verriers étant tous Altaristes, les détails qui vont suivre 
nous intéressent plus directement) , « comme verres à buck , 
à chaisnettes, à demy cotte et avecque des branches , verres à 
la bierre à ondes , à escharbotte, glacez et mouliez, couppez 
az ondes, comme se font ordinairement » ; — Paulo Maciolao 
fera « verres à quattre bouttons et les anses dessus, à la façon 
de Lille, et les verres à la bucque » et autres verres à la 
façon des sieurs Altaristes, « les couppes de diverses sortes, à 
la façon de Venise, des verres à fleurs , des verres avecque 
leurs couvertes à fleur, les verres à serpent. » 

Plus loin il est encore fait mention des « basses couppes 
lisses, des couppes lisses à l’olive, des vers à trois boutons, 
des couppes à trois piliers et autres façons, des couppes 
toumassines à ung serpent et aultres sortes de verres extraor- 
dinaires ». 

(1) Les # verres à serpent » sont sans doute ces verres à pied orné 
d’une sorte d'ailerons en filaments de verre recourbés, contournés et 
terminés en général par une tête surmontée d’une crête. C’est la forme 
*qu’on rencontre le plus souvent sur les tableaux de l’école flamande 
et hollandaise. (Note de la page 1 1 de la lettre de M. Van de Casteele.) 
Pour les autres termes inconnus, nous renvoyons à la quatrième 
lettre de M. Schuermans, qui se termine par un vocabulaire auquel 
nous espérons bien faire encore de nombreux emprunts. 


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— 1 66 — 


Mais poursuivons notre récit. Ce n’était pas cependant 
par cet unique commerce de la petite verrerie commune 
ou artistique, si étendu qu’il pût être, que nos verriers 
eussent atteint la grande prospérité que nous venons de 
constater. 

Aussi habiles négociants qu’artistes distingués, Jacques 
Sarode et Horace Ponté, profitant de leur situation si favo- 
rable sur les bords de la Loire, firent également le trafic du 
gros verre ou verre à vitre blanc et de diverses couleurs, 
dont une fabrique importante paraît avoir existé dès le 
quinzième ou seizième siècle, dans les forêts du Morvand^ 
au lieu dit Bois-Gizet , sur le territoire de l’antique paroisse 
de Savigny-Poil-Fol. 

Les maîtres de cette grosse verrerie envoyaient leurs pro- 
duits à la verrerie de Nevers, d’où les mariniers les voitu- 
raient jusqu’aux extrémités de la France; aussi le nom de 
nos gentilshommes était-il connu bien au loin î 

En 1643, un nommé Jacques Damen, qui travaillait aux 
verrières de la cathédrale d’Auch, ne pouvant se procurer des 
verres de couleur dont il avait besoin; adresse à MM. du 
Chapitre de ladite église métropolitaine, à Aux, une lettre 
curieuse où nous lisons : « Ces lignes serviront pour vous 
faire savoir que j'ay escrit en plusieurs villes les plus trafi- 
quantes de la France pour recouvrer du verre de couleur et 
n’en ay point trouvé. J’ay parlé avec ces gentilshommes qui 
font le verre à La Prade, mais je n’ay pas Jpeu avoir bonne 
responce d’eux et crois qu’ils ne sont point asseuré en leur 
fait ; mais un de leurs gens m’a adverti qu’on en pourra faire 
à la verrière de Nevers , où j’ay escrit au maistre gentil- 
homme qui fait le verre, qui s’appelle Charles de Hansé, et 
attends la responce. Si tost je l’auray reçue, je vous adver- 

tiray S’il vous plaisoit escrire à Nevers à ce gentilhomme 

qui fait le verre, comme vous avés des amis et crédit partout, 
vous ferés plus avecq une parolle que moy avecq de l’argent. 
Vous pourrés adresser vos lettres à Moulins en Bourbonnais, 
chez M. Mangin, marchand, pour les faire tenir à 


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— 167 — 

M Charles de Hansé, au Bois-Gizi, paroisse de Savigni, 
à Nevers (1). » 

Nous avons pu recueillir sur la verrerie de Bois-Gizet et 
les gentilshommes du nom de Henne\el ou Henne\et (qui, 
sans doute, se prononçait de Hansé) des documents si nom- 
breux et si importants qu’ils feront l'objet d’un chapitre 
spécial. 

Voici maintenant la fin de cette brillante période que l’on 
peut appeler la première époque de la verrerie nivernaise. 

Les registres paroissiaux de Saint- Laurent et des différentes 
paroisses de la ville, autrefois couverts des signatures de 
c noble et sage personne Orasse Ponté, maître de la verrerie 
de Nevers et procureur fabricien de Saint-Laurent (2), de 
honnête femme ou noble damoiselle, ou encore scientifique 
damoiselle ( 3 j Suzanne d'Albane, dame et maistresse des 
verriers (4) », — car toutes les familles des faïenciers et des 
émailleurs, la plupart aussi d’origine italienne , estimaient 
comme un honneur de faire tenir leurs enfants sur les saints 
fonts du baptême par les nobles maîtres de la verrerie, — ces 
registres commencent à faire silence. 

Par une déplorable fatalité, les comptes de l’hôtel de 
ville et leurs pièces justificatives manquent aux archives, de 
1629 à 1688. 

Une dernière fois, Horace Ponté est cité, le 28 octobre 
1645, sur un acte des verriers de Bois-Gizet; et c’est cette 
année même qu’il meurt, sans que nous en trouvions d’ail- 
leurs aucune mémoire officielle. Dès le i 3 octobre i 635 , 
Horace Ponté et sa noble compagne s’étaient fait don mutuel 

(1) Agonie de la peinture sur verre , par M. l’abbé Canéto. [Annales 
archéologiques , tome X, page 3 o.) 

(2) Acte du 9 septembre i 63 o, où il est parrain avec damoiselle 
Etiennette Brisson, femme de noble Jean Dupuis, médecin de Son 
Altesse de Manthoue , d’une fille de Vincent Doyard, maître serrurier 
de la ville, et de Claire Godin. 

( 3 ) Acte du 27 août 1609, paroisse Saint-Sauveur. 

(4) 17 janvier i 633 , paroisse Saint-Angle. 


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de tous leurs biens par-devant les notaires Taillandier et 
Casset. De même, le 18 janvier 1646, Suzanne d’Albane, 
veuve d’Horace Ponté, et Catherine Ponté, aussi veuve de 
noble Laurent Bertholus, vivant maître de la verrerie de 
Chalon-sur-Saône (1), demeurant de longtemps en cette 
ville de Nevers, au logis de la verrerie, n’ayant aucuns 
enfants de leurs mariages, pour l’amitié qu’elles se portent, 
secours et assistance qu’elles se sont toujours rendus, se font 
donation pure, simple et irrévocable, au dernier survivant , 
de tous leurs biens, tant meubles qu'immeubles, voulant 
qu’après le décès de la prémorante, la survivante en demeure 
propriétaire comme de sa chose, à la seule charge des frais 
funéraux, des services et aumônes comme la survivante 
avisera (2). Tout entière à sa douleur, et d’ailleurs tort riche, 
Suzanne d’Albane abandonne donc la fabrication. Alors se 
produit un temps d’arrêt qui pouvait être le signal de la 
chute définitive de cette industrie et qui l’eût été sans l’affec- 
tion des princes de Gonzague pour leur ville de Nevers. 

Deux années à peine écoulées , la verrerie va renaître et 
briller d’un nouvel éclat. 


(1) Cette indication si intéressante rappelle la note de la page 141, 
où l’on mentionne Thomas Bartholus, gentilhomme verrier à Rouen 
en 1598. 

(2) Cet acte des minutes Casset est revêtu des belles et grandes 
signatures de Suzanne d’Albane et Catherine Ponté. 


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II?* Epoque -LES CASTELLAN. 


I ÇtOMJU t/Uit/04CC> 



d'Azur à une Tour d* Argent surmontée d'un Aigle d’Or. 

gidü— eoSX&ïL- 


Ln-Signatares de G10VANI CASTELLANO et BERNARDINO PERROTTO 
à leur arrivée à Nevers . 

HLAnnoiries des CASTELLAN, d’après lArmorial de d'Hozier. 

IV. ^Signatures de JEAN CASTELLAN, et de son fils MICHEL d après 
les actes de Etat Civil de Nevers. 



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— i6g — 


CHAPITRE III. 


DEUXIÈME ÉPOQUE. 


LES CASTELLAN. 

( 1647 - 1716 .) 


La princesse Marie de Gonzague écrit aux échevins de Nevers pour 
leur recommander Jean Castellan qui vient , avec son neveu Bernard 
Perrot, rétablir la verrerie; — Jean Castellan était déjà maître de la 
verrerie de Liège en i 638 ; — Bernard Perrot s’en va fonder une 
verrerie à Orléans; il obtient de Louis XIV, en 1688, un brevet 
d’invention pour un nouveau moyen de couler le cristal en table ; 
— dès 1661 Jean Castellan s’était fait concéder, à la faveur du car- 
dinal Mazarin, le privilège de la vente de tous ses ouvrages de 
cristal et de verre raffiné, pendant trente années, depuis Nevers 
jusqu’à Poitiers, à l’exclusion de tous autres marchands; — Jean 
Castellan meurt en 1670; son fils Michel lui succède, avec son 
beau-frère, Marc de Borniol, époux de Marie Castellan; — dernières 
années de Suzanne d’Albane, veuve d’Horace Ponté; ses fondations 
pieuses, son testament en 1 666, sa mort; — quelques épisodes de 
la vie intime des verriers; — Michel Castellan, seul maître de la 
verrerie depuis i 685 , meurt en 1721 , âgé de soixante-seize ans; — 
sa veuve, Marie Gentil, continue la fabrication, puis l’abandonne 
en 1726. 

Nous avons raconté, dès les premières pages de cette 
histoire , comment le duc Louis de Gonzague avait été le 
véritable initiateur des verreries de cristal, à la façon de 
Venise, dans son duché de Nivernais. 

Depuis ce temps, soixante et quelques années à peine ont 
passé, pendant lesquelles deux générations d'artistes se sont 
succédé dans une merveilleuse union; mais soudain, en 
frappant Horace Ponté, le neveu du premier de nos verriers 
t. 11, 3 * séné. 16 


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Jacques Sarode , la mort a jeté le désarroi dans cette commu- 
nauté, et la verrerie est tombée... 

Cependant l'œuvre de Louis de Gonzage ne périra pas 
encore, et c’est sous le patronage de ce nom si glorieux pour 
la cité nivemaise, qu’une seconde fois va s’établir en notre 
ville cette noble industrie. 

Le duché de Nevers était alors entre les mains de la prin- 
cesse Marie, tutrice du jeune prince Charles II , petit-fils de 
Louis de Gonzague. Laissant à son neveu les possessions 
d’Italie, elle avait pris plus spécialement le titre de duchesse 
de Nivernais, et s’en était fait donner le gouvernement par 
le roi. Femme accomplie d’ailleurs, et vraiment digne de son 
illustre ancêtre, sa cour, soit à Nevers, soit à Paris , était , 
disent les chroniques, le rendez-vous de tous les beaux- 
esprits du temps (i), et rien de ce qui devait contribuer à 
l’honneur de son duché n’eût pu la trouver indifférente. 

De Mantoue, où elle résidait, auprès de l’enfant qui avait 
nom le prince Charles, nous ne sommes donc pas surpris de 
la voir adresser aux échevins de Nevers, le 5 avril 1647, cette 
épître vraiment princiére et quasi royale : 

a Marie, duchesse de Mantoue et de Montferrat , tante et 
curatrice de Charles second , par la grâce de Dieu duc 
de Mantoue et de Montferrat, de Nivernois, Mayenne 
et Rethellois , pair de France , prince souverain 
d’ Arches, etc. 

» Très chers et bien améz, le soing que nous avons de nos 
subjectz et le désir de les soullager en toutes les occasions le 
mieux qu’il nous est possible nous fait escripre la présente 
pour voiis recommander Jean Castellan, ung de nos subjectz 
de la du Tanar, lequel vient en notre ville de Nevers pour 
faire travailler dans la verrie (2). 

(1) De Saintem arie , Recherches historiques sur Nevers, p. 236. 

(2) Le Montferrat se divise en Haut et Bas ; le Haut-Montferrat 
s’étend de la droite du Tanaro jusqu’à l’Apennin, le second va du 


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- 1 7 1 “ 

» Nous aurons beaucoup de contentement sy, en nostre 
esgard, vous ne luy permettez pas le payement des contribu- 
tions. Car, oultre cela , vous contribuerez encore aux inten- 
tions du duc Ludovic, de glorieuse mémoire , lequel a donné 
encore des exemptions à ceux qui feront travailler dans 
ladite verrye, comme ledit Castellan suppose. 

» Sur quoy , nous assurant de votre bonne volonté , nous 
prions Dieu, nos chers et bien aiméz, qu’il vous ayt en sa 
sainte et digne garde ( i ). » 

En même temps que cette lettre arrivait à Nevers le sieur 
Castellan, et le 5 août de la même année 1 647, dans l’assem- 
blée du conseil de ville, Jean Moquot, avocat en Parlement, 
conseiller et maître des comptes de Son Altesse de Mantoue , 
donnait lecture de la lettre qu’il dit avoir reçue de Madame 
en faveur de Jean Castellan, verrier, pour rétablir la verrie 
et l’exempter des contributions, lui et ceux qui feront 
travailler dans ladite verrye, « comme estant ung ornement 
à la ville et que beaucoup d’artisans pourront gagner leur 
vie. » 

Ledit Castellan se présentait ensuite pour demander de 
faire entendre l’intention de ladite Altesse, offrant de délivrer 
tous les ans pour cet effet, à la communauté de cette ville, 
« trente douzaines de verres de cristal raffinés, pour faire des 
présents à ceux qu’il sera advisé, qui rendront des services à 

Tanaro aux rives du Pô. Par cette expression : Un de nos sujets d'au- 
delà du Tanar , la duchesse indiquait donc non-seulement un de ses 
sujets du Montferrat, mais encore, d'une façon plus précise, un de ses 
sujets du Haut-Montferrat. Or, Altare , pays d’origine de Jean Castel- 
lan (nous le verrons plus tard), est bien précisément situé dans le 
Haut-Montferrat. (Note communiquée de Cannero, le2i décembre 1881, 
par notre collègue M. Chevalier-Lagenissière , aujourd’hui juge d’ins- 
truction à Chalon-sur-Saône.) 

(1) A Mantoue, le cinquiesme apvril l’an mil six cent quarante- 
sept. 

Ainsy signé : Marie , et plus bas : Magnus. (Archives communales 
de Nevers. Délibérations. BB. 24, folio i36.) 


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ladite ville, à raison de 4 sols pour chacun verre de cristal , 
qui revient par douzaine à la somme de 48 sols » ; mais 
observant d’ailleurs que, cessant ladite exemption, il ne se 
voudrait établir en cette ville, attendu même que ceux qui 
ont travaillé auparavant à ladite verrye avaient eu l’exemp- 
tion de nos princes de Nivernais. 

Le 8 août suivant, à la pluralité des voix, il était résolu, 
dit le procès-verbal du greffier de rhôtel de ville, que t pour 
obéir au commandement de Son Altesse nous consentirons 
l’establissement de ladite verrye sous le nom dudit Castellan, 
de Bernard Perrot et autres gentilshommes verriers, lesquels 
demeureront exempts de la subsistance qui s’impose par 
chacun an en cette ville; même la damoiselle d’Albane^ 
femme du sieur Horace Ponté, demeurera par chascung an 
aussi exempte de ladite subsistance, à commencer cette année, 
en considération qu’elle consentira l’establissement de ladite 
verrye dans sa maison , comme aussi la damoiselle Ponté , 
sœur dudit défunt, demeurera exempte de ladite subsistance », 
et aussi les feront tous décharger du logement des gens de 
guerre et autres contributions. 

On ne pouvait consentir de meilleure] grâce aux vœux de 
la princesse Marie et aux désirs de Jean Castellan. 

Toutes choses étant donc réglées avec les échevins, Jean 
Castellan et Bernard Perrot, qui avaient fait entre eux un 
contrat d’association pour « le traffict » de la verrerie de 
Nevers, reprirent toutes les opérations de leurs devanciers. 

Il est à remarquer que la famille Castellan , — comme les 
Sarode et les Borniol , et les autres gentilshommes verriers 
d’Altare, — avait déjà quitté son pays d’origine avant de se 
fixer à Nevers. 

M. Schuermans, premier président de la cour d’appel de 
Liège, nous apprend, en effet, d’après les Archives héral- 
diques du héraut d'armes Lefort , au dépôt de l'État , 
qu’en 1 638 Jean Castellan et Joseph, son frère, étaient déjà 
établis à Liège avec d’autres Altaristes. Jean s’y trouvait 
encore, en 1645, comme associé de son frère. M. Schuermans 


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observe que chacun des deux frères a fait souche , l’un à 
Liège, l’autre à Nevers, puis il se demande et explique de la 
manière la plus intéressante d’où ces relations entre Liège et 
Nevers : 

c Altare, je l’ai déjà dit, faisait partie du marquisat de 
Montferrat, apanage des ducs de Mantoue de la maison de 
Gonzague, et ceux-ci, depuis le seizième siècle, possédaient 
en outre le duché de Nevers, plus Rethel en Champagne, 
par suite du mariage d’un Gonzague avec une princesse de la 
maison de Clèves. 

» Clèves est une contrée voisine du pays de Liège ; les 
ducs de Clèves avaient le titre et exerçaient les fonctions de 
protecteurs d’Aix-la-Chapelle, jusqu’où s’étendait le diocèse 
de Liège. 

• Leduc de Nevers possédait différentes terres en Flandre, 
c'est-à-dire aux Pays-Bas, autre contrée voisine de la prin- 
cipauté de Liège et, en outre, l’union entre la famille de 
Clèves et celle de Gonzague avait apporté à celle-ci les terres 
souveraines d’outre-Meuse... (i) » 

Le 23 juin i65 1 , le terme du contrat entre Jean Castellan 
et Bernard Perrot étant expiré, d’un commun consentement 
ils le continuèrent pour trois années, aux mêmes clauses et 
conditions, s’obligeant l’un envers l’autre à son exécution. 
Pour plus de solennité, cet acte fut rédigé en double forme, 
française et latine, et les deux actes signés : Giovani Caste - 
lano, Bernardino Perroto ( 2 ). 

f 1 ) Verres fabriqués aux Pays-Bas à la « façon de Venise » et 
* d* Altare ». Quatrième lettre au comité du Bulletin des commissions 
royales d’art et d’archéologie , page 102 dudit Bulletin , tome XXIII. 

(2) Voici le texte de Pacte latin : 

« Hodie vigesima tertia mensis junii anno millesimo sexcentesimo 
quinquagesimo primo post mendiera apud me Philippum Michel 
notarium Niverni in Gallia residentem , præsentes fuerunt Johannes 
Castellan et Bernardo Perrot nobiles vitriarii artifices ex Italia orti, 


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— i 7 4 — 

Cette année faillit être fatale au nouveau maître de la 
verrerie. 

Le 8 septembre 1 65 1 , étant au lit malade, sain' toutefois 
d’esprit, le seigneur Jean Castellan faisait son testament et 
ordonnance de dernière volonté : 

Après avoir recommandé son âme à Dieu, à la très- 
glorieuse et sacrée vierge Marie, à monsieur saint Jean, son 
patron, et à tous les saints et saintes de Paradis, les priant 
d’être ses intercesseurs devant la sainte Majesté de Dieu, afin 
qu’il lui plaise lui pardonner ses fautes, offenses et péchés, et 
le rendre participant de son saint royaume céleste, il déclare 
qu’après qu’il aura plu à Dieu séparer son âme de son corps 
il veut être porté et ensépulturé en l’église des révérends 
Pères Jacobins de cette ville, auxquels il donne la somme de 
75 livres tournois pour une fois, à condition par lesdits 
Pères de lui faire dire une grand’messe des trépassés ( 1 ). 

Le testateur donne encore à d’autres établissements pieux, 
en Italie, pareilles sommes pour semblables services, décla- 
rant d’ailleurs qu’il s‘en rapporte, « pour lui faire ledit 
honneur », à la volonté et discrétion de Marie Ponté , son 
épouse, à laquelle il donne tous ses biens meubles et 
conquests et ceux qui font partie de son héritage ancien, dont 
il veut et entend qu’elle demeure usufruitière sa vie durant. 

in dicta urbe nunc commorantes qui, pura mente, mutuo agnove- 
runt, contractus societatis coram Julio Rolan notario ad dictœ urbis 
vitriariæ negociationem vicissim stipulati diem elapsum fuisse, quem 
tamen, mutuo concessu, ad très annos , iisdem clausis et conditio- 
nibus dicti contractus continua verunt, et se suaque omnia mutuo ad 
presentium exequtionem obligaverunt. Factum Niverni die et anno 
supra scripto presentibus domino Johanne Morin, diacono diœcesis 
Nivernensis, et Johanne Landard , chirographo, testibus Niverni resi- 
dentibus, qui neenon et dictis Castellan et Perrot subsignaverunt. 1 
(Archives des notaires de Nevers, minutes Michel. — Communica- 
tion de M. de Laugardière.) 

( 1 ) On sait que les frères des écoles chrétiennes occupent aujour- 
d’hui les dépendances de l’ancien couvent des Jacobins , en face de 
l’ancienne verrerie. 


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- 175 - 

Enfin , il lègue aussi à ladite Ponté , son épouse , outre ce 
que dessus , la somme de i oo pistoles d’Espagne , sans que 
ses enfants y puissent rien prétendre, en considération de la 
grande amitié qu’il lui porte et à cause des services qu’elle 
lui a rendus et rend journellement (i). 

Arrêtons-nous un instant ici à ce nom de Marie Ponté , 
qui nous rappelle la mémoire du successeur de Jacques 
Sarode. Horace Ponté, en mourant, n’avait laissé, avec sa 
noble veuve, qu’une sœur, Catherine, qui toutes deux, au 
lieu de retourner en Italie, voulurent demeurer dans leur 
patrie d’adoption. Mais il lui restait à Altare , au pays de 
Montferrat, un frère, Barthélemy Ponté, et une jeune sœur, 
Marie qui, le 16 juin 1626, avait épousé, en l’église Saint- 
Eugène dudit Altare, le seigneur Jean Castellan, fils de 
Guillaume (2). 

A la nouvelle de la maladie de son beau-frère, Barthélemy 


(1) Archives des notaires, minutes Vincent. 

(2) Extrait des actes de mariage de la paroisse S. Eugenii loci 
Altaris. (Communiqué par M. Chevalier-Lagenissière , d'après une 
copie de M. le chevalier don Joseph Bertolotti, archiprétre d’Altare.) 

M. de Flamare, archiviste de la préfecture, nous a aussi commu- 
niqué les pièces provenant du présidial de Saint-Pierre-le-Moûtier, 
relatives aux informations faites, le 20 septembre 1 663 , — par-devant 
Jacques Gascoing, lieutenant général audit bailliage et siège présidial, 
s'étant à cet effet transporté à Nevers, au logis où pend pour enseigne 
le Daulphin , — pour les lettres de naturalité obtenues par Marie 
Ponté , femme de Jean Castellan, alors âgée de cinquante-quatre ans, 
et ses enfants : Michel Castellan , âgé de seize ans, travaillant en la 
verrerie depuis douze ans que sa mère l’y amena ; Marie Castellan, 
Agée de vingt-deux ans, aussi demeurant en cette ville depuis douze 
ans et mariée depuis cinq ans avec Marc de Bourgniolle , gentil- 
homme verrier du pays de Dauphiné, dont elle a eu deux enfants : 
Antoine, âgé de trois ans et demi, et Nicolas, de vingt mois. Les 
dépositions des quatre témoins assignés, savoir : Philippe Bardot, 
marchand apothicaire ; Jean Monin, curé de Saint-Laurent; Guil- 
laume de France et Jean Robelin, notaires royaux, sont à peu près 
identiques et ne nous apprennent d’ailleurs rien que nous ne 
sachions déjà ou qui ne doive être rapporté dans la suite. 


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— 176 - 

Ponté était accouru à Nevers; et le 2 octobre i65i Jean 
Castellan reconnaît avoir reçu dudit Barthélemy, écuyer, 
seigneur des Rochers, demeurant au chastel de Montferrat, 
de présent à Nevers, u5 ducatons en espèce de pistoles 
d’Espagne , du poids et prix de l’ordonnance , lesquels res- 
taient à payer à cause de la dot de Marie Ponté, son épouse, 
fille de feu Filimon Ponté, suivant leur contrat de mariage. 
Ledit acte passé en présence de Jean Carbon, manœuvre, 
François Bousson et Charles Musse, verriers, lesquels, à 
l'exception de la demoiselle Ponté et dudit Carbon, ont ainsi 
signé : Giovani Castellano , Bartolomo Ponté , Carlo Mussi , 
Francescho Bu^oné (1). 

Voici donc trois noms nouveaux à ajouter à ceux du noble 
maître Jean Castellan et de son associé Bernard Perrot. 

Dans le même temps on rencontre aussi un verrier du 
nom de Seguran Audasse, Segurano Odacio , qui signe le 
23 octobre 1 655 en qualité de parrain d’un fils de Jean 
Custode, fayencier (2). 

Le mariage de Marie Castellan, fille du maître de la 
verrerie, avec Marc de Borniol , écuyer, sieur des Rochers, 
natif de Dauphiné, proche la côte de Saint-André, actuel- 
lement travaillant dans la verrerie de Nevers, fils de feu 
Roch Borniol, écuyer, aussi gentilhomme verrier, et de 
Catherine Bousson ou Buysson , nous fait connaître encore 
de nouveaux noms. Parmi les témoins du contrat de ce 
mariage, passé le 3 septembre 1 658, se rencontrent, outre 
Barthélemy Ponté, oncle maternel de la future: Michel 
Castellan, cousin germain du marié; Baptiste de Coste, 
écuyer, sieur de Baramond, pays d'Italie (3) ; Thomas des 
Barbiers, écuyer, sieur de Limonty, tous travaillant en ladite 

(1) Archives des notaires de Nevers, minutes Vincent. — Voir dans 
le chapitre précédent la note 3 de la page 141, relative à un autre 
Bussone ou Buxono , prénommé Doardo. 

(2) Registres de la paroisse Saint-Laurent aux archives du greffe. 

( 3 ) Archives de la préfecture de la Nièvre, série E. 268 (ancien 
classement). 


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— 177 — 

verrerie, lesquels signent : Batiste de Costa , Thomas de 
Barber io (i). 

Or, il est à remarquer qu’on ne rencontre plus , depuis 
plusieurs années déjà, sur aucun acte, le nom de Bernard 
Perrot. Avait-il refusé de renouveler, après les trois années 
expirées, le contrat de 1 65 1 ? Etait-il retourné en Italie? 

Tandis que cette pensée nous préoccupait, nous reçûmes 
fort à propos une lettre tout particulièrement intéressante 
d’un membre de la Société archéologique de l’Orléanais, 
M. l’abbé Cochard. « Je m’occupe, nous disait ce savant 
confrère, d’un gentilhomme verrier qu’un de nos historiens 
dit être originaire d'Orléans, mais que je crois appartenir au 
Nivernais. Je veux parler de Bernard Perrot, qualifié 
d’écuyer, sieur de Beauvoir, intendant de la verrerie royale 
d’Orléans , et neveu de Jean Castellan , maître de la verrerie 
de Nevers... Je voudrais, ajoutait-il, pièces en main, réhabi- 
liter Bernard Perrot devant le monde savant et le monde 
industriel comme le véritable inventeur du coulage du verre. » 

Bernard Perrot s’était donc séparé de son oncle , et par ce 
besoin d’extension que nous avons déjà remarqué dans les 
familles de nos verriers , il avait obtenu des lettres de 
Louis XIV lui permettant de s’établir où bon lui semble- 
rait, puis, du consentement du duc d’Orléans, il s’était fixé 
dans cette ville, et Jean Castellan lui avait concédé la jouis- 
sance du privilège en vertu duquel il pouvait seul transporter 
ses verreries entre Nevers et Poitiers (2). 

(1) Un acte déposé dans les minutes de France , aux archives des 
notaires, en date du 4 mai i 65 g, nous apprend que ce Baptiste de 
Coste, pour l’amitié et affection qu’il porte à demoiselle Marie du 
Buysson, sa mère, veuve de défunt Baptiste de Coste, son père, a 
créé et constitué ladite damoiselle, et tous autres ainsi qu’elle avisera, 
pour se mettre en possession de tous les biens meubles et immeubles 
qui lui appartiennent tant par succession que autrement, assis dans le 
pays d’Italie, au préjudice de toutes personnes autres; vendre, 
accenser, affermer et disposer de tout ainsi que bon lui semblera, etc. 

(2) Nous laissons à notre confrère d’Orléans le soin de retracer 
l’histoire des gentilshommes verriers de la famille Perrotto ; mais on 

t. 11, 3 * série. 17 


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On sait que malgré les témoignages des écrivains les plus 
sérieux, qui s accordent à attribuer l’invention du coulage 
du verre à un certain Abraham Thevart, ou plus générale- 
ment encore à un ouvrier verrier, Louis Lucas de Nehou , 
dont le nom a été gravé récemment sur le marbre à Saint- 
Gobain , comme fondateur de cette grande fabrique de glaces, 
la première qui soit au monde, néanmoins il reste encore 
des doutes sur le nom du véritable inventeur. Il ne nous 
appartient pas de traiter ici cette grande question et de révéler 
les documents si précieux et inédits sur lesquels s’appuie 
M. l’abbé Cochard ; nous pouvons cependant , avec son agré- 
ment, faire connaître déjà l’existence de lettres-patentes du 
25 septembre 1688, par lesquelles Louis XIV, voulant 
récompenser ledit Bernard Perrot de la nouvelle invention 
qu’il a trouvée de pouvoir couler le cristal en table comme 
les métaux..., de grâce spéciale et pleine puissance, lui 
permet, à l’exclusion de tous autres, de couler le cristal en 


nous saura gré peut-être de faire connaître cet acte si intéressant, 
extrait des minutes du notaire de Villars , et qui nous a été commu- 
niqué par M. de Laugardière : 

< Du 4 décembre i 65 g, Jouan-Anthoine Massard , gentilhomme 
verrier, fils de Joseph Massard, écuier, du lieu de l’hôtel de Montfer- 
rat, en Italie..., de son gré et bonne volonté, constitue et assigne sur 
tous ses biens meubles et immeubles et spécialement sur une métairie 
étant au pays de Querre (Cairo), plus , sur la maison de Thôtel qui a 
pour confins Paul Raquette , d’autre la maison Thomas Perrotto..., — 
à noble Gaspard Perrot , écuyer, natif de l’hôtel du pays du prince de 
Mantoue , étant de présent en cette ville de Nevers, pour lui, sa femme, 
enfants et ayants-cause, à savoir : un ducaton et demi d’argent, mon- 
naie d’Italie, qui est six pour cent d’annuelle et perpétuelle rente, 
payable chacun an, à chaque quatrième jour de décembre, le premier 
terme commençant au 4 décembre 1660, tant et si longuement que 
ledit seigneur Massard sera y demeurant. La présente vente et consti- 
tution faite moyennant la somme de 25 ducatons, bonne monnaie 
d’Italie, valant 8 pistoles un tiers monnaie de Franee, que ledit sei- 
gneur Perrotto a présentement payée comptant en mains dudit seigneur 
Massard. Signé : Giano-A ntono Massaro , — Gasparo Perotto. 


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- 1 79 — 


tables en la manière qu’il jugera à propos... et proroge 
pour dix années son privilège. 

On sera peut-être curieux aussi d'entendre, sur une ques- 
tion qui peut soulever des tempêtes , les explications techni- 
ques de l’honorable et docte président de l’association des 
verriers d’Altare, M. Enrico Bordoni, auquel nous avions 
fait part de cette découverte : 

« En admettant, par hypothèse, que Perrotto soit l'inven- 
teur du coulage, ce secret il ne l’aurait pas importé d’Altare, 
parce qu’ici les glaces se travaillaient avec !e système vénitien, 
c’est-à-dire avec le soufflage. Même ce genre de travail 
inconnu à nos anciens fut précisément la cause que, sur les 
instances de Charles III , duc de Mantoue et de Montferrat. 
le consulat de l'art décida d’accepter dans son sein les diverses 
familles vénitiennes et muranaises qui , de nos jours encore, 
font partie de la corporation des verriers altarais. Seulement, 
il faut noter que l’étude d’une telle invention a pu avoir pour 
origine la méthode employée par nos anciens de couler les 
petites plaques (piastrelle) qui servaient de vitres dans les 
églises. Nos anciens avaient l’habitude de prendre dans le 
creuset, avec la canne (i), une quantité de verre que de suite 
ils laissaient couler sur une plaque de ter bien polie, puis, 
avec une palette de bois, ils écrasaient ce verre liquide, de 

(i) Histoire d'un morceau de verre , jpar Jules Magny, chapitre IV : 
Une excursion dans une verrerie. — Un gamin (cette désignation , 
qui n'a rien d’injurieux, s’applique aux enfants qui servent d’aides 
à l’ouvrier verrier), trempe dans le creuset qui renferme le verre 
fondu une tige de fer appelée canne. C’est un tube creux, semblable 
à un canon de fusil, terminé à l’une de ses extrémités par une 
partie un peu renflée qu’on appelle le nez. Selon les pièces à façonner, 
les dimensions de la canne varient entre un et trois mètres. En 
retirant sa canne du creuset, le gamin amène en même temps une 
petite masse de verre pâteux et incandescent adhérente au nez de la 
canne; il la roule sur une table en marbre ou en fonte, de façon à 
lui donner une forme un peu symétrique : cette opération s’appelle 
parer le verre , etc. 


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— i8o — 


manière à le rendre le plus mince possible et en même temps 
lui donner une forme carrée ou ronde plus ou moins 
précise. 

» Qui sait si notre Perrotto , en suivant Vidée de couler 
les piastrelles , n'a pas étudié la méthode de couler toute la 
quantité de verre fondu que contient le creuset ? 

» Comme vous pouvez facilement le comprendre, je ne fais 
là que de simples inductions qui ne se basent sur aucun 
document historique et qui n’ont tout au plus leur raison 
d’être que parce que les historiens de l’art de la verrerie ne 
sont pas encore d’accord sur la question d'établir à qui l'on 
doit attribuer le mérite de l’invention du coulage du verre. » 

Suivent des encouragements à notre érudit confrère, pour 
publier des documents qui peuvent rendre un véritable ser- 
vice à l’histoire, avide de combler une regrettable lacune, et 
qui feraient rejaillir une gloire enviable sur la corporation 
des verriers altarais. 

Revenons à la verrerie de Nevers, qui recommençait à 
multiplier ses produits et les répandait sur tout le littoral de 
la Loire. Les minutes des notaires renferment en effet quan- 
tité d’obligations envers noble homme Jean Castellan , 
consenties par Jehanne du Moutyé, par Hubert Giron , mar- 
chands, demeurant à Orléans, paroisse Saint-Donatien ; par 
Toussaint Symon , demeurant à Faizanne en Brye, auprès 
de Villenault, paroisse Saint-Denis ; par Anne Poinet, veuve 
de Sébastien-Louis Fert, autre marchande, demeurant à 
Orléans, paroisse de Notre-Dame-de- Bonne-Nouvelle , etc % 
pour cause de vente et délivrance de marchandises de verrerie 
faites par ledit sieur (i). 

D’autre part, on retrouve les nombreux et importants 
marchés passés entre ledit maître Castellan pour ses achats 
de bois ; et pour n’en citer qu’un : Le io mai i65i, hono- 
rable homme Nicolas Pinet, marchand, bourgeois, et 

(i) Archives des notaires de Nevers, minutes de France, 1656-1659. 


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— 1 8 1 — 


Claude Ségault, demeurant à Nevers, s’engagent à livrer sur 
le port de cette ville tout le t bois de mosle » qui se trouvera 
être fait dans la paroisse de Saint-Oing, à la réserve de 
60 milliers, laquelle livraison sera faite, savoir : i 5 o milliers 
dans le jour et fête de Noël prochain et davantage, si faire se 
peut ; le surplus, à la fête de saint Jean-Baptiste venant en 
un an, moyennant le prix de 9 livres 10 sols pour chacun 
millier (1). 

Bientôt les bâtiments de l’ancienne verrerie ne suffisant 
plus, Jean Castellan s’adresse au duc de Nevers, son pro- 
tecteur, lui exposant que pour faire valoir la verrerie « qui 
sert d’ornement et décoration » à cette ville , il est dans la 
nécessité de prendre bail d'une grange proche les écuries du 
château, pour y construire un fourneau; sur quoi Charles II, 
voulant favorablement traiter ledit Castellan, ses hoirs et 
ayants-cause, consent, par brevet du 3 janvier 1657, qu’ils en 
jouissent à raison de 15 livres par chacun an, payables entre 
les mains du receveur générai du duché pendant l’espace de 
quatre-vingt-dix-neuf ans (2). 

Cette même année (15 septembre 1657), la veuve d’Horace 
Ponté, Suzanne d’Albane, qui avait consenti au rétablis- 
sement de la verrerie dans son magnifique hôtel et, pour ce 
fait , avait été par les échevins exempte de toutes les charges 
et contributions de la ville, fit un nouveau contrat d'accense 
au sieur Jean Castellan, pour le temps de six années conti- 
nuelles et consécutives qui commenceront au 20 juillet 
prochain 1 658 et finiront à pareil jour de l’année 1664: 
C’est à savoir, y est-il dit , la maison en laquelle de long 
temps est establie la verrerie de ceste ville de Nevers, en la 
rue de la Tartre , comme elle se contient et comporte avec 
les aisances et appartenances d’icelle; 

Plus une autre maison en ladite rue et joignant icelle 
ci-dessus, appelée la maison Thiéry, et encore une autre 

(1) Archives des notaires, minutes Batailler. 

(2) Archives de la préfecture, série B. 264. 


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petite maison ayant son issue en la rue des Fumiers, appelée 
la maison Forest , lesdites deux maisons à présent unies et 
annexées à la verrerie, le tout à ladite damoiselle d’Albane 
appartenant, etc., et tout ainsi qu'en a ci-devant joui ledit 
sieur Castellan audit titre d’accense ; 

Plus jouira ledit Castellan pendant le temps de six années 
et même l’année présente, d’une chambre et cabinet dans le 
logis neuf, appartenant à ladite damoiselle, à la réserve tou- 
tefois de la grande chambre qui regarde sur la rue de la 
Tartre, d’une autre chambre plus bas qui a sa vue sur la 
cour de la maison de la verrerie, etc., desquelles ladite 
damoiselle s’est réservée la jouissance pour son usage et 
demeure , et de damoiselle Catherine Ponté. 

Le présent bail était fait moyennant le prix et somme de 
3 oo livres par chacun an, payable par demi-année ; ladite 
damoiselle promettant de son côté d’acquitter les cens et 
rentes foncières dus sur les maisons. 

Il était aussi stipulé expressément qu’au cas que pendant 
ladite accense tant la damoiselle d’Albane que le sieur 
Castellan, au préjudice des privilèges concédés aux gentils- 
hommes verriers par les rois de France et confirmés de temps 
en temps , fussent cottisés et imposés à aucuns rôles, contri- 
butions, subsistances et autres charges de ville; du jour de 
la signification du commandement de payer telles taxes, le 
présent bail et accense demeureraient résolus, en payant 
toutefois par ledit sieur Castellan les loyers jusqu’audit 
jour (i). 

Il semblerait qu’il y eût dans les années suivantes quelque 
ralentissement dans les productions de la verrerie, puis quel- 
que découragement de la part de Jean Castellan , si l’on s’en 
rapporte au texte des lettres-patentes qu’il sollicita et obtint 
de Louis XIV, le 20 avril 1661. Ces lettres renferment 
d’ailleurs des détails très-curieux sur la personne même de 
Jean Castellan et sur son industrie. 

(1) Archives des notaires, minutes Décolons. 


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— 1 83 — 


On y lit, en effet, que ledit maître, fils de Guillaume 
Castellan, natif d’un gros bourg nommé Altare, pays de 
Montferrat, a employé plusieurs années dans les pays étran- 
gers à la recherche de la composition des matières propres à 
la verrerie et pour les émaux, et qu’il y aurait acquis, 
par une longue expérience, tant de perfection, qu’il travaille 
des ouvrages de cristal et de verre raffiné aussi beaux que 
ceux qui ont le plus d'estime et qui se fabriquent parmi les 
étrangers , en considération de quoi le feu duc de Nevers 
l’avait, du consentement des habitants, appelé dans cette 
ville dès l’année 1647, où ^ aurait entrepris , à grands frais, 
le rétablissement de la verrerie, ayant, pour cet effet, fait 
venir d'Italie plusieurs gentilshommes verriers à ses dépens... 
Mais les grands frais qu’il lui avait convenu de faire et le peu 
de débit qu’il faisait de ses ouvrages dans la ville et lieux 
circonvoisins lui rendant son travail inutile, il aurait fait 
dessein de se retirer, ce qui avait été empêché par l’ordre du 
cardinal Mazarin , favorisant l’excellence de l’art dudit Cas- 
tellan, et qui lui fit continuer par les habitants ses exemptions 
et privilèges. Comme donc il serait nécessaire audit Castel- 
lan , pour empêcher que son travail ne lui fût préjudiciable, 
d’avoir la liberté de transporter ses ouvrages aux foires et 
marchés publics du royaume, et particulièrement en lieux 
qui sont sur la rivière de Loire , depuis Nevers jusqu’à 
Poitiers, à l'exclusion de tous autres marchands, le roi 
consent que le transport et la vente de tous les ouvrages de 
verrerie lui soient permis pendant trente années, auxdits 
lieux, h l’exception toutefois des verres de Venise et des 
verres de fougère verte qui n auront été mis en couleur. 
lesquels peuvent être débités et vendus dans toute l’étendue 
du royaume en la manière accoutumée. 

Avant de procéder à l’entérinement desdites lettres royales, 
la cour de Parlement en avait ordonné le communiqué aux 
maîtres de la verrerie de Paris et autres proches de la ville 
de Nevers pour donner leur avis. En conséquence, Hugues 
Dubouchet, écuyer, sieur de la Gratelle, et Adrien Dubou- 


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—J 


— 184 — 

chet , aussi écuyer, son frère , maîtres de la verrerie de 
Roussillon (1), et Eustache Le Maréchal , écuyer, sieur de la 
Grange, gentilhomme ordinaire de Mgr le duc d’Orléans, 
maître et propriétaire de la verrerie de Paris, déclarèrent 
mettre opposition auxdites lettres, et que ledit Castellan ne 
puisse vendre ni débiter, par lui ni par d’autres, aucuns 
verres dans la ville de Paris ni dans les trente lieues à la 
ronde, et qu’il soit débouté de l’effet et de l’entérinement 
desdites lettres. 

Néanmoins, le i 3 juillet 1662, le Parlement ordonnait 
que les lettres du roi seront registrées au greffe de la cour, 
pour jouir ledit Castellan des privilèges qui y sont contenus, 
sans qu’il puisse empêcher lesdits Dubouchet, etc., de vendre 
et débiter leurs marchandises partout où bon leur semblera. 

Ces lettres-patentes furent encore confirmées le dernier 
septembre 1 665 . 

Déjà, en 1 658 , lors du mariage de sa fille avec Marc de 
Borniol, aussi gentilhomme verrier, dans la crainte qu’ils ne 
vinssent à quitter Nevers et à établir dans le voisinage une 
autre verrerie , Jean Castellan, pour s’assurer le monopole , 
avait fait spécifier sur le contrat que les futurs demeureraient 
en la verrerie l’espace de six ans, et qu’ensuite ils ne pour- 
raient établir aucune verrerie à vingt lieues de Nevers du 
vivant dudit seigneur Castellan et de sa femme. 

Et, de fait, le seigneur Marc Borniol, non-seulement 
demeura en la verrerie durant les six années , il s’y trouvait 
encore le i er juin 1670, lors du contrat de mariage de Michel 
Castellan, son beau-irère, fils dudit maître Jean Castellan et 
de défunte Marie Ponté, avec damoiselle Catherine Sauget, 
fille de Pierre Sauget , procureur fiscal en la châtellenie de 
Pougues et Garchizy, et de dame Françoise Menne ; ce qui 
faisait un séjour de douze années. Aussi, dans le contrat, 
après la déclaration de la dot de la demoiselle Sauget, qui est 
de 4,000 livres, le sieur Castellan mentionne d’abord que 

(1) Sans doute Roussillon-en-Morvand ; voir plus loin au chapitre V. 


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— 1 85 - 


son fils Michel reçoit, tant sur ses droits maternels échus que 
paternels à échoir, 900 livres, pareille somme ayant été 
constituée en dot à sa sœur Marie. De plus, comme Marc de 
Borniol et sa femme sont demeurés en la verrerie jusqu’à ce 
jour, pendant lequel temps ils ont été nourris et logés, eux et 
leurs enfants, par ledit sieur Castellan, il est convenu que 
lesdits futurs et enfants qui naîtront seront nourris et logés 
de même pendant lesdites douze années , etc. (1). 

Jean Castellan n’eut pas longtemps à remplir les conditions 
imposées par ce contrat, car il mourait cette année même 
1670, sans que nous puissions d’ailleurs en préciser plus 
exactement la date, les registres de Saint- Laurent n’en fai- 
sant aucune mention. 

Non moins jaloux que les Sarode de son titre d’écuyer et 
de gentilhomme verrier, le seigneur Jean Castellan avait 
obtenu un arrêt de confirmation à Moulins, le 14 juin 1667, 
pour lui, ses enfants successeurs et postérité, nés et à naître 
de légitime mariage, en ladite qualité de noble et d’écuyer, 
comme gentilhomme verrier (2). 

A cet effet, par-devant messire Henry Lambert, chevalier, 
seigneur d'Herbigny, conseiller du roi en ses conseils, com- 
missaire départi par Sa Majesté pour la vérification des titres 
des gentilshommes et usurpateurs du titre de noblesse ès- 
généralités de Moulins et Bourges, ayant comparu le i 3 mai, 
il déclarait qu’il est âgé de soixante-quatre ans, fils de Guil- 
laume Castellan, noble d'extraction, gentilhomme et maître 
de la verrerie de Nevers, et veut se maintenir en ladite qua- 
lité comme ayant toujours vécu noblement sans avoir jamais 
fait acte dérogeant, et être maintenu dans les privilèges et 
exemptions dont jouissent les autres gentilshommes du 
royaume ; qu a cet effet il doit être inscrit dans le catalogue 
des gentilshommes qui sera arrêté au conseil...; et pour éta- 
blir la justice de ses conclusions il rapportait diverses pièces 


(1) Archives des notaires, minutes de Villars. 

(2) Archives communales de Nevers. Délibérations. BB. 32 . 

t. u, 3* série. 18 


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parmi lesquelles : i # un extrait des privilèges accordés par 
le roi François I ar aux gentilshommes verriers, 5 septem- 
bre 1 523 , lesdits privilèges confirmés au mois de mars 1565 
par le roi Charles IX, et par Henri III en 1574; 2 0 ledit extrait 
enregistré au Parlement de Dauphiné le 26 mars 1 5 jb, depuis 
en la sénéchaussée et siège présidial de Lyon le 28 janvier 
1576, etc., et enfin un factum dressé par conseil, contenant 
l’inventaire de tous ses titres, et au bas l’arbre de généalogie 
dudit sieur et le blason de ses armes, qui porte : D'a\ur , à la 
tour d'argent , surmontée d'une aigle (T or , au casque à 
demi-face (1). 

Quelques années avant la mort de Jean Castellan, sans que 
nous ayons non plus aucune date certaine, était allée de vie 
à trépas la riche veuve d’Horace Ponté, damoiselle Suzanne 
d’Albane ; et les pieuses fondations de cette généreuse étran- 
gère envers les établissements religieux de notre ville, non 
moins que les sentiments de si affectueuse tendresse témoignés 
par cette noble femme pour la mémoire de son mari méritent 
bien assurément que nous en conservions ici le souvenir. 

Dès le 26 septembre 1659, elle avait fait don aux pauvres 
de rhôtel-Dieu Saint-Didier d’une maison assise aux chaumes 
de Loire, paroisse de Challuy, appelée le lieu de la Tour- 
nelle , consistant en chambres et grenier dessus , avec une 
petite toumelle jointe à ladite maison, grange, étables, cour, 

(1) Cette description rappelle le fac-similé des armoiries des Conrade 
telles qu’elles se trouvent sur la copi 2 des lettres de naturalisation 
octroyées à Dominique Conrade en 1572 par Henri III. (La Faïence , 
les Faïenciers et les Émailleurs de Nevers , par L. du Broc de Segange, 
planche 1™.) 

M. Schuermans, dans sa quatrième lettre sur les verres fabriqués 
aux Pays-Bas, donne les armoiries de la famille Castellan, d’après une 
généalogie dressée par le héraut d’armes Lefort, qui avait épousé une 
Castellano. Elles sont ainsi décrites: D’azur, à la tour d'argent , 
sommée en chef d'une aigle éployée d'or , ledit écu surmonté d'un 
heaume d'acier , tourné à droite , ouvert , treillé y grillé et liséré d'or et 
doublé de gueules , aux hochements ou lambrequins et boucles d'açur 
et d'argent , d'où sort pour cimier une aigle au blason de Vécu . 


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— 187 — 

jardin et verger, etc., à la charge de lui payer sa vie durant, 
par les sieurs recteurs dudit hôtel-Dieu, la somme de 40 livres 
par chacun an, et aussi à condition qu'à l'avenir ledit lieu 
se nommera le lieu Ponté (1). Cette condition n’a jamais été 
remplie ; cependant , les actes désignent ce lieu sous le nom 
de la Vieille - Verrerie . 

Deux ans plus tard , en 1661, ladite dame fonde d’abord 
aux Jacobins, le monastère le plus rapproché de la verrerie, 
trois grand’messes pour le repos de l’ame de défunte 
Catherine Ponté, veuve de noble François (alias Laurent) 
Bertholus , qui ne l’avait jamais quittée (2) ; plus, une 
messe basse, le premier jeudi de chaque mois, devant 
l'autel de Notre-Dame du Rosaire, pour elle-même, et un 
salut, chacun an, les premiers dimanches de juin et de juillet, 
pour le repos de l'âme de feu noble Horace Ponté, son mari ; 
le tout devant être célébré en l’église des révérends Pères 
Jacobins ou Frères-Prêcheurs, en l’honneur du saint et ado- 
rable sacrement de l’autel et de la glorieuse vierge du saint 
Rosaire ( 3 ) ; — puis, le 8 août de la même année, elle donne 
et fait présent à la fabrique Saint-Laurent, sa paroisse, d'un 
soleil d’argent doré pesant 7 marcs 2 onces 2 gros , le tout de 
la valeur de 400 livres, y compris les cristaux, pour exposer 
le Saint-Sacrement, à la charge d'un De profundis et Libéra, 
chacun premier jour de l’an, à l'issue de vêpres, avec les 
oraisons accoutumées, et le lendemain une grand’messe des 
Trépassés, pour le repos de l’âme de défunt noble Horace 
Ponté (4). 

Le 22 mars i 665 , dimanche de la Passion, la paroisse 
Saint-Laurent reçoit encore un ciboire d’argent vermeil doré 
pour servir à mettre le Très-Saint-Sacrement de l’autel « pour 


(1) Archives hospitalières deNevers, série B. 9. Donations. 

(2) Voir plus haut, page 168. Des Bertolu\\i ou Bertolossi , verriers 
vénitiens établis à Altare au seizième siècle, s’étaient fixés à Liège 
avec les autres Altaristes. (Schuermans, quatrième lettre déjà citée.) 

( 3 ) Archives communales de Nevers, série GG. 142. 

(4) Archives communales de Nevers, série GG. 26. 


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- 1 88 — 


bailler à communier », et les fabriciens, en adressant à la 
donatrice toutes leurs actions de grâces pour ses inépuisables 
largesses, rappellent avec reconnaissance qu’en l’année 1660 
elle fit aussi remettre à neuf, à ses frais, toutes les tables et 
tombes de l’église qui étaient rompues ; qu’en l’année 1662, 
elle fit réparer les tables et tombes du chœur et les marche- 
pieds de bois des autels; qu’en l’année 1 663 , elle fit blanchir 
l’église et donna les tableaux de Notre-Seigneur, de Notre- 
Dame et des douze Apôtres, et ils déclarent s’obliger à bien 
veiller désormais à ce que leur église soit toujours bien 
proprement tenue, etc. 

Enfin, le 4 novembre 1 66 6, ladite damoiselle, « gisante au 
lict, malade de corps, saine touttefois d’esprit et d’antan- 
dement », mande le notaire, déclarant vouloir lui faire écrire 
son testament. 

Après les recommandations accoutumées à Dieu , à la 
glorieuse vierge Marie, et à tous les saints et saintes du 
paradis, elle veut et entend que, son âme étant séparée de son 
corps, sondit corps soit inhumé en l’église Saint- Laurent 
dont elle est paroissienne, « sans qu’il soit fait aulcune séré- 
monnie », léguant à l’œuvre et fabrique de ladite église une 
rente perpétuelle de six-vingts livres, en paiement de laquelle 
elle désire qu’il soit donné le principal d’une rente de 
75 livres par an qui lui est due par les héritiers de défunt 
maître Gabriel Pilloux... lequel principal elle veut n’être 
compté à la fabrique que sur le pied du denier vingt...; plus, 
la maison Morin , sise en la rue du Croux (1), laquelle n’est 

(1) Cette maison, tenant par le devant à la rue de la Tartre; d’autre, 
à la maison de Toussaint Duret, autrement Paulet; d’autre, à la 
maison des hoirs Scipion Gambin et de Jeanne More; d’autre, par le 
derrière, à la maison de M. Sébastien Paulet, chanoine, souloit 
appartenir à Anne Morin , qui la tenait sous la charge de i 5 sols et 
une géline et demie, par chacun an, envers l’abbé de Saint-Martin, 
ladite charge reconnue au profit de l’abbaye, le 7 juin 1610. Saisie 
par décret et autorité de justice, ladite maison avait été adjugée à 
Horace Ponté le i 3 janvier i 63 o. (Minutes Maillot, notaire; archives 
de 1a préfecture.) 


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— 189 — 

à présent occupée par aucuns locataires ni autres , suivant 
l'estimation qui en sera faite par prudhommes, dont tant 
lesdits sieurs fabriciens que son exécuteur testamentaire 
ci-après nommés conviendront; et oü lesdites rente et maison 
ne suffiront pour faire le principal desdites six-vingts livres. , 
veut qu'il soit pris sur ses autres biens le surplus qui sera 
employé en rente ou fonds, et que ladite maison soit 
portée à cens bordelier de l’abbaye Saint-Martin ; veut 
que les profits et indemnité qui pourront être valable- 
ment demandés à ladite fabrique soient acquittés sur les 
biens d’elle testatrice, sans que le montant d’iceux puisse 
être précompté sur ladite somme de six-vingts livres de rente, 
à condition que lesdits sieurs fabriciens seront tenus à per- 
pétuité de faire dire chacun jour, même les fêtes et diman- 
ches, une messe basse pour le repos de l’âme tant d’elle que 
de son mari ; 

Elle déclare ensuite qu’elle lègue et donne aux dames reli- 
gieuses, prieure et couvent de La Fermeté-sur-l’Ixeure la 
maison dont elle occupe partie et le sieur Jean le surplus, 
« et en laquelle est ung fourneau à faire verre » , sans en 
rien réserver ni retenir, y compris même la maison Forest 
et la maison Thiéry (1), à condition, et non autrement, que 
lesdites dames prieure et religieuses seront tenues recevoir 
parmi elles , en qualité de « sœur de cœur (chœur) » , Fran- 
çoise Roy, fille de noble Joseph Roy et de damoiselle 
Jacquette Panseron, ou à son défaut une des autres filles 
dudit Roy’, et qu'en attendant l’âge requis pour faire son 
choix, l’une ou l’autre desdites filles soit, par lesdites dames, 
nourrie et entretenue selon sa condition ; que si lesdites filles 

(1) Nous avons retrouvé dans les minutes Casset (archives des 
notaires de Nevers), aux dates des 25 novembre et 14 décembre i 632, 
les « états de besongne à faire par le sieur Esmery Bourdeaul, maître 
charpentier de Nevers, en la maison Chantemerle et en la maison 
Thierry , acquise des hoirs feu Pierre Thierry ». Cette dernière était 
mitoyenne avec la maison de Saint-Gilda, où la verrerie fut plus tard 
transportée. 


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venaient à décéder ou ne voulaient prendre le parti de la 
religion, elle entend que si Marie Piédeccrf a cette vocation 
elle soit reçue à leur place, à cause de la grande amitié qu’il 
y a trente ans et plus elle a pour dame Françoise Piédecerf, 
veuve d’honorable homme Michel Panseron: 

y * 

Item déclare ladite damoiselle qu'elle lègue et donne au 
sieur Jean Castellan, qui jouit par accense de ladite maison, la 
somme de i 5 o livres, si tant il en doit de loyer au premier 
de janvier de l’année prochaine ; plus lègue et donne à 
Jeanne Soulier, sa servante, la somme de 40 livres une fois 
payée, outre ce qui se trouvera lui être dû de ses gages; 
déclarant d'ailleurs qu'elle ne connaît aucune personne qui 
se puisse dire son héritière, bien que de longtemps elle s’est 
informée s’il restait quelque personne de sa famille ; et pour 
le cas où il s’en trouverait et que la chose fût bien vérifiée , 
afin que le présent testament soit bon et valable, € elle les 
apanne et chacung d’eux » d’une somme de trente livres, et 
prie noble Charles Roy, lieutenant civil et criminel en 
l’élection de Nevers, < comme de long temps elle scayt sa 
haulte vertu », de vouloir faire exécuter ledit testament. 

Elle termine en exprimant le désir que si aucune desdites 
filles est reçue à faire profession elle soit nommée « la reli- 
gieuse Ponté ». 

Ce vœu si modeste et si touchant avait été réalisé , et dans 
la liste des religieuses publiée par notre collègue M. Victor 
Gueneau, à la suite de son intéressante notice sur le prieuré 
de La Fermeté, nous rencontrons sœur Jeanne Roy- Ponté 
parmi les signataires de la visite du monastère, le 
14 avril 1676 ; on la retrouve encore en 1698. 

Qu’il nous soit permis à notre tour d’émettre un autre 
vœu qui, sans doute, ne sera point contredit ! De nos jours, 
dans la plupart des villes, l’usage s’est établi de remplacer 
les noms insignifiants d’anciennes rues par ceux des hommes 
qui, à travers les siècles, se sont acquis des droits à la 
reconnaissance publique. 

Déjà nous avons à Nevers, près de l’hospice, la rue 


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— 1 9 1 — 


Charles-Roy, qui rappelle la mémoire du généreux bienfai- 
teur de cet établissement, puis la rue Adam-Billault , la 
place Guy-Coquille . Tout récemment, une petite rue qui 
débouche sur la grand’rue de la Tartre a été dénommée rue 
Conrade , en souvenir de nos premiers faïenciers. Pourquoi, 
par exemple , la rue du Midi , qui se prolonge devant la place 
de l’antique église Saint-Laurent, ne recevrait-elle pas le 
nom de rue Horace-Ponté , à l’honneur de sa noble veuve 
et à la gloire de nos artistes verriers ! 

On se souvient que Jean Castellan était mort en 1670 
laissant un fils, Michel Castellan, et une fille, mariée à Marc 
de Borniol, sieur des Rochers. 

Le fils et le gendre, accoutumés à travailler ensemble en la 
verrerie de Ne vers, prirent aussitôt le titre de maîtres, et 
tous les deux, pendant plusieurs années, agirent a solidai- 
rement, renonçant au bénéfice de division *. On retrouve 
cette formule sur la plupart de leurs actes. 

Cependant, le 7 février i 683 , Marc de Borniol mariait son 
fils Nicolas, qu’il avait eu de défunte Marie Castellan, à 
Jeanne Pluchon, fille de défunt Louis Pluchon, marchand, 
et de Marguerite Pignié, sa veuve, demeurant en la paroisse 
de Garchizy (1); il quitta alors Nevers pour se retirer à 
Primarest , en Dauphiné, où il possédait une autre verrerie, 
et il y mourut en i 685 , laissant six enfants encore en bas âge. 

D’autre part, Nicolas de Borniol, qualifié de sieur de 
Fourcjiambault, s’étant retiré à Garchizy, Michel Castellan 
resta seul maître de la verrerie de Nevers jusqu’au jour de 
son décès, arrivé en 1721. 

Les actes de cette époque continuent à nous initier aux 

(1) On remarque parmi les témoins : Laurent Pluchon, maître 
armurier, oncle delà future; François Pluchon, aussi maître armu- 
rier; messire Nicolas de Chéry, écuyer, grand-archidiacre de la 
cathédrale de Nevers; maître François Bouzitat, grand-chantre; 
Nicolas Tenon, écuyer, seigneur d’Azy; Jean Fouquet, curé de Gar- 
chizy, et aussi un cousin du marié, Eugin Sarold . (Archives de la 
préfecture, série E. 264, ancien classement.) 


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— 192 — 


mœurs et coutumes et à la vie intime de nos verriers ; citons- 
en quelques-uns des plus curieux. 

Un jour de l’année 1672, deux gentilshommes, tout en 
travaillant, engagent une discussion sur un fait de la plus 
minime importance, et finalement font un pari ; mais pour 
que le pari soit exécutoire en son effet, le notaire est requis, 
et voici son procès-verbal : 

» Ce jour, 28 mars 1672, après midi, au lieu de la verrye 
de Nevers, Enemond de Girard , écuyer, sieur de la Combe, 
d'une part, et Isidore de Revet, écuyer, tous deux demeurant 
en ladite verrye d’autre part, sont demeurés d'accord en ce 
qui s’ensuit, savoir : 

» Ledit de Girard a déclaré et soutenu que le fils dernier né 
du sieur de Revet a été baptisé sur les fonts de la paroisse de 
Rossillon-en-Morvand et a eu pour parrain Hugues de 
Saulgy, baron de Rossillon (1) ; ledit Drevet (sic) soutenant 
le contraire et que ledit de Saugy n’a été parrain ; quoi 
voyant ledit de Girard a derechef remonesté que ledit sieur 
a été parrain. Et, après quelesdites parties ont soutenu d’être 
receptables de part et d’autre, a été convenu qu'au cas oü 
ledit sieur de Girard ne puisse faire sa preuve, il paiera audit 
sieur de Revet la somme de 60 livres, et ledit sieur de Revet, 
en cas qu’il ne fasse aussi sa preuve, paiera audit sieur de 
Girard la même somme. A quoi lesdites parties se sont 
respectivement obligées l’une envers l’autre, à peine de tous 
dépens, dommages et intérêts, paiables à la volonté d€ celui 
qui aura droit et raison. 

» Fait audit lieu de la verrye; présents noble Michel 
Castellan , noble Marc de Brignolle , écuyer, et Charles 
Musse, fondeur en ladite verrie. 

» Ainsi signé : de Borniol, de Castellan, C. Musse (2). » 

(1) M. l’abbé Baudiau, dans le Morvand , t. II, rapporte que Michel 
et Georges de Chaulgy, seigneurs de Roussillon, affranchirent les 
habitants en i 552 . 

(2) Archives des notaires de Nevers, minutes Vincent. 


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— ig 3 — 

Cet Enemond de Girard , qui déclare d'ailleurs ne savoir 
signer, avait passé un traité avec Jean Castellan, dès le 
22 novembre 1666, par lequel il s’obligeait à travailler à la 
verrerie de Nevers, aux heures accoutumées, pendant un an, 
qui commencera au i 5 mars de l'année 1667, huit jours 
auparavant ou huit jours après, tant cristal que pivette (1), 
moyennant la somme de 3 o livres , par chacun mois , pour 
ses gages et non autre, sinon la nourriture, logement et 
blanchissage « comme à la coustume » ; et par avance, ledit 
sieur de Girard reconnaissait avoir reçu dudit sieur Castellan 
12 livres 5 sols, à déduire sur les 3 o livres. 

Or, le 5 avril 1667, Jean Castellan mandait au notaire, 
rédacteur du contrat, que ledit E. de Girard n’est venu tra- 
vailler en sa verrerie, suivant qu’il s’y est obligé, ce qui lui 
cause, faute dudit travail, depuis le i 5 mars dernier, une 
perte de 3 livres par jour, sa place étant vacante. Et à la 
réquisition qui lui en a été faite le notaire, s'étant.transporté 
à la verrerie, déclare en effet que ledit sieur Castellan lui a 
fait voir une place vacante auprès de son fourneau, la plus 
proche de la grande porte , et ledit four être celui où ledit 
sieur de Girard devait travailler; pourquoi ledit sieur de 
Girard sera tenu envers ledit Castellan , à raison de 3 livres 
par jour de ce qu’il a manqué et de ce qu’il manquera (2). 

On retrouve dans la suite cet « Enemond » de Girard, 

(1) On distingue dans le commerce un grand nombre de variétés de 
verre, dont chacun a une composition, des propriétés et des applica- 
tions particulières. Ce sont, par exemple : i* le verre à vitres; — 2* le 
verre à gobeletterie ; — 3° le verre à pivette; — 4° le verre à bouteilles ; 
— 5* le verre à glaces ; — 6* le verre de Bohême ; — 7* le cristal , etc. 
M. Mingard, dans ses Variétés industrielles (Tours, A. Marne et fils, 
éditeurs, i883), en signale ainsi seize variétés. Voici ce qu’il dit du 
verre à pivette : « Ce verre est employé aux mêmes usages que le verre 
à gobeletterie (flacons, verres à boire, salières, carafes, etc.); maison 
en fabrique des objets plus grossiers et de moindre valeur, à cause de 
la teinte verdâtre qu’il possède... Au lieu de sable blanc, on fait 
entrer dans sa composition du sable ferrugineux, etc. • 

(2) Archives des notaires de Nevers, minutes de France. 

t. n, 3 * série. 19 


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toujours qualifié d'écuyer et sieur de la Combe, parraiti , en 
1676 et en 1680, d'une fille et d'un fils de noble Marc de 
Borniol, « un des maîtres de la verrerie ». 

Un autre acte du 3 i janvier 1681, concernant non plus un 
gentilhomme verrier, mais un simple ouvrier tiseür de 
verre (1), du nom de Jean-Baptiste Cornuelle, mérite aussi 
d'être connu. Après avoir travaillé dans la verrerie deGiverdy, 
dont nous parlerons bientôt, ledit Cornuelle étant venu à 
la verrerie de Nevers, a été victime d’un accident qui le 
détient malade, mais sain toutefois d'esprit et d'entendement. 
Il a donc mandé le notaire pour faire son testament , par 
lequel il recommande son âmeàDieu,à la très-glorieuse 
vierge Marie et à toute la cour céleste, et particulièremertt à 
saint Jean, « son parrin » ; et pour les bons traitements qu'il 
a reçus et reçoit de Michel Castellan, écuyer, maître de la 
verrerie, son maître, même en sa maladie, qu'il lui admi- 
nistre tout ce qui lui est nécessaire, tant pour le spirituel que 


(1) Il nous paraît utile de donner ici, telle qu’elle se trouve dans la 
brochure du professeur Gaspard Buffa (p. 22, note i rB ), l’explication 
de ce terme de l’art et de quelques autres mots moins connus. Les 
attiseurs (atti^atori a ti^atori) ou tiseurs surveillent la fusion du 
verre, alimentent la matière dans les creusets et soignent (curano) la 
trempe des objets manufacturés. 

Les affréteurs ( conciadori ) forment la composition du verre, prépa- 
rent les fours et assignent le poste de chaque maître pour le travail. 
Ils servent aussi d’aide au boffadore. 

Le souffleur 1 boffadore ) était habituellement le chef de maîtrise. Son 
emploi était de faire les plus grosses pièces de verre Verd (in vetro 
verde) comme les fiasques, les dames-jeannes (damigiane), etc., pour 
vin, distillerie... 

L’office de garçon tiseur (garçone titfatore), que nous rencontrons 
plus souvent, était un emploi servile, payé, et tel qu’il ne permettait 
pas, par la bonne disposition du travail, de pouvoir pénétrer adcun 
secret de l’art. Cependant, d’après un article des statuts, les membres 
des familles alliées aux gentilshommes pouvaient, après un appren- 
tissage de quatre ans comme attiseur f et quatre autres années à 
apprendre l’art, .devenir maîtres à leur tour. (L'Universita delVaPtc 
vitrea di Altare dalle sue origini ai nostri giorni. Genova 187g,) 


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— U »5 — 


temporel , et qu’il espère qu’il continuera jusqu’au dernier 
soupir..., de son propre mouvement, il lui donne et lègue 
tous ses meubles et deniers qu'il peut avoir et qui lui sont 
dus, à savoir : 67 livres dues par M. de La Motte, maître de 
la « verrie » de Giverdy, sur laquelle somme il a reçu 
17 livres ; 38 sols qu’il a prêtés à la servante de M. de Bon- 
gars pour achepter une coueste de tafetas et des gans », etc., 
et aussi tpus ses meubles qui sont en ladite verrerie..., de 
quoi ledit sieur Castellan demeurera vêtu et saisi, incontinent 
après le décès dudit testateur, à condition seulement de faire 
inhumer son corps en l’église Saint-Laurent , où bon sem- 
blera , et faire prier Dieu pour le repos de son âme. 

L'année précédente, le 21 janvier 1680, avait été inhumé 
à Saint-Laurent un autre tiseur de la verrerie nommé Jean 
Çœur. Les registres « mortuaires » de la paroisse mention- 
nent encore, le 12 avril 1688, l’inhumation de Thomas 
Pelletier , tisonnier de la verrerie, âgé de trente-cinq ans ; 
le 17 avril de la même année, celle de Jean-Baptiste Coeur , 
âgé de vingt-deux ans, natif de Corsesle , pays de Monfer- 
rat (1), lequel servait au fourneau de la verrerie (2); en 1702 
çt 1712, de deux fils , de Léonard Viodet, indistinctement 

(1) Sur une aimable observation de M. Schuermans, nous rétablis- 
sons ici la véritable orthographe de ce nom de lieu, 'qui se trouve 
constamment écrit dans tous nos actes Montferrat, même par la 
princesse Marie (p. 170). Cest en effet une faute. Notre Monferrat est 
Monferrato , pays de Mantoue , et Monteferrato est près de Florence. 

(2) Le 1" juillet 1675 s'était marié, en l’église Saint-Laurent, Thomas 
Barbot , marchand verrier, fils de feu Antoine Barbot et de Marie 
Cœur y de la paroisse de Coinsert, pais d'Italie , avec Jeanne Durand, 
fille de défunt Claude et de Denise Pignot, à présent paroissiens 
dudit Saint-Laurent; présents : honorables hommes Charles Pignot, 
notaire et procureur en la châtellenie de Saint-Saulge , et de Bour- 
niolle, maître de la verrerie. 

M. Enrico Bordoni veut bien nous apprendre que la famille Cuore 
est originaire de Monastero-Bormida , et que le lieu de naissance 
de Maria Cuore et de J.-B. Cuore doit certainement être Cosseriay 
pays du canton de Millesimo et peu distant d’Altare ; même les 
yexriers d’Altare possèdent encore à Cosseria des terrains cultivés. 


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— 196 — 

qualifié de verrier et de facteur ou consort de la verrerie 
royale de Nevers... 

Les registres des mariages contiennent pareillement 
d’autres actes non moins intéressants pour nos verriers : 

Du 17 mai 1676, mariage d t Philippe Prévoty , Italien de 
nation, natif de Lantel, proche Savone, demeurant de présent 
à Nevers, en la verrerie que font valoir les sieurs Castellan 
et Borniol, en qualité de garçon verrier, fils de défunts 
Bernardin Prévoty et de Cecilia Ramonde , ses père et mère, 
avec Charlotte Gaujour, fille de défunts Claude Gaujour, 
vigneron, de la paroisse de Crux, et de Françoise Basseporte. 
Ledit Prévoty signe ainsi : Fillipo Privoto. 

Du 19 mars 1678, mariage de noble Jean Babin, écuyer, 
gentilhomme verrier, et de damoiselle Jeanne Castellan, 
fille de défunt noble François Castellan et de damoiselle 
Marie Mondin, en présence des deux maîtres de la verrerie , 
de vénérable personne Jean Froment, prieur de Beaure- 
gard, etc. 

Du 19 avril 1689, mariage de noble et discrète personne 
Vincent Ponté, verrier, demeurant de présent en la paroisse 
Saint-Laurent , et de damoiselle Françoise Dru, de la 
paroisse Saint-Jean, dispenses ayant été obtenues de Mon- 
seigneur, de ce que ledit Ponté n’est du diocèse. Parmi les 
signatures |on remarque celle de Pierre de Borniol , de 
Dauphiné , ville de Vienne. 

Du 3 mai 1695, mariage de honnête fils Léonard Viodet , 
consort de la verrerie, fils de feu Antoine Viodet, et honnête 
fille Suzanne Ganet, fille de François Ganet, de la paroisse 
Saint- Arigle. Ce Viodet, devenu veuf , épouse en secondes 
noces, le 24 juin 1712, Françoise Lecompte, veuve de 
Claude Grollier, chirurgien, demeurant en la paroisse Saint- 
Aré de Decize. 

Enfin , les registres des baptêmes , en nous révélant les 
nombreuses descendances de nos verriers , signalent aussi 
parmi les parrains quelques noms encore inconnus : Ainsi , 
le 12 octobre 1684, une fille de Jean Babin a pour parrain 


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— i97 — 


noble et discrète personne Dominique Riveta , qui signe : 
Jo Dominico Riveta , vénitien (i) ; — le 8 novembre 1690, 
François Castellan , écuyer, sieur de Rose, fils de Michel 
Castellan, est parrain d'un fils de Vincent Ponté, nommé 
François- Vincent, et on le retrouve très-fréquemment rem- 
plissant le même office; — un fils de défunt Dominique 
Rosetit (sic), escuier, verrier, et de Anne Guestelert, baptisé 
le 26 mars 1701, a pour parrain Claude Gentil, chanoine 
de la cathédrale et abbé de Saint-Marc, et pour marraine 
Marie Gentil, qui signe : Marie Gentite ; — et une fille 
de Michel Castellan et de Marie Gentil, baptisée le 
20 juillet 1704, par le R. P. Jean- Baptiste-Louis Gentil, 
prieur-curé de Saint-Euverte d’Orléans, a pour parrain 
« B. Perrot, escuier, directeur de la verrie royale d’Or- 
léans, etc. (2) » 

Nous revenons ainsi à Michel Castellan , seul maître de 
la verrerie depuis 1 685 . Marié une première fois, en 1670, 
à Catherine Sauget, qui mourut peu après, il avait épousé, 
en secondes noces, noble demoiselle Louise de Foucambargue, 
dont il eut, le 10 mars 1673, un fils appelé François, du 
nom de son parrain , vénérable et scientifique personne* 
messire François Bouzitat, conseiller du roi et chanoine de 
la cathédrale, et une fille, ondoyée le 7 février 1675 et morte 
à l’âge de trois ans. 

Ladite demoiselle de Foucambargue ne vécut aussi que 
quelques années. Déjà malade au mois de mai 1680, elle 
renouvelle le don mutuel qu’elle et son mari se sont fait, 
dès l’année 1678, de tous leurs biens, déclarant, en tant que 

(1) La famille Riveta existe encore dans la corporation vénitienne 
pour le travail des perles. Le nom de Rosetit , qui suit, pourrait être 
le nom Rosetto , estropié, que Ton trouve parmi les familles nobles 
des verriers de Murano. (Note de M. le chevalier E. Bordoni.) 

(2) Bernard Perrot ne mourut qu’en 1709 et eut pour successeur, 
comme directeur de la verrerie d’Orléans, un neveu qui s’appelait 
Jean Perrot, sieur de Limouty. (Note communiquée par M. l’abbé 
Cochard, d’Orléans.) 


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« * 9 $ — 

besoin serait, qu’elle donne et lègue c d’abondant * à son 
mari tous scs meubles, conquets et cinquième de son héritage 
ancien en toute propriété.., ; elle fait aussi son testament par 
lequel, après les recommandations les plus pieuses et les plus 
touchantes à Dieu le créateur, pour qu’il ait pitié d'elle aux 
four et heure de son trépas et lui fasse miséricorde par les 
mérites de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par 
l'intercession de la glorieuse vierge Marie, etc. , elle veut et 
entend son corps être inhumé en l’église de Saint-Laurent, 
sa paroisse, s’en rapportant audit sieur Castellan, son mari , 
pour ses obsèques et le soin de faire prier Dieu pour son 
âme, sachant qu’il s’en acquittera bien (i). 

Une troisième fois Michel Castellan se choisit une com- 
pagne, Françoise Coquard, qui le laissa veuf encore et dont 
nous trouvons le mortuaire au jour de Quasimodo 1699. 

Cependant il se mariait de nouveau, après un court veu- 
vage, à damoiselle Marie Gentil, qui, dès le ^décembre 
1701, lui donnait une fille, baptisée le lendemain, sous le$ 
noms de Claude-Marie. Le parrain était Pierre Gentil, doc- 
teur en médecine, la marraine damoiselle Claude Chalmon. 

Plusieurs autres enfants naquirent de ce mariage , parmi 
lesquels un fils, Louis, dont il sera parlé dans le chapitre 
suivant; et puis Michel Castellan mourut en 1721. Il était 
né en Italie, à Altare, et avait été baptisé dans la paroisse de 
Saint-Eugène de cette ville, le 29 juillet 1645 (2) ; il était par 
conséquent âgé de soixante-seize ans. 

A Marie Gentil , tutrice de ses enfants, incomba la lourde 
charge de prendre la succession des affaires de la verrerie, et 
elle le fit vaillamment pendant plusieurs années. 

(1) Archives des notaires de Nevers, minutes Casset. 

(2) Extrait du livre des baptisés de la paroisse d’ Altare : 

Anno 1645 y 2 g juliiy Michel Gugliermo figlio de Giovanni e Maria , 
gingali Castellani y e stato batte^ato da me ateiprete. 

(Communiqué par M. Chcvalier-Lagénissière , d’après une copie du 
ji mars 1881, gracieusement délivrée par M. le chevalier dom Joseph 
Bertolotti, archiprêtre d’Altare.) 


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Au mois de juillet 1725, les échevins voulant prendre , 
pour en faire une caserne, une des dépendances de la verrerie, 
Marie Gentil adressa une supplique à Mgr l’Intendant de 
Moulins. Elle y déclarait qu’elle a accensé une maison située 
auprès de la porte du Croüx (1), du sieur Guy-Pierre Gue- 
neau, écuyer, gentilhomme servant de feu Madame la Dau- 
phine, dans laquelle maison elle a toujours mis, dans ses 
besoins, des gentilshommes verriers qui travaillent à la 
manufacture , et aussi la plus grande partie des verres qu’elle 
fait fabriquer, pourquoi , vu le besoin pressant qu’elle a de 
cette maison, elle supplie Sa Grandeur de faire défense aux 
échevins de prendre ladite maison pour caserne. Sur l’avis 
favorable du sieur Litaud , premier échevin , le 3 août sui- 
vant, l’intendant accordait la défense demandée et y joignait 
l’ordre de choisir une autre maison (2). 

Cependant, peu après, Bernard de Borniol, neveu de la 
dame Gentil, l’ayant abandonnée, la tâche devint impos- 
sible; en 1726 il fallut éteindre les feux, et, pour payer les 
créanciers, consentir à la vente de tous les 4 matériaux, fer- 
remens et ustenciles » de la verrerie ( 3 ). 

Ainsi finit, par une catastrophe des plus disgracieuses, 
cette seconde période de l’histoire de nos verriers, inaugurée 
d’une manière si solennelle , en 1647, par le seigneur Jean 
Castellan, sous les auspices de la princesse Marie de 
Gonzague. 

(1) U s'agit de la maison Morin, dont il a été parlé plus haut 
page 1*8. * t oui avait été Tendue en 1670 par les fabrictens -de Saint- 
Laurent, au profit d’Edme Nollant, faïencier, pour le prix de 700 livres. 
(Archives communales, GG. 27.) 

(2) Archives communales de Nevers, série BB. 38 . Registre des déli- 
bérations. 

( 3 ) Archives de la préfecture, série E. 26. Ancien classement. 


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CHAPITRE IV. 


TROISIÈME ÉPOQUE. 


LES BORNIOL. 

(XVIII* siècle.) 


Notes généalogiques sur les Borniol d’Altare, depuis 1 535 ; — Bernard 
de Borniol, neveu de Michel Castellan, sollicite et obtient du duc 
de Nevers, en 1724, l’autorisation de fonder une verrerie dans la 
ville de Decize ; — sur ces entrefaites, la verrerie de Nevers étant 
tombée, il obtient du duc l’autorisation de la rétablir et abandonne 
Decize; — il meurt en 1745 , âgé de soixante et onze ans; — tenta- 
tives de Louis Castellan, fils de Michel, pour recouvrer les droits 
de son aïeul et de son père; — Catherine Lévêque, veuve de 
Bernard de Borniol, nommée tutrice de ses cinq enfants mineurs, 
continue la fabrication jusqu’au moment où la verrerie tombe pour 
ne plus se relever, comme la plupart des faïenceries de Nevers ; — 
la verrerie de Nevers est surnommée par les voyageurs le petit 
Murait de Venise ; — curieux extraits des registres de livraisons 
de ladite veuve de Borniol ; — fourniture de canons de toutes 
couleurs à l’usage des émailleurs ; — une verrerie à bouteilles est 
établie sur le quai de Loire, puis remplacée par une fabrique de 
porcelaine. 

Deux fois déjà nous avons vu les gentilshommes verriers 
d'Altare, au duché de Monferrat, venir, à l'appel de nos 
princes, fonder d’abord au seizième siècle, puis, dans le 
siècle suivant , rétablir la verrerie de Nevers. Une fois çncore 
une noble famille, originaire de cette même cité d’Altare, 
va nous fournir le dernier maître de la verrerie nivernaise. 

Les Borniol , que nous rencontrions naguère unis aux 
Castellan, et dont le lieu d'origine paraît alors être le 
Dauphiné, étaient anciennement à Altare très-étroitement 
unis avec les Sarode. 


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3 i,M Epnque - LES BORNIOL 




n 


d'Azor au chevron d 'Argent 
O 

accompagné an chef de deux roses et en pointe d’un bœuf 
sur une terrasse de 


o. ^<u£yc)e^ 


I_Siiinature de BERNARD de BORNIOL 
II-Armoirics des BORNIOL dans l'Armorial du Nivernais 
de M r le Cl' de S0ÏÏLTRA1T données d'après des empreintes 
de Cachets du XVIII e Siècle. 

DI -Signature de CATHERINE LEVESQUE T de Messire 
BERNARD de BORNIOL etd^M”' delà Verrerie deNevers. 


IMP. C. VAluinf Ht VI Ht . 



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201 — 


Dès l’année 1 535 , le 9 juin, noble Jean Borniol, fils de 
défunt noble Hector, contracte mariage en l’église Saint- 
Eugène d’Altare, du diocèse de Noli (Naulensis diocesis) et 
de l’État du sérénissime duc de Mantoue (1), avec demoiselle 
Baptistine, fille de noble Augustin Sarode (filiam nobilis 
Augustini Saroldi). Ledit Augustin Sarode, parce qu’il est 
de coutume de donner une dot aux femmes pour qu’elles 
puissent supporter les charges du mariage (quia moris est 
dari certa dos mulieribus , ut onera matrimonii sustinere 
queant), déclare lui donner 5 oo ducatons d’argent, outre ses 
vêtements et joyaux, etc. 

Le 6 juillet i 55 o, noble Hector Borniol, petit-fils d’Hector 
et fils du précédent, contracte mariage avec demoiselle Barbe, 
fille de noble Antonii Rubei , dudit lieu d’Altare. Parmi les 
témoins, on trouve Antoine Sarode et Barthélemy Dalbane 
(Bartholomeo Dalbano Englian) , sans doute un parent, 
peut-être le père de Suzanne d’Albane, la noble veuve 
d’Horace Ponté, qui déclarait en mourant ne connaître 
aucune personne de sa famille (2). 

Le 20 avril 1604, noble Geoffroi Borniol, fils d’Hector, se 
marie avec demoiselle Catherine, fille de noble Alexandre 
Sarode (Alexandri Saroldi). Parmi les témoins, nous 
trouvons encore des noms connus : noble Baptiste Bousson 
(Bussono), noble César Marassan (Marassano). 

Le 3 i juillet 1606, Roch, fils desdits Geoffroi et Cathe- 
rine, né de ce jour, est baptisé solemniter, toujours en 
l’église d’Altare. Les parrain et marraine sont nobles Simonin 
Sarolde et Françoise, épouse de noble Prosper Bertholmi. 

(1) L’évêché de Noli n’existe plus aujourd’hui; il est réuni à celui 
de Savone, dont le titulaire est qualifié évêque de Savone et de 
Noli. Altare est depuis longtemps déjà du diocèse d’Acqui. 

(2) Voir dans le chapitre précédent le testament de ladite dame. 
Antérieurement à 1624, elle signe toujours : Suzanne Dalbane ; c’est 
l’orthographe que nous avons admise et qui semble la vraie ; puis 
la lettre D disparaît et n’est rappelée que par un trait arrondi sur Va. 
Les notaires du temps écrivent indifféremment d’Albane ou Albane. 

t. 11, 3 * série. 20 


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— 302 


Un autre fils desdits époux, nommé Laurent, baptisé le 
16 juin 1 6 1 5 , a pour parrain Laurent Rouge (Rubeus), pour 
marraine Catherine Raquette (Racheta) ; un autre fils 
encore, Hector, baptisé le 2 3 décembre 1620, a pour parrain 
Paul Mirengus (1), pour marraine Catherine Racheta . 

Ces trois fils de Geoffroi Borniol vinrent tous s’établir en 
Dauphiné, proche la côte Saint-André, d’où leur postérité se 
répandit à Nevers et dans les différentes verreries du 
royaume ; et nous avons vu la fille de Jean Castellan épouser, 
à Nevers, au mois de septembre 1 658 , Marc de Borniol, fils 
de feu Roch (le premier né de Geoffroi) et de Catherine 
Bousson, son épouse. 

Les deux frères de Roch de Borniol , Laurent et Hector, 
habitaient Saint- Alban, lorsqu’en 1666, en réponse à l’action 
introduite contre eux devant l’intendant du Dauphiné pour 
la vérification de leur qualité de nobles , ils eurent à pro* 
duire tous les actes prouvant leur descendance de noblesse. 
Comme ils négligeaient de se soumettre à cet ordre, s’en 
croyant dispensés, à cause de leur profession de verriers, et 
vu les privilèges accordés par les rois de France aux gentils- 
hommes verriers, ils se virent condamnés à 400 livres 
d’amende, comme usurpateurs de la qualité de nobles, et 
c’est alors qu’ils produisirent les titres que nous venons de 
citer et dont une copie se trouve aux archives du départe- 
ment (2). En conséquence, à la date du dernier octobre 1670, 
François Dugué, intendant de la province de Lyonnais, 
Forest, Beaujollais et Dauphiné, commis par le roi pour 
ladite vérification, fit enregistrer tous ces titres à la Chambre 
des comptes et cour des finances, et déclara les frères Laurent 
et Hector de Borniol maintenus en leur qualité de nobles , 
ordonnant qu’ils jouiront, eux et leur postérité, des mêmes 
privilèges et immunités que les autres nobles du royaume, 

(1) Sans doute celui que nous avons vu à Nevers en 1607, supra , 
page 122. 

(2) Série E. 264. Ancien classement. 


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tant qu'ils vivront noblement et ne feront aucune déro- 
geance à noblesse. 

De même, le 18 septembre 1674, le marquis de La 
Vallière, gouverneur et lieutenant-général pour le roi en la 
province de Bourbonnais et commandant pour Sa Majesté 
en la province de Nivernais, donne attestation de la présence 
de Marc de Borniol, écuyer, sieur des Rochers, gentilhomme 
verrier, à l'assemblée de la noblesse du Nivernais, et sur sa 
demande le déclare dispensé du ban et arrière-ban. 

Enfin, en 1689, Nicolas de Borniol, écuyer, sieur de 
Fourchambault, fils du précédent, ayant été imposé, pour 
l'année 1690, au rôle des tailles, dans la paroisse de Gar- 
chizy (1), pour la somme de 8 livres, demandait formelle- 
ment à être rayé des rôles, avec défense aux collecteurs de ne 
le plus comprendre à l'avenir, et que ceux qui l’ont cotisé 
soient condamnés aux dommages et intérêts, attendu qu’outre 
qu'il est noble d'extraction, il est gentilhomme verrier, tra- 
vaillant actuellement à la verrerie de la Varenne... 

Un autre fils de Marc de Borniol , Bernard , né à Nevers , 
où il avait été baptisé en l’église Saint- Laurent , le 4 septem- 
bre 1674, et qui depuis plusieurs années travaillait sous son 
oncle Michel Castellan, puis sous sa veuve Marie Gentil , 
convoitait le titre de maître de la verrerie de sa ville natale. 
Ne pouvant y parvenir assez tôt à son gré, confiant d’ailleurs 
dans son habileté, qu’il dit « être unique dans cet art, et 
reconnue de tous les marchands du royaume » , il adresse en 
1724, à Sa Grandeur Mgr le duc de Nevers une supplique , 
dans laquelle il lui remontre c très-humblement » que, sui- 
vant les privilèges accordés à ses ancêtres par les rois 
François I er , Charles IX, Henri III et Louis XIV, ils ont 
établis des verreries en différents lieux du royaume..., pour- 

(1) Fourchambault, devenu depuis la fondation de ses usines, en 
1821, par MM. Boigues, une importante commune qui comprend 
actuellement deux paroisses , n'était alors qu'un lieu de relais pour la 
poste de Nevers à Germigny, et dépendait de la paroisse de Gar- 
cfctsy. 


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— 204 — 


quoi il demande qu’il lui soit permis d'établir une autre 
verrerie en la ville de * Desize », distante de sept lieues de la 
ville de Nevers, espérant d’autant mieux obtenir cette grâce 
que semblable établissement ne peut être que glorieux à la 
province de Nivernais et à toute la France. 

Dans le même temps , il adressait un autre placet à Mgr le 
Contrôleur général des finances pour qu’il lui plût accorder 
les lettres sur ce nécessaires et que le requérant pût prouver 
sa capacité et expérience au fait de la verrerie et des cristaux 
et être utile en même temps non-seulement aux habitants du 
pays qui seront occupés , mais encore aux seigneurs, par la 
consommation des bois qui se perdent sur les lieux. 

Le 8 juillet 1724, le duc de Nevers, étant à Paris, appo- 
sait sa signature au bas de la requête avec ces mots : « Nous 
permettons au sieur de Borniol d’établir une verrerie dans 
notre ville de Desise , à l’effet de quoi nous lui ferons expé- 
dier nos lettres et brevets nécessaires. » 

A la suite d’une nouvelle requête adressée au roi, en son 
conseil, exposant que depuis deux cents ans les Borniol ont 
excellé en l’art des cristaux et verres, et qu’il a profité de 
l’expérience de feu son père, choisi par Louis XIV pour 
engager les Vénitiens à se rendre en France pour la manu- 
facture de glaces qui y est établie, et en conséquence 
demandant ^autorisation de Sa Majesté pour établir à 
Decize une manufacture de verres et cristaux ; des lettres- 
patentes lui étaient octroyées, le 29 mai 1725, portant 
établissement au profit dudit Bernard de Borniol dè ladite 
manufacture. 

C’est sur ces entrefaites qu’au mois de janvier 1726 la 
veuve de Michel Castellan fit éteindre les feux, puis, se 
voyant poursuivie par ses créanciers , appréhendant l’exécu- 
tion des contraintes par corps contre elle , prononcées en la 
juridiction consulaire de Nevers, obtint au mois d’août des 
lettres de chancellerie pour être reçue à la misérable cession 
de ses biens. 

Bernard de Borniol s’empressa de se rendre adjudicataire, 


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— 205 — 


le 2 octobre de la même année, de tous les effets et ustensiles 
servant à la verrerie, moyennant la somme de t, 2 o 8 livres 
9 sols. En même temps, il s’adressait au duc de Nivernais, 
Philippe-Jules-François Mazarini-Mancini , lui exposant 
qu'il est très-utile et avantageux au public que la verrerie 
soit rétablie et qu'il est actuellement le seul capable de la 
faire valoir; en conséquence, il demandait qu’il lui plût lui 
continuer le bail de la halle où est construit le fourneau de 
la verrerie, comme l’avait accordé, pour quatre-vingt-dix- 
neuf ans, le duc Charles second à Jean Castellan, son aïeul 
maternel, le 3 janvier 1657, et ce pour le temps qui reste à 
expirer desdites quatre-vingt-dix-neuf années; s’offrant de 
payer les i 5 livres fixées par chacun an au fermier de la 
châtellenie de Nevers, au jour et fête de Saint-Martin 
d'hiver. 

A quoi le duc consentant inscrivait sur son brevet, accordé 
le 28 novembre 1726, que l’exposant devra continuer de 
travailler et soutenir la manufacture de verrerie, sans quoi 
la présente concession demeurerait nulle, et il serait permis 
de disposer de la grange ou halle « comme nous aviserons 
bon estre ». 

Et comme indépendamment de cette halle il lui fallait un 
logement et des magasins, Bernard de Borniol prit à loyer, 
moyennant la somme de 200 livres par an, une maison y 
jointe appartenant au prieuré de Saint-Gildard (1); puis, 
fidèle à la recommandation que lui faisait le duc de Niver- 
nais, il fit valoir la verrerie jusqu’à sa mort. 

Suivant la noble coutume de ses prédécesseurs, on le ren- 
contre sur les registres paroissiaux de Saint- Laurent, soit 
comme parrain, soit comme témoin de tous les actes impor- 
tants de la vie des verriers. 

Dès le 3 juillet 1727, il est parrain d’une fille de Charles- 
François Perrin, verrier, avec Madeleine Gaulier, veuve 

(i) Mémoire imprimé pour la dame Catherine Lévéque. (Archive» 
de la préfecture, ancienne série E. 268.) 


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Chastellain, pour marraine (i); il est aussi parrain, le 
9 janvier 1737, d’un fils de messire Antoine de Borniol des 
Rochers et de damoiselle Claire-Louise Vignaut ; la mar- 
raine se nomme Catherine Marchangy, veuve Vignaut... 

Cependant , Bernard de Borniol avait épousé en premières 
noces damoiselle Anne-Jeanne Filoix, et tous deux, le 6 mai 
1729, s’étaient fait donation mutuelle de tous leurs biens; ils 
demeuraient ensemble rue du Croux , paroisse Saint - 
Laurent. 

Devenu veuf, il se maria avec Catherine Lévéque dont il 
eut cinq enfants: i« Catherine Jacquette , baptisée le 
20 janvier 1740, et qui eut pour parrain vénérable et dis- 
crète personne messire Jacques-François de Borniol, chanoine 
de Nevers, et pour marraine dame Catherine Bernard; 
2* Pierre Bernard , baptisé le 2 janvier 1741, et qui teint 
pour parrain Pierre Lévesque , avocat à la cour ; pour mar- 
raine dame Claire- Louise Vignaut; 3 ° Claudine , baptisée le 
6 juin 1742, dont le parrain fut Claude Lévesque fils , aussi 
avocat à la cour; la marraine dame de Bèze de Nion; 
4* Claude François , baptisé le 12 décembre 1743, dont le 
. parrain fut messire Claude-François Lévesque, prêtre, curé 
de Varennes; la marraine dame Marie Bourdaloue; 5 • Jean- 
Claude , baptisé le 9 avril 1746, et qui eut pour parrain 
maître Jean Sallonyer de Nyon, avocat à la cour, et pour 
marraine damoiselle Claude Ollivier (2). 

Dans l'acte de baptême de ce dernier enfant on remarque 
qu’il est qualifié : fils de feu messire Bernard de Borniol ; le 
maître de la verrerie royale de Nevers était en effet décédé 
depuis plus de cinq mois , âgé de soixante et onze ans , et 
avait été inhumé le 24 octobre 1745. 

(1) Ce Charles-François, fils de Louis Perrin, ouvrier en verre , 
s’était marié, le 21 juillet 1723, avec Laurence Jodier, fille de Jean 
Jodier, faïencier; il se remaria en secondes noces le 10 juin 1732 avec 
Marie Boyer, veuve de Barthélemy Maux. 

(2) MÎ6 en inourrice à Montigny-aux-Amognes, il y mourut et fut 
inhumé dans l’église le 25 mars 71747. 


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— 207 — 


Il avait eu dans ses dernières années quelques difficultés 
avec son cousin Louis Castellan, fils de Michel Castellan, 
dernier maître de la verrerie, et de dame Louise Gentil. 

Resté mineur au décès de son père, ce jeune homme avait 
quitté Nevers , mais avec le dessein d’y revenir un jour, après 
s’être perfectionné dans son art, et de faire valoir ses droits. 
C’est ce qu’il fit au mois d’août 1742 , dans un mémoire où 
il rappelait les diverses lettres-patentes accordées à son aïeul 
en 1661 et i 665 , représentant d’ailleurs que par l’expérience 
qu’il a acquise dans différentes verreries du royaume où il a 
travaillé avec beaucoup d’assiduité, il est en état de travailler 
et de faire travailler à la verrerie établie par son aïeul et 
exercée par son père ; qu’outre cette expérience, il a le secret 
de ses ancêtres pour allier différents métaux et pour varier 
les couleurs du verre ; pourquoi il demandait qu’il lui lût 
permis de travailler et faire travailler en la ville de Nevers à 
toutes sortes d’ouvrages de verrerie qu’il pût faire vendre tant 
à Paris que dans les autres villes et lieux du royaume qu’il 
avisera, avec défense à toutes autres personnes de faire tra- 
vailler à aucuns ouvrages de verrerie en ladite ville , ou d’en 
faire vendre sans sa permission par écrit. 

Cette supplique resta sans effet , et le 2 décembre de la 
même année, Bernard de Borniol s’engageait envers ledit 
Louis Castellan à lui donner la place de gentilhomme pour 
travailler en cristal dans la verrerie, à commencer du 2 jan- 
vier 1743, et ce, pendant trois années , moyennant 5 o livres 
par mois, à la condition par ledit sieur Castellan de remplir 
soigneusement ses devoirs. 

Aussitôt après le décès de son mari , Catherine Lévéque se 
fit nqmmer tutrice de ses cinq enfants mineurs, par acte du 
8 novembre 1745. Au nombre des membres du conseil de 
famille figurent comme parents du côté paternel messire 
Jacques-François de Borniol, écuyer, prêtre, chanoine de 
l’église de Nevers ; Antoine de Borniol, écuyer, sieur des 
Rochers, et Louis Castellan, aussi écuyer, travaillant en la 
verrerie. 


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— 208 — 


Le 4 décembre suivant elle demandait à être maintenue en 
possession de l’état de son défunt mari et d’être autorisée à 
faire valoir la verrerie, afin de pouvoir élever ses enfants. 

Mais, d’un côté, le sieur Louis Castellan réclamait la conti- 
nuation du privilège exclusif qu’il prétend avoir été ci-devant 
accordé à son aïeul et à son père ; d’autre part , le sieur 
Antoine de Borniol demandait que le privilège de la verrerie 
royale de Nevers, dont a joui son oncle, lui fût accordé pour 
trente années ; il avait pour le soutenir M. de La Houssaye 
qui, dans une lettre datée de Paris, 4 mars 1746, et adressée 
à M. de Bernage de Vaux, intendant à Moulins, demandait 
d’être favorable audit Antoine de Borniol : « Je serai fort 
sensible, écrivait-il, à ce que vous voudrez bien faire en sa 
faveur à ma considération. » 

Toutefois, le 21 février 1747, la dame Catherine Lévêque 
recevait à l’encontre des deux compétiteurs des lettres-patentes 
octroyées par le roi pour exploiter pendant vingt ans la 
verrerie de Nevers, à l’exclusion de tous autres, attendu 
que s'il s’établissait une autre verrerie dans cette ville elle 
serait hors d’état de subsister et de procurer à ses enfants 
l’éducation qu’elle leur doit ; attendu aussi que ladite dame 
de Borniol, comptant son état aussi assuré que celui de son 
mari, a contracté les mêmes engagements; qu’elle a non- 
seulement fait des provisions de bois et autres matériaux , 
mais en a tiré encore des pays étrangers, de sorte qu’elle en a 
aujourd’hui pour environ 8,000 livres (1). 

L’année suivante, 1748, le 8 du mois de mai, un fils de 
messire Louis de Borniol, écuyer, sieur de Fourchambault, 
et de dame Marie-Catherine Meniché, son épouse, baptisé 
sous le nom de Jacques-François-Catherine, avait pour 
parrain messire Jacques de Borniol, chanoine de Saint-Cyr, 
et pour marraine dame Catherine Lévêque, veuve de Bernard 
de Borniol et « maîtresse de la verrerie de Nevers (2). » 


(1) Archives de la préfecture, ancienne série E. 268. 

(2) Le 9 juillet 1776, ce Jacques-François-Catherine, alors parois- 


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— 209 ■” 

L’accord s’était fait avec Antoine de Bomiol et Louis 
Castellan, qui tous les deux continuèrent de travailler à la 
verrerie. Ce dernier mourut en 1750 et fut inhumé, le 
19 mars , âgé de quarante-deux ans ; il avait épousé demoi- 
selle Louise Mouline (?) et ne paraît pas avoir laissé de 
postérité. 

Quant à Antoine de Borniol, on voit par les registres de 
Saint-Laurent qu’il avait eu de son mariage avec demoiselle 
Claire- Louise Vignaut , sœur de messire Jean Vignaut, curé 
de Saint-Genest, plusieurs filles, dont nous rappellerons la 
mémoire à la fin de ce chapitre. Ladite dame Vignaut mourut 
en 1754, et fut inhumée le 22 juillet, âgée seulement de 
quarante ans. 

Parmi les autres verriers de cette époque nous ne retrou- 
vons qu’un seul nom encore inconnu, celui d'Antoine 
Perta ou Perna, tiseur, qui fut inhumé le 14 février 1749, 
âgé de quarante-deux ans, en présence des garçons de la 
verrerie, Nicolas Viodet, Charles Perrin, etc. (1). Une note 
marginale indique que « cet acte a été levé le 6 juin 1781 par 
Laurent Perna, qui se dit fils de Philibert Préna , lequel 
est effectivement à la verrerie, chez M“* # de Borniol. » 

Cette note nous amène ainsi à la fin de la verrerie 
nivernaise; mais avant de raconter les derniers incidents 
de son histoire, arrêtons-nous un instant à considérer 
les œuvres de nos verriers durant cette période qui, 
pour avoir été la dernière, ne fut pas cependant la moins 
brillante. 


sien d’Apremont, se marie avec demoiselle Jeanne-Françoise Leblanc, 
fille de Henri-Charles Leblanc, notaire et procureur au bailliage, et 
de Anne Gautheron , en présence de messire Robert de Brossard , 
écuyer, maître de la verrerie d'Apremont. (Registres paroissiaux de 
Saint-Victor de Nevers.) 

(1) En 1754, Nicolas Perrin, originaire du pays de Lorraine, était 
directeur de la verrerie d’Apremont, où il mourut bientôt, et fut 
inhumé dans l’église, le 11 décembre 1735. (La Verrerie d’Apremont, 
par M. Roubet.) 

t. ii, 3 * série. ai 


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Les Borniol, en effet, dit M. Le Vaillant de La Fieffe (i), 
« excellaient dans l’art de la verrerie. Leurs ouvrages , prin- 
cipalement les glaces de miroir qu’ils soufflaient , égalaient 
en beauté, en perfection, les plus rares pièces de Venise... (2) » 
C’est à eux, croyons-nous, que revient l’honneur de ces 
beaux miroirs figurant les attributs de la Passion de Notre- 
Seigneur et qui produisent un effet si saisissant par le 
brillant des traits du dessin sur le fond mat de la glace. On 
en rencontre quelquefois dans nos contrées, et nous avons la 
bonne fortune d’en posséder un dont l’origine nivemaise 
semble ne laisser aucun doute, car il avait appartenu à 
M. l’abbé Imbert, né dans notre ville, en 1767, et mort 
en 1841 , curé de la cathédrale de Nevers. 

Un de nos collègues s est gracieusement offert à nous en 
tracer une lithographie, que nous sommes heureux d’ajouter 
à ces pages, avec le dessin d’une jolie bouteille ornée de 
feuilles de fougère, portant le nom de son propriétaire, 
Michel Riou , et la date de 1785 ( 3 ). 

(1) Les Verreries de la Normandie et les Gentilshommes et Artistes 
verriers normands , pages 272-274. 

(2) Le même auteur se plaît à citer les membres de cette nombreuse 
famille, dispersés dans un nombre considérable de localités. Ainsi : 
Le dernier février i 6 g 3 , un acte des registres de la paroisse de 
Hauville constate le décès d’Antoine de Briol , sieur de Louviers ou 
Louvière, gentilhomme servant en la verrerie de la Haule, natif de 
Nevers, âgé de trente-deux ans. Il est inhumé dans l’église dudit lieu, 
en présence de Louis de Saint-Paul, « maistre de laditte verrerie ». — 
Louis de Barniolles , écuyer, sieur de Fourchambault, travaillait, 
en 1739, à la cristallerie de Rouen, renommée par la beauté de ses 
produits, etc. Nous remarquerons ici l’incroyable variété de formes 
plus ou moins bizarres qu’a revêtues le nom des Borniol ( Bormioli ) : 
Bourgniol, Barniolles, Brigniolle, Brognolle, Brinolle, Briol, etc. 

( 3 ) Cette bouteille, en forme de gourde de chasse aplatie, et légère- 
ment évidée, avait été achetée dans le pays par M. Barat, notre 
vaillant marchand d’antiquités, faïences, émaux, etc., et par lui 
revendue à notre collègue M. Albert Blaudin-Valière, lequel a bien 
voulu nous l’offrir. Si elle est réellement nivernaise, malgré sa date 
un peu récente, c’est sans doute un des derniers spécimens de notre 


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Nous ne pouvons qu’indiquer un autre objet religieux 
sorti dans le même temps , sans doute , de la verrerie de 
Nevers, et probablement offert par le chanoine Pierre de 
Borniol au chapitre de la cathédrale. C'était une belle croix 
processionnelle en cristal, dont nous avons entendu parler 
souvent par le vénérable abbé Cassiat, mort à Nevers 
en 1868, âgé de quatre-vingt-douze ans, et qui l'avait 
admirée étant enfant de chœur, avant la Révolution. 

L'inventaire de l’argenterie et des ornements à l’usage de 
l’église épiscopale et paroissiale deSaint-Cyr, dressé en 1792, 
la mentionnait en ces termes : « Trois croix processionnelles, 
une d’argent doré et son bâton, une autre d’argent et son 
bâton, la troisième de cristal de roche et son bâton d’ar- 
gent. » 

Après cela, nous ne saurions nous étonner de lire dans le 
Nouveau voyage de Frdnce , géographique , historique et 
curieux , publié en 1778, à Paris, par M. L. R..., qu’après 
les églises et autres monuments qu’il faut voir à Nevers, le 
lieu le plus remarquable est dans la Grande-Rue (1), la 
verrerie, qu’on peut appeler le petit Muran de Venise, 
« pour la singularité des différents ouvrages de verre qui s’y 
font. 1 

Déjà le gentilhomme français auteur du Journal d'un 
voyage de France et d'Italie , en l’année 1661, écrivait : 
« Les habitants de Nevers sont, dans la verrerie, de vérita- 
bles imitateurs des Vénitiens de Murano et des Faentins, 
dans la fayence, et les contrefont avec tant d’artifice que la 

verrerie artistique. Il est à remarquer, d'ailleurs, que nos faïenciers 
faisaient de semblables bouteilles, ornées de sujets de chasse ou 
autres, et les verriers remplaçaient habilement les peintures plus ou 
moins rustiques par de très-fines gravures. 

M. Blaudin-Valière possède aussi , dans sa riche collection de curio- 
sités de toutes sortes, quelques beaux verres à la façon de Venise ou 
d’Altare, des boîtes à confitures, des compotiers , etc. 

(1) C'est encore ainsi que les anciennes personnes de la ville dési- 
gnent la rue de la Tartre. 


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212 


ville de Nevers, pour cet article, peut estre appellJe une autre 
ville de Muran et de Fayence : Si vous leur faites monstrer 
les ouvrages les plus curieux, vous les admirerez comme 
autant de chefs-d’œuvre de l’art, lesquels ne font pas moins 
paraître leur industrie à faire des bagues, des pendants 
d’oreilles et autres joyaux qu'ils viennent vous présenter à 
votre arrivée et que vous acheptez sans pouvoir vous en 
deffendre (i). » 

La verrerie de Nevers n’avait donc rien perdu de son 
ancienne réputation. 

Malheureusement, les comptes de la ville se bornent à 
indiquer d'une façon sommaire les sommes payées aux 
verriers. Ainsi , en 1730 : Payé à la veuve Chastellain et au 
sieur de Borniolle la somme de i 5 o livres pour cristaux 
.offerts à M me la princesse de Conty, et l’état détaillé des 
fournitures, qüi 'devait se trouver aux pièces justificatives 
des comptes, fait défaut. On ne saurait trop le regretter en 
lisant les états fournis par les émailieurs pour les présents 
par eux faits, sur l'ordre des échevins, à ladite princesse : 

Le sieur Mourillon , émailleur, déclare avoir fourni : sept 


(1) A Paris, chez Jean Dupuis, rue Saint-Jacques, à la Couronne-d'Or. 
MDGLXV. — Un écrivain du dix-septième siècle, cité par M. Schuer- 
mans, dans sa cinquième lettre dont il a bien voulu nous communi- 
quer les épreuves, compare aussi la verrerie d'Anvers à Hlede Murano, 
près de Venise, et son transcripteur, plus explicite encore, en trace ce 
tableau que nous pouvons bien également nous approprier : « Quand 
vous êtes entré dedans (la verrerie), le feu ne s'éteint jamais; les 
fournaises regorgent toujours de ces charbons liquides et coulants, 
vous jureriez que ce n’est point du verre, mais une fontaine de feu 
où chacun des ouvriers a sa tâche; l'un gaigne sa vie en soufflant, 
l'autre en tournant; les uns donnent la teinture au verre, les autres 
y appliquent l'or et l'argent. La matière est susceptible de toutes les 
formes, se joue de l'esprit des artisans, prenant plus de figures que 
leur imagination n’en peut représenter, et le feu, qui ne semble bon 
qu'à détruire, fait des productions admirables, convertissant du sable, 
des cailloux, de la cendre, du plomb, en un beau verre ou en quel- 
que autre vase de parade pour le buffet d'un prince. » 


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XVIII* SIÈCLE.— BOUTEILLE EN FORME DE GOURDE APLATIE 


(Collection de M. l'abbé Boutillier). 


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ÉPOQUE DES BORNIOL 


MIROIR AUX ATTRIBUTS DE LA PASSION 



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— 2 l 3 — 


grandes figures de fausses divinités, à 6 livres pièce ; deux 
amours à devise, à 3 livres pièce ; quatre bergeries, à 2 livres 
pièce ; un cylindre, une pomme de canne, deux râpes de la 
même façon que la pomme, une bourse de petits grains des 
plus fins, une paire de mulle cte petits grains , une paire de 
bracelets de petits grains superfins. 

Le sieur Boulliot, aussi émailleur, fournit: vingt-six 
figures, à 2 livres pièce, et deux figures de dévotion, à 
6 livres; un cylindre, douze corbeilles ; douze cygnes qui 
vont sur l’eau , à 1 5 sols pièce ; cinq paires de bracelets , à 
4 livres la paire ; sept bouquets des plus beaux, à 2 livres 
pièce ; deux douzaines de papillons, trois grosses de fleurs, à 
10 livres 16 sols la grosse (1). 

Le compte de 1741 mentionne aussi sommairement que 
celui de 1730 la somme de 55 o livres délivrée « au sire de 
Bourgniolle », maître de la manufacture royale de la verrerie 
de Nevers, pour cristaux présentés à madame l'Intendante (2). 

Cependant, les archives du département nous ont conservé 
plusieurs des derniers registres des livraisons faites par 
M me de Borniol, et en parcourant ces pages on croit un 
instant voir revivre le magnifique étalage de notre murano 
nivernais. 

A la fin de novembre 1754, expédition est faite à M. Cris- 
tiane, à Moulins, — sans doute pour les étrennes, — de 
douze douzaines d'oiseaux , à 18 sols la douzaine; deux 
douzaines de chiens , au même prix; quatre cerfs , taxés 
6 sols ; deux douzaines d 'animaux, à 18 sols; quatre dou- 
zaines de petits oiseaux , à 6 sols la douzaine ; seize bouque- 
tiers. Au mois de janvier 1755 , il est envoyé au même, par 
le carrosse, quatre douzaines d’animaux, à 40 sols la dou- 
zaine ; six tourniquets pour balancier, à 10 sols pièce; douze 
douzaines de petits oiseaux à épingle , à 1 livre 16 sols ; 
deux montres , à 14 sols. Au même encore, le mois de juillet 


(1) Archives communales de Nevers, série CC. 3 i 5 . 

(2) Idem, série CC. 202. 


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— 214 — 


suivant, il est expédié douze christs d'émail avec les têtes de 
morts et écriteaux, à 15 sols pièce, qui font 9 livres; huit 
figures de quatre pouces, à 40 sols pièce ; deux pyramides à 
deux bras , de douze pièces chaque, etc. 

Dans le mois de mai 1753, envoi est fait à M. Roselet, 
marchand de cristal à Lyon, sur le quai des Augustins, de 
vingt-quatre figures a crotexe », à 14 livres la douzaine; 
dix-huit balanciers , à 12 livres la douzaine, etc. 

Il serait trop long d’énumérer en particulier les articles 
curieux expédiés aux divers marchands de faïences et de cris- 
taux de Moulins, de Bourges, d’Orléans, de Clermont, de 
Riom ; de Paris, près l’horloge du Palais, rue Saint-Denis et 
rue Joffroy-l\Aîné ; de Lyon, près le Change, rue Saint-Jean 
et quai des Célestins ; de Saumur, de Bordeaux; — aux 
marchands bijoutiers et miroitiers de Montpellier et de Lyon. 
Mais on nous saura gré, sans doute, d'indiquer sommaire- 
ment les différents objets fabriqués par nos verriers avec 
leurs principales variétés. 

Premièrement, les verres et gobelets sont ainsi désignés 
sous le même nom (1) : gobelets d'office d’une ou de deux 
pièces , gobelets à fondot , gobelets à anse , gobelets à pied à 
demi-côte , gobelets à côtes , gobelets à fleurs de trois ou de 
quatre pouces , gobelets à la choveline de deux, trois et quatre 
pouces de haut, autres gobelets à fleurs de six pouces de 
haut, gobelets à la capucine , petits gobelets à glace. — Nous 
sommes heureux, grâce à la générosité tout aitnable d’un de 
nos collègues , de présenter ici le dessin d’un de ces charmants 
gobelets à côtes et à anse offert sans doute par M œe de Borniol 
à sa noble voisine, Marie-Claire de Saillans,la dernière abbesse 

(1) Il est à peine besoin d’observer ici que généralement, dans les 
verreries, les verres à boire reçoivent différentes dénominations. 
Tandis que le verre de forme cylindrique, reposant sur un fond plat, 
est désigné sous le nom de gobelet , celui qui est composé d’une coupe, 
d’une jambe et d’un pied, est désigné sous le nom de verre . On voit 
cependant qu’à la verrerie de Nevers on désignait ces derniers sous le 
nom de gobelets à pied. 


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Fabrique de M me de Borniol 




GOBELET à côtes et a anse | Grandeur nature ) 
appartenant à M r le Docteur Robert-S’- Cyr Fils. à Nevera 


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Nfvtrrj imp-Tny 4 ' l'atiterf. 


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— 2 l 5 — 


de Noire-Dame de Nevers (1763-1791), dont le nom et les 
armoiries sont très-artistement gravés sur le cristal (1). 

Parmi les autres objets usuels viennent ensuite les fioles 
ou carafes « à ognions * , les bouteilles à glace , — carafes 
à Peau, carafes dechopine et de septier, carafes de demi- 
septier à anse, carafes en pot à bière, carafes à goulot, les 
carafes à la bonne femme , qui sont les plus demandées, 
carafes à la vil roy, les prêtresses et les aiguières; — puis 
les soucoupes et sucriers, — les compotiers brillants, à côtes 
ou unis, — les boîtes à confiture avec leurs couverts, — les 
tasses à glace ou à neige, — les saliers à pied ou à griffe, — 
les assiettes, — les cuvettes avec huiliers et bouchons à fleurs 
de lys, — les moutardiers avec leurs cuillères ; — les pièces 
de dessert ou pyramides à deux bras en cœur ou à quatre 
bras à fleurs; — les lampes rondes ou lamperons, pour 
mettre dans des chandeliers, les lampes à la jésuite, les 
lampes d’église, les lampes à,. trois ou quatre tuyaux, les 
veilleuses ou lampes de nuit avec bobèches, les fallots avec ou 
sans pied, les lanternes avec ou sans chapiteaux, les lanternes 
en cul de marmite, les flambeaux de toilette, les bougeoirs ; 
— les pots à fleurs à deux, trois ou quatre bras, les flacons 
de poche ; — les écritoires à pompes ou à tuyaux, à bobèche, 
à trois trous avec le cornet; — les cuvettes et burettes pour la 
messe ; — les bénitiers de formes très-gracieuses et variées et 
dont on rencontre encore de fort jolis spécimens ; — des 
niches à vierges, des bocaux, etc. (2). 

(1) M. le docteur Robert Saint-Cyr fils, outre ce précieux objet, pos- 
sède aussi un très-beau pastel représentant l'abbesse de Nevers. Ce 
tableau et le verre proviennent de la succession de Boucaumont, 
veuve de l’ancien député de la Nièvre et maire de Nevers, alliée à la 
famille de Saillans. 

(2) Jusqu’aux objets d’usage plus vulgaire réservés jusqu'alors aux 
faïenciers : les cuvettes de garde-robe, les < hurinoirs », les abreu- 
voirs à moineaux, etc. — Ajoutons encore que le 12 juin 1754, il est 
envoyé à M** la générale de La Motte cinq cents fioles, à 35 livres le 
cent, qui font 175 livres; à la même, le i 3 juillet 1755, neuf cents 
fioles, qui font 3 1 5 livres; à la même, * à présent de Carabiahit », 


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Ce n'est pas tout. Les registres de livraisons de M m# de 
Borniol nous font aussi connaître le très-curieux détail des 
fournitures faites aux émailleurs non-seulement de Nevers, 
mais d’Orléans, de Paris, de Saint-Germain-en-Laye, de 
Saumur, etc. 

On se rappelle que Louis Castellan se vantait d'avoir le 
secret de ses ancêtres pour allier différents métaux et pour 
varier les couleurs du verre ; aussi bien nos émailleurs trou- 
vaient-ils à la verrerie les tubes de verre de toutes couleurs 
et les baguettes ou canons d’émail de verre solide, également 
de toutes couleurs, nécessaires à la confection de leurs 
gracieux ouvrages (i). 

Dans les deux années 1753 et 1754, l'émailleur de Nevers 

veuve du général de La Motte, rue de Richelieu, vis-à-vis les écuries 
de feu la duchesse d’Orléans, huit cent quinze fioles, à 7 sols 
pièce; et en janvier 1765, cinq cent quatre-vingts fioles, à 35 livres 
le cent. 

(1) Dès leur arrivée à Nevers, les verriers et les émailleurs avaient vécu 
dans une parfaite union; les émailleurs, nous l'avons précédemment 
constaté (p. i63), complétaient les œuvres des verriers. Ccst ainsi que 
dans le midi de la France, en i6o5, Raymond de Forgues, chevalier, 
agissant au nom du duc d’Epernon, commandait à « Albert Diades , 
émailleur du Roi , deux lampes en forme de chandeliers, à pandre au 
planché, de pareille façon que ceux qu’il a ci-devant faict pour le Roy, non 
toutefois de cuyvre, mais de bois doré d’or de fcuilhe et garny de cristal 
de veyre. » (Bulletin de la Société historique de la Charente , 5' série, 
t. IV, année 1881). Or, ce Diades nous paraît avoir une grande parenté 
avec les Dièdes qui , dans le même temps, se rencontrent à Nevers. 
M. du Broc de Segange ( La Faïence, les Faïenciers et les Émailleurs 
de Nevers , p. 252), a cité, d’après les registres de la paroisse Saint- 
Sauveur, noble homme François Dièdes, émailleur du Roi, le 5 sep- 
tembre 1628; — mais plus anciennement, nous rencontrons Martin 
Dièdes, émailleur de Mgr le duc de Nivcrnois, comme acquéreur, le 
22 février 1 588, du lieu de La Tournelle, aujourd’hui appelé la vieille 
verrerie ; — le 2 avril 1592, ledit Martin en fait donation à Charles 
Dièdes, son fils; et le 9 janvier x6i3, adjudication par décret en est 
faite au sieur Ponté. (Arch. hospitalières de Nevers, B. 9.) 

Il nous a paru intéressant de signaler à nos confrères du Midi ce 
rapprochement entre leurs émailleurs et ceux du centre de la France. 


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— 217 — 

Mourillon (i) prend chez M m * de Borniol 26 livres de 
canon blanc ou blanc massif, à 32 sols la livre; — 23 livres 
à* aigue marine , au même prix; — 5 mailes (2) de bleu , à 
6 livres chaque maile; — quatre mailes de vert, à 4 livres 
10 sols; — une maile de jaune, à 8 livres; — une maile de 
couleur de cheveux , à 5 livres 10 sols; — trois mailes de 
gris de lin , dont deux à 5 livres 10 sols chacune, l’autre 
pesant trois livres, évaluée 8 livres 5 sols; — 12 livres de 
noir , à 26 sols, etc.; les garçons ou apprentis du sieur 
Mourillon ont soin de se faire donner une livre de cristal et 
quatre livres et demi de canette , qui sont aussi portés sur le 
compte. 

Parmi les autres livraisons de M me de Borniol , nous 
remarquons la couleur feuille morte , à 40 sols la livre ; — 
une maile de couleur de chair , à 3 livres 4 sols, fournie à 
Claude Dufour, émailleur de Nevers ( 3 ) ; — le canon 
couleur chocolat , à 40 sols la livre ; — le canon roche , le 
canon chambourin, le canon noir ; — le blanc de lait, 
à 32 sols la livre, le violet, Vaméthyste, au même prix, etc. 

Tous ces détails, bien que sommaires , suffisent à justifier 
l’admiration que témoignaient autrefois les étrangers pour 
les verreries et les émaux de Nevers; et sans doute, à l’exemple 
de nos collègues déjà cités, d’autres amateurs se rencontre- 
ront qui voudront recueillir et collectionner avec ardeur les 
épaves, malheureusement bien rares, à cause de leur trop 
grande fragilité, des productions de nos artistes verriers. 


(1) Il signe ainsi : Mourillon , mais on l’écrit habituellement 
Morillon , et M. du Broc l’a désigné de môme dans les Émailleurs de 
Nevers , p. * 55 . 

(2) Mailes ou pains. Les émaux de diverses couleurs étaient mis en 
branches ou en pains pour l'usage des émailleurs. 

( 3 ) Une note portée au registre observe ici que M. Dufour a laissé 
à prendre sur ce qu’il doit à ladite dame 41 livres 10 sols sur 
M. Roselet, pour des figures d’émail qu’il lui a envoyées. (Voir plus 
haut, page 214, les envois faits à M. Roselet, marchand de cristal 
à Lyon). 

t. 11 , 3* série. 22 


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— 2 I 8 — 


Revenons à la dame Catherine Lévêque, veuve de messire 
Bernard de Borniol et dernière maîtresse de la verrerie. 

La crise industrielle, qui commençait alors à se faire 
sentir si péniblement en France, avait eu à Nevers un 
contre-coup bien menaçant. Le 5 septembre 1743, le Parle- 
ment enregistrait un arrêt du conseil revêtu des lettres- 
patentes, fîxant à onze le nombre des manufactures de faïence 
de notre ville et ordonnant qu’au fur à mesure qu’elles tom- 
beraient elles seraient réduites à huit. La manufacture de 
verrerie et cristallerie royale de Nevers , comme elle s'intitu- 
lait alors, ne pouvait manquer de ressentir le même malaise 
général. 

En 1771 , M me de Borniol adresse au lieutenant-général du 
bailliage de Saint- Pierre-le-Moûtier une supplique, disant 
qu’elle a éprouvé dans l'exploitation de la verrerie de Nevers 
des pertes si considérables , soit par l'affaiblissement du com- 
merce, soit par l’augmentation excessive du prix de travail 
des ouvriers et des matériaux nécessaires pour la fabrication, 
qu’elle s’est trouvée tout-à-coup surchargée par les dettes et 
réduite à l’impuissance de les acquitter dans les termes quelle 
a pris, pourquoi elle recourt à l’abandon de ses biens, si 
mieux n’aiment ses créanciers lui accorder le terme de douze 
années pour les payer, sans intérêts ni frais. Elle espère, en 
effet , si les créanciers se prêtent à lui donner du temps, 
reprendre le travail de la manufacture qui , joint au produit 
de ses domaines de Vauzelle et de Roze, en la paroisse de 
Varennes , et autres locatures suffira pour les acquitter dans 
le temps qu’elle demande. 

Le tribunal de Saint-Pierre-le-Moûtier accueillit favora- 
blement cette courageuse supplique, et le 23 août de 1a 
même année 1771 il octroyait à la dame de Borniol commis- 
sion pour faire assigner ses créanciers à la fin de sa requête. 

Au mois de février 1775, lors de la cessation des travaux, 
Jacques François de Borniol, écuyer, sieur de Fourcham- 
bault, neveu de Bernard de Borniol, qui avait quitté Nevers 
et s’était retiré d’abord à la Morellerie, en Anjou, puis s’était 


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— 219 — 


rapproché de son pays natal en venant travailler à la verrerie 
d’Apremont, revint définitivement à Nevers et se joignit à la 
dame Catherine Lévêque pour adresser une supplique au roi, 
demandant à Sa Majesté de leur accorder conjointement le 
privilège de faire valoir la verrerie de Nevers, attendu que 
les deux fils de ladite dame ne peuvent continuer la profession 
de leur père, l’un étant au service de Sa Majesté, l’autre 
prêtre et chanoine de la cathédrale (i). 

La permission fut accordée par le roi , en son conseil , le 
21 février, mais elle ne paraît pas avoir eu de résultat bien 
sérieux , et il fallut peu après en arriver à l'abandon complet 
de la verrerie... 

C’est aussi dans le même temps que fut établie , vers 1 780 
ou environ, près le pont de Loire, au lieu dit le Canton 
fertile , par un M. Guynet, une verrerie à bouteilles, qui 
n’eut d’ailleurs qu’une existence éphémère , bien que le sou- 
venir s’en soit perpétué par le nom de la rue de la Verrerie . 

Le 11 germinal an II de la République, en conséquence 
d’un arrêté du citoyen Noël Pointe, représentant du peuple, 
qui chargeait le citoyen Gazeran, commissaire du comité de 
Salut Public, de mettre en réquisition, dans le plus bref délai, 
la verrerie de Nevers délaissée, pour le service des fonderies 
de canons du département de la Nièvre; ledit citoyen Gaze- 
ran, assisté des citoyens Martin, membre de la Commune, 
et Talbotier, administrateur du district , se transportait à 
ladite verrerie, « qu’ils ont trouvée abandonnée depuis 
environ trois années par les propriétaires et fermiers...; non- 
seulement tous les lits et meubles avaient été retirés des 
bâtiments par le citoyen Guynet, mais les sept huitièmes des 
fers, outils et ustenciles nécessaires à l’exploitation d’une 
verrerie avaient été enlevés ». 

La verrerie consistait dans deux grandes halles contenant 

(1) Sur le registre des livraisons de M** de Borniol on voit, de 
temps en temps, qu'il a été fait traite sur tel débiteur, au profit de 
M. Damour, prieur des Jacobins de Bourges, pour payer le quartier 
de la pension de Borniol (son fils) au séminaire. 


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220 


chacune un grand four de fusion et six cargaises ou fourneaux 
servant à recuire les bouteilles, avec des plaques de fonte de 
fer de 2 pieds de hauteur sur 18 à 20 pouces de largeur, 
servant auxdits fourneaux ; deux vieilles chaudières de fonte 
de fer et une en mitraille de 2 pieds de diamètre ; une éburge 
ou pelle de fer pour placer les pots dans le four de fusion et 
dont le manche a 18 pieds de longueur sur 2 pouces en 
carré. 

Dès cette époque se trouvaient aussi déposés dans la a cy- 
devant église Saint-Laurent », la vieille église tant aimée des 
anciens gentilshommes verriers , quantité de pots de 
23 pouces de diamètre sur 24 pouces de hauteur, « qui ne 
peuvent servir qu’à faire des briques de verrerie , vu le mau- 
vais état où ils se trouvent » ; du ciment de verrerie tamisé 
pour en faire des pots , des pierres composées de sable et 
d’argile, etc. 

C’est dans les bâtiments de la verrerie de M. Guynet que 
M. Neppel, de Paris, établit en 1816 la fabrique de porce- 
laine qui, depuis, s’y est maintenue avec honneur... 

Quant à la verrerie des Borniol, la dernière mention s’en 
retrouve dans les registres d’adjudications des biens nationaux 
de la ville de Nevers, où est inscrite, à la date du 17 août 
1791, la vente de la maison dépendante du ci-devant prieuré 
de Saint-Gildas , située rue de la Tartre, n° 184, avec un 
passage le long de la halle de V ancienne verrerie , le tout 
adjugé moyennant la somme de 6,000 livres. 

Malheureusement, le vieux numérotage de la ville dispa- 
raissant tous les jours, quoique fortement et très-habilement 
gravé dans la pierre, le n° 184 n’existe plus (1). 

(1) La façade de cette maison avait été reconstruite. On trouve dans 
les comptes de la ville (CG. 333 ) cette note de 1770 : « Au sieur Bou- 
teix, chanoine régulier et procureur de Saint-Martin, fondé de la 
procuration du sieur prieur de Saint-Gildard, indemnité de 400 livres 
pour la démolition et reconstruction de la face de la maison appelée 
c la Verrerie p, qui formait une avance de sept à huit pieds sur la 
voie publique. » 


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— 22 


Mais nous savons que la fabrique de faïence dite de 
Bethléem, établie aussi dans la rue de la Tartre, et qui porte 
aujourd’hui le n° 6, tenait, du couchant, à la maison de 
Saint-Gildard ; or, au-dessous de la porte de cette ancienne 
manufacture, bien facile à reconnaître par la petite niche à 
dais gracieusement sculpté qui la surmonte, on distingue 
l’ancien n* 1 83 , puis, un peu plus bas, du même côté de la 
rue, sur une autre maison, on rencontre le n° 186 ; il n’y a 
donc pas à hésiter sur l’emplacement précis de la dernière 
verrerie et cristallerie royale de Nevers. 

En vain, d’ailleurs, chercherait-on auprès des habitants 
de cette rue de la Tartre, qui pendant plus de deux cents ans 
a vu les verriers à l’œuvre , le plus modeste souvenir d’une 
industrie autrefois si florissante et l’orgueil de la cité ; tout, 
même le nom de la verrerie, est tombé dans le plus profond 
oubli... 

Le nom des Borniol est également très-peu connu, bien 
que remis en honneur, il y a quelques années, en 1868, par 
un de nos collègues , dans la personne d’un des membres de 
la branche qui portait le titre de sieurs de Fourchambault (i). 

Des deux fils de M m# de Borniol des Rochers, le plus jeune, 
Claude-François, qui était militaire, quitta sa ville natale et 
épousa, en 1783, en la ville de Saint-Marc, île et côte de 
Saint-Domingue, dame Marie-Catherine- Espérance-Emilie- 
Alexandre d’Hanache, fille de défunt Jérôme-Marie-Hugues- 
Alexandre d’Hanache, ancien capitaine de cavalerie, cheva- 
lier de Saint-Louis, veuve en premières noces de Marguerin- 
Philippe de Briou , substitut honoraire au Parlement , l’un 
des conseillers à la Cour des aides de Paris. Claude de Borniol 

(1) M. de Laugardière, aujourd’hui conseiller honoraire à la cour 
d'appel de Bourges, alors substitut à Nevers, avait recueilli à cet effet 
un grand nombre de documents qu'il a bien voulu nous communiquer, 
parmi lesquels l'acte d'inhumation dans le cimetière de la paroisse 
d'Ivoy-le-Pré (diocèse de Bourges) de Jacques-François-Catherine de 
Borniol, écuyer, sieur de Fourchambault, époux de dame Jeanne- 
Françoise Le Blanc, directeur de la verrerie dudit Ivoy-le-Pré. 


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— 222 — 


est alors qualifié , sur son contrat de mariage , de maître de 
la verrerie royale de Nevers, capitaine au régiment du Cap et 
de présent en la ville de Saint-Marc, île et côte de Saint- 
Domingue. Il fut nommé chevalier de Saint-Louis le 12 août 
1 784. De son mariage il eut un fils, Adolphe-H enry-Gratien, 
qui , à la révolution de Saint-Domingue , fut embarqué pour 
l'Angleterre et incorporé dans l’armée, puis vint en France, 
où il quitta bientôt le service militaire, et mourut à Paris en 
1 858 . Il s’y était marié et avait eu un fils, Henri-Joseph de 
Borniol, marié en 1 863 dans Téglise Saint- Philippe-du- Roule, 
et aujourd'hui père de dix enfants (t). 

L’aîné des frères Borniol, Pierre-Bernard, prêtre, chanoine 
de la cathédrale, qui avait été pourvu en 1779, par le duc de 
Nivernais, de la chapelle de Sainte-Marie-Madeleine, érigée 
et dotée au château de Nevers par la comtesse Mathilde, 
quitta aussi la France à la Révolution. On raconte qu’avant 
de partir il eut le courage de se présenter à l’assemblée popu- 
laire de Nevers , où il adressa de vifs reproches à ses cçnci- 
toyens sur leur intolérance et leur mépris de la religion, 
déclarant qu’il ne voulait plus demeurer dans un pays indigne 
de posséder les anciens ministres de la religion de Jésus- 
Christ, et qu’il n'y rentrerait pas. Il émigra au Canada, où 
il fut curé sur les bords du fleuve Saint-Laurent (2). 

Cependant, en i 8 o 5 , une fille d’Antoine de Borniol, demoi- 
selle Jeanne-Catherine, vivait encore à Nevers. Ayant perdu 
toute trace de sa famille, et animée de l’esprit religieux de 
ses ancêtres, à l’exemple de la demoiselle d’Albane, la noble 
veuve d’Horace Ponté, elle voulut employer à de bonnes 
oeuvres ce qui lui restait de sa fortune. A la date du 6 ther- 
midor an XIII, elle fit don à la fabrique de la paroisse 
Saint-Cyr de Nevers, l’antique cathédrale qui venait de rou- 


^1) Oest M. Henri de Borniol qui, lui-même, très-obligeamment, 
nous a donné connaissance de ces derniers documents sur sa famille. 

(2) Notes verbales recueillies de M. l’abbé Cassiat, doyen d’àge du 
clergé nivernais. 


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— 223 — 

vrir ses portes, d’une maison sise à Nevers (i), et en laquelle 
elle demeurait , près de l’hôtel de la préfecture (c’est-à-dire 
Y Évêché, alors supprimé) ; ladite maison à elle apparte- 
tenant, tant de son chef que comme héritière de feu 
M Ue Eugénie-J acquette Borniol, sa sœur, et dont elle se* 
réservait la jouissance sa vie durant. 

Les charges imposées à la fabrique étaient de faire célébrer 
dans ladite église de Saint-Cyr, à perpétuité, le 23 prairial 
(ou 12 juin) un service solennel et quatre messes basses, pour 
le repos 4 e l’âme de feu ladite demoiselle E.-J. Borniol, 
décédée le 23 prairial dernier, et semblables service et messes 
à l’époque du décès de ladite demoiselle Catherine. Un décret 
de l’Empereur, daté de Boulogne, le 20 thermidor (18 août 
j8o5), approuvait cette donation; et depuis, chaque année, 
le 1 5 du mois de juillet, un service est célébré et quatre 
messes sont dites à la cathédrale aux intentions de noble 
demoiselle Jeanne-Catherine Borniol des Rochers, décédée 
le 14 juillet 1806, et le 12 juin pour Eugénie-Jacquette de 
Borniol- Sully (2). 

(1) C’est la maison formant l’angle de la place de l'Évêché avec la 
rue de Loire, et qu’habitait dans ces derniers temps Mgr Crosnier. 

(2) Archives du chapitre de la cathédrale de Nevers. 


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— 224 — 


CHAPITRE V. 


ANCIENNES VERRERIES ÉTABLIES EN NIVERNAIS. 


Les verres de fougère et de pierre sont mentionnés dès le quinzième 
siècle dans les comptes de rhôtel de ville de Nevers. — } i**. Verre- 
ries du Four-des-Verres, de Giverdy, du Chambon, de La Charité, 
de Saint-Amand-en-Puisaye. — Principales familles des verriers 
français, italiens et lorrains: les Despaillards, les de Finance, du 
Houx, de Borniol ; les Castellan, les de Virgille, de Brossard, de 
Sarode. — § 2. Verreries du Morvand : La Boue, Chenambret, 
Roussillon , Apponay, Vandenesse. — Autres familles de verriers : 
les de Ponard, de Balorre, de Chargères, de Bégots, de Breton, de 
Marin, de La Godine. — ? 3. Les d’Hennezel et les verreries de La 
Nocle, Prunevaux et Nolay, Bois-Giset, Marsendé, Avril. — Impor- 
tance de la verrerie de Bois-Giset , ses nombreuses et considérables 
livraisons de verre en table ou verre à vitres blanc ou de couleur, 
de grosses bouteilles (ou flacons de verre) carrées et plates assorties ; 
— curieux documents relatifs à un projet d’émigration en Italie, à 
Montenotte, par l'intermédiaire des verriers italiens de Nevers, 
d’une colonie de verriers lorrains du Bois-Giset, pour y établir une 
fabrique de verre en table. — Verrerie de Fours, dite de Sainte- 
Catherine, pour la fabrication du verre en table; on y fait aussi le 
verre de gobeléterie ; — verreries de Decize. 

Les privilèges royaux accordés à diverses époques en faveur 
des verreries de cristal contenaient, on s’en souvient (1), une 
curieuse restriction sur laquelle il convient, au début de ce 
chapitre, d’attirer tout spécialement l'attention : « N’enten- 
dons toutefois, portent les lettres-patentes de 1597, préju- 
dicier aux verreries de Feugère et de Pierre qui se trouveront 
establies et s’establiront cy-après ès environs de nosdictes 

(1) Privilèges de 1597, p. 1 3 1 ; — 1661, p. i83. 


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— 225 — 


villes. » Et en 1661, dans le privilège concédé à Jean Cas- 
tellan de transporter ses ouvrages aux marchés publics du 
royaume, notamment sur la rivière de Loire, depuis Nevers 
jusqu’à Poitiers, à l’exclusion de tous autres marchands, 
c à l'exception toutefois, est-il dit aussi, des verres de Venise 
et des verres de fougère verte qui n'auront été mis en cou- 
leurs, lesquels peuvent être débités et vendus dans toute 
l’étendue du royaume, en la manière accoutumée. » 

Un auteur cité par M. Schuermans (i) avait pensé que 
Feugère et Pierre sont les noms de deux fabricants; mais, 
ajoute le sagace historien des Verres fabriqués aux Pays- 
Bas, il y a lieu de se demander s’il ne s’agit pas de genres de 
fabrication. En effet, dirons-nous en empruntant sa pensée, 
la verrerie se servait de cailloux blancs pour fournir la silice 
nécessaire à la fabrication du verre (2) ; de là, la dénomination 
de « verrerie de pierre ». Quant à celle de « verrerie de feu- 
gère ou fougère », elle rappelle les verres faits de cendres de 
fougère ( 3 ). De plus, Savary divise aussi les verres à boire en 
deux classes : les verres en cristal et les verres de fougère (4); 
d’où la conclusion que les privilèges nouveaux concédés 


(1) IV* lettre sur les verres fabriqués aux Pays-Bas, p. 114. L’auteur 
cité est Poirson, Histoire du règne d'Henri IV, 2* partie, i* r volume, 
p. 81. 

(2) Voir chapitre II, p. 154, les achats de cailloux blancs de Mou- 
lins et d’Étarapes. 

(3) Le Dictionnaire universel des mots français, de Furetière, 
s’exprime ainsi : Fougère ou Feugère, petite herbe qui croist dans 
les bois; elle sert principalement à faire du verre, après qu’on l’a 
réduite en cendre, à cause de la quantité du sel alcali qu’elle contient. 
— Des verres de fougère. — D’après Honnorat, en son Dictionnaire 
provençal , le mot fougère (très-souvent sous la forme feugère, feu- 
chière), viendrait de foc ou foug,feu, et signifie la plante de teu ou 
destinée au feu t parce qu’on fait brûler la fougère pour en obtenir de 
la potasse. 

(4) Dictionnaire de commerce publié en 1742. — Je m’étonne que cet 
auteur ne parle, au mot Nevers , que de nos faïences et point du tout 
de nos verreries, qui furent pourtant aussi célèbres. 

t. 11 , 3* série. 23 


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aux gentilshommes italiens ne pouvaient préjudicier à ceux 
qui avaient été accordés aux anciens verriers (i). 

Or, l’usage des verres de pierre et de fougère est mentionné 
à Nevers, dès le quinzième siècle, dans les comptes de 
l’hôtel de ville. 

Pour la première fois, en 1473, il est donné à un nommé 
Pelusse (?) 2 sols 1 denier pour verres de lui achetés ; — en 
1493, Guillaume Pelace reçoit 3 sols 4 deniers tournois 
pour douzaine et demie de verres par lui livrés, pour 
donner à boire , le premier jour de mai, au bail des fermes 
de la ville, « lesquels verres sont demourez en Phostel de 
ville ». Cette même année, il est aussi donné à Jean Butin , 
verrier, 5 sols tournois a pour verres qu’il a baillés et fournis 
le jour des Trespassés et lesquels il a laissés en l’ostel de 
ville ». 

En 1497, le receveur délivre 6 sols 8 deniers tournois à 
Jehan Boudin, verrier, pour « verres de pierre par luy baillez 
pour mettre à boire le jour des Trespassez , lesquels sont 
demeurés audit ostel (2) ». 

En 1 5 o 3 , le feu s’étant pris à Nevers près de l’église Saint- 
Arigle, la ville donne un demi-tonneau de vin aux compa- 
gnons qui s’étaient occupés à l’éteindre ; et pour les faire 
boire, André Méliart fournit, pour le prix de 10 deniers 
tournois, une demi-douzaine de verres de fougière. 

En i5o 4, il est donné, comme en 1497, la somme de 
6 sols 8 deniers à Jean Brein, verrier, pour deux douzaines 
de verres et deux « esguères de pierre » par lui vendues pour 
donner à boire aux personnes assistant au bail des fermes de 
la ville. 

(1) M. Schuermans traite magistralement cette si intéressante ques- 
tion des verres de fougère et de pierre au commencement de sa 
sixième lettre, qu’il a bien voulu nous communiquer et qui doit 
bientôt paraître. 

(2) Dans le même temps, on rencontre dans la chronique de J. de 
Troye (1478), ce texte curieux : « N’y estoient trouvé que beaux verres 
et esguière d e verre et feugière ». (Citation de M. Schuermans.) 


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En i5o6, il est donné 5 sols tournois seulement à « Jehan 
Botin, voyrier », pour « voirres , tant de pierre que 
autrement », par lui fournis pour donner à boire à ceux qui 
menaient sur les fermes de la ville. 

En i5io, lors de la venue du roi Louis XII à Nevers, il 
fut donné à Huguet le verrier 5ç sols 6 deniers tournois 
pour plusieurs verres, dont la pluspartont esté cassez... » 

Il n'y a pas à douter que ces verres de pierre ou de fougère 
ne fussent fabriqués en Nivernais, et tout naturellement 
nous revient à l'esprit un ancien texte déjà cité : Sunt et 
officinœ vitriariœ ..., ubi vitra et vasa diverses delectationis 
conflantur (1). Les « verres de fougière » et les a esguèresde 
pierre» sont bien les vases gracieux , charmants, désignés 
par cette originale expression : Vasa diverses delectationis . 
Quant aux vitra , les. verres à vitres destinés à garantir 
l’intérieur des habitations de l’intempérie des saisons, nous 
savons déjà qu’ils se fabriquaient dans les importantes 
verreries de Bois-Giset et dans un grand nombre d’autres 
localités. 

§ I er . — Verreries du Four-des- Verres', de Giverdy , du 

Chambon, de La Charité , de Saint- Amand-en-Puisaye . 

Le pays de Nivernais, en effet, n’était pas seulement, 
comme l'écrivait Guy-Coquille (2) , « commode aux forges, 
tant à cause des petites rivières dont il abonde qu'à cause des 
bois et minières », mais l’immense quantité de ses forêts devait 
surtout favoriser les usines verrières. Et sans remonter 
jusqu’au Morvand, — 1 nous y arriverons bientôt , — toute 
cette contrée qui comprenait les paroisses de Nolay, Prune- 
vaux, Saint-Benin-des-Bois , Sainte-Marie, Saint-Martin, 
Giverdy..., dans les cantons de Pougues et de Saint-Saulge, 
était couverte de verreries. 

(1; Voir plus haut, note de la page 164. 

(2) Histoire du Nivernois. 


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— 228 — 


Cassini, sur sa belle carte, a noté les noms d’allure 
ancienne de Chétif our, à Saint-Benin ; de Four- Vieux , à 
Sainte-Marie; et ces fours sont bien des fours à verre. Un 
acte de 1478, cité par M. de Soultrait (1) , mentionne le 
Viel-Four-aux - Voires ; les documents écrits confirment 
aussi la vérité de nos assertions : 

Dès l'année i 32 ô, Adeline, veuve de Gauret, alias Goret, 
maître du Four-des- Verres, et Minet, son frère, rendent 
hommage au comte de Nevers pour la maison des Paillards, 
paroisse de Saint-Benin-des-Bois. En 1 335 , pareil hommage 
est fait par Denis, fils de Minet, maître du Four-des-V erres, 
et de feue Isabelle, fille de feu Hugues Oletti , pour des 
maisons en ladite paroisse de Saint-Benin-des-Bois. — En 
1464, Gibauld des Paillards, écuyer, rend hommage pour 
le four et les verrières de sa maison de Saint-Benin-des- 
Bois, appelée les Paillards. — Cette même année, et en 1468, 
Guillaume des Paillards renouvelle l’hommage au comte de 
Nevers pour sa maison des Charmes du Four-des- Verres , 
déjà fait en 1456 par Étienne des Paillards (2). 

Le 20 août i 582, dénombrement est fait par Jacques des 
Paillards, écuyer, seigneur de Ratilly et de la Varenne, et 
par Charlotte des Paillards, sa nièce, héritière de feu noble 
homme Pierre des Paillards, écuyer, frère de Jacques, pour 
le bois de Ratilly ( 3 ). 

Cette famille des Paillards, originaire de Bourgogne (4), 
possédait donc les verreries du Four-des - Verres ou Four- 
Vieux dès le commencement du quatorzième siècle ( 5 ). On 

(1) Dictionnaire topographique du département de la Nièvre. 

(2) Inventaire des titres de Nevers , de Pabbé de Marolles, publié 
par M. le comte de Soultrait, col. 129. 

( 3 ) Inventaire de Marolles, col. 126. 

(4) Armorial du Nivernais , par M. le comte de Soultrait, t. II, 
p. 120. 

( 5 ) Une autre localité portant le nom de Four-au-Verre se trouve 
sur la commune de Maux ; mais, dans le pays, aucun habitant n’a 
jamais entendu parler de la verrerie. D'ailleurs, un texte de i 33 o 


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les retrouve également à la même époque dans une paroisse 
voisine, à Giverdy, aujourd’hui simple hameau de la 
commune de Sainte-Marie. 

En 1443 , Grégoire des Paillards rend hommage au comte 
de Nevers pour la terre de Giverdy, tenue en fief du seigneur 
deJuilly. — En i 5 i 6 , Charles et Guillaume des Paillards 
sont qualifiés écuyers, sieurs de Giverdy (1). Les registres 
de cette ancienne paroisse sont d’ailleurs remplis de leur 
souvenir : En 1 633 , le 10 avril, est baptisé Léonard, fils de 
noble Charles Despaillards, écuyer, seigneur de Chambon, 
verrier audit Giverdy, et de demoiselle Nicolle de Ponard. 
Le parrain est haut et puissant seigneur Léonard d’Armes, 
seigneur de Busseaux, Moussy, Vesvreet Rouy; la marraine 
demoiselle Marie de Ponard, fille de défunt Charles de 
Ponard, seigneur de Mazille (2). 

Dans cette verrerie de Giverdy se rencontrent ensuite 
alliés aux des Paillards nos verriers italiens , puis en grand 
nombre les gentilhommes verriers d'origine lorraine : dès 

écrit : le Fourt-aux- Vouesvres. {Dictionnaire topographique du dépar- 
tement.) 

Ce qui pourrait être plus sérieux, c’est une autre mention de loca- 
lité portant le nom de Four-des- Verres ou Four-aux- Verres , à 
Faulin, ancien üef de la châtellenie de Luzy, aujourd'hui moulin de 
la commune de Saint-Léger-de-Fougeret. On trouve dans la collection 
des pièces de feu M. Lorry, de Moulins-Engilbert : Pierre et Guy de 
Jacquinet, seigneurs de Four-aux- Verres, en i 63 g ; — le 21 jan- 
vier i 564, mariage de noble homme Artus de Ponard, fils de feu 
Jean de Ponard et de damoiselle Jeanne de Breuille, avec damoiselle 
Barbe Jacquinet, fille de noble homme Guillaume Jacquinet , seigneur 
du Four-des-Verres-de-Faulin ; — en 1627, François Jacquinet est 
qualifié seigneur de Faulin. Un titre de 1243, aux archives de l'église 
de Villapourçon , mentionne Foresta de Faulin . Qu'une verrerie ait 
existé dans cette forêt, on peut parfaitement le présumer! 

(1) Inventaire de Marolles, col. 175, 140, i 3 o. 

(2) Nous devons à M. le baron d’Espiard et à M. R. de Laugardière 
la communication de presque tous les extraits des anciennes paroisses 
de Giverdy, Rémilly, Fours, Savigny-Poil-Fol , etc., relatifs aux 
gentilhommes verriers. 


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23 o — 


1635 , Honoré de Bourniol , époux de demoiselle Marie des 
Paillards, fille de Charles, est fréquemment cité; — le 
28 décembre 1661 est baptisé Annet, fils d’Honoré de 
Brignolles, écuyer, et de demoiselle Marie de Chambon. Le 
parrain est un gentilhomme verrier lorrain, Élie de Finance, 
écuyer; la marraine demoiselle Anne de Testefort, dame de 
Talon. Assistent comme témoins Henri de Finance et Pierre 
de Maupuy, écuyers. 

Le 21 juillet 1641 est baptisée Claire, née le 6 de ce mois, 
fille d’Antoine de Hou et de demoiselle Annette du Boys. 
Le parrain est Paul des Paillards, la marraine Claire du 
Bois. — Le 20 septembre 1646, baptême de François, fils 
de Claude des Bigot , écuyer, et de demoiselle Rachel 
de Hou ; parrain, François du Houx , écuier; marraine, 
damoiselle Jeanne de Mathieu, épouse de François de Charry, 
écuyer, seigneur de Giverdy en partie. Ces deux familles 
sont tout d’abord durement éprouvées : En 1643, Antoine 
de Hout , « écuier, du pays de Lorraine, à présent demeu- 
rant à Giverdy, » voit mourir sa femme, Anne du Boys, qui 
est inhumée dans l’église le 8 décembre. — Le i 3 octo- 
bre 1646, a Marc de Hou , travaillant en la verrerie de 
Giverdy », sepultus est in ecclesia. — A trois jours de 
distance, le 16 octobre, meurt damoiselle Rachel de Hou, 
femme de Claude des Bigot , et sepulta est in ecclesia. — 
Le 29 mars i 65 o meurt damoiselle de Hou, t mère au sieur 
Antoine de Hou *, laquelle aussi est inhumée dans l’église. 

Le 3 i janvier 1660, Claude du Ou, écuyer, est parrain 
avec demoiselle Jeanne de Charry, marraine de Jean-Claude, 
fils de Guillaume Gobet, fondeur de la verrerie de Giverdy > 
et d’Élisabeth Lamontre. — Le 21 novembre 1698, Étienne 
Diou, qui signe : E . du Houx , écuyer, se marie avec damoi- 
selle Marie de Bourniolle , en présence de MM. de Bongars, 
Bourniol, Virgile, et autres parents et amis. 

Le 9 octobre 1699 est baptisée, à Aubigny-le-Chétif, 
Jehanne, fille de Jean du Houx, écuyer, et de damoiselle 
Marguerite des Paillards. 


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— 23 1 — 

Le 7 avril 1 658 , à Giverdy, avait été baptisé Claude , tils 
de Gabriel de Bérule, écuyer, et de damoiseile Claude des 
Paillards. Claude de Charry, fils de François, déjà cité, capi- 
taine du régiment de Bourgogne, étant parrain ; damoiseile 
Marie des Paillards marraine. 

A cette simple énumération de tant de noms qu’il serait 
trop facile de multiplier encore, on devine l’importance de 
cette ancienne verrerie de Giverdy (i). 11 est à regretter que 
nous n’ayons pu rencontrer aucun document sur ses produits 
que transportaient dans la province les vigoureux confrères 
de la confrérie de Saint-Jacques et Saint-Christophe, ainsi 
que nous l’apprend cet extrait des registres de la paroisse : 
Le 27 mai 1660, a été inhumé au-devant de la porte de 
l’église, aux pieds de son mari, Marguerite Chevallier, veuve 
de Jean Jausson , marchand porte-à-col de verre en la 
province de Nivernais. 

Le Chambon , localité toute couverte de bois , aujourd’hui 
simple hameau de la commune de Sainte-Marie, comme 
Giverdy, était aussi le siège d’une verrerie appartenant 
d’ancienneté aux des Paillards, puis par alliance aux Borniol, 
qui se qualifiaient sieurs de Chambon, 

En i 658 . Honoré de Borniol, déjà précédemment cité, 
portait plainte contre un sieur Fity qu’il accusait d’avoir fait 
paître ses bœufs dans les bois taillis dépendant de la verrerie 
de Chambon . Parmi les dépositions des témoins se trouve 
celle de Simon de Gastet, jeune homme de dix-sept ans , 
écuyer, sieur de Serville, demeurant en la verrerie de 
Giverdy (2). Le 18 novembre 1692, Annet de Bourniol, 
écuyer, sieur des Maillys du Chambon , dont nous avons vu 
précédemment le baptême en 1661, épouse, en l’église de 
Giverdy, Marie Dugué, fille de maître Esme Dugué des 


(1) Voir aux pages 194 et 195 un acte de 1681 mentionnant un 
ancien tiseur et le maître de la verrerie de Giverdy. 

(2) Archives de la préfecture, fonds du présidial de Saint-Pierre- 
le-Moûtier. 


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— 232 — 


Gouttes, notaire royal, et de dame Gabrielle Legoing. Le 
20 juillet 1702 , est inhumée dans l’église, devant l'autel de 
la Vierge, demoiselle Marie des Paillards, veuve de M. de 
Boumiol, pour laquelle se doit dire, les samedis , la messe 
pendant un an et un Libéra les dimanches; — en 1758, 
Léonard de Borniol demeure en sa maison seigneuriale de 
Chambon; — en 1785, Madeleine de Borniol, femme de 
Claude Cornu, afferme sa propriété de Chambon... 

Si, laissant l'arrondissement de Nevers, nous remontons 
maintenant la Loire pour pénétrer dans l’arrondissement de 
Cosne, là aussi se rencontrent des verreries à La Charité , à 
Saint- Amand-en-Puisaye... M. l’Archiviste du département, 
qui dépouille actuellement les archives de l’état civil, veut 
bien nous signaler, dans les registres de l’ancienne paroisse 
de Sainte-Croix de La Charité , les actes de baptême de trois 
enfants de Pierre-François Castellan, écuyer, seigneur de 
Rose, « maistre de la verrerie de cette ville », et de demoi- 
selle Marie-Anne Maillard. Le premier enfant, Pierre- 
François, baptisé le 26 février 1702, a pour parrain maître 
Pierre Maillard, procureur au baillage de La Charité, bailli 
de Soury, et pour marraine demoiselle Catherine Destrappes. 
Le second enfant est une fille, Marguerite, baptisée le 27 mars 
1703; le troisième se nomme Jean-Bapsiste, baptisé le 
3 o mars 1 706 ; il a pour parrain maître Jean-Baptiste Grasset, 
avocat; pour marraine, demoiselle Marie-Anne Leblanc. 

Trois ans plus tard, le 24 décembre 1709, se trouve Pacte 
d'inhumation dans l’église du corps de maître François 
Castellan de Rose, gentilhomme verrier, âgé d’environ 
quarante ans. 

Je me souviens d’ailleurs que l’auteur du Nouveau voyage 
de France , géographique , historique et curieux , imprimé à 
Paris, en 1778, après avoir vanté à Nevers le Petit Muran 
de Venise 9 ajoutait : « Les ouvrages de verrerie sont aussi 
fort en vogue à La Charité. » 

M. de Flamare nous signale également, dans les registres 
de la paroisse de Saint-Amand-en-Puisaye, plusieurs actes 


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- 233 — 


concernant les verriers d’origine française, lorraine ou 
italienne établis en cette localité dès longtemps célèbre, 
surtout par ses poteries de grès, dont il se fait un grand 
débit dans toutes les contrées voisines. 

Le 25 juillet 1727 est inhumé dans l’église Gilbert de 
Coulon de Monceneau (1), gentilhomme verrier, qui s’est 
trouvé submergé et noyé dans un étang de cette paroisse, et 
ayant donné des preuves de la religion catholique, en pré- 
sence des sieurs Claude de Virgille, Georges de Virgille et 
Gaspard de Virgille, gentilshommes verriers. 

Ce Gaspard de Virgille est inhumé, deux ans plus tard, 
dans l’église également, le i #r octobre 1729, en présence de 
nobles hommes Jacques de Virgille, son frère; Jean de 
Finance du Rôzay et Claude de Virgille, aussi son parent. 

Le 6 avril 1730, autre inhumation d’Alexandre de Bros- 
sard, décédé la veille, gentilhomme originaire de la 
paroisse de Saint-Germain-du-Mage, proche La Ferté- 
Vidame, diocèse de Chartres, âgé de vingt-deux ans, en 
présence de messire Jean de Finance du Rozay, gentilhomme, 
déjà nommé; de messire de Virgille de Chambon et de 
messire de Bor gniole, tous deux gentilshommes. 

Ce Jean-Baptiste de Finance, dont la femme, dame Anne 
Geneviève de Vatkaire, est inhumée le 2 5 octobre 1743, 
meurt à son tour en 1745, et l’inhumation a lieu le 
6 octobre, en présence de messire Edme- Louis de Vatkaire 
de Garchy, et messire Jean-Georges de Vatkaire, ses beaux- 
frères. 

Le 14 juin 1746 est célébré le mariage entre messire 
Claude de Virgille de Saint-Martin (2), fils majeur de défunt 
messire Jean de Virgille de Saint-Martin , vivant écuier, et 
de demoiselle Claude Pierre, ses père et mère, et Reine 


(1) Monceneau y ancien fief de la châtellenie de Decize, est aujour- 
d’hui une ferme de la commune de Diennes. 

(2) Ancienne paroisse de Saint-Martin-de-la-Bretonnière, aujour- 
d’hui réunie à Sainte-Marie. 

t. u, 3* série. 24 


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Guillerand, veuve de Louis Vadois, de la paroisse de 
Moutiers , en présence de raessire Paul de Coulon , écuier, 
seigneur de Lafond; messire Pierre du But, écuier, seigneur 
du Crocq. 

On rencontre aussi , le 5 avril 1731, comme parrain, un 
Jacques de Sarrode, écuier, etc. 

§ II. — Verreries du Morvand: La Boue , Chenambret , 
Roussillon , Apponay, Vandenesse. 

Parmi les noms précités des gentilshommes verriers 
français alliés dès le seizième siècle aux des Paillards, il en 
est un sur lequel il nous faut revenir, parce qu'il nous con- 
duit à plusieurs des plus importantes verreries du Morvand, 
dans lequel nous allons maintenant pénétrer ; nous voulons 
parler des de Ponard et de leur verrerie de La Boue . 

A ce sujet, nous sommes heureux de publier un précieux 
document découvert tout récemment par M. le baron 
d'Espiard , dans le chartrier de Limanton , et que cet érudit 
collègue, avec la plus parfaite obligeance , veut bien nous 
communiquer. C'est un gros cahier intitulé : Compte que 
rend par -devant vous monsieur le lieutenant - général au 
bailliage et pairie de Nivernois, noble homme Charles de 
Reugny, escuyer, seigneur du Tremblay, au nom et comme 
tuteur de Jehan, Charles et Georges de Ponard, enffans de 
feus noble Jehan de Ponard et damoyselle Claude de Reugny, 
à Charles et Jehan de Ponard, escuyers, et à noble Guy on 
de Ponard, escuyer, curateur reçu par justice à la personne 
de Georges de Ponard, enfants dudit feu Jehan. 

Voici ce qui , dans le compte, est relatif à la verrerie . 

a I. Recettes . — Item fait recepte de la somme de 200 livres 
tournois réduicts, valle la somme de 66 escus 2 tiers, à 
laquelle les matières estants en la verrerie de la Boue et 
aultres lieux circonvoysins, mouvants et dépendants de ladite 
verrerie, ont esté vendues au plus offrant et dernier cnché- 


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risseur, comme il appert par l’accense et estrousse faite par- 
devant le juge ordinaire de la justice de Mazilles, en date du 
2 octobre, l’an mil cinq cent soixante-quatorze. 

» Item , fait recepte de la somme de 60 livres réduicts et valle 
la somme de 20 escus sol, à laquelle somme accense et 
estrousse a esté faicte de la verrerie de la Boue , bastiments 
et despendances d’icelle, et de prendre boys mort et mort 
boys pour le faict de ladite verrerie, en un boys appellé 
Bois-verd-l’Haste-à-la-Chièvre et le boys de Contant , et de 
laquelle somme il fait recepte par chascun an pour cinq 
années et comme estant accensée au plus offrant et dernier 
enchérisseur, ainsi qu’il est convenu en ladite accense et 
estrousse, qui sont pour lesdits cinq ans la somme de cent 
escus. 

» II. Dépenses. — Item , pour avoir délivré par ledit de 
Reugny, tuteur, rendant compte auxdits Jehan et Charles de 
Ponard, les ferrements et instruments propres à faire verre, 
de la valleur de sept escus , laquelle somme il requiert luy 
estre par vous mondict sieur allouée et taxée. 

» Plus, auroit ledit de Reugny tuteur, rendant compte, 
baillé le dixiesme juillet en l’an 1 574, à ung homme de pied 
qui seroit allé à Moulins en Bourbonnais poursuivre le paie- 
ment d’une obligation qu’un marchand de verre debvoit 
audit deffunt Ponnard , où il auroit employé trois journées 
pour aller et venir, la somme de quarante-cinq sols. » 

Les de Ponard restèrent donc en possession de la verrerie 
de la Boue. 

En 1 582 , noble homme Jean de Ponard , fils de feu Jean 
de Ponard et de Claude de Ruigny (Reugny), seigneur et 
dame de la verrerie de la Boue et de Giverdy en partie, 
demeurant à ladite verrerie de la Boue, paroisse de Rémilly, 
fait hommage au duc de Nevers pour divers héritages à 
Giverdy. 

Semblables hommages au duc de Nevers sont rendus 


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en 1598 par demoiselle Claudine de Chargères, veuve de 
noble homme Guy de Ponard , en son nom et au nom de 
Jeanne de Ponard, sa fille, pour les biens quelle tenait en 
la châtellenie de Moulins-Engilbert, et en 1610 par Péronne 
de Grand val, veuve de Jean de Ponard (1). 

La verrerie de la Boue devint bientôt, comme celles de 
Giverdy et de Chambon, le rendez-vous des gentilshommes 
italiens et lorrains. Nous en avons la preuve dans cet 
acte des registres aux insinuations du bailliage de Saint- 
Pierre-le-Moûtier (2) : Le 20 avril 1676, Jean-Claude de 
Sarrode , écuyer, demeurant à la verrerie de la Boue, fils de 
feu Jean de Sarrode, écuyer, sieur de Fontenelle, et de 
vivante Claude-Marie du Hout%, contracte mariage avec 
Claude de Baiorre, fille de feu Louis de Balorre, écuyer, 
seigneur dudit lieu, et de vivante Jeanne de Chargères, 
demeurant à Mussy, paroisse de Pouligny- sur- Aron. 
Les témoins de l’acte sont Jean -François de Bégotz 
(alias des Bigots), seigneur d’Odompré, demeurant à 
la verrerie de la Boue', Thierry de Finance et Charles de 
Finance; Louis de Breton, seigneur de la Mollée, tous 
qualifiés d’écuyers et demeurant en la paroisse de Rémilly. 

Ce Louis de Breton était marié à demoiselle Anne de 
Chargères, qui mourut au mois de mars 1692. 

Michel de Breton, écuyer, de la paroisse de Blain, main- 
tenant Roussillon, au diocèse d’Autun, s’était marié, le 
25 octobre 1674, à Rémilly, avec demoiselle Anne de 
Ponard, de ladite paroisse, en présence de Simon de Breton , 
oncle du futur, Jacques de Breton, demeurant à la verrerie de 
la Boue, et Claude de Bréchard , sa femme, frère et belle- 
sœur du futur. 

D’après M. Le Vaillant de La Fieffe, dans ses Verreries 
de la Normandie (p. 274), un sieur Laurent de Mathieu, 
écuyer, sieur de Vauchaux, époux de Catherine de Bongars, 

(1) Inventaire de Marolles, col. 134-200. 

(2) Communication de M. de Flamare, archiviste du département. 


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employé dès 1672 à la verrerie et glacerie de Tourlaville, 
puis en 1707 à la verrerie de cristal des Essartis, dans le 
comté d’Eu, devenu maître de la verrerie de la Boue , 
s'était associé, vers 1713, avec le sieur de La Pommeraye, 
ancien directeur de la manufacture de Saint-Gobain , pour 
fonder une glacerie clandestine, et de ce chef lut mis à la 
Bastille avec le sieur de La Pommeraye, sur la demande de 
la Compagnie des glaces. 

En 1779, messire Louis de Virgille, écuyer, et son frère 
Honoré de Virgille, fils de François de Virgille, écuyer, 
sieur de la Vernette, et de dame Marie de Nourry, sont qua- 
lifiés seigneurs de la verrerie de la Boue. 

Tout auprès de cette verrerie en existait une autre plus 
ancienne, et qui est fréquemment citée dans les registres de 
la paroisse de Rémilly, où Ton retrouve d’ailleurs les mêmes 
familles, à tel point qu’on pourrait croire que les deux éta- 
blissements avaient une même direction. C'est encore à 
M. d’Espiard que nous devons d’en pouvoir faire connaître 
l’origine, par lui découverte dans des pièces de procédure de 
la châtellenie de Sa vigny-Poil-Fol , conservées au chartrier 
du château du Tremblay. Il y est rapporté que noble homme 
Jehan de Lodines, mari de damoiselle Philiberte de La Per- 
rière, d’une part, et Antoine de Maumigny, écuyer, seigneur 
dudit lieu de la Boue et de Saint-Michel-en-Longue-Salle , 
prenant en main et se faisant fort pour damoiselle Marie de 
La Perrière, sa mère, d’autre part, ont baillé le 3 septembre 
1 535 , à titre de rente et cens non portant amendes et défauts, 
à Olivier Mesmin, écuyer, une pièce de terre de seize bois- 
selées située au lieu de Chenambret (1), joignant les grands 
bois desdits écuyers, et ce pour édifier, bâtir et construire 
fours à faire verre , maison , grange, jardin , colombier, etc. 
Plus, le droit de prendre dans les bois de la Boue, de 
Saint-Michel-en-Longue-Salle et appartenances, tout bois 

(1) Alias Chenanbray. Ce nom ne se trouve pas indiqué dans le 
Dictionnaire topographique du département. 


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mort et mort bois et bois de feu pour entretenir et chauffer 
les fours de ladite verrerie , et davantage , de pouvoir prendre 
bois de « chaisgnes » pour bâtir et édifier. Philiberte de La 
Perrière avait ratifié cette vente le 7 septembre 1 535, et à 
l'époque du procès, en 1542, il est observé que depuis la 
vente on avait toujours pris du bois pour bâtir et chauffer les 
fours sans être troublé dans la possession de ce droit. 

Les de Virgille paraissent avoir été, dès le dix-septième 
siècle, les maîtres de la verrerie de Chenambret. Les registres 
de Rémilly mentionnent : en 1666, noble Honoré de Vir- 
gille ; — en 1669, noble Louis de Virgille* lequel est parrain 
en 1684 et qualifié sieur de SainUMichel-en-Longue-Salle ; 

— en 1685, inhumation de Françoise, âgée de huit ans, fille 
de Jean de Virgille et de damoiselle Jeanne de Prudon , 
demeurant à la verrerie de Chenambret ; — le 3 o septembre 
1 683 , baptême d’Adrienne, fille de Robert de Virgille, de 
présent en cette paroisse de Rémilly, et de Jeanne Bernard, 
du village de Roussillon, paroisse de Blain, diocèse 
d’Autun (1); — le 14 mai 1692, inhumation de maître Jean 
de Virgille, écuyer, demeurant à la verrerie de Chenambret; 

— le 22 septembre 1701, baptême d'Honoré, fils de Pierre 
de Virgille, écuyer, et de dame Marie- Anne des Gouttes de 
La Salle ; le parrain est messire Honoré de Virgille, prêtre, 
curé d’Avrée, etc. 

On rencontre cependant aussi dans ces mêmes registres : 
le 2 décembre 1686, baptême d’Henriette, fille de maître 
Charles Tridon, sieur de Vermenoux, et de M. de Marin, 


(1) Roussillon dépendait autrefois du diocèse de Nevers, et à ce 
titre nous intéresse plus particulièrement. Nous avons vu précédem- 
ment (page 192) qu’Ennemond de Girard, qui mourut à Nevers chez 
le seigneur Castellan, avait travaillé en 1667 à la verrerie de cristal 
de Roussillon. 

En i56i, Mathieu de Brossard traitait avec le sire de Roussillon- 
en-Morvand pour l’établissement d’une verrerie à Gien-sur-Cure, au 
canton de Montsauche. jNous retrouvons les de Brossard, en 1775, 
à la verrerie d’Apremont. 


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demeurant à la' verrerie de Chenambret ; — le 1 3 juin 1690, 
mariage de Philippe Isambert, chirurgien à Moulins-Engil- 
bert, avec demoiselle Jeanne de La Godine , demeurant à la 
verrerie de Chenanbray, fille de feu François de La Godine 
et de demoiselle Guillemette de Nourry, en présence de 
Pierre de La Godine, écuyer, frère de la future, etc. 

Sur ce même territoire, autrefois tout couvert de forêts, 
comme l'indique le nom de l’antique paroisse de Saint- 
Michel-en-Longue-Salle ( Sancti Michaelis in Longa Sylva), 
depuis longtemps réunie à Rémilly , se trouvait , dès la 
fin du seizième siècle, une troisième verrerie dite d’Appo- 
nay, où l'on rencontre d’abord les gentilshommes lorrains 
du nom d’Hennezel... Le i 3 mars 1669 est baptisée 
Pierrette, fille de noble Pierre-François de Marin, écuyer, 
et de demoiselle Louise de Champrobert ; le parrain est 
noble Pierre de Marin, demeurant à la verrerie de Saint- 
Bruno, paroisse de Rémilly. 

Il est en effet rapporté dans l'histoire de la chartreuse 
d'Apponay que le prieur dom Louis de La Barre, dont 
^'administration fut très-funeste au monastère, avait dépensé 
16,000 livres, vers 1717, pour le rétablissement de la 
verrerie. Son successeur, dom Louis Lancieux , avait eu 
l’idée d’établir une faïencerie qui n’eut pas un meilleur 
succès que la verrerie (1). 

Faut-il rattacher à l’histoire de la verrerie cette note sin-> 
gulière du curé Rousset qui se lit à la fin du registre 
de 1742 de la vieille paroisse de Saint-Gratien, réunie à 
Savigny-sur-Canne ? « Cette même année 1742, un chartreux 
s’est sauvé d’Apponai, où il était en prison depuis dix 
ans. Il s’est mis sous la sauvegarde du roi et a demandé à 
faire connaître son innocence contre son ordre. » Et encore 
cette autre note du 10 novembre 1746, tirée du registre de 
l’ancien contrôle de Cercy-la-Tour : « Acte de protestation et 
rétractation de vœux par dom Henri Castellan , profès à la 

(1 ) Le Morvand, par M. l'abbé Baudiau, t. I tP . 


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chartreuse d’Apponay (1) 1! Oui, sans doute, si l’on se 
rappelle le chapitre consacré aux Castellan de Nevers, et tout 
récemment les notes sur les Castellan de La Charité. 

Enfin, tandis que nous sommes en Morvand, citons aussi 
la verrerie royale de Vandenesse , dont M. Victor Gueneau, 
dans ses Notes pour servir à l’histoire de cette commune, 
nous a révélé l’existence au commencement du dix-huitième 
siècle. Le chevalier Charles-Séraphin-Melchior de Cherbon 
en était le directeur en 1752, et l’on retrouve dans les 
registres de la paroisse les noms d’une foule d’ouvriers 
d’origine étrangère et qui nous étaient jusqu’ici demeurés 
inconnus : Le 9 février 1754 est baptisée Charlette-J canne , 
fille d’honnête homme René Montausier, maître ouvrier en 
cristal, et d’Elisabeth-Charlette Lemaire. Le parrain est 
maître Jean Boudin, ouvrier de place en cristal à la verrerie 
royale dudit Vandenesse , la marraine honnête fille Jeanne 
Buteau. 

Le 3 novembre de la même année est né et le 4 a été bap- 
tisé Louis-Charles-Pierre-Marie, fils de M. Jean Boudin, 
maître ouvrier de place en cristal à la verrerie (2), et de dame 
Françoise Launois.' Le parrain a été le sieur Jean Bernard, 
aux lieu et place de messire Pierre-Marie, marquis de Lupé, 
capitaine dans le régiment de Bourgogne-cavalerie ; la 
nommée Marie Buteau a été marraine pour M*® Louise- 
Charlotte du Bois de Fiennes de Leuville, marquise de 
Poyanne et de Vandenesse, etc. Outre la cristallerie, on 
fabriquait surtout des bouteilles. 

Le seigneur du Tremblay ayant fait saisir un bateau chargé 
de bouteilles que son suzerain faisait diriger sur Decize par 
la rivière d’Aron, une sentence de 172 2 donna gain de cause 
au seigneur de Vandenesse ( 3 ). 

(1) Minutes Garillan, notaire à Cercy-la-Tour. Communication de 
M. d’Espiard. 

(2) Ce Jean Boudin ne serait-il pas de la famille du Jehan Boudin 
ou Botin , cité , trois sièles plus tôt, au commencement de ce chapitre ! 

( 3 ) Bulletin de la Société nivernaise , 2* série, t. VI, p. 540-555. 


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On comprend maintenant , mieux encore qu'on n’eût pu 
le supposer au début de ce chapitre, quelle animation devait 
produire dans toute la province de Nivernais ce va-et-vient 
de seigneurs étrangers s'alliant aux principales familles du 
pays, et quel mouvement artistique et commercial devait 
résulter de la multiplicité de ces usines verrières. 

En vérité, après avoir simplement indiqué ce vaste sujet 
d’études, — car il y a là vraiment matière à un volume, pour 
qui voudra traiter à fond l’histoire des verreries du Morvand, 
comme l’a lait M. Le Vaillant de La Fieffe pour les verreries 
de la Normandie et comme le fait en ce moment M. Schuer- 
mans en Belgique pour les verreries artistiques des Pays- 
Pays, — il nous tarde de retracer au moins quelques pages 
de cette histoire. 

§ III. — Les d'Henne\el . — Verreries de La Nocle , de 
Prunevaux et Nolay , de Bois-Giset , de Marsendé, 
d' Avril, de Fours . 

Bien avant que les gentilhommes verriers d’origine ita- 
lienne fussent venus répandre dans notre cité nivernaise les 
merveilles de cette industrie qui a illustré les villes d’Altare et 
de Murano, les gentilshommes verriers d’origine lorraine 
multipliaient en effet leurs manufactures dans nos forêts du 
Morvand, oü ils trouvaient en abondance, avec le bois, « les 
fougères et toutes autres herbes propres et convenables pour 
le fait de leur mestier ». 

Dès le milieu du quinzième siècle, l’industrie verrière 
était en grand honneur dans l’ancienne Lorraine, et en 1448, 
Jean de Calabre, gouvernant le pays, en l’absence de son père, 
René d’Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile, avait octroyé 
< à tous verriers et ouvriers ez verrières » du duché de Lor- 
raine une charte appelée la charte des verriers , qui les assi- 
milait aux nobles de race et leur conférait les mêmes privi- 
lèges de plein droit. Dotée de tels avantages, il était 
impossible que l’industrie du verre ne prospérât pas en 
T. 11 , 3* série. 25 


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Lorraine ; bientôt les familles des verriers s 'étant multipliées, 
ils se virent dans la nécessité de se répandre au loin pour y 
fonder d’autres manufactures et y établir leurs enfants. 

Parmi les noms des verriers qu’on voit figurer les premiers 
et le plus fréquemment dans les archives de la Lorraine 
depuis 1448, se trouvent d’abord les d'Henne\el et les de 
Finance. Il est question de Jean d’Hennezel, autrement 
Hendel, parmi les impétrants de la charte de 1448, et sa 
verrerie, qu’il s’agissait de rétablir, n’était pas un établisse- 
ment nouveau-né. Le nom de Jacob Finance paraît à la date 
de 1492 ; et leurs descendants, Nicolas d’Hennezel et Fran- 
çois de Finance, en 1737, possédaient en commun la verrerie 
dite de Hennezel. La famille de ce nom était d’ailleurs repré- 
sentée en 1520 par sept frères, tous verriers. 

Cependant, ainsi que nous l’avons précédemment constaté, 
il existe encore aujourd’hui, notamment à Nancy, des repré- 
sentants de cette ancienne famille qui signent : d’Hennezel. 

Viennent ensuite en 1496 Antoine et Christophe, fils de 
Colin Thiétry ; — i5oi, Jean et Philippe Thiétry; — r 5 54, 
Hugues Mussel et François Desprez, écuyers; — 1564, 
Guillaume de Hou ou du Houx et Alexandre de Bonnet ; — 
en i 6 o 3 , Moyse de Condé, Joannes et Hélie de Guyot, 
Jérémie de Bigault , Jean, Pierre, Benjamin et Nicolas de 
Condé (1). 

Or, ce sont précisément ces noms que nous avons déjà 
signalés dans tous les registres de nos paroisses verrières et 
qui vont maintenant, les d’Hennezel surtout, nous fournir 
spécialement les documents qu’en vain nous avons jusqu’ici 
cherchés sur les verres fabriqués par l’industrie lorraine. 

Le i 5 mai 1609, noble Abraham de Hennezel (2), gentil- 

(1) Les Gentilshommes verriers dans Vancienne Lorraine aux quin 
fième, seizième et dix-septième siècles , p. 42 et 48, par M. Beaupré. 
Nancy, Hinzelin et O, imprimeurs-libraires, 1847. 

(2) Très-souvent le nom est écrit Henne\et , d’autres fois même le t 
est retranché; de plus, on trouve aussi écrit Hanneÿè . ce qui semble 
indiquer qu’on prononçait Han\è. 


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homme verrier demeurant à la verrière de La Nocle (1), et 
noble Daniel de Hennezel, aussi gentilhomme verrier, 
demeurant en la verrerie de Prunevaux (2), pour eux et 
pour leur frère Joseph de Hennezel , absent, confessent, par 
acte passé en la maison de la verrerie de Nevers , par-devant 
notaire, avoir reçu de noble Horace Ponté, maître de la 
verrerie de Nevers, pour et au nom d’André Lecoq, sieur de 
La Rossière, et Mathurin Thibault , marchands, demeurant 
à Nantes, la somme de yj 5 livres tournois, faisant l'entier 
payement de la somme de 1,875 livres tournois, pour laquelle 
lesdits sieurs Abraham , Daniel et Joseph de Hennezel avaient 
vendu et promis livrer auxdits sieurs de La Rossière et Thi- 
bault la quantité de trois mille deux cent quarante liens de 
verre blanc à faire viltres ( 3 ) et soixante et quinze bouteilles 
de verre , laquelle quantité de liens de verre ledit de Hen- 
nezel a cejourd’hui délivrée à Claude George, leur facteur, 
pour la faire voiturer par le port de la fosse de la ville de 
Nantes... L’acte est signé: Abraham de Hennezet, Daniel 
de Hennezé (4). 

(ij La Nocle, au canton de Fours , célèbre par ses immenses forêts 
qui lui avaient valu le nom de Domibus in Longa Sylva (pouillé de 
1 517) ; — paroisse des Maisons-en-Longue-Silve, 1494. ( Dictionnaire 
topographique du département de la Nièvre , par M. le comte G. de 
Soultrait.) 

(2) Prunevaux ( Prunevallis ), ancienne paroisse depuis longtemps 
réunie à Nolay, lieu également très-boisé. 

(3) Une ordonnance rendue en 1 5 57 par le gouvernement de la 

Lorraine portait que chaque verrier sera tenu de faire chaque jour 
trente liens de bon verre blanc et non plus, contenant le lien trois 
tables, et chaque table trois pieds (de Lorraine) de hauteur et un pied 
et demi de largeur par le bas dudit lien, et au-dessus de largeur 
équivalente, pesant treize livres, de bonne épaisseur, proportionnés 
tant en un lien comme en l'autre 

On nomme encore aujourd’hui lien un paquet de six feuilles de 
verre en table. ( Les Gentilshommes verriers ou Recherches sur l'indus- 
trie et les priniléges des verriers dans l’ancienne Lorraine, par 
M. Beaupré, p. 23. 

(4) Archives des notaires de Nevers, minutes Pellé. 


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— 244 - 


Nous savons ainsi , de la façon la plus évidente, quelle 
espèce de verre était fabriqué par ces gentilshommes lorrains : 
ce n’était plus le verre artistique des gentilshommes italiens , 
mais le gros verre en table ou verre à vitres et les grosses 
bouteilles, en un mot, la grosse verrerie (i). 

Ce qui n’est' pas moins à remarquer dans cet acte, ainsi 
que nous l’avons observé déjà précédemment (2), c’est l’étroite 
union existant entre les maîtres des deux différentes verreries. 

L’année suivante, 1610, Daniel de Hennezel , qualifié de 
maître de la verrerie du Bois-Gi{et> vendait directement à 
noble Horace Ponté, maître de la verrerie de Nevers, 
la quantité de deux cens liens de verre de viltre , bon, 
loyal et marchand ; et de son côté Horace Ponté s’en- 
gageait verbalement le 20 novembre, envers honorable 
homme André Orgery, marchand verrier, demeurant 
à Tours, paroisse de Saint- Hilaire , à lui livrer, le 
25 e jour de novembre, ladite quantité de verre, moyennant 
la somme de 70 livres tournois payée par ledit Orgery ; 
cependant, le 2 décembre, sommation était faite au seigneur 
Horace Ponté d’avoir à délivrer ladite marchandise à Nevers, 
sur le port de Ninchat, à quoi ledit sieur répondait que c’est 
la vérité qu’il a fait ladite vente, mais que noble Daniel de 
Hennezel , qui lui a vendu icelle quantité de liens de verre, 
ne l’a encore livrée, ce qui est la cause du retard, mais 
promet la livrer au plus tôt qu’il sera possible (3). 

Une fois, comme par exception, le i« r octobre i6i3, 
Abraham et Jehan de Hennezel, qualifiés d’écuyers, tant 


(1 ) Histoire d'un four à verre de l'ancienne Normandie , par A. Mil et, 
1871, p. 11-12. 

(2) Voir plus haut, la fin du chapitre II. 

( 3 ) Archives des notaires de Nevers, minutes Pellé. 

On retrouve dans les mêmes minutes, en 1619, 1620, etc., quantité 
de reconnaissances faites par Claude Orgery, fils de défunt André 
Orgery et d’Antoinette Blondeau , au nom de sa nièce , « faisant traffi c 
de verreryc en la ville de Tours », pour vente et délivrance de mar- 
chandises de verre par le seigneur Horace Ponté. 


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— 245 — 

pour eux que se faisant fort pour Daniel de Hennezel, leur 
frère, absent, tous gentilshommes verriers, demeurant à 
Gi\ay , paroisse de Savigny-Poil-Fol , pays de Nivernois , 
traitent directement avec un marchand de Nantes, pays de 
Bretagne, du nom de Honoré Rousseau, et promettent lui 
livrer sur le port Tarault, c lieu propre et chargeable en 
bateaux », dans le jour et fête des Brandons prochain venant, 
la quantité de 3 ,ooo liens de verre à faire vitre, qui aura de 
hauteur demi-aune et demi-quartier, et de largeur 16 pouces 
par le bas, chacun lien de trois tables, toute bonne marchan* 
dise blanche , loyale et marchande..., le tout moyennant le 
prix et somme de 1,200 livres, qui est à raison de 8 sols 
pour chaque lien, sur laquelle somme ledit Rousseau a 
payé comptant huit-vingts livres (1). 

Généralement toutes les ventes se font par l'entremise du 
maître de la verrerie de Nevers, qui parait être le grand 
bailleur de fonds de nos verriers du Morvand et se charge , 
contre livraison de leurs marchandises, d’acquitter leurs 
obligations. 

Ainsi : le 4 décembre 1617, noble Jean de Hennezel , 
écuyer, demeurant à Marsendé , paroisse de Ta\illy, vend 
et promet livrer et conduire à Nevers, sur le port du guichet 
de Loire, dans le premier jour du mois de janvier prochain 
venant, à noble Horace Ponté, la quantité de 600 liens de 
verre en viltre , à compter 10 1 liens pour 100, et 17 bou- 
teilles de verre de la grandeur que ledit de Hennezel les fait 
faire ordinairement, moyennant le prix de i 5 o livres tour- 
nois, qui est à raison de 5 sols pour chacun lien dudit verre ; 
laquelle somme ledit sieur Ponté sera tenu de payer, pour 
acquit dudit sieur de Hennezel, à noble Pierre du Four, 
conseiller et maître des comptes de Monseigneur le duc de 
Nivernois, pour semblable somme en laquelle ledit sieur de 
Hennezel lui est obligé (2). 


fi ; Archives des notaires de Nevers, minutes de France. 
[ 2 ) Minutes Peljé, 


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Deux jours après, le 6 décembre, le même Jean de 
Hennezel, tant pour lui que prenant en main pour ses frères 
Daniel, Charles et Joseph, tous gentilshommes verriers, 
promettait de même de livrer à Nevers, dans le premier 
jour de janvier, 1,560 liens de verre en vitre, avec 5 o grosses 
bouteilles de verre de même façon qu'ils en ont ci-devant 
délivré, moyennant la somme de 390 livres tournois, sur 
laquelle ledit sieur Ponté, a présentement payé 90 livres en 
quarts d’écus ou douzains, le reste devant être payé, pour 
acquit dudit sieur de Hennezel, à maître Nicolas Moquot, 
conseiller, maître des comptes de Monseigneur le duc de 
Nevers, en déduction de plus grande somme qu’ils doivent à 
noble homme et sage maître Jacques Foullé , seigneur de 
Prunevaulx, conseiller en la cour de Parlement , à Paris, 
à cause tant de l’accense de ladite terre de Prunevaulx que 
d'autres dettes. 

Il était aussi spécifié que ledit sieur de Hennezel ne pourra 
vendre aucune marchandise de yerre en vitre à autre per- 
sonne qu’au sieur Ponté, qui en achètera davantage, si bon 
lui semble, pour la faire voiturer par eau ou par terre... ; 
cessant laquelle clause, ledit sieur Ponté n'eût aucunement 
acheté ladite marchandise. 

Et pour mieux s’assurer le monopole de la vente, à quel- 
ques jours seulement de distance, le '5 janvier 1618, Horace 
Ponté achète encore 1,400 liens de verre en vitre, à compter 
101 pour 100, qui devront être emballés en petits ballons de 
25 liens par chacun ballon (1), et livrés avec 5 o gros 
flaccons aussi de verre, dans le premier jour du mois de 
janvier prochain 1619, sur le port du guichet de Loire ou de 
Ninchat. Lors de la livraison sur le port , ledit sieur Ponté 
pourra faire déballer la marchandise, pour « icelle voir et 
faire visiter, si elle est loyale et marchande », mais après 
l’avoir visitée, sera tenu la faire relier et remballer à ses 
dépens. Ledit marché est consenti par noble Daniel de Hen- 

1 ) Il y avait des gros ballons de 5 o liens pièce, d'autres de 40 liens. 


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nezel , gentilhomme verrier, demeurant à Bqys-Giset , maître 
de la verrerie dudit lieu , tant pour lui que pour ses frères 
Charles et Joseph , demeurant audit lieu ; pour Jean de Hen- 
nezel, aussi son frère, et sa femme, damoiselle Madeleine de 
Chargières (i), et aussi pour Bénédicte Decray, sa propre 
femme, le tout moyennant le prix de 3i2 livres io sols 
tournois , sans préjudice des précédents marchés de vente de 
verres en vitre et bouteilles ci-devant conclus par ledit sieur 
de Hennezel et ses frères audit sieur Ponté. 

Les mois suivants, Horace Ponté continue ses achats, 
savoir: le 10 février 1 6 1 8 , 1,134 liens de verre en viltre à 
compter, cette fois, 102 liens pour chacun cent, et 20 bou- 
teilles de verre carrées et flattes assorties , de même gran- 
deur que celles précédemment livrées, moyennant le prix de 
3 oo livres 4 sols, sur laquelle somme le sieur Abraham de 
Hennezel confesse avoir reçu dudit seigneur Ponté 100 livres 
en marchandise de pain de verre et soulde ; — le 9 mars , 
i, 3 oo liens de verre et 25 grosses bouteilles; — le 22 mai, 
866 liens de verre et 1 6 grosses bouteilles , etc. 

Toutes ces marchandises sont généralement conduites de 
la verrerie du Bois-Gizet au port Tharault, où les voituriers 
par eau de Nevers vont les recevoir, en présence de maître 
Antoine Lefebvre, notaire, demeurant audit lieu et repré- 
sentant du seigneur Horace Ponté, puis les amènent à 
Nevers sur le port du Pont-Cizeau ou sur le port du guichet 
de Loire. C’est là que les marchands verriers du royaume et 
même de l'étranger viennent s’approvisionner. 

11 serait trop long et fastidieux d’indiquer, même sommai- 
rement, tous les actes de ce genre que nous avons pu rencon- 
trer; nous n’en citerons qu’un du 3 o décembre 1619 : Un 
nommé Jean Pichenet, voiturier par eau, demeurant à 


(1) La seigneurie de la Pommeraye, sise en la paroisse de Savigny- 
Poil-Fol, comme le Bois-Gizet, était possédée en ib-jb par Charles de 
Chargère, écuyer, qui, cette année, en donna dénombrement au duc 
de Nevers. {Le Morvand, par M. l’abbé Baudiau, t. I".) 


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— 248 — 

Nevers, fait en ce jour marché avec honorable homme 
Charles Landart, marchand verrier demeurant à Paris, de lui 
conduire jusqu’au port de Gien 3 , 000 liens de verre de viltre, 
en gros et petits ballons, et 5 caisses pleines de verres ; auquel 
lieu, après avoir fait délivrance audit sieur Landart ou à ses 
commis de ladite marchandise, il sera tenu en apporter 
décharge à noble Horace Ponté, et sera tenu pareillement 
partir sitôt que la rivière sera libre et desglassée et ne 
pourra livrer auparavant aucune autre voiture pour qui que 
ce soit , le tout moyennant la somme de 75 livres tournois. 

Or, ce marchand de Paris déclare être le commis et entre- 
metteur de deux marchands flamands, Benjamin de Jonge, 
demeurant aussi à Paris, rue et enseigne des Trois-Mores, 
et Adrien Imbert, demeurant en la ville de Dort , en 
Hollande (1). 

Parmi les témoins de cet acte si intéressant nous remar- 
quons encore Charles Brare, marchand verrier, demeurant à 
Montdidier, en Picardie, de présent à Nevers, où il était 
venu aussi pour ses approvisionnements, et Gervais Dupré, 
maître émailleur, dont la maison était voisine de celle 
d’Horace Ponté, et qui signe habituellement sur tous ses 
contrats (2). 

En cette année 1619, les dettes contractées par les verriers 
de Boisgiset n’étaient pas encore acquittées , mais ils travail- 
laient avec activité, et le 10 janvier, les quatre frères Daniel, 
Jean, Charles et Joseph de Hennezel vendaient à noble 
Horace Ponté la quantité de 3,452 liens de verre et 
1 00 grosses bouteilles , livrés dans le jour et fête de saint 
Jean - Baptiste prochain venant sur le port du Guichet 
de Loire, moyennant le prix de 1,208 livres 4 sols, qui 

fi) Nous avons rencontré déjà en 1609 un marchand flamand du 
nom de Girard Imbert, demeurant à Dord , en Hollande, et le lecteur 
aura rectifié (note 2 de la page 1 38) le mot Dori qui n’est autre que 
Dort. 

(2) Archives de la chambre des notaires de Nevers, minutes Pellé. 
— Les actes qui précèdent sont également tirés des mêmes minutes. 


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— *49 — 


est à raison de 7 sols pour chacun lien de verre et les bou- 
teilles par-dessus; sur laquelle somme le seigneur Ponté 
payait manuellement comptant auxdits sieurs de Hennezel 
3 oo livres en pis toiles et quarts d*escus du poix et de 
l'ordonnance , et 5 oo livres à M re Nicolas Moquot, pour 
acquit de semblable somme due par lesdits gentilshommes 
verriers au seigneur de Prunevaulx , maître Jacques Foullé, 
lequel consentait à accorder mainlevée auxdits sieurs de 
Hennezel d’une certaine quantité de verre saisie à sa requête 
et présentement gardée en la maison des T rois-Mores de cette 
ville de Nevers. Horace Ponté avait soin de faire inscrire 
dans le contrat, comme condition de son marché, que les 
sieurs de Hennezel ne pourront vendre ni distribuer aucune 
marchandise de verre en viltre, à quelque personne que ce 
soit, du jour et fête de Toussaint prochainement venant, 
sans son congé, afin que plus commodément il pût débiter 
la marchandise à lui vendue, leur laissant seulement le droit 
de vendre à qui bon leur semblera , dans la fête de Toussaint 
prochaine, telle quantité de bouteilles qu’ils voudront. 

Jusqu’à présent, dans toutes les livraisons de nos verriers, 
il n’a été question que de verre à vitre de couleur blanche , 
sans désignation d’aucune autre couleur ; la grande renom- 
mée des verreries de la Lorraine leur venait cependant en 
particulier de la fabrication des verres de couleur. La charte 
des verriers octroyée en 1448 , et dont il a été parlé précé- 
demment, en faisait déjà mention : a Iceulx ouvriers, y est- 
il dit, pourront faire verres tels et de telle couleur que leur 
plaira. » Le président en la cour des comptes de Nancy, du 
nom de Thiéry Alix, auteur d’une description manuscrite de 
la Lorraine en 1594, parlant du grand commerce qui se 
faisait à l’étranger du verre fabriqué dans les Vosges, 
s’exprime ainsi : 

« Ne sont à obmettre les grandes tables de verres de toutes 
couleurs qui se font ez haultes forests de Vosge , ezquelles se 
trouvent à propos les herbes et aultres choses nécessaires à 
t. u, 3 * série. 26 


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— 250 — 


cet art, qui ne se rencontrent que rarement ez aultres pays et 
provinces , dont une bonne partie de l’Europe est servie par 
le transport et trafic continuel qui s’en fait ez Pays-Bas et 
Angleterre; puis de là aux aultres régions plus remotes et 
esloignées ( i ). » 

Sans doute nos forêts du Morvand renfermaient à propos 
les herbes nécessaires à la fabrication des verres de couleur, 
car le 26 janvier 1621, Daniel et Charles de Hennezel vendent 
au seigneur Horace Ponté 5 , 200 liens de verre blanc et 
800 liens de verre de colleur , plus 200 grosses bouteilles de 
verre à livrer sur le port Tharault..., pour le prix, savoir : 
de 6 sols 6 deniers pour chaque lien de verre blanc et i 3 sols 
tournois pour chaque lien de verre en colleur ; à l'égard des 
200 bouteilles, ledit sieur Ponté ne sera tenu de payer 
aucune chose, comme lui ayant été données par lesdits sieurs 
de Hennezel. 

La réputation des verreries de Nevers et du Bois-Giset 
était d’ailleurs bien connue, et l’on se rappelle qu’en 1643 
l’artiste qui réparait les vitraux de la cathédrale d’Auch , 
ayant besoin de verres de couleur et n’en pouvant trouver (2), 
priait MM. les Chanoines d’écrire à Nevers, « à ce gentil- 
homme qui fait le verre, pour qu'il fît parvenir leur lettre à 
M. Charles de Hanse, au Bois-Gi%i , paroisse de Savigny. * 

Si les anciennes verrières de la cathédrale de Nevers exis- 
taient encore, il nous serait permis sans nul doute d’y recon- 
naître les produits des verriers du Bois-Giset. 

« Pour le verre en plat, dit M. Levaillant de La Fieffe ( 3 ), 

(1) Les Gentilshommes verriers , par M. Beaupré (ouvrage déjà cité), 
page 35 . 

(2) Voir plus haut, fin du chapitre il, page 166. 

( 3 ) Les verreries de Normandie, page 459. En 1661, Josué Hennezel 
demandait l’autorisation de joindre à sa fabrication, des miroirs, à la 
façon de Venise, et des grands verres ronds, à la façon de ceux de 
France, qui ne se font qu’en Normandie. (Verreries à la façon de 
Venise, par J. Houdoy, documents, page 73.) 


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— iSi — 


le verre est d’abord soufflé en forme de boule un peu allongée, 
puis attaché au pontil, après l’avoir réchauffé, et lorsqu’il le 
croit suffisamment ramolli , l’ouvrier imprime au pontil un 
mouvement de rotation très-rapide qui, à l'aide de la chaleur 
et de la force centrifuge, développe la pièce en un plateau 
rond et plat ; on le détache alors du pontil , mais sans pou- 
voir faire disparaître l’empreinte , qui produit au centre du 
plateau la loupe ou boudiné que l’on rencontre dans de vieux 
carreaux fabriqués par ce procédé. Le plus souvent aussi la 
feuille de verre a l’inconvénient d’étre plus épaisse vers le 
centre qu’à la circonférence. » 

Nous possédons un très-joli fragment de verre blanc pro- 
venant de la cathédrale, sur lequel est peinte hardiment une 
grande feuille de chardon, et dans le centre , qui va en effet 
en s’épaississant, on remarque la loupe ou boudiné très-forte- 
ment caractérisée. 

Cependant, depuis quelques années déjà, des pourparlers 
étaient engagés entre les verriers italiens descendant de nos 
premiers Sarode, dont plusieurs travaillaient auprès d’Horace 
Ponté, et nos verriers lorrains, vivement sollicités de se 
rendre en Italie pour y fonder une verrerie de gros verre. 

Dès l’année 1634, un premier pacte avait été conclu à 
Nevers, en la maison de la verrerie, par-devant le notaire 
Pellé. On nous saura gré de faire connaître les principaux 
détails de cet épisode si intéressant et tout à fait inconnu. 

Donc, le 19 avril de ladite année 1634, noble Charles 
d’Hennezel, écuyer, l'un des maîtres de la verrerie du Bois- 
Giset, tant en son nom que pour ses frères Daniel et Joseph, 
aussi écuyers, demeurant ensemble en ladite verrerie (1), 
promet et s’oblige aux sieurs Jérôme et Jacques Sarode, 
gentilshommes verriers, demeurant en Italie, au lieu de 

( 1 ) La procuration desdits frères faite le i5 avril, au lieu de la 
verrerie de Giset, est signée de Daniel d*Hcnne\et (sic) et de Philippe 
d*Hennefet, comme témoin ; encore un nouveau nom qui s'ajoute aux 
cinq déjà cités. 


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— 2 5 2 — 


Montenotte (i), paroisse de Caire en Lombardie, ou autre- 
ment pays de Millanois; — ledit sieur « Hiérosme » étant 
de présent à Nevers et se faisant fort pour son frère; — de 
s'acheminer avec ses frères de leur domicile du Bois-Giset, 
dans le mercredi de la fête de Pentecôte prochaine jusqu’à la 
verrerie dudit Montenotte, et avec eux, un autre gentil- 
homme , un apprenti , un fondeur, un empailleur et trois 
tisonniers, pour travailler de leur art de verriers et sans 
discontinuation y faire et façonner jusqu'à la quantité de 
dou\e mille liens de verre plat de trois tables pour lien % 
moyennant la somme de 4 sols tournois pour chacun lien 
de verre que ledit Jérôme Sarode sera tenu payer lors de 
l’entière livraison. 

En outre, seront tenus lesdits Sarode fournir aux sieurs 
c de Henne\el » tous les matériaux nécessaires à faire ladite 
quantité de liens de verre; plus, payer : pour les gages du 
fondeur, 4 livres par semaine; à l’empailleur, 3 livres, et à 
chaque tisonnier 35 sols aussi par chaque semaine; et 
encore de nourrir « honnestement » pendant tout le temps 
que ladite marchandise durera à faire, ou qu'ils travailleront 
audit lieu, tant les sieurs de Hennezel et leur gentilhomme 
que les autres. 

Les gages desdits fondeur, empailleur et tisonniers com- 
menceront à courir du jour qu’ils partiront de leur maison 
jusqu’à leur retour, pourvu qu’ils ne séjournent par les che- 
mins plus d’un mois à aller et retourner ; et à l’égard de la 
dépense desdits sieurs d’Hennezel, du gentilhomme, de 
l’apprenti et des autres, tant pour aller à la verrerie de 
Montenotte que pour retourner en leur maison, les sieurs 
Sarode seront tenus leur payer la somme de 3 oo livres pour 
chacun voyage audit lieu...; et continuera le présent marché 


(1) Il est à remarquer que Montenotte est dans le voisinage d'Altare , 
pays de nos verriers de Nevers. Altare est en effet compris aujour- 
d’hui dans la province de Gênes, arrondissement de Savone, canton 
de Cairo-Montenatte. 


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- ^53 - 


pour quatre voyages qu’ils feront dans neuf années, à com- 
mencer, comme il a été dit, le mercredi d’après la Pentecôte 
prochaine pour le premier voyage, et les autres trois voyages 
trois mois après qu’ils auront été avertis par lesdits sieurs 
Sarode. 

Il ne sera loisible aux sieurs d’Hennezel de faire, ni 
souffrir être fait, en ladite verrerie, par leurs gens , aucune 
sorte de bouteilles sans l’exprès consentement desdits sieurs 
Sarode, à peine de payer une pistole d’Espagne pour chacune 
fois, etc. 

Comme aussi est accordé que si pendant le temps que 
lesdits sieurs d’Hennezel travailleront en la verrerie de 
Montenotte il arrive des guerres , des maladies contagieuses 
ou autre force majeure, et qu’ils ne puissent travailler facile- 
ment, ils seront tenus, après avertissement des sieurs Sarode, 
de quitter leur travail et s’en retourner à leur domicile, et 
ne seront payés de leurs marchandises que ce qui se trouvera 
avoir été fait, et leurs ouvriers seront payés au prorata du 
temps qu’ils auront travaillé. 

A la lecture de ce contrat on pourrait croire que le voyage 
de nos verriers était à la^veille de s’accomplir; cependant, 
après vingt ans écoulés, personne n’avait quitté le Bois- 
Giset, malgré les appels réitérés des sieurs Jérôme et Jacques 
Sarode adressés au maître de la verrerie de Ne vers pour les 
transmettre aux contractants. 

En 1654, le 14 du mois d’octobre, Jacques Sarode, le 
frère de Jérôme, — probablement décédé , — vient renou- 
veler, tant en son nom propre qu’en celui de son autre frère, 
Charles, le contrat de 1634 ; Charles d’Hennezel , ainsi que 
ses frères Daniel et Joseph, ayant manqué à leur parole, il 
s’adresse à un autre membre de cette nombreuse famille, 
Hugues d’Hennezel, qualifié d’écuyer, sieur de Longpré, 
aussi demeurant au Bois-Giset, lequel promet de s’acheminer 
de son domicile, un mois avant ou après les fêtes de Noël de 
l'année 1655, jusqu'à la verrerie de Montenotte, et « illec 
assisté des sieurs David, François, Claude et Denys 


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d'Henne\et , pour lesquels il se fait fort » travailler de leur 
art de verrerie de gros verre. Les conditions sont absolument 
les mêmes que sur le pacte de 1634 (1). 

Cette fois, le seigneur Hugues semble avoir pris au sérieux 
son engagement. Il s’occupe, — non sans de grandes difficul- 
tés, — de trouver les ouvriers qui devront l'accompagner. Le 
23 avril 1656 Jean Maucourant, tireur de verre en table , 
demeurant en la paroisse de a Naulay », lui promet 
par-devant notaire (2) de le servir de son art de tireur, 
en la verrerie de Montenotte , et de partir à sa première 
réquisition, moyennant quoi ledit sieur de Longpré sera 
tenu le nourrir, coucher et blanchir, à compter du jour 
qu’ils partiront et jusqu’au retour, et en outre, pour paye- 
ment du travail , lui donner la somme de 3 livres chaque 
semaine. 

Deux années passent encore, et un autre Sarode, prénommé 
Augustin, vient à son tour à Nevers. Comme ses prédéces- 
seurs, il descend à l’hôtel de la verrerie, auprès de noble 
Jean Castellan, successeur d’Horace Ponté. Hugues d’Hen- 
nezel s’y rend aussi, et le projet va décidément recevoir un 
commencement d’exécution. 

Pour la confection des fourneaux à faire verre, il n’est 
terre meilleure que celle du Nivernais; en conséquence, le 
12 octobre 1658, le seigneur Hugues s’engage à faire tirer 
de la terre blanche du Port-Tarault la quantité de 3 o poin- 
çons , qui seront transportés en lieu chargeable en bateaux , 
de ce jour en trois semaines , moyennant le prix de 7 livres 
« pour chacun poinsson » de ladite terre, montant à la 
somme de 210 livres, que le sieur Sarode a payée comptant. 
Ledit sieur Hugues s'engage aussi à faire tirer « des Croux- 
Blancs, proche Prunevaulx », 15 poinçons de ladite terre, 


(1) Archives dss notaires de Nevers, minutes Devillars. La minute 
est signée : Giacomo Saroidi et Hugue de Hanne\ê. 

(2} Minutes Devillars. Il a été plusieurs fois question de ce Maucou- 
rant dans le chapitre II. 


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— 255 — 

au même prix, et à la faire transporter sur le port de la ville 
de Nevers (i). 

Le 18 octobre, Augustin Sarode étant encore à Nevers et 
déclarant agir en son nom et en celui de son frère Jacques- 
Philippe, Hugues d’Hennezel promet de s’acheminer de son 
domicile de Bois-Giset, avant ou après les fêtes de Noël de 
l’année prochaine 1659, jusqu’à la verrerie de Montenotte, 
assisté d’ouvriers suffisants et capables...; il s’engage de 
même à partir, au commencement du mois d’avril prochain, 
avec un homme, pour construire « bien et deument » le four 
et les pots nécessaires au travail de ladite verrerie, moyen- 
nant quoi leur sera payée par ledit Sarode la somme de six- 
vingts livres à l’achèvement desdits four à pots, plus seront 
nourris par ledit Sarode, qui paiera aussi l’homme qui cons- 
truira le four. 

Mais quand tout semblait terminé surviennent de nou- 
velles lenteurs, et cette fois de la part d'Augustin Sarode, 
lequel devait se trouver à Nevers au i fp avril, pour emmener 
avec lui Hugues d’Hennezel et son ouvrier, et qui fait défaut, 
comme il est officiellement constaté par devant le notaire de 
Villars et en présence du sieur Castellan. 

Par-devant le même notaire encore, le sieur de Longpré 
expose, le 5 octobre 1661, qu’en exécution du contrat passé 
le 14 octobre 1654, il a entrepris gentilshommes et autres 
ouvriers nécessaires et capables pour faire valoir une verrerie; 
qu’il est allé de ce fait au pays de Lorraine où, n'en ayant 
trouvé, il a été de verrerie en verrerie , puis a entrepris ses 
frères David, Isaac, Jean et Claude, tous écuyers, pour partir 
incessamment, et aussi le nommé Claude Guyot, fondeur, les- 
quels maintenant lui font sommation de prendre un parti le 
plus promptement possible. Ceci se passait au domicile de la 
demoiselle Suzanne d’Albane, veuve d’Horace Ponté, laquelle 
leur demande une quinzaine pour avertir le sieur Sarode. 

(1) Archives des notaires de Nevers, mêmes minutes de Villars. 
L’acte est signé : Agostino Saroldi, Hugue de Hannt\è. 


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— a 56 — 


Enfin, sur ces entrefaites arrive Charles Sarode ( Carlo 
Saroldi) ; en présence du même notaire de Villars et de la 
veuve d’Horace Ponté, le 12 octobre, il est donné lecture du 
contrat de 1654; Hugues d’Hennezel reconnaît qu’il doit 
faire en la verrerie de Montenotte mille trois cents quaisses 
de verre de viltre, et Charles Sarode déclare avancer pour les 
dépenses du voyage la somme de 3 oo livres tournois (1). 

Le i 5 juillet 1671, un ouvrier de la verrerie de La Nocle , 
Jean Laveyn e, fondeur de gros verre de vistre , s’engage 
encore à aller faire sa demeure en la verrerie de Montenotte, 
au service du sieur Sarode, pendant un an, à commencer le 
x« r avril prochain, moyennant le prix de i 3 livres par cha- 
cune semaine (2). 

Mais, c’est assez et trop peut-être, sur ce sujet! Nous 
ignorons d’ailleurs la suite de l’histoire des verriers de Bois- 
Giset ; il faudrait, pour la compléter, collationner minutieu- 
sement les archives si considérables des notaires, les registres 
des paroisses et les archives particulières des familles aux- 
quelles ces gentilshommes s’étaient alliés ( 3 ). 

Au moment même où nous envoyons ces lignes à l’impres- 
sion, notre infatigable collègue, M. d’Espiard, nous fait part 
de nouvelles découvertes dans les archives des notaires de son 


(1) Nous passons sous silence une réclamation du sieur François 
d’Hennezel, écuyer, seigneur de Lavot, demeurant au lieu de Breuille, 
paroisse de Maltat, pays de Bourgogne, lequel, à la date du 28 octo- 
bre 1667, s’adresse à Jean Castellan, lui demandant de lui faire payer 
les sommes promises pour qu’il parte avec ses ouvriers, ayant pris 
l’engagement, le 26 juillet 1666, de faire ouvrir la verrerie de Monte- 
notte et du Fourny, en Italie, pendant deux années, etc..., à quoi le 
sieur Castellan a répondu qu’il en donnerait avis aux sieurs Jacques 
et Charles Sarode frères, n’étant que leur mandataire. (Minutes de 
Villars.) 

(2) Archives des notaires de Nevers, minutes de France. 

( 3 ) Parmi ces familles, nous rappellerons les de Balorre et les de 
Chargères qui, très-étroitement unis aux verriers, n’ont cependant 
pas travaillé au verre , comme semblerait l’indiquer le sommaire de 
ce chapitre , page 224. 


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voisinage. C'est entre autres un contrat d’apprentissage d’un 
gentilhomme verrier, avec serment de ne pas révéler le noble 
art de faire le grand verre en plats. 

Cet acte des plus curieux mentionne les quatre grandes 
familles lorraines ayant le privilège de souffler le verre en 
plats sans déroger à leur noblesse , comme de haute ancienneté 
l’avaient en Normandie les quatre familles des Bongards, 
Brossard, Caqueray et Le Vaillant (i). 

Nous nous empressons d’en donner la copie : 

€ Cejourd’huy deuxiesme jour d’aoust mil six cent cin- 
quante par devant moy nottaire roial soubsigné et présent 
les tesmoings cy apprès, au lieu de Lisle (paroisse de Savigny 
sur Canne) hostel du juré avant midy, s’est comparu en sa 
personne Pierre de Thiétry , ecuyer sieur de Sainct Vaulbert 
lequel désirant apprendre le noble art de faire du grand 
verre en table, et scachant que ledit art ne se confert ny ne 
peult apprandre que par gentilhomme des quatre familles 
de Thiertry , de Henne\el , de Thisac et de Biseval en 
ligne masculine ou à gentilhomme dont l’origine est bien 
vérifiée estre descendu des quatre (2) le quel comme estant 
descendu de la dite famille de Thiertry , en la présence de 
Jacques de Hennezel, escuyer sieur du Courroy et Jacques 


(1) Les verreries de la Normandie , par Le Vaillant de La Fieffe, 
chapitre II, les Gentilshommes verriers , p. 447-471. 

(2) Les Thisac y que nous n’avions pas encore eu l’occasion de citer, 
se retrouvent dans le travail de M. Beaupré [Recherches sur Vindustrie 
et tes privilèges des verriers dans Vancienne Lorraine ). 

En i 5 o 5 , le duc René II permit à François de Tysal ( Thisal , Tisac) 
d’établir une verrerie au lieu dit la Haute-Frison, sur le Rupt des 
Vosges. De même, les Biseval — si l’on se rappelle combien l’ortho- 
graphe des noms propres variait alors — ne doivent être autres que 
les Bisonale, descendants de Jehan et Pierre Brysonale ou Bysenale t 
maîtres verriers, mentionnés sur la charte de 1448, renouvelée en 
1469. Ce titre si précieux mentionne précisément que les verrières 
sont au nombre de quatre, gouvernées chacune par des membres des 
quatre grandes familles privilégiées. 

t. 11, 3 * série. 27 


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— 258 — 


de Hennezel, escuyer sieur de La Sebille, a juré et affirmé 
par son serment presté par devant moy notaire roial présens 
les dits sieurs de La Sebille et du Cou rroy et les tesmoings 
cy apprès estre issu de la première famille de Thiertry et 
qu’il désire apprandre ledit noble art promet par sondit 
sermant et soubs la peine de cinq (?) neus escus sol applic- 
quable à la communaulté des familles de Thiertry , d'Enne\el t 
de Thisac et Biseval pour la moitié et pour l’autre moitié au 

roy. Ou au ou il aura contrevenu ni monstrer ny anssi- 

gner ledit noble art qu’à ceux issus des dites quatre familles 
ou à gentilshommes descendus de quatre lignées, travaillier 
ny conférer dudit noble art avec aultre personne. Dont et du 
quel serment je aux dits sieurs octroyé acte en presence 
d’honorable homme Jehan Tixier marchand et Gabriel 
Prévost meusnier demeurants audit Lisle ; ledit Prévost ne 
signe enquis. » 

Ainsi signé : P. de Thietry Saint-Vaulbert, J. de Hennezel 
Sebille, J. de Hennezel Corroy, Tixier, et du notaire 
Pierre (i). 

M. d’Espiard nous signale aussi, dans le volumineux 
inventaire déjà cité des meubles de Jean de Ponard et de 
Claudine de Reugny, commencé le 15 février 1574, la men- 
tion de lettres en parchemin contenant l'acte de vente de la 
verrerie de la Boue , appelée Chenanbray , par noble homme 
Olivier Mesmain, à défunt Jehan Ponard et à Guion 
Ponard, frères; acte reçu le 20 février i 55 y par Bailezy, 
notaire royal à Moulins-Engilbert. 

D’où il suit d’une manière maintenant certaine que 
Chenambret et la Boue n 'étaient vraiment qu’un même 
établissement , contrairement au doute que nous avions 
précédemment émis (2). 

(1) Minutes de Pierre Pierre, notaire royal à Listes , aujourd’hui 
simple domaine de la commune de Sai nt-Gra tien-Sa vigny , canton de 
Fours. 

(2) Voir plus haut, page 237. 


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— 25g — 

M. l'abbé Baudiau, dans son Essai sur le Morvand, fait 
mention à l’article consacré à Savigny-Poil-Fol, jadis siège 
deil'une des trente-deux châtellenies du Nivernais, d'un sire 
d'Enne\el t qui eut, au seizième siècle, un grave démêlé avec 
le curé de la paroisse. Ce seigneur avait obtenu, moyennant 
la promesse d’un calice d'argent, la permission de bâtir dans 
l’église une chapelle qu'il dédia à saint Michel, mais il refusa 
plus tard d'exécuter son engagement; c’est pourquoi il fut 
cité par-devant le bailli de Savigny et condamné à livrer le 
calice promis (i). 

Il serait bien intéressant de connaître la date précise de cet 
acte, qui pourrait peut-être nous édifier sur l'époque de la 
venue des d'Hennezel en Nivernais. 

Le 22 février 1670, Isaac d’Hennezel, écuyer, demeurant 
« à présent (2) » en la verrerie d’Avry , paroisse à'Aubigny - 
le-Chety ( 3 ;, reconnaît avoir reçu la somme de 450 livres, 
provenant des deniers du mariage de feu damoiselle Barbe 
de Thiétry, son épouse , duquel il est resté une fille nommée 
Jeanne-Marie de Hennezel, de présent en pension au logis 
du sieur David d’Hennezel , écuyer, résidant à la Grant 
Catherine , laquelle somme il s’oblige de restituer à sa fille 
lorsqu’il se rencontrera lieu pour la marier ou se mettre en 
religion. Il déclare en outre avoir renoncé au reste de la 
succession de ladite demoiselle sa femme , consistant en un 
billet resté aux mains de demoiselle Claudine, femme du 
sieur Josué d'Hennezel , écuyer, sieur d'Ormoy en partie, 
demeurant à Nammeure (Namur), lequel billet porte environ 
1,000 livres barrois et autres billets pour les meubles, bagues 
et joyaulx , etc. (4). 


(1) Le Morvand , t. l #r , p. 390 de la première édition. 

(2) En 1661, il était avec ses frères à Bois-Giset. 

( 3 ) Avril-les-Loups , hameau de la commune d’Aubigny-le-Chétif, 
canton de Decize. ( Dictionnaire topographique du département,) 

(4) Archives des notaires de Nevers, minutes de France. — L'Inven- 
taire sommaire des archives de Meurthe-et-Moselle , par M. H. Lepage, 
contient de très-curieux documents sur les gentilshommes verriers du 


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— 2Ô0 — 


La Grande-Catherine dont il est ici question, oü résidait 
David d’Hennezel, frère d’ïsaac, n’est autre que l’ancienne 
verrerie de Fours, dite de Sainte-Catherine. Tous ces établis- 
sements de La Noclc, de Prunevaux, de Bois-Giset, d’Avril, 
de Fours, fondés par les verriers lorrains, avaient été aban- 
donnés dès la fin du dix-septième ou au commencement du 
dix-huitième siècle. Cependant, vers 1779, M. de Vogué, 
seigneur de La Nocle, avait à grands frais rétabli la verrerie 
de Fours. Un mémoire instructif sur cet établissement, 
rédigé en pleine Révolution , par des amis de la justice et 
de la vérité (1) , rend hommage aux généreux sacrifices que 
l’émigré Vogué et sa famille s’étaient imposés tant pour le 
bien général de la patrie que pour le bien particulier des 
habitants de la commune de Fours. Si Ton ajoute, en effet, 
au nombre des souffleurs, tiseurs, fondeurs, étendeurs, 
fournalistes , potiers, etc., qui sont pour le service intérieur 
de l’usine, les commis, bûcherons, bouviers, etc., qui tra- 
vaillent à l’extérieur, le calcul ne se portera pas à moins de 
mille individus que cette verrerie fait vivre. On y rappelle 
que M. de Vogué avait appelé le citoyen Schmid, proprié- 
taire de la verrerie de Boucard , fermier de celle d’Aubigny, 
dans le département du Cher, élevé de père en fils dans cette 
industrie, et regardé comme celui qui, en France, avait le 
plus de connaissances dans cette partie; aussi avait-il porté 
bien vite la verrerie de Fours à un haut degré de perfection. 

Il faut consulter à ce sujet les registres paroissiaux de 
Fours. On y rencontre dès le commencement d’avril 1779, 
comme parrain, Jean-François Scalabrino, fils de François- 
Martin Scalabrino, premier commis de la verrerie royale de 
Sainte-Catherine; — le 29 avril, Nicolas Hyacinthe Multz, 


nom d’Hennezel et de Thiétry. Nous en avons trouvé 1’indication 
dans un petit travail récemment publié à Nancy (mars i883), sous ce 
titre : De la prétendue noblesse des gentilshommes verriers en Lorraine , 
par M. Léon Germain. 

( 1 ) Archives de la préfecture. Communication de M. de Flamare. 


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— 2ÔI — 


directeur-propriétaire de la manufacture royale de Sainte- 
Catherine, ancien officier de cavalerie, pensionné du roi, 
époux de M œe Françoise Vulliez, ayant sa résidence à 
Landanges, diocèse de Trêves, parrain aussi d'un fils de 
Martin Mathis, verrier de ladite manufacture ; il meurt peu 
après, et est inhumé le 14 août. C’est alors que M. de Vogué 
sans doute devient acquéreur de la verrerie. 

Le 16 novembre, François Lang, verrier en verre de 
table à la verrerie de Sainte-Catherine, fils de Michel Lang, 
verrier à Saint-Quirin , diocèse de Metz, et de Catherine 
Keller, se marie à Catherine Geind, fille de Jean-Georges 
Geind, fondeur en ladite verrerie. 

A la fin de cette même année 1779, le samedi 4 décembre, 
le curé de la paroisse note qu’il a béni la halle et le premier 
four de la verrerie de Sainte-Catherine, tous les ouvriers 
étant présents à la cérémonie. M. Bellet, représentant M. le 
marquis de Vogué, a mis le feu au four à verre de gobléterie , 
après quoi nous avons chanté le Laudate. MM. les direc- 
teurs, associés, directeur en second et commis ont signé l’acte 
que nous transmettons à l’avenir. 

Le 26 juillet 1782 est baptisée Jeanne-Françoise-Cons- 
tance, fille de Melchior Schmith , maître de la verrerie , et 
de dame Claude-Nicole Glaise; le parrain se nomme messire 
Jean-Nicolas de Brossard, chevalier, seigneur de Boismallet 
et de la Perrière; — le 3 janvier 1785, autre baptême d’un 
fils de Ours Schmith , commis à la verrerie, et de Marie 
Hansé; les parrain et marraine sont Pierre-François-Louis 
de Chazal, seigneur d’Issonche, et Jeanne-Marie-Françoise 
de Chazal. Un troisième membre de la famille Schmith, 
prénommé Joseph et qualifié de coupeur de verre , est cité, 
dès 1759, etc. (1). 

M. Née de La Rochelle, dans ses Mémoires sur le Niver- 
nais , publiés en 1827, consacre quelques lignes à la grande 

(1) Tous ces extraits des registres de Fours nous ont été commu- 
niqués par M. le baron d’Espiard. 


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— 262 — 


et belle manufacture de Sainte-Catherine, où l'on fabrique 
du verre blanc. Elle contient, dit-il, quatre fours, dont deux 
peuvent être alternativement en activité. Le verre qui en 
sort est le produit d'un sable vitrifiable que l’on tire de 
Ternant, commune du canton de Fours. Les creusets de cette 
verrerie se font avec la belle argile connue sous le nom de 
terre du Port-Tarraud , aux confins du département , et la 
position de cette verrerie à la proximité des grands bois et 
des charbons de Decize, rend son exploitation plus facile (i). 

Le bourg de Fours n’était plus connu dans ces dernières 
années que par son importante fabrique de porcelaine. 

Combien d’autres établissements verriers existaient certai- 
nement de haute ancienneté en Nivernais, peut-être même 
à Ne vers ! 

Ainsi, sur une charte de l’année 1 178, fonds de l’abbaye 
Saint-Martin de Nevers, nous rencontrons comme témoins : 
Hugues le monétaire et maître Raoul le verrier : S . Hugonis 
monetarii , S. magistri Radulfi vitrearii (2). 

Le Dictionnaire topographique du département nous 
signale : la Verrerie-Godard et la Verrerie-Neuve en la 
commune de Saint-Léger-des-Vignes ; — La Verrerie , 
hameau détruit , commune de Montsauche , porté sur la carte 
de Cassini, etc. On se souvient de la verrerie d'Apremont f 
fondée au milieu du siècle dernier par M m ® de Béthune, et 
qui a fait l’objet d’un mémoire auquel, plus d’une fois, nous 
avons renvoyé le lecteur. 

La trace de beaucoup d’autres établissements se retrouvera 
certainement encore dans les noms de lieux énumérés sur 
les anciens contrats, dans les vieux terriers et notamment 
dans le dépouillement méthodique des registres de l'état civil. 

(1) Mémoires, tome II, pages 23 i-i 34 . 

(2) Une autre charte de 1247, même fonds Saint-Martin, aux archives 
de la préfecture, mentionne encore la présence, non plus de verriers, 
mais de monétaires à Nevers. Il s’agit d’une pièce de terre sise ultra 
Ulmum de Nivernis , haud longe a via per quam itur ad Vauqellas , 
inter terras monetariorum Hugonis de Monteto et Sortie . 


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- 263 — 


Les deux verreries à bouteilles de Decize, aujourd’hui 
les seules en activité dans le département de la Nièvre, ne 
sont autres que les verreries de Saint-Léger-des-Vignes , 
fondées en 1789, sur le vaste port où la compagnie des 
houillères avait établi ses dépôts de charbon, d’où le nom 
de La Charbonnière . 

Depuis longtemps, ces verreries appartenaient à la Com- 
pagnie des mines de Decize. 

En 1869, les verreries furent vendues en même temps que 
les mines à MM. Schneider et C ,e , du Creusot, qui les 
exploitèrent jusqu’en 1879. 

En cette dernière année seulement, MM. Schneider et C ,a 
ont affermé lesdites verreries, pour une période de vingt ans, 
à M. J. Clamamus, de Saint-Léger-des-Vignes. 

Les produits des verreries de Decize (bouteilles de toutes 
formes et nuances, avec spécialité de champenoises pour vins 
mousseux), sont très-appréciés au triple point de vue du fini 
de la bouteille , de la beauté du verre et de sa très-grande 
résistance. 

C'est à cette qualité que M. J. Clamamus, outre les diplô- 
mes d’honneur qu'il a reçus à différentes expositions indus- 
trielles et tout récemment à Moulins , doit de faire encore 
quelques affaires en Italie, d’où les verriers français ont été 
à peu près chassés par les verriers allemands, le besoin de 
bouteilles solides s’étant fait sentir dans la province de Turin 
depuis cinq ans que l'on champagnise le vin d’Asti et des 
environs. 

Citons enfin, pour mémoire seulement, la verrerie et 
cristallerie de l’Épeau, à Donzy, que les excursionnistes 
de la Société nivernaise avaient vue en pleine activité au 
mois de juillet 1873. Fondée l’année précédente par 
M. Bedouet, neveu de l’imprimeur Marne, et desservie 
par des artistes verriers de Normandie, elle n’eut qu’une 
existence éphémère. 


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— 264 — 


CHAPITRE VI. 


ALTARE ET NEVERS. 


Sur le point de terminer ces pages où si souvent se trouve 
inscrit le nom de la cité d’Altare, un instant, par la pensée, 
transportons-nous dans ce pays d’origine de nos verriers de 
Nevers. 

Aussi bien , tandis que, il y a déjà six ans écoulés (i) t par 
l’intermédiaire si obligeant et si dévoué de M. Chevalier- 
Lagénissière , alors à Turin, nous poursuivions de ce côté 
nos investigations, fort à propos et simultanément se 
publiaient à Gênes et à Savone deux brochures des plus 
intéressantes, relatives à l’histoire de la verrerie d’Altare, 
et que notre collègue s’empressait de nous faire parvenir (2). 

Une première remarque qui nous a le plus frappé à la lec- 
ture de ces curieux travaux, concerne l’antique origine des 
Sarode, des Borniol et autres verriers altarais venus à 
Nevers. Naturellement, nous les croyions d’origine italienne; 
or, voici que la Monographie de Vart du verre à Altare , 
publiée par M. le chevalier Enrico Bordoni, comme les 
Aperçus historiques , de M. le professeur Gaspard Buffa, 
s’accordent à établir leur origine flamande. 

(1) Voir Bulletin de la Société nivernaise f t. XI, page 35 , procès- 
verbal du 3 juin 1880. 

(2) Enrico Bordoni L’industria del vetro in Italia. L’Arte vetraria 
in Altare , nella sua origine, nelle sue vicende nel suo sviluppo — 
nelle sue speranze. — Savona, tipo-litographia di Andrea Bicci. 1879. 
L'Universita delV arte vitrea di Altare dalle sue origini ai nostri 
giorni. — Genni storici di Gaspare Buffa. — Genova , tipografia di 
Gaetano Schenone. 187g. 


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— 265 — 


D’après une tradition locale, dit ce dernier (i), tradition 
embellie peut-être par l’imagination populaire, mais au- 
dessus de la critique dans sa partie substantielle, vers l'an 
iooode l’ère vulgaire, vivait dans la petite île de Bergeggi, 
près de Savone , un pauvre ermite, venu là de la Flandre 
française, lequel devint abbé de la riche abbaye de Fornelli, 
près de Mallare. Les bois épais qui alors couvraient toutes 
les crêtes des Apennins, et dont aujourd’hui encore on admire 
les restes majestueux à Montenotte ( 2 ), lui persuadèrent que 
ces lieux convenaient parfaitement pour y établir des verre- 
ries. Avec cette idée fixe , le bon ermite se rend dans sa patrie 
et persuade quelques familles d’émigrer et de s’établir sur les 
cimes de notre Apennin , pour y travailler à la fabrication du 
verre (3). Ces familles étaient au nombre de huit environ, 

(1) L’Artevitrea in Altare. Origini, page 12 et suivantes. 

(2) On a vu dans le chapitre précédent l’épisode relatif aux verreries 
de Montenotte. 

( 3 ) Altare est aujourd’hui une commune de 2,000 âmes, située au- 
dessus de Carcare, sur le versant septentrional. On y arrive de Savone 
à peine après avoir passé le pas dit de Cadibona, là où, selon certains 
géographes, viennent se rencontrer et s’abaissent successivement, 
d’une part les Alpes-Maritimes, d’autre part les Apennins. Cette com- 
mune appartient à l’arrondissement de Savone, et par conséquent à la 
province de Gênes. 

A propos du nom même d 'Altare, nous ne pouvons oublier de faire 
remarquer ici quelques méprises curieuses reproduites dans des actes 
anciens précédemment cités et qui n’auront pas échappé sans fioute 
aux lecteurs attentifs : ainsi, à la note de la page 178, dans un acte 
passé à Nevers en 1669 par-devant le notaire de Villars,e\ relatif à un 
gentilhomme verrier du nom de Massard ( Massaro ), originaire d 'Al- 
tare f au pays de Monferrat, le notaire a écrit: originaire du lieu de 
Yhôtel de Monferrat. Il y a ici l’indication d’une double méprise ; 
d’abord le nom de lieu Altare traduit par Y autel (l’autel sacré, Altare 
Dei)j puis ce mot phonétiquement rendu par hôtel. De même, à la 
page 196, le curé de la paroisse Saint-Laurent, dans l’acte de mariage 
de Fillipo Privoto,en 1678, le qualifie Italien de nation, natif de 
Lautel , proche Savone , demeurant de présenté Nevers; or, Lautel est 
évidemment Altare , en effet tout proche de Savone, traduit par autel 

M. Schuermans signale dans sa quatrième lettre une semblable 
t. U, 3* série. 28 


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— 266 - 


dont voici les noms italianisés (i nomi fatti italiani ), tels 
qu’ils se sont conservés jusqu’à ce jour, — ces familles 
n’étant pas encore éteintes , — avec leurs correspondants dans 
la langue franco-flamande ou normande, tels qu’on les 
retrouve aussi en Flandre et spécialement à Val-Saint- 
Lambert. 

Ces noms sont : Bordoni ( Bourdon ) , Biancardi ( Blan- 
chard) ), Buzzone ( Bousson ), Brondi ( Breaund ), Bormioli 
( Borgnolle ), Rachetti [Raquette], Saroldi ( Saraud ) (i). 


méprise pour les Ferri , de Provence, auxquels on assigne pour lieu 
d’origine Lan ta , au diocèce de Noli , dans l’ancienne Pouille. Il est 
très-possible, en effet, dit-il, qu’il s’agisse du diocèse de Noli, près 
de Gênes, et qu’il faille changer le nom du reste inconnu Lanta en 
Laltar, c’est-à-dire l’Altare ou Al tare. 

Peut-être pourrions-nous ajouter encore que le sieur Isidore de 
Revet ou Drevet, écuyer, qui travaille à la verrerie de Ne vers en 1672, 
est bien proche parent sans doute de Domenico Riveta , auquel, le 
24 février i685, Jeanne Pluchon, femme de Nicolas « (de Bourgniollc , 
sieur de Fourchambault », transportait, par procuration de son mari, 
l’accense d’une maison appartenant à Pierre Maulguin, chanoine de 
la cathédrale, et sise devant la verrerie. (Minutes Taillandier. — Voir 
aussi, dans le chapitre III, pages 192-197.) 

Plus d’un oubli de ce genre aura pu nous échapper encore. 

(1) On remarquera sans doute ici l’absence du nom de Ponté, si 
étroitement uni cependant avec celui des Sarode. La famille Punta , — 
veut bien nous écrire M. Bordoni, — était originaire du pays, peut- 
être Ligure; elle s’est éteinte depuis environ un siècle. Le seigneur 
Horace Ponté , qui donna une si grande renommée à la verrerie niver- 
naise, était sans doute un dttiseur ou apprèteur , qui, après, avoir 
terminé l’apprentissage voulu par les chapitres de Part, s’agrégea aux 
maîtres verriers. (Voir plus haut, dans le chapitre III, page 194, la 
note relative aux différents emplois dans les verreries.) — Semblable 
remarque s’applique : i* aux Castellan , non moins connus a Nevers. 
La famille Castellani était originaire de Carcare, pays voisin d’Altare. 
On peut supposer, dit également M. Bordoni , que, pour services 
rendus, le consulat l’agrégea ad honorem à la corporation, comme il 
le fit pour beaucoup d’autres familles; — 2 0 aux Perrotti , qui devaient 
être originaires du pays de Bormida , peu distant d’Altare, où aujour- 
d’hui encore il existe plusieurs familles de ce nom. Il est hors de 
doute que les Perrotti ont été agrégés à Part, et que quelques-uns des 


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— 267 — 

D'après le même auteur, le type physique de Y Altarais, 
l’idiome du pays, certaines désinences et inflexions qui lui 
sont propres, ainsi qu’un grand nombre de mots particuliers, 
et encore les statuts de l’art, les usages traditionnels, les 
méthodes de travail sont autant de preuves de l’influence 
française à Altare. 

Ainsi, par exemple, tandis que les ouvriers originaires du 
pavs se nommaient et sont encore nommés les paysans 
(paesani)y les descendants des anciennes familles des verriers 
composant l’université de l’art s’intitulaient d’un mot fran- 
çais inconnu dans les environs : Monsu, les monsieurs ( r ) , 
et pendant plusieurs siècles ils eurent dans le pays la prépon- 
dérance exclusive... 

Quand la peste ravageait Tltalie, en i 63 o, Altare fut 
épargné, et la commune attribua cette singulière faveur du 
ciel à saint Roch , qu’elle invoqua dès-lors comme patron. 
Or, il n’est sans doute pas inutile de faire observer, ajoute 
l’auteur, que saint Roch était appelé prince d'origine fran- 
çaise . (Non è forse inutile , il far notare che S. Rocco era 
tenuto e detto Principe di origine francese.) 

Plus tard, quand revenait la fête du saint patron, le 
16 août, parmi les curieuses particularités que signale le 
même auteur, il est à remarquer que Je préconiseur criait à 
trois reprises, avec une voix de stentor : Buâ monsû Roch ! 
c’est-à-dire : A nous ! formule absolument française, formola 
anch ’ essa francese (2). 

leurs avaient travaillé avec les Bormioli , les Ponta et les Saroldi en 
Flandre. Un registre du consulat mentionne, sous la date du 27 sep- 
tembre i 685 , un reçu du sieur Christophe Punta et de Jacques Per - 
rotto, pour entier payement de ce qu’ils ont travaillé en Flandre par 
le passé : huit crociati, valeur égale à 3 o 8 florins. 

(1) / membri delV Universita si intitolavano con voce francese e 
ignota nei diulorni 1 monsu. ( Page 20 des Stenni Storici di Gaspare 
Buffa.) 

(2) M. Roubet, dans sa Notice sur la verrerie d’Apremont , raconte 
qu’un jour le directeur de cette verrerie, M. de Rupt (1766-1769), 
se présenta à l’église si excentriquement encapuchonné que les assis- 


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— 268 — 

Après cela on a lieu de s’étonner de la conclusion de 
l’auteur, attribuant une origine flamande plutôt que fran- 
çaise aux verriers altaristes. M. Schuermans, qui a discuté, 
avec sa haute compétence, cette si intéressante question, 
dans sa troisième lettre au comité du Bulletin des commis - 
sions royales d*art et d'archéologie , conclut à l’origine 
normande. En Normandie, en effet, les verriers s’appelaient 
aussi les messieurs , et la forme primitive des noms cités est 
plutôt normande que flamande, — et, au surplus, « ce qui 
emporte la pièce, Val-Saint- Lambert , est un établissement 
datant non de l’an 1000, mais de 1826, époque où l’indus- 
trie verrière fut installée dans les bâtiments de la vieille 
abbaye, supprimée à la Révolution française. » 

M. Buffa a déclaré depuis, par suite de ces observations, 
qu’il ne persiste pas à soutenir l'origine flamande des Alta- 
ristes. 

De son côté, M. le chevalier Bordoni , descendant d’une 
de ces premières familles de nobles verriers (1), confirme 
pleinement toutes les allégations relatives à la haute origine 
des Altaristes, allégations qui reposent nou-seulement sur la 
tradition, mais sur certains documents découverts par le 
révérend chanoine T. Torterolo, bibliothécaire à Savone. 
M. Bordoni cite, en outre, cet extrait du Dictionnaire coro- 


tants ne purent tenir leur sérieux. Et le curé laissa tracer sur son 
registre de paroisse le portrait, peu flatté, du directeur, avec cette 
mention textuelle : 

« Un monsieur à perruque rousse, dont la figure est ici tirée au 
naturel, s’est avisé de venir ainsi bâti à la messe. Monstrum horren- 
dum ingens , s’écria saint Roch, qui mit son chien après luy. » 

Notre président ajoute : « On ne devait guère s’attendre à voir saint 
Roch en cette affaire ! > 

Ne serait-ce pas au contraire un souvenir du patronage de saint 
Roch ? 

(1) M. E. Bordoni, ancien secrétaire de l’Association artistique des 
verriers d’Altare, en est aujourd’hui le directeur, depuis la mort de 
M. Ferdinando Bormioli. 


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— 269 — 

graphique de l’Italie, par le professeur Amato Amati : 
« Altare était, aux temps anciens, muni d’un château-fort et 
entouré de murailles. Vers le neuvième siècle, ce pays 
appartenait aux seigneurs de Monferrat , lesquels concédèrent 
à des émigrants français de Bretagne et de Normandie le 
privilège d’y exercer l'art de la verrerie et accordèrent à leurs 
familles le titre de noblesse et de magistrature consulaire. * 

Dans une note manuscrite, M. Bordoni voulait bien 
ajouter que les armoiries des familles des verriers indiquent 
davantage encore leur origine française. Et comme nous lui 
demandions s’il serait possible de connaître d’une manière 
précise les écussons de ces familles établies à Altare depuis 
le onzième siècle , M. Bordoni nous adressait un charmant 
croquis des blasons, copiés sur les originaux qui existent 
dans l’église d’Altare, fondée par ces familles. En même 
temps M. Chevalier- Lagénissière s’offrait généreusement à 
faire lithographier cette planche de blasons à Turin et nous 
en envoyait la description , avec les belles épreuves qui vont 
illustrer ce dernier chapitre de l'histoire de nos verriers. 

Chacun des écussons ci-après décrits est représenté dans 
un cartouche, et tous sont uniformément timbrés d’une 
couronne d'or à l’antique. Les lecteurs rigoureux au sujet 
des règles du blason remarqueront plusieurs exceptions à ces 
règles, notamment en ce qui concerne la non-superposition 
des couleurs ou métaux. 

Bormioli. — D'aqur, au bœuf contourné d'or passant sur 
une champagne losangée de gueules et d'argent ; accom- 
pagné en chef de trois étoiles d'or à huit pointes, mal 
ordonnées. 

(Nous devons faire observer que, sur les peintures murales 
de l’église paroissiale d’Altare, peintures plusieurs fois 
restaurées, les losanges de la champagne sont indiqués 
aujourd'hui comme étant de gueules et d’une couleur indé- 
cise entre l’azur et le violet. Il y a eu là assurément erreur 
de la part du peintre, erreur qui provient sans doute de ce 


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— 270 — 


que^ sur les anciens monuments où était représenté l’écusson 
des Bormioli, les losanges d’argent, en s'oxydant, avaient pris 
peu à peu cette teinte incertaine que l'artiste a reproduite.) 

Ajoutons que la branche de cette même famille à qui, 
par la suite, a été octroyé le comté del Pino, a quelque peu 
modifié son blason. Les Bormioli, comtes del Pino, portent : 
Coupé , au premier d'azur à trois étoiles d'or mal ordonnées, 
ail second de gueules au bœuf d'or (1). 

Bordoni. — D'azur, à deux bâtons au naturel passés en 
sautoir , surmontant une champagne barrée d'or et de 
gueules de dix pièces ; accostés de deux fleurs de lis d'or , 
soutenus par une autre fleur de lis de même , celle-ci bro- 
chant sur la champagne et sur le champ ; et accompagnés 
en chef de trois étoiles d'or à huit pointes , mal ordonnées. 

Saroldi. — Coupé d'azur et de gueules , à la demi-roue 
d'or brochant sur le tout , accompagnée en chef de trois 
étoiles d'or à huit pointes , mal ordonnées , et en pointe de 
trois grumeaux de sel au naturel rangés en fasce. 

Brondj. — D'azur, au lion d'or rampant contre une tour 
de même , sur une champagne à pré fleuri ; le lion , sénestrc 
d'une fleur de lis d'or , et accompagné en chef de trois 
étoiles d'or à huit pointes , mal ordonnées. 

(1) Le Nobiliaire du Dauphiné ou discours historique des familles 
nobles qui sont en cette province, avec les blasons de leurs armoiries, 
par M. Guy-Allard, Grenoble, 1679, P- ^2, décrit ainsi les armes des 
Barniol , famille venue d’Avignon, il y a cent ans, pour travailler à 
faire des verres en Dauphiné : De gueules , au lyon d'or, tenant une 
épée nue d'argent, à la garde et poignée d'or, et trois étoiles de même , 
posées en chef. 

On a vu précédemment qu’on prononçait et écrivait souvent Barniol 
et Barniolles pour Borniol. 

M. Henri de Borniol, de Paris, nous écrit que le sceau de sa famille 
porte : D'azur, au chevron d'or , accompagné en chef de deux roses 
(ou de deux étoiles ) de même , et en pointe d'un bœuf d'argent sur une 
terrasse dç simple. 


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BORDONI 

( Bourdon ) 


BORMIOLI 
( Borgnolle ) 


SAROLDI 
( S arau d ) 


BIANCARDI 

< Blanchard ) 


RACCHETTI 
( Raquette ) 


YARALD1 

( Varaud) 


RACCHETTI -VARALDI 


armoiries des anciennes familles de gentilshommes verriers 

D'ORIGINE FRANÇAISE ÉTABLIES À ALTARE DEPUIS LE XI* 1 " SIÈCLE 

Jacrës un croquis dûs l'obligeance de M*B0RD0N[. Régent de la Direction de l'Association artistique desVerrpnes d Altare 


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Buzzone. - Dans l'église paroissiale cTAltare, les armoiries 
de cette famille sont représentées comme suit : Taillé ; au 
premier d’argent , à V avant-bras posé en barre , habillé 
d’une maille d'acier au naturel ombrée d'or ; la main 
nue y de carnation , tenant trois javelots de sable armés 
de pointes d'or; — au second , fuselé d’argent et de 
gueules . 

(Quant aux émaux de la partie inférieure de ce blason des 
Buzzone, nous avons à taire la même observation que pour 
les émaux de la champagne des Bormioli : le peintre les a 
aussi représentés, par erreur, de gueules et d’une couleur 
indécise entre l'azur et le violet.) 

Ce ne sont pas là, croyons-nous, les véritables armoiries 
des Buzzone. En effet, dans leglise de la SS. Annunziata 
(Notre-Dame de l’Annonciation), bâtie en 1690, sur l’empla- 
cement de la paroisse primitive d’Altare , par Mathieu 
Buzzone, verrier, qui fit sa fortune à Rome, pour avoir, au 
moyen de certaines herbes médicinales , guéri un Pape qui 
avait à une jambe une plaie considérée comme incurable ; 
dans cette église, disons-nous, on voit, représenté avec soin 
par un artiste habile, sur la porte d'entrée et sur la tombe de 
Mathieu, l’écu que nous indiquons ci-après, et qui nous 
semble être le vrai blason des Buzzone : 

De gueules , à la bande d'a\ur bordée d’or et chargée de 
cinq chevrons de même. — L’écu , timbré de la couronne 
d’or à l’antique, est surmonté, en cimier, d’un bras habillé 
d’une tmiMe d’acier, la main gantée de même, tenant trois 
javdo.j J acier, armés et empennés d’or, avec la devise: 
Constantia. 

Biancardi. — D’azur, à la montagne à trois hauts pics , 
couverte de neige au naturel , mouvante de la dextre de 
Vécu, posant sur une champagne barrée de gueules et d’or 
de six pièces ; la montagne sénestrée de trois fleurs de lis 
d’or mal ordonnées. 


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— 272 — 


Varaldi. — D'azur, à deux fers de scie au naturel posés 
en sautoir , surmontant une champagne losangée de sinople 
et de gueules , les losanges rangés en tires d’ échiquier ; les 
fers de scie accostés et soutenus de trois fleurs de lis d'or, 
et accompagnés en chef d'une étoile d'or ) huit pointes . 

Il convient de faire observer, à l’égard des émaux de la 
champagne de cet écu , que Ton rencontre, dans le nord de 
l’Italie, cette réunion du sinople avec une autre couleur, 
sans que cela constitue une anomalie. 

Racchetti. — D'a\ur, à un pin au naturel planté sur une 
champagne bandée d'argent et de gueules de sept pièces ; le 
pin accosté de deux étoiles d'or à huit pointes , et accom- 
pagné en chef de trois fleurs de lis cTor mal ordonnées . 

( Dans l’église paroissiale d’Altare, la champagne de 
l’écusson des Racchetti est indiquée comme étant bandée 
d’azur et de gueules. — Nous répétons ici ce que nous avons 
dit en parlant de l’écusson des Bormioli et de celui des 
Buzzone : il y a eu assurément erreur du peintre, qui a 
reproduit en bleu celles des bandes qui, primitivement 
peintes en argent , avaient , en s’oxydant , pris une teinte 
incertaine.) 

Racchetti-Varaldi. — La farriille Varaldi s’étant éteinte 
en la personne d’une femme mariée à un Racchetti, le dernier 
des Varaldi imposa aux Racchetti l’obligation de porter à 
l’avenir dans leur blason les armoiries réunies des Racchetti 
et des Varaldi. Ce blason se voit en bas-relief dans la nou- 
velle paroisse d’Altare, sur l’autel d'une chapelle dédiée à 
saint Joseph, et dont les Racchetti sont les patrons. 

La famille Racchetti-Varaldi porte donc aujourd’hui : 
Tranché , au premier des Rachetti et au second des 
Varaldi . 

Après ces documents qui ont pour nous un véritable 
attrait, puisque, outre les Sarode et les Borniol, plus d’une 


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— 273 — 

fois nous avons rencontré entre autres noms les Busson 
ou Bousson et les Rachette, une autre remarque qui nous 
intéresse plus particulièrement est celle qui concerne le 
consulat de l'art , dont plusieurs fois aussi il a été question 
dans ce travail (1). 

On se souvient peut-être qu’en 1625 un gentilhomme 
verrier d’Alcare, qui s’était engagé envers le seigneur Horace 
Ponté à travailler pendant un aû dans la verrerie de Nevers, 
s’étant enfui clandestinement et sans aucun prétexte après 
deux mois seulement écoulés, procès-verbal avait été dressé 
par-devant notaire, à la requête dudit maître de la verrerie, 
afin qu’il pût recouvrer contre le délinquant tous dépens, 
dommages et intérêts, selon les ordonnances des sieurs 
consuls de Vart de la verrerie de ladite vtlle d'Altare, pour 
ne l’avoir servi pendant le temps porté par ladite paction. 

« Le consulat de l'art (il consolato de 1 !' arte), dit M. le 
chevalier Henri Bordoni , était composé de six artistes ver- 
riers qui , aux termes du statut, étaient nommés à la majo- 
rité par leurs compagnons de l’art , le jour de la fête célébrée 
chaque année, avec pompe, à Noël. 

» Il semble que c’était à ces consuls qu’était confié le 
gouvernement des choses publiques, et plus spécialement 
celles de l’art. De plusieurs documents il résulte que les 
consuls verriers d’Altare furent reconnus par des princes de 
Mantoue et de Monferrat et par la République de Gênes, et 
que les fabriques de Bergame, Brescia, Bologne, Trente, 
Milan, Turin et autres de la Romagne et du royaume de 
Naples, même à l'étranger, en Angleterre, Hollande, 
Flandre, France et Allemagne, payaient aux consuls d’Altare 
pour avoir des artistes exerçant leur art et travaillant le 
verre. Les consuls établissaient le prix des ouvriers ; — ils 
composaient les maîtrises qui devaient aller dans les fabri- 
ques hors du pays ; — ils faisaient jurer aux artistes , avant 

(1) Vide supra , chapitre !•', page et chapitre II , page 142. 

T. u, 3 * série. 29 


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— 276 — 


CONCLUSION. 

a Si la céramique, écrivait en 1873 l’auteur des Verreries 
à la façon de Venise (1), a inspiré de nombreux ouvrages 
qui permettent aujourd’hui de suivre les débuts, les progrès 
et les différentes transformations de cette industrie dans les 
différentes cohtrées de l’Europe, l’art de la verrerie ne compte, 
jusqu’ici, que quelques publications incomplètes, et l’histoire 
générale de la fabrication des produits d’art et de luxe, même 
depuis l’époque de la Renaissance, est encore à écrire. » 

Cette judicieuse réflexion s’applique tout particulièrement 
au Nivernais. Dès 1 863 , M. du Broc de Segange, dans le 
beau livre : la Faïence , les Faïenciers et les Émailleurs de 
Nevers , édité par la Société nivernaise, nous faisait con- 
naître les origines historiques d’une industrie , l’une des 
gloires de notre cité. Il racontait bien au long les procédés 
de fabrication et de décoration de la faïence nivernaise, et la 
classait en cinq époques déterminées d’après le style et le 
caractère des produits céramiques de Nevers. Un chapitre 
spécial était aussi réservé aux émailleurs, et bien qu’il nous 
eût révélé un texte précieux et oublié signalant l’existence 
simultanée dans notre ville, dès le seizième siècle, des 
artistes habiles non-seulement dans le travail de la poterie et 
de l’émaillure, mais aussi de la verrerie, l’auteur gardait le 
silence sur les gentilshommes verriers. 

Et cependant, non moins que les œuvres des faïenciers et 
des émailleurs, les produits des verriers, pendant près de 
trois siècles, avaient attiré dans la grand' rue de Nevers, la 
ioule des étrangers qui y venaient admirer le Petit Muran 
de Venise et toutes ces sortes de « gentillesses » qu’on ne 
retrouve qu’en Italie. 

(1) Avec ce second titre : la Fabrication flamande , d’après des 
documents inédits, par J. Houdoy. Paris, A. Aubry, rue Séguier. 
Dumoulin, quai des Augustins. 


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Parmentier, dans le chapitre des Archives de Nevers (i), 
consacré au corps des arts et métiers, avait bien signalé, il 
est vrai, sous le titre Verrerie , les privilèges concédés par 
Henri IV au seigneur Jacques Sarode, puis le rétablissement 
de la verrerie en 1647 par le seigneur Jean Castellan, mais il 
s’arrête à 1 665 et ne mentionne même pas l’établissement des 
Borniol. 

Le travail déclassement et de rédaction de P. Inventaire des 
archives communales et hospitalières de Nevers nous ayant 
fait découvrir quantité de documents précieux et absolument 
inédits sur un sujet jusqu’ici entièrement délaissé, la pensée 
nous vint de les coordonner et de faire connaître , avec les 
noms et les principaux épisodes de la vie des gentilshommes 
verriers, quelques détails sur leur industrie. 

Ce ne devait être tout d’abord , dans notre pensée, qu’un 
chapitre de la belle histoire des bienfaits des princes de 
Gonzague dans leur bonne ville de Nevers, histoire depuis 
longtemps désirée; cependant, à mesure que nous écrivions, 
la matière semblait grandir, le cadre se développait; puis, 
étant données d’importantes communications faites par de 
laborieux et bienveillants collègues dont les noms sont 
souvent cités dans ces pages, le chapitre, grossissant tous les 
jours, devint P Histoire des gentilshommes verriers et de la 
verrerie de Nevers. 

Sur la demande de la Société, nous dûmes même ajouter 
un chapitre spécial traitant des différentes verreries établies 
dans l’étendue de la province et du département ; et ce 
chapitre, à lui seul , s'il n’eût fallu nous borner, eût pu faci- 
lement devenir un volume. 

Que si l’on nous reprochait d’avoir trop donné à l’histoire 
et de ne pas signaler, comme on Ta fait pour les faïences , les 
signes caractéristiques des différentes époques et des divers 
lieux de fabrication, la réponse est facile : Ignoti nulla 
cupido; il fallait d’abord attirer l’attention sur le verre, 

'1) Tome II, pages 62-75. 


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— 278 — 

comme on Ta fait pour la céramique. Qui pensait , il y a 
quelques années, à collectionner les ouvrages de verre ? Ce 
premier but est atteint. Bientôt les musées publics et les 
collections privées, quelques-unes déjà que nous avons parti- 
culièrement citées, fourniront de curieux éléments de compa- 
raison (1). 

Il ne faut pas se dissimuler qu'il sera toujours quelque peu 
difficile de distinguer les différences entre les diverses fabri- 
ques et qu’on doit renoncer à juger des verres comme des 
laïeuces. Cependant, un examen attentif pourra parfois 
fournir des moyens de distinction, Un vieil auteur prétend 
que les verreries nivernaises se reconnaissent aisément , « le 
verre n’étant pas blanc , mais bien d'un blanc tirant un peu 
sur le jaune (2). » 

(1) Le musée de Varzy (Nièvre) possède de curieux spécimens de 
nos verreries ; nous en avons vu aussi de très-remarquables au musée 
de Bourges, à Moulins, etc. 

(2) L'Art de la Verrerie , où l'on apprend à faire le verre , le cristal 
et l'émail , la manière de faire les perles , les pierres précieuses , la 
porcelaine et les miroirs , la méthode de peindre sur le verre et en 
émail y de tirer les couleurs des métaux, minéraux , herbes et fleurs , 
nouvelle édition, augmentée d’un traité des pierres précieuses, par 
M. Haudiquer de Blancourt. Seconde partie. 

A Paris, rue Saint-Jacques, chez Claude Jombert, au coin de la rue 
des Mathurins, à l’image Notre-Dame. MDCCXVIII, avec privilège 
du Roy. 

CHAPITRE CCXII. 

La manière de peindre sur le verre . 

€ On doit premièrement choisir un verre que nous appelons de 
Lorraine , quoi qu’il s’en fasse à Nevers de la même nature, parce 
qu’il prend mieux les couleurs que les autres verres et qu’il résiste 
mieux au feu, étant plus fixe. Ce verre se connaît aisément, n’étant 
pas blanc, mais bien d’un blanc tirant un peu sur le jaune. » 
(Page 1 36. — Communication de M. Bouveault.) 

On voit qu’il s’agit ici du verre en table. 

Les échantillons de ce verre que nous possédons sont plutôt d’un 
blanc légèrement verdâtre. Ce verre de Lorraine ne se faisait pas à 
Nevers, mais bien à Bois-Giset, et dans les autres verreries du 
Morvand , par les verriers lorrains . 


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— 279 - 


Une autre source de difficultés surgira. Nos verriers d’ori- 
gine altariste se faisaient privilégier en France pour la 
verrerie à la façon de Venise, et se trouvant à Nevers, 
comme à Liège et dans maintes autres villes, en contact avec 
des Muranistes, ils ont dû leur emprunter quelques-uns de 
leurs procédés, de leurs modèles. Comment alors déterminer 
la différence entre la façon de Venise et la façon d’Altare ? 

Déjà, en 1607, un auteur cité par M. Schuermans (1) se 
plaignait des fournaises de Liège « où Ton praticque de 
contrefaire les verres de Venise si ponctuellement qu'à 
grand 'peine les maîtres eux-mêmes sauraient juger de la 
différence ». 

Puisque les maîtres mêmes se seraient trompés aux contre- 
façons de verres de Venise, comment pourrons-nous juger 
avec certitude des objets renfermés dans nos vitrines ! Mais 
ces difficultés ne doivent-elles pas plutôt stimuler la curiosité 
des amateurs?... 

Nous sommes bien loin, en vérité, d’avoir épuisé la matière 
au point de vue purement technique. 

Et que de documents historiques nous sont demeurés 
inconnus, enfouis peut-être au fond de quelque modeste 
étude de notaire, dans des liasses poudreuses fermées depuis 
des siècles ! 

Que d'autres donc ne craignent pas de poursuivre cette 

(1) Cinquième lettre au comité du Bulletin des commissions royales 
d'art et d'archéologie. Cette lettre fournit quantité de documents des 
plus utiles pour l’étude comparative des verreries de Liège et de 
Nevers, également à la « façon de Venise 1 et a d’Altare », et pour 
l’histoire générale de la verrerie en France. 

M. Schuermans arrive à cette curieuse conclusion , tout à l’honneur 
de notre cité, que Henri IV, en introduisant partout en France, sur 
les « mouvements premiers » du duc de Nevers, la verrerie à la façon 
d’Altare, avait pour ainsi dire divisé la France en départements 
verriers affectés à des Altaristes : Lyon et Nevers aux Ponté et Saroldi, 
dont il maintenait la possession ; Melun et Paris, avéc une zone de 
trente lieues à la ronde, aux Saroldi ; Rouen et un rayon de vingt 
lieues aux Buzzone et Bartholus. 


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— 28o — 


étude, qui nous a procuré de si honorables relations en Italie 
et en Belgique, et nous a valu de la part de nos collègues de 
si aimables encouragements ; heureux de 1 avoir entreprise, 
nous serons plus heureux encore de la voir noblement 
achevée. 

Juillet 1885. 

L’abbé BOUTILLIER, 

Curé de Coulanges-les-Nevers. 


ERRATA ET ADDITA. 


ERRATA. 

Nous en avons indiqué plusieurs dans des notes : Page iq5, sur 
l’orthographe véritable de Monferrato , écrit d'abord Montferrat ; 

Page 248, sur le nom de lieu Dori pour Dori; 

Page 265, sur le nom d'Altare traduit par d'anciens notaires en Hôtel 
ou Lautel, etc. 

Quelques observations rectificatives se trouvent aussi, page 256, 
sur les familles verrières, et, page 258, sur l'unification de la verrerie 
de La Boue et de Chenambray ou Chenambret. 

Ajoutons encore qu’il faut lire : page 1 63, note 2, Jean Mayeux et 
non Mayux\ ce peintre eut d’ailleurs une certaine notoriété à Nevers; 

Page 233, il faut lire de Vathaire de Guerchy. au lieu de Valkaire. 

Le lecteur continuera s'il y a lieu. 

ADDITA. 

i° M. Augustin Cochin, dans sa Notice sur la manufacture des 
glaces de Saint-Gobain , qui fait suite à ses Études sociales et écono- 
miques ( p. 285-286 ) , parlant de l’art de la verrerie, spécialement 
ouvert de tout temps et même réservé aux gentilshommes, en 
Dauphiné, en Normandie, en Lorraine, en Nivernais , se demande 
l'origine de ce privilège, et il propose cette explication qui intéresse 
particulièrement notre contrée : 

« On ne doit pas oublier que les verreries ont été longtemps des 
dépendances de l’exploitation forestière , comme les petites forges. Il 
en est encore ainsi en Bohême... Dans ce pays, une verrerie se compose 
de deux fours, sous un misérable hangar en bois au milieu d'une 


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— 28 1 


forêt. On la transporte plus loin quand le bois est brûlé. Dans les pays 
de bois, comme le Nivernais ou la Lorraine, on trouve partout le nom 
ou la trace d’une verrerie, et des familles d’origine allemande dans 
les lieux où existaient ces verreries. Or, les forêts appartenant jadis 
aux gentilshommes, ils ont dû demander de bonne heure la permis- 
sion de fonder des verreries sans déroger à la noblesse. — Puis, la 
faveur une fois accordée, le métier est devenu la ressource de gentils- 
hommes ruinés et ensuite leur prétention. Ce qui était une exception 
à la noblesse est devenu une prétention de la noblesse. • 

2* A propos du miroir dont nous avons donné le dessin, page 210, 
il est intéressant de rappeler une expression insérée dans le brevet 
de 1688, accordé à Bernard Perrot ou Perreau (comme, à tort, on le 
trouve souvent écrit), brevet que nous avons mentionné aussi page 178* 
— L’associé de notre Jean Castellan est breveté pour le coulage des 
cristaux à tables creuses avec figures. Ces expressions, qui nous 
avaient échappé, s’appliquent parfaitement à notre miroir, dont les 
dessins sont en creux par-dessous et sans relief extérieur. 

3 * Nous aurions voulu pouvoir offrir aussi le dessin de quelques 
bénitiers dont on verra des types variés dans la collection de M. Bou- 
veault. Le bénitier que nous appelons à ailerons ou à éventail semble 
avoir été le plus répandu. M. Robert Saint-Cyr fils, à Nevers, et M. de 
Laugardière, à Bourges, en possèdent chacun un, absolument sem- 
blables et d’origine certainement nivernaise. 


SÉANCE DU 27 NOVEMBRE 1884. 


Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents: MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président; E. de Toytot, 
secrétaire; Canat, conservateur du musée; 
Roblin, H. Marandat, le docteur Subert, de 
Villefosse, de Villenaut, l’abbé Foucher, l’abbé 
Camus, de Flamare, de Lespinasse, Duminy, le 
docteur Fichot, le vicomte de Maumigny, de 
Rosemont, Charles Col. 

t. u, 3 * série. 3 o 


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— 282 — 


M. Canat présente au musée, à titre de don 
offert par M. Combereau, inspecteur des forêts, 
un tronçon d’épée trouvé dans la forêt domaniale 
des Minimes , près Decize. D’après la note lue par 
M. Canat , cette épée , semblable à une de celles 
du musée de Pierrefonds , que l’on dit être 
conforme au modèle réglementaire de 1560, 
pourrait être une épée d’infanterie. 

M. le Président continue la lecture de son 
travail sur la capitainerie de Cuffy. 

M. de Lespinasse, à titre de renseignement, 
demande quelle est la paroisse des Vaux de 
Nevers désignée sous le nom de Chevannes dans 
le registre-terrier de l'évêché de 1280. Au nom 
de Chevannes est accolé généralement le nom 
de Chaulgnes. Cependant Chaulgnes n’est point 
sur le territoire de Chevannes. 

M. de Lespinasse désirerait être renseigné sur 
l’identification de ces deux noms. 

M. le curé Guillemenot offre à la Société son 
livre sur l 'Économie sociale, et M. le docteur 
Subert le Compte - rendu des séances de la 
Société des médecins de la Nièvre. 

M. l’abbé Boutillier donne lecture d’extraits 
divers d’un travail de M. Schuermans, premier 
président à la cour de Liège , sur les verres 
fabriqués aux Pays-Bas, à la façon de Venise et 
d’Altare. Ce travail, dont les épreuves ont été 
communiquées à M. l’abbé Boutillier, touche 
par divers points aux fastes du Nivernais, aux 
princes de Clèves et de Gonzague et à la 


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— 283 — 


fabrication de la verrerie de Nevers, dont notre 
collègue nous a donné l’histoire. M. Schuermans 
cite avec éloges divers passages du travail. 

M. le docteur Fichot dépose sur le bureau un 
bracelet en bronze et plusieurs fragments de 
bracelets en lignite trouvés à La Fermeté. La 
description de ces objets a été donnée déjà dans 
le Journal de la Nièore par le docteur Jac- 
quinot. 


SÉANCE DU 18 DÉCEMBRE 1884. 

Présidence de M. Roubet. 

Etaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du 
musée ; Roblin, H. Marandat, Ed. Marandat , 
l’abbé Marillier, de Villenaut, de Lespinasse, 
Adolphe de Rosemont , de Flamare. 

Lecture est donnée du programme du Congrès 
des sociétés savantes à la Sorbonne en 1885; ce 
programme comprend les questions relatives à 
l’histoire, à l’archéologie, aux sciences économi- 
ques et sociales, aux sciences mathématiques, 
physiques, chimiques et météorologiques, et aux 
sciences naturelles et géographiques. 

M. l’abbé Boutillier et M. l'abbé Marillier pré- 
sentent comme membre de la Société M. l’abbé 
Roy, curé de Montenoison. 

M. l’abbé Roy est admis à l’unanimité. 


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— 284 — 

M. de Lespinasse dépose sur le bureau des bra- 
celets, l’un en lignite, les autres en bronze, et une 
hachette en bronze; ces objets, appartenant à 
M. de Lespinasse, ont été trouvés dans une car- 
rière voisine de Luanges, à Urzy, au milieu de 
débris de pierres, qui contenaient plusieurs sque- 
lettes. 

M. l’abbé Boutillier fait remarquer que des 
objets presque identiques, décrits par Gillet dans 
ses Annuaires , avaient été trouvés de son temps 
dans une localité de la même commune toute 
voisine de Luanges, le Pont-Saint-Ours. 

M. le président Roubet présente un jeton de 
cuivre portant la date de 1 553 et représentant un 
homme qui compte des jetons en les faisant tom- 
ber. En outre, sur le revers, sont inscrites les 
lettres de l’alphabet. M. Roubet penserait que ce 
jeton pouvait servir aux écoles pour apprendre 
à lire et à compter (jecter). 

M. le président Roubet donne lecture d’un 
article de la Revue du Centre ayant un certain 
rapport avec le Nivernais. Il s’agit des souvenirs 
du collège de Bourges vers 1827. 

M. de Lespinasse émet le vœu qu’une table 
analytique et générale des matières, des noms 
d’hommes et de lieux soit publiée pour les dix 
premiers volumes de nos Bulletins. 

M. l’abbé Boutillier donne lecture d’un rapport 
lu à l’Académie de Mâcon par M. Deton , notre 
confrère à la Société nivernaise, président de 
l’Académie de Mâcon. Ce rapport rend compte 


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- 285 - 

très-spirituellement d’un concours de poésie ouvert 
dans le département de Saône-et-Loire. 

M. de Villenaut demande si, pour rendre nos 
séances plus intéressantes et attirer un plus grand 
nombre d’auditeurs, il ne serait pas possible de 
publier d’avance l’ordre du jour de nos séances ou 
de consacrer un mois, par exemple, à l’histoire, à 
l’archéologie, à la littérature, etc. 

Il est répondu que la chose est peu facile ; que 
si les auditeurs abondent , il n’en est pas de même 
des lecteurs et des auteurs. On propose autant que 
possible à ceux qui ont des travaux à lire de le faire 
connaître d’avance , de façon à ce que la lecture 
soit annoncée dans l’avis de convocation et puisse 
ainsi être connue du public. 


SÉANCE DU 29 JANVIER 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet, président; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; E. de Toytot, 
secrétaire; Canat, conservateur du musée; le 
vicomte de Maumigny, de Villefosse, Édouard 
Marandat, de Villenaut, l’abbé Camus, Grivaut, 
de Flamare, Henri Marandat, le docteur Subert. 

M. l’abbé Boutillier fait circuler deux jetons, 
très-bien frappés, luiappartenant, lesquels peuvent 
servir de confirmation à l’opinion émise à la der- 
nière séance au sujet des jetoirs ou jetons servant 
à compter et à indiquer les lettres aux enfants. 


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M. l’abbé Boutillier donne aussi lecture d’un 
passage de l ’ Annuaire de Gillet, an XI, relatif 
à des objets romains trouvés vers cette époque sur 
le territoire dit de Saint-Saturnin , près du Pont- 
Saint-Ours, commune de Coulanges. 

MM. Maurice et Henry Canat présentent 
M. Brac, inspecteur de l’enregistrement. 

MM. l'abbé Boutillier et le docteur Subert pré- 
sentent M. Ducourthial. 

M. l’abbé Boutillier et M. l’abbé Foucher pré- 
sentent M. l’abbé Poupin, professeur à l’institution 
Saint-Cyr. 

MM. Brac, Ducourthial et Poupin sont admis à 
l’unanimité. 

M. le Président donne lecture de la situation 
financière de la Société nivernaise des lettres, 
sciences et arts au 3 1 décembre 1 884. 

Les recettes s’élevant à 2,693*07 

Et les dépenses à 2,454 15 

Il en résulte que le solde restant en 
caisse au 31 décembre 1884 est de. . 238 92 


Lecture est donnée d’une circulaire du ministre 
de l’instruction publique , comité des travaux histo- 
riques et scientifiques. Cette circulaire recommande 
comme sujet d’études pour la section des sciences 
économiques et sociales : Y Histoire d'un domaine 
rural. La méthode de cette étude est empruntée 
à la forme des monographies de M. Le Play. 

M. le Président donne lecture également d’une 


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— 287 — 

circulaire du ministre de l'instruction publique et 
des beaux-arts , relative à la réunion des délégués 
des sociétés savantes et des beaux-arts à la Sor- 
bonne la semaine de Pâques. 

SÉANCE DU 26 FÉVRIER 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; E. de Toytot, 
secrétaire ; le comte de Soultrait, Canal, conser- 
vateur du musée ; de Charant, Roblin, le marquis 
de Veyny, Grivaut, Ad. de Rosemont, l’abbé 
Foucher, Edouard et Henri Marandat, l’abbé 
Rolland, Ch. Col, Julien, de Flamare, le comte 
de Maumigny, Brac. 

M. le comte de Soultrait présente M. le comte 
de Chatellux et M. Teste, à Vésigneux. 

MM. Canat et d’Assigny présentent M. Jolly, 
directeur de la Banque de France. 

MM. de Flamare et Julien présentent M. l’abbé 
Bonoron, vicaire de Saint-Étienne de Nevers. 

. MM. le comte de Chatellux, Teste, Jolly et 
l’abbé Bon or on sont admis à l’unanimité. 

Lecture est donnée par M. le Président de la 
lettre du ministre de l’instruction publique relative 
à la réunion des sociétés savantes à la Sorbonne. 
M. Arthur de Chambrun d’Uxeloup de Rosemont 
est désigné comme délégué de la Société. 

M. le président Roubet, revenant sur une com- 


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— 288 — 


munication précédente, relative à des bracelets 
paraissant en lignite, fournit un renseignement 
nouveau tiré de la Reoue des Sciences , duquel il 
résulterait que ces bracelets seraient composés 
d’une substance céramique formée d’argile finement 
pulvérisée et comprimée. 

M. le comte de Soultrait offre à la Société un 
travail de lui : l'Iconographie chrétienne dans le 
diocèse de Besançon. 

M. le comte de Soultrait donne lecture des 
principaux passages d’une notice de M. le comte 
de Chatellux intitulée : Vésigneux. Ce travail 
intéressant tout spécialement l’histoire du Niver- 
nais, la Société est heureuse de lui donner place 
dans son Bulletin, et désire que le manuscrit soit 
imprimé intégralement. 

M. l’abbé Boutillier signale un travail intéres- 
sant de M. le chanoine Lucot, archiprêtre de 
Châlons, sur le P. Charles Rapine, annaliste de 
Châlons-sur-Marne , lequel était un écrivain niver- 
nais , ainsi qu’il résulte de la notice de Née de La 
Rochelle. 

M. le comte de Soultrait pense à ce sujet qu'il 
serait intéressant de signaler, à titre de renseigne* 
ments, les écrivains nivernais qui se trouvent en 
assez grand nombre parmi les familles nivernaises 
et sur l’identité desquelles on n’est pas absolument 
fixé. 

M. de Soultrait nomme parmi les familles qui 
ont fourni le plus d’écrivains de la province, les 
Bourgoing, les Rapine, les Cotignon. 


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— 289 — 

Diverses notices bibliographiques attribuent trop 
facilement à certains auteurs des ouvrages qui 
n’ont certainement pas été écrits par eux ; par 
exemple, on confond souvent un Cotignon de La 
Charnaye, auteur d’un ouvrage très-léger du dix- 
huitième siècle, le Nouveau Théophile , avec 
un chanoine du nom de Cotignon , qui vraisem- 
Dlablement ne saurait être le même. 

D’autres fois, on mentionne certains ouvrages 
comme imprimés, alors qu’ils sont toujours restés 
à l’état de manuscrits. 

M. l’abbé Boutillier signale dans le même ordre 
d’idées une notice sur Arnaud Sorbin , l’évêque 
de Nevers du seizième siècle, par M. Forestié. 
M. l’abbé Boutillier mentionne, parmi les ouvrages 
d’Arnaud Sorbin, le Desfÿ de la Mort , dont un 
très-bel exemplaire se trouve dans la Bibliothèque 
nivernaise de la ville, et il en donne quelques 
extraits. La notice de M. l’abbé Boutillier sera 
imprimée au Bulletin. 

M. Forestié, de la Société archéologique de 
Tarn-et-Garonne, nous envoie plusieurs Bulletins 
de cette Société, avec prière de lui accorder 
l’échange. Cette demande est ratifiée par un vote 
de la Société. 

M. Forestié offre à la Société un exemplaire de 
son ouvrage sur Arnaud Sorbin. 


t. n, 3* série. 


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SÉANCE DU 26 MARS 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire; Canat, conservateur du 
musée ; le docteur Subert, le vicomte de Mau- 
migny, le baron Charles de Berthier-Bizy, Col, 
Robert Saint-Cyr, Duminy, de Flamare, l'abbé 
Crosnier, de Rosemont. 

M. Teste, dans une lettre particulière adressée 
à M. le Président , annonce qu’il a l’intention de 
publier une notice sur la famille de Vauban. 

M. le Président donne communication de plu- 
sieurs citations relatives à la qualité et à la 
désignation de Châtelain qui , selon lui , s'ap- 
plique aussi bien à l’ordre administratif judiciaire 
que militaire , tandis que, selon M. de Flamare, 
le titre de châtelain comportait certaines fonc- 
tions administratives militaires analogues à celles 
de l’intendance , mais sans aucun commandement 
militaire. 

M. le président Roubet donne lecture d’une 
notice intitulée : Une Exécution en effigie en 
1785. 

M. l’abbé Boutillier communique à la Société 
des extraits d’un ouvrage : La Roussillonnade 
et son véritable auteur , récemment publié. 
L’auteur, M. Harold de Fontenay, en fait hommage 
à la Société. M. l’abbé Boutillier rappelle et cite 


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— 2g i — 


la notice publiée, il y a quelques années, sur le 
même sujet dansl’ Almanach de la Nièvre de 1846. 
Il résulte du travail de M. de Fontenay que, 
contrairement à l’opinion de l’auteur de la notice 
de X Almanach, le poème nivernais la Roussil- 
lonnade, attribué d’abord à l’abbé Lenoble, 
ensuite à l’abbé Cassier, qui en aurait été le 
plagiaire, est bien réellement l’œuvre de l’abbé 
Lenoble, curé de Roussillon-en-Morvand. L’abbé 
Cassier n’aurait fait, par manière de distraction 
littéraire, que d’y apporter quelques variantes. 

M. l’abbé Boutillier annonce aussi à la Société 
qu’aux vacances dernières, M. Léon Palustre et 
Mgr Barbier de Montault, qu’il accompagnait dans 
leur visite au musée du palais Ducal, ont tout 
particulièrement admiré le petit fragment de bas- 
relief en ivoire déjà remarqué par le Congrès 
archéologique de Nevers, en 1852. 

Mgr Barbier de Montault a tout récemment, dans 
le Bulletin monumental , publié une description 
très-exacte et 'très-complète de cette admirable 
pièce, qui représente la Nativité du Christ et 
l’Adoration des Mages. Cet objet serait un ivoire 
latin du quatrième ou cinquième siècle, formant 
le couvercle d’un coffret eucharistique. M. l’abbé 
Boutillier voudra bien donner, avec l’héliogravure 
qui a été faite pour le Bulletin monumental , 
une analyse détaillée de la notice de Mgr de Mon- 
tault sur ce précieux ivoire. 

■ 


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— 292 — 


SÉANCE DU 30 AVRIL 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents: MM. Roubet, président; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, conser- 
vateur du musée ; Ernest de Toytot, secrétaire ; 
l’abbé Foucher, Griveau, l’abbé Guillemenot, 
l’abbé Clément, l’abbé Pot, Julien, l’abbé Camus, 
de Flamare, Duminy, de Pierredon. 

Lecture est donnée d’une lettre de M. Goblet, 
ministre de l’instruction publique, aux réunions 
des sociétés savantes. 

M. l’abbé Guillemenot, à l’occasion des réunions 
de la Sorbonne, émet le regret qu’à côté de la 
science technique, développée avec grand talent, 
il ne soit pas donné assez de place à la science 
sociale et morale , qui intéresse les origines et 
l’histoire de notre pays. 

M. l’abbé Guillemenot serait dans l’intention 
d’écrire une histoire élémentaire de France, qui 
comprendrait toutes les évolutions politiques, 
économiques, artistiques, littéraires, agricoles de 
la France. 

La Société prend acte de l'offre de M. l’abbé 
Guillemenot et ne peut que lui adresser ses 
félicitations. 

M. Ernest de Toytot rend compte de la réunion 
des Unions de la paix sociale du Centre, fondée 
par M. Le Play. La société a tenu sa séance cette 
année à Moulins. Il a été question, dans cette 


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— 2g3 — 

séance fort intéressante, de l’histoire' sociale et 
morale du Nivernais et du Bourbonnais. A ce 
titre , M. de Toytot croit intéresser la Société des 
lettres, sciences et arts de Nevers, en rendant 
compte de la réunion de Moulins. 

A cette réunion, il a été traité diverses ques- 
tions intéressant notre région , notamment les 
divers modes d’instruction primaire avant la 
Révolution, les divers régimes successoraux du 
Nivernais et du Bourbonnais , lesquels assuraient 
au père de famille une liberté féconde pour le 
bien et profitable à l’ordre public comme à la 
famille. M. Ernest de Toytot a donné communi- 
cation d’une monographie intéressant notre pro- 
vince : Le Faïencier nioernais dans le passé et 
dans le présent. 

Enfin, M. Delaire, secrétaire général de l’Union, 
et M. Claudio Jeannet ont tous deux développé 
avec beaucoup de talent et d’éloquence les prin- 
cipes d’économie sociale sur lesquels reposent 
toute société. 

M. de Toytot est heureux d’annoncer que 
l’année prochaine la réunion de la région aura 
lieu à Nevers. 

Le Congrès archéologique de France tiendra 
sa cinquante - deuxième session cette année à 
Montbrison. 

M. le Président donne lecture du programme 
des travaux du Congrès. 

M. l’abbé Boutillier et M. le comte de Soultrait 
présentent comme membre de la Société niver- 


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— >94 — 


naise M. de Borniol, arrière-petit-fils du dernier 
maître de la verrerie de Nevers. 

M. H. de Borniol est admis. 

M. de Flamare communique quelques fragments 
d’un manuscrit liturgique de l’abbaye Notre-Dame 
de Nevers, contenant en marge des annotations 
relatives au nécrologe de l’abbaye. 

M. le curé-doyen de Prémery communique à la 
Société un bassin de cuivre trouvé sous la voûte 
des combles de l’église, et que l’on présume avoir 
servi pour recevoir l’eau dans l’administration du 
baptême, ou pour l’usage des quêtes. M. l’abbé 
Boutillier en donnera la description dans une 
prochaine séance. 

Il a aussi trouvé une moitié de rétablè en pierre 
offrant une admirable peinture : la Cène. Enfin, 
dans un ordre d’idées absolument différent, M. le 
Curé a trouvé, dans les combles, le squelette d’un 
homme remontant à quatre ou cinq cents ans, car 
les ossements, à peine touchés, sont tombés en 
poussière. 

M. le président Roubet donne lecture d’une 
notice locale fort intéressante intitulée: Forges 
et Fourneaux du Nivernais, rive gauche de 
l'Ailier et de la Loire. Ce travail sera inséré au 

Bulletin. 


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* 9 * — 


SÉANCE DU 28 MAI 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents: MM. Roubet, président ; 
Ernest de Toytot, secrétaire; Canat, conser- 
vateur du musée; Duminy, bibliothécaire ; le 
vicomte de Maumigny, Teste , de Villefosse, 
l’abbé Bonoron, de Flamare, Julien, de Rose- 
mont. 

M. Ernest de Toytot, sur l’invitation de M. le 
Président, donne lecture d’un travail lu au Congrès 
de l’ Union de la paix sociale du Centre, dont la 
session s’est tenue à Moulins. Il s’agit d’une étude 
intéressant notre région : Le Faïencier nioernais. 

M. Canat dépose sur le bureau , comme don à 
la Société, de la part de M. Combereau, un très- 
beau bracelet de bronze denticulé. Cet objet a été 
trouvé dans un tumulus situé entre Chassy et le 
Magny. M. Canat indique aussi l’existence de 
plusieurs amas de pierres qui pourraient être des 
sépultures. Elles sont situées dans la forêt de 
Faye, et M. Combereau serait tout disposé à 
autoriser la Société à y faire des fouilles. La 
Société, sans décider dès maintenant rien de 
formel à cet égard, vote une somme de 20 fr., 
qui pourra être distribuée aux gardes forestiers 
et aux ouvriers chargés d’exécuter les travaux de 
confection de chemins. 

M. Teste appelle l’attention de la Société sur 
les mines argentifères du Nivernais. Il a des 


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1 


— 396 — 

documents concernant les mines de Chitry, 
datés de 1516 et 1519. M. Teste veut bien pro- 
mettre à la Société de lui donner communication 
de ces pièces intéressantes. M. Teste fait aussi 
mention de divers actes qui se trouvent dans les 
archives de Vésigneux; il en donnera la copie 
exacte. 

M. le président Roubet continue la lecture 
commencée à la dernière séance : Forges et 
Fourneaux du Nivernais. 

M. le Président se propose d’écrire à M. le 
Maire de Cosne ; il désirerait obtenir pour la 
Société l’autorisation d’enlever quelques débris de 
sculpture trouvés dans un caveau de l’église. 

M. le Ministre de l’instruction publique invite 
les sociétés de province à préparer le programme 
de leurs travaux pour la réunion des sociétés 
savantes de 1886. 

M. Teste signale dans les archives du château 
de Vésigneux plusieurs volumes d’analyses de 
pièces concernant les seigneuries circonvoisines 
relevant de Vésigneux. Ces pièces peuvent inté- 
resser le Nivernais. 


SÉANCE DU 25 JUIN 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet , président; 
Ernest de Toytot, secrétaire ; de Pierredon, 
Duminy, de Flamare, l'abbé Foucher, l’abbé Pot, 


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— 297 — 


Jolly, le docteur Fichot, de Villefosse, Robelin, 
le comte de Maumigny, Hugon, de Charant, le 
docteur Subert, Griveau. 

M. le Président donne communication d’une 
circulaire de M. le Ministre de l’instruction 
publique relative à la réunion annuelle des 
sociétés des beaux-arts pour l’année 1886. 

M. le docteur Fichot , pour répondre au ques- 
tionnaire ornithologique adressé à la Société par 
le ministre de l’instruction publique, communique 
une note intéressante sur la migration des oiseaux. 

Lecture est donnée d’un travail envoyé par 
M. l’abbé Sery, sur la généalogie de la famille 
Brothier. 

M. J de Flamare est chargé de vouloir bien 
réviser ce travail. 

M. Duminy et M. de Pierredon proposent de 
recevoir comme membre de la Société M. Maze- 
ron, libraire. 

M. Achille Mazeron est admis. 

M. le Président donne lecture d’une communi- 
cation qui lui a été adressée par M. Léon Gadoin 
sur le caveau de l’église Saint-Jacques de Cosne. 
Cette étude sera insérée au Bulletin. 

Lecture est donnée par M. Teste de l’énoncia- 
tion de quelques chartes relatives aux mines 
d’argent et de plomb du Nivernais. 

M. le président Roubet donne lecture d’un 
intéressant travail intitulé : Le Trésor de Neusy. 
Il lit aussi une communication relative à une 
découverte de M. Boyer, archiviste de Bourges. 

t. u, 3* série. H 


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0 


— 2g8 — 

,11 s'agit de statuettes du dieu Mars, dont les types 
peuvent se rapprocher de celui de la statuette que 
nous possédons au musée. 

INVENTAIRE DE QUELQUES CHARTES. 

Il est intéressant d’indiquer dans notre Bulletin l’exis- 
tence des chartes qui ont rapport à notre histoire locale et 
qui se trouvent en des dépôts publics et particuliers. 

Voici donc l’énonciation sommaire de quelques chartes 
qui concernent les mines d’argent au pays du Nivernais. 
Nous les classons par ordre de date : 

I. 

i er septembre 1469. — Lettres royaulx données à Niort 
par Louis XI à son féal conseiller et chambellan Pierre 
des Barres, seigneur de Chitry, à l’effet d’ouvrer et beson- 
gner ès mynes d’argent et de plomb à Chitry. 

Cette charte a été donnée in extenso dans notre Bulletin 
de l’année 1871 . 

II. 

20 juin 1502. — Expédition en parchemin d’un contrat 
de vente à titre de cens et rente, reçu Claude Devezon , clerc, 
notaire royal, consentie par Philippe de Chastellux , che- 
valier, seigneur dudit Chastellux, vicomte d'Avallon , et 
Lucas, écuyer, seigneur de Vésigneul , en faveur de nobles 
hommes Etienne de Cambray, général des mines d'argent, 
et Jean de Bjize. de Vézelay, 

D’une place située en la justice de Chitry et sur la rivière 
de Chors (la Cure), et auquel pourront prendre les sieurs de 
Cambray et de Beize le cours de l'eau nécessaire au fait des 
mines d’argent et de plomb ; et pourront prendre tout mort- 


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— 2 99 — 


bois et bois mort pour leurs affaires et usaiges; et aussi tout 
autre bois vif tant chêne que autre pout bâtir et édifier. A ce 
appelant le gruyer de notre chastellenie ou celui du seigneur 
de Vésigneul, pour y assister et apposer le marteau aux armes 
des bailleurs. 

Sous la charge de 25 sous de rente et 12 deniers de cens. 

(Archives de Vésigneux.) 

III. 

Don à Etienne Burdelot de l’office de gardien des mines 
d'argent du comte de Nivernais, vacant par le déeès de Jean 
de Bèze. 

Paris, i 3 avril 1515. (Archives nationales.) 

IV. 

Permission à Antoine Duprat, chancelier de France, de 
prendre 3 oo marcs d’argent sur les cendrées provenant des 
mines du Nivernais. 

Bois de Vincennes, 19 mars 1516. 

(Archives nationales.) 

' V. 

Mandement aux généraux maîtres des monnaies de tenir 
quittes les maîtres des mines de Chitry et autres mines du 
Nivernais de la quantité de 500 marcs d’argent prise par le 
roy et livrée à ses orfèvres pour fabriquer de la vaisselle tant 
pour sa maison que pour celle de sa mère et du Dauphin. 

Saint-Germain-ea-Laye, 8 juillet 1 5 1 9- 

(Cour des monnaies , archives nationales.) 

VI. 

1 5 53 . Don du droit de mines d’argent au profit du duc 
de Nevers. (Abbé de Marolles.) 

Mai 1 885 . 

TESTE. 


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— 3oo — 


LE CAVEAU 

de l'église saint-jacques de cosne. 

Dans ces bienheureux temps d’archéologie et d’histoire 
locale, l’église Saint- Jacques de Cosne ne pouvait être 
oubliée: elle a donc été décrite successivement par Née de 
La Rochelle, par l’abbé Bourassé, par Touchard de La 
Fosse, par le Nivernais et par M. G. de Soultrait; sans 
doute tout n’a point été dit sur ce monument remarquable, 
surtout dans sa partie absidale. Sans songer à en faire la 
monographie , nous croyons qu'il est intéressant de men- 
tionner la découverte d’un caveau qui existe sous cette 
église, et dont le souvenir était demeuré effacé de la mémoire 
de nos contemporains. 

Au mois de mai dernier, on opérait quelques changements 
dans la chapelle des fonts baptismaux; en perforant le 
dallage, on s’aperçut qu’il recouvrait une profonde exca- 
vation ; une dalle fut soulevée, et au milieu des terres et 
décombres qui les obstruaient, on crut reconnaître des 
marches d'escalier. Bientôt, au moyen d’une échelle, les 
explorateurs pénétraient dans un caveau voûté en berceau. 
Cette grotte rectangulaire a six mètres de longueur sur trois 
mètres de largeur. On y accédait à l’une et l’autre extrémité 
au moyen de deux escaliers tournant à angle droit et formant 
palier. L’un de ces escaliers était pratiqué dans le mur latéral 
du monument; l'escalier du fond permettait de communiquer 
dans l'intérieur de l’église. 

L'appareil de la voûte qui couvre le premier escalier, et 
dont la section est elliptique, ainsi que l’appareil de la porte 
de sortie dont le linteau est à chanfrein et à oreillons , est 
d'une très-bonne exécution ; les traces du marteau de l’ouvrier 
accusent le onzième siècle. 

La voûte est ornée d'une peinture parfaitement bien con- 
servée; elle représente le Sauveur assis in cathedra . La main 


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m. 



gauche s’appuie sur un monde et il bénit de sa dextre; il est 
accosté des attributs ailés des quatre évangélistes, avec un 
phylactère qui reproduit leur nom. 

Le dessin n’a rien d’archaïque ; il a été exécuté par une 
main habile et sûre ; lecriture à cassures des légendes nous 
invite à reporter cette œuvre picturale à la fin du quinzième 
siècle. 

Nous avons dit que l’existence de ce caveau avait été com- 
plètement oubliée; nous devons pour vérité mentionner que 
dans des notes manuscrites laissées par M. l’abbé Violette, 
curé de Saint-Jacques, et que nous sommes heureux de 
posséder, il en est une qui concerne le caveau dont nous 
parlons. 

En voici le texte : 

* On nous apprend aujourd’hui (12 octobre 1845) qu’il 
existe sous la chapelle des fonts baptismaux un caveau 
recouvert d'une longue dalle, dans lequel sont renfermées 
différentes statues, entre autres une du Père éternel. » 

M. le curé Violette n’avait pas eu la curiosité de vérifier 
cette déclaration à laquelle il attachait sans doute peu d’im- 
portance. 

Quelle a pu être la destination de ce caveau ? Aurait-il 
servi de grotte sépulcrale? Les ossements humains qu’on y a 
découverts pourraient confirmer la supposition. 

D’autre part , a-t-il servi de sanctuaire propre à y dire la 
messe; c’est possible, bien que l'on ne puisse constater l’em- 
placement réservé à un autel; cependant, dans la paroi du 
mur, on remarque une excavation primitivement pratiquée. 
Ce reccssus se fermait par un petit volet, et laisse croire 
qu’il était destiné à recevoir en dépôt quelques objets servant 
au culte de l’autel. 

L’an 1020, Hugues de Châlons, évêque d'Auxerre, faisait 
construire à Cosne une église sous le vocable de saint Lau- 
rent. Serait-ce saint Laurent intra muros ? 

En 1212, Guillaume de Seignelay, cinquante-huitième 


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— 302 — 


évêque d’Auxerre, instituait à Cosne un chapitre richement 
doté; enfin, l’église Saint-Jacques actuelle était érigée avec 
titre de paroisse en i486. 

C’est à cette époque qu’il convient de faire remonter la 
construction de Saint-Jacques, qui absorba sans doute rem- 
placement d’un édifice plus ancien duquel dépendait le caveau 
qui fait l’objet de cette communication. 

Nous ajouterons qu’il a été retiré du caveau les fragments 
fort curieux d’une statuette de saint Martin. Nous n’avons 
point à en faire la description , par le motif que ces débris 
de sculpture sont destinés à prendre place au musée lapi- 
daire. 

Parmi ces fragments sc trouve un blason que nous lisons 
ainsi : En chef deux coquilles surmontées d'un lambel à 
deux pendants , à une fasce chargée de trois coquilles ; nous 
présumons que le champ était de gueules. 

Ne serions-nous point en présence des armoiries de Claude 
Duplessis, qui fit son testament le n août 1504, et fut un 
des bienfaiteurs insignes de l’église Saint-Jacques dans 
laquelle il a été inhumé ? 

Léon GADOIN. 


LE TRÉSOR DE NEUZY. 

Les sociétés archéologiques ont coutume de mentionner 
dans leur Bulletin , .avec autant de précision que possible, 
les découvertes de monnaies anciennes qui offrent quelque 
notoriété à leur région. 

Aujourd’hui la Société nivernaise doit signaler le trésor 
de Neuzy; nous disons trésor, puisque le Digeste nous invite 
à appeler thésaurus tout dépôt de monnaies cujus non extal 
memoria. 

Neuzy est un domaine situé commune de Saint-Père, 
canton de Cosne. Il y a deux mois, dans un champ mis en 


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— 3o3 — 


culture, le laboureur faisait sortir de terre un vase contenant 
line grande quantité de médailles gallo-romaines. Ce vase, en 
poterie commune, était oblong et apode; il fut brisé indi- 
gnement ; les fragments furent dédaignés : qu’importaient 
quelques tessons de céramique à l’inventeur, qui avait sous la 
main environ sept cents pièces de monnaie. Dans ce nombre, 
deux cents sont des grands bronzes ; les autres se composent 
de médailles petit module, dont quelques-unes en argent et le 
restant en bronze saucé. 

Nous n’avons pas eu l'occurrence d’examiner les grands 
bronzes, mais un grand nombre des menues pièces ont passé 
sous nos yeux. 

Elles datent du troisième siècle, et offrent une grande 
variété de types. Nous savons que les soixante-quinze pre- 
mières années de ce siècle ont vu se succéder vingt-un 
empereurs sans compter les douze tyrans , au nombre des- 
quels figure Tétricus, qui a si largement prodigué ses 
monnaies dans nos contrées. 

Nous avons donc rencontré l'effigie de Septime-Sévère, de 
Macrin, d’Alexandre, de Gordien, de Philippe père et Phi- 
lippe fils, de Trajan-Dèce, de Gallien et de Claude-le- 
Gothique. 

Dans le nombre de ces médailles se rencontrent aussi 
quelques noms d’impératrices, Salonina et Herennia. 

Quand un si grand nombre de médailles se trouvent tout-à- 
coup jetées sur la place , elles perdent nécessairement de leur 
valeur relative ; mais au moins elles offrent aux jeunes collec- 
tionneurs un moyen de satisfaire leur curiosité. 

Comme étude de numismatique, il serait sans doute fort 
intéressant de décrire un à un tous ces spécimens, de 
constater l’époque de leur émission , Tavénement des empe- 
reurs, les diverses qualifications qui accompagnent leur nom, 
et enfin les effigies des dieux ou des déesses sous l’attribut 
desquels ils aimaient à se faire représenter ; la bonne volonté 
pour ce minutieux travail ne nous fait point défaut ; mais il 
eût fallu pouvoir détenir le] trésor avant son entière dispersion. 


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— 3 04 — 

Nous ajouterons, sous toutes réserves, que le dépôt de 
Neuzy, vêtus depositio, a dû avoir lieu à l’époque où les 
paysans, révoltés sous le nom de Bagaudes, partaient des 
environ de Lutèce et venaient en troupe (Bagad) accomplir 
leur œuvre de pillage et de destruction sur les rives de la 
Loire. 

Juin 1 885 . L. ROUBET. 

- ■ t o O C^^J O O o ■ - 

NOTICE LOCALE. 


PERRIÈRE S D’APREMONT ET DU VEUILLIN, 
VILLA DES RYAUX. 

Près le Veuillin , commune d’Apremont, une vaste car- 
rière longtemps abandonnée, a, depuis quelques années 
été remise en exploitation ; on la désigne sous le nom de la 
carrière des Ryaux , par le motif que d'ancienneté elle se 
trouvait comprise dans les appartenances du château qui 
portait ce nom. 

Au mois de février 1882, une équipe d’ouvriers, opérant 
des déblais dans cette carrière, mit à découvert un dallage de 
pierres et de briques sur lequel gisaient pêle-mêle des 
chapiteaux, des bases et des tronçons de colonnes. 

Comme la foi qui animait nos pères n'est pas encore 
complètement éteinte dans nos contrées, les ouvriers sup- 
posèrent tout d’abord que sur cet emplacement il avait dù 
s’élever autrefois une chapelle, un oratoire. 

Peu de jours après cette découverte, je me rendais sur les 
lieux, accompagné de notre bien affectionné collègue 
M. Charles du Verne qui, en cette circonstance, joignait à la 
curiosité de l’archéologue l'intérêt intime qui s'attache au 
sol dont on est le propriétaire, et qui peut lui donner un 
reflet historique. 


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— 3o5 — 


Nous reconnûmes de suite que nous étions en présence de 
substructions et de débris remontant à l’époque gallo- 
romaine. 

Nous constatâmes avec prédilection l’existence d’un puits 
creusé dans la roche. Entièrement comblé jusqu’à son orifice, 
il était plein de promesses. Mais, hàtons-nous de le dire, ce 
n’était point un puits lunéraire ! Ce n’était , selon la défi- 
nition technique de Viollet- Leduc, qu'un trou cylindrique 
percé dans le sol et atteignant une nappe d y eau. 

Néanmoins , les espérances conçues par les chercheurs 
furent en partie réalisées, si tant est que la plus petite trou- 
vaille a pour eux un attrait ignoré du vulgaire. 

Mais avant de faire la description succincte des reliques 
que le hasard va nous livrer, il n’est point hors de propos de 
parler un instant de ces vastes carrières de pierre blanche et 
tendre qui, sur la rive gauche de l’Ailier, forment une chaîne 
continue qui, partant d’Apremont, passe par le Rochery, les 
Ryaux, la Charnaie-lès-Cuffy, et s’arrête à Baulne. 

Le moindre châtel, le plus petit sanctuaire voit libeller 
aujourd’hui sa chronique , sa légende : Pourquoi les 
anciennes Perrières n’auraient-elles point droit aussi au 
privilège d’une notice locale? N’ont-elles pas, aux temps 
passés, fourni bien des assises pour la construction des villas, 
des châteaux, des basiliques? N’ont-elles point vu se succéder 
tour à tour les servi lapidarii , les condamnés in lapicidinas , 
les peiriers, les perroyeurs, les entrayeurs et enfin les carriers? 

Nous puiserons nos fugitives énonciations dans les feuilles 
détachées de ce vaste cartulaire qui n’a point de fermoir et 
que nous avons déjà nommé Passim. 

I. 

Philippe I fP , mort en 1 108, avait demandé à être inhumé 
dans le couvent de Sain t-Benoît-sur- Loire; Louis-le-Gros, 
obéissant à la volonté de son père, lui fit élever sous la 
coupole de l’église un tombeau en pierre d’Apremont ; c’est, 
t. n, 3 * série. 33 


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— 3 o 6 — 

dit-on, le premier tombeau qui représentât en entier-relief 
le corps du défunt. 

Mutilé en 1793, ce tombeau a été restauré en i 83 o. 


II. 

En 1200, Sadon de Patinges accordait aux moines de 
Fontmorigny le droit de faire usage de sa perrière de Baulne : 
Conccssi preterea ad plénum et perpet'uum usariarium in 
peteraria mea de Balnea ; ad faciendum œdijicationem . 

III. 

Quatre-vingts ans après, le comte de Nevers, voulant 
orner avec somptuosité le château de Cuffy, faisait livrer aux 
maistres imagiers, ces belles pierres blanches d'Apremont 
dont nous signalions naguère les fragments si artistement 
sculptés. 

IV. 

Jehan Anlet, receveur du chapitre d’Orléans, et préposé à 
la justice du Chautay,qui appartenaità l'église Sainte-Croix, 
faisait compte des dépenses et mises faites en l’année que 
M. de Saint-Plaisir vint au Chautay et à Nevers pour 
paler à Mgr comte de Flandre (Louis II — 1329); il 
comprenait une somme de dix sols, pour être allé à Nevers 
marchander de mener la pierre d'Apremont à Orléans et 
pour le vin du marché . 


V. 

Le pourtour de la cathédrale de Moulins, ancienne 
collégiale, commencée en 1474 et terminée en i 5 o 8 , était 
orné de niches nombreuses qui étaient garnies de statues 
taillées avec art dans la pierre d’Apremont. 

VI. 

Le 16 mai 1499, « Louis XII, étant à Blois, » autorisait le 
chapitre d’Orléans à tirer et à amener par notre rivière de 


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— 307 — 

Loire les pierres provenant des perrières assises en Nivernois, 
sans payer aucun droit de traicte, péage, passage et redevance, 
sans faire cranter (faire déclaration), les pierres d’Apremont, 
« lesquelles ne sont dangereuses à la gelée ». « Le tout, disait 
le roi, pour la singulière dévotion et affection qu’avons et 
portons à l’église cathédrale de notre ville d’Orléans, et à 
la continuation et parachèvement d’icelle. » 

VII. 

En 1 5 1 9 , le 4 décembre, François I er donnait des lettres à 
MM. les Trésoriers, tendantes aux mêmes fins que ci-dessus. 

VIII. 

Pierre Lorrin, perreieur du Veuillin, reçoit 6o sols pour 
trois grandes pierres longues et larges de huit pieds et demi, 
d’un pied et quatre doigts de hauteur, fournies et déposées 
à la communauté des habitants de Nevers , pour faire trois 
écussons , l’un aux armes du Roi , l’autre aux armes de 
Madame et de Mgr son fils (Marie [d’Albret et François de 
Clèves) , et le troisième aux armes de la ville. 

En 1590, nous retrouvons encore les échevins qui font 
marché avec Louis Ferréol, pour faire aux portes de la ville 
six escussons de pierre eslevés en bosse, aux armoiries de 
Mgr et M me Louis de Gonzague, et Henriette de Clèves. Il 
était stipulé que la pierre serait de trois pieds en carré , et 
quelle serait prise dans la perrière d’Apremont. 

IX. 

La primitive église d’Apremont avait été érigée par 
Guillaume des Barres, seigneur du lieu et baron de La 
Guerche, en l’année 1217; vers la fin du quinzième siècle, 
Philibert de Boutillat, bailli du Nivernais, y avait apporté des 
transformations en prodiguant ce style ogival qu’il avait 
introduit dans une chapelle de Saint-Etienne de Nevers, où 
il avait élu sa sépulture. 


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— 3 o 8 — 


Le presbytère était alors situé sur le coteau (asper-mons) 
près de l’église ; mais en 1666 il fut transféré au milieu du 
bourg, à côté d’une petite chapelle nommée Notre-Dame - 
de- Grâce. 

Le nouvel hôtel presbytéral fut édifié sur l’emplacement 
d’une ancienne perrière appartenant à Toussaint Minot. 

X. 

En 1629 , noble et sage personne Pierre des Ryaux , ou 
Réaulx, écuyer, seigneur du lieu, dictait son testament à 
François de Montjoly, curé de Patinges ; il voulait être inhumé 
dans l’église de cette paroisse, dans la sépulture de ses prédé- 
cesseurs, et que sur sa tumbe lust mise une pierredela 
perrière des Réaulx. Il constituait pour son héritier Louis 
des Réaulx, son frère, seigneur de l’hôtel de Patinges. Il 
recommandait que la cotte de soye promise à sa sœur lui fû t 
payée. Il léguait encore à de Marguerit, son beau-frère, sieur 
de Saint-Georges, les 65 livres d’accense annuelle dues par 
Jehan Charbon pour la perrière des Réaulx. 

La famille des Charbon a été très-nombreuse, notamment 
dans la paroisse de Cuffy. Elle est aujourd'hui complètement 
éteinte. 

Jehan Charbon, qui faisait exploiter comme accenseur la 
perrière des Réaulx, avait épousé en premières noces Guil- 
lemette Diligent, décédée en 1607, et ensuite Claudine 
Morin, décédée en 1609. Il fit élever dans l’église de Cuffy, 
à chacune d’elles , une memoria en pierre incrustée de petits 
placages en marbre de diverses couleurs. 

Au-dessus de l’inscription, que la Révolution a respectée 
en partie, un petit tableau a été sculpté; il représente la 
défunte élégamment vêtue, à genoux sur un prie-Dieu à 
lectrin , lequel est recouvert d’un drapel avec le livre 
d’heures par-dessus. 

On devine facilement la provenance de la pierre (1). 

(1) Actes notulaires. — La Guerche. 


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— 3o9 — 

XI. 

En 1 656 , le 24 février, Étienne Janson, serviteur-domes- 
tique de haut et puissant seigneur messire Jean-ÉIéonor de 
Rochechouard , chevalier, seigneur marquis de Mompipeau, 
s’étant acheminé à cheval en l'hôtel et domicile d’honorable 
homme Jacques Charbon, marchand, demeurant à Nevers, 
lui fait sommation , par-devant le notaire royal Taillandier, 
d’avoir, conformément à ses marchés de 1 653 et autres 
années, à lui fournir au port de Saint-Ay ou Meun-sur- 
Loire, les pierres <T Apremont de la qualité qu’il est obligé, 
pour la reconstruction de la maison de Mompipeau, lui 
déclarant, à faute de ce faire, que ledit seigneur marquis l’y 
fera contraindre tant par saisie de ses biens que emprisonne- 
ment de sa personne; — à quoi la femme dudit Charbon a 
répondu qu’il est tout prêt à livrer les pierres, sitôt que le 
temps le permettra, et que s’il n’a fait lesdites livraisons, 
« ça été au subject que la glace a esté depuis trois mois en 
ça dans la rivière et que la rivière a esté extrêmement 
basse (1). » 

XII. 

En 1 685 , le 7 octobre, en vertu d’une commission 
émanant de Mgr Cambout de Croislin, évêque d’Orléans , 
Jean de L’Épine, sergent royal à Apremont, se transportait 
sur la sentine en rivière de l’Ailier, au lieu-dit le Port-aux- 
Picrres , et faisait main-mise, comme pour fait de bâtiments 
royaux, des pierres extraites par Sylvain Champroux, maître 
perreyeur, demeurant paroisse du Veuillain , par Jean 
Baudot, Laurent Prévôt et Jean d’Allouzy, lesquels étaient 
dans l’intention de donner autre destination aux pierres 
requises pour l’église de Sainte-Croix. 

XIII. 

La façade de cette cathéJrale n’était pas encore terminée 
en 1748. A cette époque, l’évêque d’Orléans écrivait à Lau- 

(1) Communication de M. l’abbé Boutillier. 


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— 3 io — 


rent de Berthier, seigneur du Veuillin, pour lui annoncer 
qu’il venait de voir le roi à Versailles , et que par suite il 
désirerait traiter avec lui pour la fourniture de la pierre à 
prendre dans ses carrières (i). 

Le traité fut accepté, et comme thef de l'exploitation il 
arriva sur les lieux un sieur Pierre Desécures ; celui-ci 
mourait en 1768, et était remplacé par son fils. 

Les Desécures descendaient de l’ingénieur de ce nom, 
intendant des turcies et levées de Loire, Cher et Allier, au 
logis duquel fut posée la première pierre de la ville d’Hen- 
richemont, fondée par Sully. Le dernier de ce nom est mort 
à Apremont, en 1868. 

XIV. 

Enfin, nous voyons en 1787 maître Champrobert, avocat 
à Nevers, et préposé à la justice du Veuillin, rendre ordon- 
nance pour qu’il soit procédé à l’inhumation d’un pauvre 
carrier qui avait été écrasé par un bloc de pierre détaché de 
la carrière dite des Rappées. 


§ 

Les énonciations ou éphémérides que nous venons d’énu- 
mérer prouvent suffisamment que, pendant bien des siècles, 
les carrières d'Apremont et du Veuillin ont fourni aux œuvres 
de construction leurs beaux produits de pierre blanche. 

Voiturés par les eaux de l’Ailier et de la Loire, ils 
servaient à l'édification des églises et des châteaux voisins 
de leurs rives. 

Le Tibre avait , non loin de Rome, un port spécial , qui 
se nommait Marmorea ou Marmanda ; il était destiné à 
recevoir les marbres expédiés de toutes les contrées et 
réclamés par la ville qu’Auguste avait trouvée construite de 
brigues, pour la laisser toute de marbre. 

S’il nous était permis de parva magnis comporter e % nous 

(1) Archives d’Orléans. 


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— 3 1 x — 


dirions que la ville d’Orléans avait aussi un port particulier 
pour recevoir les pierres des carrières nivern?ises. Il était 
situé à la tête de la ville , près du fort Alleaume. 

Quand l'archéologue s’arrête devant les ruines d’un 
antique monument, après avoir examiné les débris de 
marbre ou de pierre plus ou moins ouvragés, il ne se 
contente point toujours d‘en rechercher l’appropriation, la 
destination; il se demande encore quel a pu être leur 
gisement naturel et primitif; il veut à la fois rendre hom- 
mage à l’art proprement dit, ainsi qu’à l’œuvre industrielle 
qui a su les extraire et les transporter en divers lieux. 

Ainsi donc, puisqu'il est admis en archéologie que les 
pierres doivent parler : 

Les colonnes provenant de Saincaize qui ornent notre 
musée lapidaire, diront que Yascia du lapidarius les a 
extraites des perrières d’Apremont. 

Les belles pierres qui ont servi à la construction de l'esca- 
lier du château de Chambord, si curieux par sa double 
évolution, diront aux touristes : Nous sommes du Veuillin 
et d’Aprçmont, au pays de Nivernais. 

Ces carrières ont été plus d’une fois abandonnéesetreprises, 
selon l’oportunité des temps. Grâce à la proximité d’un 
canal et de la voie ferrée, les produits ne sont plus réduits 
comme autrefois à s’arrêter sur les rives des rivières ; il leur 
est permis de pénétrer bien avant dans les terres. 

C’est dans ces heureuses conditions que la carrière dite des 
Ryaux se trouve en complète exploitation. 

Ainsi que nous l’avons dit en commençant, le nom des 
Ryaux a été emprunté à un ancien féodal manoir que diverses 
archives désignent indifféremment par châtel des Ryaux , 
— des Réaux — des Ruaulx — des Ruyaulx : autrement 
pour le latin Castellum de Rivis . Le vieux châtel a laissé à 
peine quelques vestiges; il a fait place aux constructions 
rurales réclamées par l’industrie agricole. Les ruisseaux ou 
riots, rivi qui l'arrosaient subsistent encore, ainsi que cette 
perrière qui figurait dans * ly dénombrement dou fié des 


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— 3l2 — 


Ruyaulx faict à messire lou Comte, par Guillelme des 
Ruyaulx, chevalié, homme du roy de France en sa marine 
Normande. L’an de grâce M. CCLXXXIIII (i). » 

C’est donc en travaillant à l'abatage des terres qui recou- 
vraient les bancs de pierre de cette carrière que les ouvriers 
rencontraient d’abord les substryctions d'un mur construit en 
petit appareil, au long duquel s’étendait un carrelage formé 
de dalles et de carreaux d’argile. A huit mètres du mur ils 
reconnurent l’existence d’un puits creusé dans la roche et 
comblé jusqu’à son orifice. 

Sur le dallage ils recueillirent des tuiles faîtières (vertices), 
un débris de vase à deux anses en poterie d’un beau rouge, 
et enfin plusieurs chapiteaux et bases de colonnes qui firent 
présumer aux travailleurs qu’ils se trouvaient sur l’emplace- 
ment d’une ancienne chapelle. Vitruve n’a pas encore été 
adopté comme auteur dans l’instruction obligatoire ; il est 
donc permis d’ignorer que dans l’édification des demeures 
romaines, les colonnes y figuraient toujours à titre d’utilité, 
c’est-à-dire de soutènement, plutôt qu’à titre purement 
ornementatif, comme le comportent les édifices religieux. 

Voici au surplus la description de ces restes lapidaires : 

i. La base d’une stèle, ou d’un pilier rectangulaire, ayant 
90 centimètres de haut, 32 de côté et 40 de largeur. Une 
moulure peu saillante, composée d’une gorge et d’une plinthe, 
existe sur les quatre faces. Serait-ce une pierre altarique ? 
Nous ne le pensons point. Sur la face antérieure sont gravés 
les caractères suivants ( Figure 1) : 

XIIV. 

S’ils indiquent une expression numérique, elle n’est point 
régulièrement tracée ; un hardi interprète a lu duodecim — 
annos — vixit ? Nous ne saurions adopter cette leçon, 
d’autant moins qu’Orelli , reproduisant une peinture de 


( 1 ) Archives d’Apremont. — Communiqué à La Chesnaye-des-Bois 
qui a reproduit la charte originale, sans la réintégrer. 


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VILLA DES RYAUX 



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— 3 1 3 


Pompée représentant des gladiateurs , offre dans la légende 
l'expression XI IX comme lettres numérales. 

2. Deux chapiteaux, ordre toscan ; le diamètrede la colonne 
dans sa partie haute, est de 32 centimètres. {Fig. 2 et 3 .) 

3 . Partie supérieure ou abacus d’un chapiteau corinthien 
(Fig. 6 .) 

Cet abacus est, conformément à son style propre, taillé en 
arc sur les quatres côtés ; à chaque angle se trouvent de petites 
volutes hélices ; au milieu de Tare, au lieu d’un petit fleuron 
ou rosette, flos} le sculpteur a placé une petite tête couronnée 
de feuillages ; on reconnaît que l’artiste a cherché surtout à 
produire ce que nous nommons du noir ; les yeux de cette 
petite tête sont profondément fouillés. 

4. Deux bases de colonne, dont l’une a 1 m. 10 c. de 
hauteur. Le diamètre de la base prise à partir du tore infé- 
rieur est de 65 centimètres, et le diamètre du fût au-dessus 
de la base étant de 5 o centimètres , nous pouvons calculer 
exactement que la colonne devait mesurer 4 mètres et demi 
de hauteur (à raison de sept fois le diamètre). Nous pré- 
sumons qu’elle était d’ordre dorique. 

Cette énorme base a été extraite du puits dont nous avons 
parlé. (Fig. 4 et 5.) 

Le puits a restitué entre autres choses, un débris de petite 
statuette de pierre qu’il convient de décrire. (Fig. 7.) Elle est 
haute de 1 3 pouces ; elle représente un personnage assis. Il est 
vêtu de cette tunique gauloise à larges manches , descendant 
à mi-jambes, qui se nommait caracalla. Il tient de la main 
droite un gâteau à croûte mamelonnée que les Romains 
appelaient ma\onomum et quelquefois panis artopticius t 
parce qu’il cuisait daus un moule nommé artopta. 

La tête, le bras gauche et la jambe droite ont été brisés. 

Les archéologues ne sont pas encore complètement d’accord 
sur la personnification de ces statuettes assises. 

Les uns y voient une imago funeraria propre à orner un 
t. u, 3 * série. 34 


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laraire; d’autres les acceptent comme une divinité topique 
rappelant par certains détails une des grandes divinités gau- 
loises. Le musée de Saint-Germain contient dans la salle 
n* XIX un bon nombre de ces petites statuettes ; nous avons 
fourni le moulage de deux de ces imagines . 

L’une d’elles détient une bourse d’où s’échappent des 
monnaies, tandis que la main gauche s’appuie sur un 
gâteau semblable à celui que nous avons décrit plus haut, 
qui se nommait ma\onomum et se faisait avec de la farine 
d’orge. 

Nous osons supposer que cette petite divinité devait 
représenter le Plutus-Statius, — stable, constant, certain. — 
Comme il est assis , on ne saurait présumer sa claudication 
mythologique. C’était le dieu des richesses, fils de Cérès 
Jasion, célèbre agriculteur. Il symbolisait cette vérité de 
tous les temps, c’est que l’agriculture est la source véritable 
des richesses réelles, préférables aux richesses de convention, 
agréées par les hommes réunis en société. 

On aime sur le sol fécond de nos contrées à retrouver les 
images de cette divinité. 

Il a été en outre extrait du fond du puits : 

i» Plusieurs fragments de poterie à reflet métallique, 
revêtus d'une ornementation faite au pointillé (Fig. 8, 

9 et io ); 

2 ° Un vase de bronze fortement oxydé en dedans et en 
dehors, aux parois duquel adhèrent de nombreux petits 
cailloux; sa forme n’offre point un caractère bien déterminé ; 
cependant on pourrait lui donner le nom de situla, c'est- 
à-dire seau à puiser eau, dont le fond se terminait en pointe, 
pour faciliter l’immersion (Fig. io) ; 

3° Une chaîne de fer, dont les anneaux ont la forme 
d’un 8 ; 

4 ° Une clé dont le pêne est recourbé en angle droit ; 

5° Une articulation en fer, ayant dû s’adapter à un fléau à 
battre le grain ; 


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— 3i5 


6° LJn cercle de seau en fer; le seau était en bois, on en a 
retiré deux douelles ; 

7 ° Douze pierres plates et brutes, trouées à leur extrémité; 
ces pierres devaient servir de contre-poids pour la descente 
ou l’ascension du vase à puiser eau; 

8° Deux disques de plomb s'emboîtant l’un sur l'autre, qui 
ont dû faire l’office de soupape. 

Enfin , on a retiré encore trois pierres creusées en cuvette 
demi-sphérique; deux de ces pierres juxtaposées semblent 
devoir constituer un récipient qui , placé près de l’orifice du 
puits , a pu servir à recevoir l’eau qui s’échappait ensuite au 
moyen d’un conduit horizontal pratiqué dans le fond de la 
cuvette. 

§ 

Les temples ou sacella étaient partout en grand nombre à 
l'époque gallo-romaine. Néanmoins, rien ne nous invite à 
attribuer les débris de sculpture et d'architecture que nous 
venons de décrire, comme provenant d'un édifice consacré 
aux dieux, et dont la destruction pourrait remonter à 
l'époque où l'influence énergique de saint Martin faisait, dans 
nos contrées, disparaître les derniers vestiges du paganisme. 

Nous supposons qu’ils faisaient partie d’une de ces riches 
villas dont on retrouve les traces non encore complètement 
exhumées dans nos contrées. 

Les habitations romaines étaient toutes à peu près cons- 
truites sur des plans similaires. 

Nous savons que Y atrium constituait la pièce principale 
de la maison. C’était là qu'on déposait les statues ou bustes 
des empereurs, les images des ancêtres, et là aussi se trouvait 
l'autel des dieux protecteurs de la famille. 

Au milieu de Y atrium se voyait presque toujours un 
bassin nommé impluvium. Il était entouré de quatre colonnes 
au moins. Le puits qui a été signalé devait remplacer cet 
impluvium; son puteal , c’est-à-dire le petit mur qui l'en- 
tourait, devait être accosté de deux piliers servant à soutenir 
l’architrave au milieu de laquelle pendait la poulie. 


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— 3 1 6 — 


Si, au moment de la dévastation qu’a subie la villa, une 
base de colonne d'aussi grande dimension que celle que nous 
avons décrite n° 4 a pu être précipitée dans ce puits, c'est 
évidemment qu’elle se trouvait à proximité de l’orifice. 

Peut-être la stèle n° 1 était-elle destinée à recevoir quelque 
statue? Peut-être la statuette assise sur son siège à accoudoir 
représentait-elle la divinité topique ? 

Malheureusement aucune inscription, aucun graffite lapi- 
daire ne sont venus confirmer les conjectures que nous 
formulons toutes avec une prudente réserve. 

Néanmoins, en terminant, nous proposerons de ramener 
dans V atrium de la villa des Ryaux [de Rivis) une statue 
équestre qui devait y figurer au siècle des Antonins. 

Nous avions recueilli, il y a vingt-cinq ans, l’avant-corps 
d'un cheval de pierre , un peu moins grand que nature. Il 
avait été juché au sommet du pignon de la grange du domaine 
de la Charnaie, d'où il finit par tomber en se brisant en deux 
morceaux, en un jour d’incendie. 

Cette œuvre sculpturale datait de l'époque gallo-romaine. 
L’artiste avait pris pour modèle le cheval Numide, à la tête 
fine , à la large encolure , à la crinière coupée en brosse. La 
forme du harnais , antilena , et mieux encore le revêtement 
du genou du cavalier demeuré attaché au flanc de l’animal, 
tout venait à l’appui de notre conjecture. [Fig, 12.) 

Je cherchai en vain la provenance de ce monument. Le 
temps est un grand maître ; or, la Charnaie se trouve préci- 
sément à un mille de cette carrière des Ryaux , qui vient 
de nous livrer de si intéressantes épaves ; nous avons donc 
aujourd’hui quelque raison de supposer que ces débris de 
statue équestre avaient été amenés de Y atrium que nous 
tentons de restituer. 

Quoi qu’il en soit, il nous est permis de noter sur notre 
carte gallo-nivernienne l’emplacement d’une nouvelle et 
importante villa : la villa de Rivis? c’est-à-dire des Ryaux. 

L. ROUBET. 


! 


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1 



— 3 1 7 — 


LE DESFY DE LA MORT 

OU LA MANIÈRE DE BIEN MOURIR ET NE CRAINDRE PAS TROP 
LA MORT CORPORELLE, 

Par M. Arnauld SORBIN, évesqub de Nevers, conseiller et 

PRÉDICATEUR DU ROY, 

» 

Ubi est , mors , Victoria tua? Ubi est , mors , stimulus tuus ? (I Cor., ib.) 

A.Paris, chez Guillaume Chaudière, rue Saint-Jacques , à renseigne 
du Temps et de Y Homme sauvage. M.D.LXXXVI. (Petit volume in-18 
de 440 pages, relié en maroquin rouge, avec dorures très-élégantes 
sur le dos et les plats.) 


L'ouvrage proprement dit est précédé , selon la mode du 
temps, d'une curieuse épistre avec cette dédicace : 

A très-chrestienne , catholique et généreuse D. et prin- 
cesse D. Henriette de Clèves , duchesse de Nevers ; — 
A. Sorbin, évesque de Nevers , désire salut et paix en 
Nostre-Seigneur Jésus-Christ. 

En voici le début : 

« Estant le Quaresme précédent en cour, pour l’exercice de 
ma charge, l'occasion se présenta de parler, un jour, comme 
j’avois cest honneur d’estre en propos avec monsieur le Duc 
vostre seigneur et mary, de l’heureuse et chrestienne mort 
de feu madame la Princesse vostre sœur, dont j’avois aussi 
ouy parler à madame de Randan, et à plusieurs autres per- 
sonnes d'honneur, qui avoient esté présentes en un si triste 
et lamentable spectacle : et furent dès-lors produits certains 
mémoires, contenans ses derniers propos, pleins de plusieurs 
beaux traicts, qu’un ancien serviteur de vostre illustre maison 
avoit fidèlement recueillis : qui me firent prendre envie de 
les renvoyer à la postérité, tant pour les obligations que j’ay 
à monsieur et à vous, comme aussi pour l’honneur que je 
porte à la mémoire d’une si chrestienne princesse, que j'ai 


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— 3 1 3 — 

fait tout chrestien devoir, par le moyen de monsieur et 
vostre, de remettre dans le parc, d’où la nourriture de ses 
jeunes ans Tavoit ( au regret vostre, et de tous les bons ) 
retirée. » 

On devine qu'il s’agit ici de Marie de Clèves , élevée dans 
les principes de la religion protestante et convertie par 
Mgr Sorbin. 

Après de longues tirades dans le goût du temps sur le 
désir d’avoir le pinceau délicat de Thucydide, studieux 
d’escrire si clairement les guerres péloponésiaques, etc., et de 
ressembler à un orfèvre qui , pour faire paroistre l'excellente 
beauté et riche prix d’une précieuse pierre, se met en devoir 
de l’enchâsser en lieu où elle puisse donner plaisir à ceux qui 
la contempleront, le docte prélat continue en ces termes : 

c Mais estant, au mois d’avril dernier, arrivé en mon 
petit désert ou hermitage de Prémery , vrai lieu d’estude et 
propre à la méditation, tant chrestienne que philosophique, 
me trouvant surprins d’une griefve maladie, procédante 
d’une colique néphrétique et pierreuse (qui me conduisit bien 
près des portes de la mort), Dieu m’ayant remis en santé et 
pour ne m’avoir cognu digne de sa gloire, me réservant 
encores en ce monde, pour y desrouiller mon âme et la 
rendre aucunement apte à estre nombrée entre les héritiers 
de son paradis : je prins résolution de dresser ce petit volume, 
que je nomme le Desfy de la Mort , parce que je y ay colligé, 
tant des sainctes Escritures que des escrits des anciens philo- 
sophes, toutes les raisons, tous les exemples, toutes les 
inductions que j’ay peu penser pouvoir servir, pour persuader 
à ne craindre démesurément la mort et apprendre à bien 
mourir, couchant entre les exemples plus mémorables , celuy 
de madame la Princesse vostre sœur, avec ses derniers propos, 
que j’y ay insérés de bonne foy, sans altérer les mémoires 
que j’en avais à ces fins receu » 

Suivent de longues phrases encore sur les moyens qui ont 


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— 3 1 9 — 

paru les plus plausibles pour, si faire se peut, plaire, émou- 
voir et enseigner tous les lecteurs. Contrairement à ses 
habitudes, l’auteur entre ensuite dans des détails intimes et 
personnels, d’autant plus attachants, ce semble, qu’ils sont 
plus éloignés de nos mœurs actuelles. Il reprend ainsi: 

« Estant, donc, venu à bout de mon project: et ayant 
achevé ce mien petit labeur à qui le devois-je plus tost con- 
sacrer qu’à vous (madame), si je me représente les obliga- 
tions que j’ay à monsieur le duc de Nevers vostre seigneur 
et mary, qui a esté celuy, par le moyen de qui (après Dieu) 
j’ay eu cet honneur d’avoir esté premièrement reçeu au 
service de ce grand roy Charles IX, vray protecteur de la foy 
et amateur de toutes personnes de vertu et valeur? au service 
duquel j’ay par son moyen acquis ce que le poète donne à 
ceux qui ont l’honneur d’agréer aux rois et princes , disant 

Entre nous icy bas le los ne vaut pas peu 

Aux princes et aux rois d’avoir quelquefois pieu, 

parce que preschant le Quaresme à Paris, en l’église de 
Saint-Germain de l’Auxerrois, l’an 1567, luy ayant pieu, et 
à vous, madame, d’assister le long du Quaresme à mes pré- 
dications , non content de m’avoir honoré de plus de faveurs 
que ny mes labeurs , ny mes mérites ne pouvoient espérer, 
ou attendre de luy, encores voulut-il couronner une infinité 
de biens, qu’il luy pleut m’impartir, de ceste introduction 
en la bonne grâce du feu roy, qui, à son instigation, me 
commanda luy donner la première de mes prédications 
(comme je sceus fort particulièrement par tesmoins dignes 
de foy) le jour de la Pentccoste en suyvant, en l’église Saint- 
Maur-des-Fossez : depuis lequel temps il n’a jamais cessé de 
me pourchasser tout le bien et honneur, dont il s’est peu 
adviser comme il fait encore, sans jamais se départir de ceste 
première bonne affection. 

» C’est donc, à juste cause (madame) et à bon droict, que 
je me suis enhardy de vous offrir ce mien petit labeur, 


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— 320 — 


tesmoin de ma fidélité, et sincère affection, que je désire vous 
conserver tout le reste de mes jours : qui vous servira, pour 
employer les heures auxquelles, quelquefois Tannée, nous 
sommes incitez à penser à la vie future et éternelle. Je désire 
aussi qu’il vous serve de tableau, pour y voir les traicts 
naturels et naifves couleurs des piété et sincérité chrestiennes, 
que Dieu avoit mises en lame de feu madame la Princesse 
vostre sœur, par le pinceau de la prédication de sa parole : 
où elle profita si bien, pour le peu de temps qu'elle a vesceu, 
depuis qu’elle fut remise entre les bras de l’Eglise catholique, 
nostre commune mère, qu'il s’en trouve peu qui, à l’heure 
de la mort, et au besoin en facent de plus claires et naifves 
protestations... » 

Comme d’habitude, Vépistre est suivie non pas seulement 
d’une pièce de vers, mais de deux sonnets et d’une odelette 
où est paraphrasée la sentence de saint Paul dans la première 
épître aux Corinthiens : Absorpta est mors in Victoria; 
puis de six distiques latins sous ce titre ad librum : 

Ergo ne, parve liber , volucres prodibis in auras ! 

Nonne tibi fuerat tutius esse domi ? 

Mais l’auteur espère que tout le monde sera heureux de 
trouver un soulagement aux terreurs de la mort : 

At cui non placeat mortis terrore levari ? 

Et c’est précisément ce que fait son livre ; aussi termine- 
t-il plein de confiance ; 

Ergo âge , vade Liber, tutus volita que per ora : 

Namque placere potes , namquejuvare potes. 

On voit que l’évêque et le vaillant controversiste n’avait 
pas oublié la poésie qu’il avait aimée de jeunesse. 

Un autre sonnet encore, signé A. L., termine ces poésies; 
il est adressé à R. P. monsieur Arnauld Sorbin, évesque de 
Nevers, conseiller et prédicateur du Roy, sur son Des/y de 
la Mort . 


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Dans l’ouvrage lui-même qui commence ensuite, nous 
n'avons rien de particulier à signaler, à part quelques détails 
plus intimes et d’un caractère historique sur la conversion et 
la mort de Marie de Clèves. 

C'est par l’instigation du duc de Nevers, raconte le prélat, 
que la princesse fut attirée à « ouïr la première des prédi- 
cations catholiques, qu’elle ouït jamais, le jour de Pasques, 
en l’année 1569, en la ville de Lyon et en l'église des 
Célestins, où, par la volonté dudit sieur de Nevers, je m’ar- 
restoy pour prescher les lestes de Pasques. Et sachant le 
désir que madame de Nevers, sa sœur, avoit de voir en elle, 
ce qu’il a pieu à Dieu y apporter depuis, sçavoir la sincérité 
de la foy et exercice de la religion catholique, je m’employay, 
revenant de Lyon à Nevers, ayant cest honneur d’estre en 
leur barque, depuis Rouanne jusques audit Nevers, à luy 
faire paroistre par les raisons plus claires et évidentes, qu’il 
m’estoit possible, la différence qu’il y a entre les modernes 
opinions et la doctrine vrayement chrestienne : Combien elle 
estoit loin du but qu’elle attendoit, qui est la vie éternelle, et 
combien Dieu luy feroit de grâce, la mettant en mesme 
eschole avec mesdames ses sœurs , attirées en leurs jeunes 
ans à mesme danger, mais retirées d’iceluy par la miséricorde 
de Dieu le Créateur... » Cependant, ce ne fut que plus tard, 
en 1 572, après la Saint-Barthélemy, que la princesse, « sol- 
licitée par les honnestes et chrestiennes remonstrances et 
exhortations de monsieur et de madame de Nevers , print 
résolution d’embrasser la foy catholique pour suyvre et 
achever le reste de ses jours en icelle... » Deux ans plus tard, 
après une longue maladie, le pénultième d’octobre 1574, 
ayant levé les mains et fait le signe de la croix, ne faisant 
démonstration aucune de sentir violence ni effort, d’un 
doux et gracieux soupir, elle rendait son âme bienheureuse 
en mains de celuy qui l’attendait là haut au ciel . Après quoi 
c elle fut ensevelie honorablement, selon la coustume de 
l’Eglise catholique, en la ville de Nevers, et aux sépulcres 
de ses pères, avec la pompe accoustumée d’estre faite à per- 
t. xi, 3* série. • 35 


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— 322 — 


sonnes de sa qualité, par la piété, loyal et fraterne devoir de 
monsieur et madame le duc et duchesse de Nevers, ses 
frères et sœurs absens toutefois 2. 

A la fin du volume se trouve encore une épistre (de quatre- 
vingt-trois feuillets) pour une dame du pals de Nivernois, 
de la secte que les calvinistes nomment nouvelle, ou religion 
réformée , utile pour la consolation de ceux qui ont désir de 
se départir de ces opinions-là et revenir au giron de l'Église 
catholique, leur mère, par M. Arnauld Sorbin, evesquede 
Nevers. 

Venite et videte quia ego sum Deus . (Ps. 45; Deuter. , 32 . } 

A Paris, chez Guillaume Chaudière... i586. 

Ladite épître est précédée, comme généralement tous les 
ouvrages de Mgr Sorbin , d'une page où l’auteur souhaite: 
Au lecteur chrestien et catholique, salut et paix; puis, de 
deux sonnets en l'honneur du Sa inct-Sacrement de l'autel, 
aux nouvellement retirez de l’hérésie calvinesque ; ils sont 
accompagnés par manière de signature de ces quatre mots : 
Plus bien que rien. 

Cette épître ne contient d'ailleurs aucun renseignement 
historique à signaler. On y voit seulement que la dame en 
question avait goûté les exhortations d'un vertueux et docte 
homme, le Père Gaspar, de la Compagnie du nom de Jésus, 
lequel depuis il avait plu à Dieu appeler à soy; pourquoi, à 
cause de sa charge et à raison de l’honorable sang de ladite 
dame, le prélat avait pris la peine, durant les prédications 
de ce présent Carême , de polir cette épître et de l'agencer de 
son mieux. 

En terminant, le vaillant polémiste et pieux évêque se 
réserve de répliquer contre tous ceux qui voudront contredire 
à son épître ; « comme en toute autre chose, qui concernera 
le salut de votre âme, je mettrai peine de m’y employer 
d'aussi bon cœur, que prie Dieu , madame, vous tenir en sa 
grâce, me recommandant très-affectionnément aux vostres. 
De mon petit hermitage de Prémery, ce 4 d'octobre 1585. » 


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- 323 — 


Des trois résidences d’Urzy, Parzy et Prémery que possé- 
dait alors Tévéque de Nevers, on voit que Mgr Sorbin 
affectionnait surtout cette dernière et spécialement le petit 
ermitage qu’il s'était choisi dans les dépendances de ce ma- 
gnifique château encore si imposant, malgré les destructions 
partielles qu'il a subies. 

Deux sonnets à Thonneur du Saint-Sacrement de l'Eucha- 
ristie terminent le volume; ils sont signés, comme les précé- 
dents : Plus bien que rien , ce qui explique ces quatre lettres 
P. B. Q. R. qui se trouvent fréquemment à la suite de 
diverses pièces de vers insérées dans les autres ouvrages de 
Mgr Sorbin. 

Novembre 1884. 

L’abbé BOUTILLIER. 


IVOIRE LATIN 

DU MUSÉE DE NEVERS (i). 

Le Congrès archéologique tenu à Nevers en 1852 avait 
mentionné, dans sa visite au musée, l’antique ivoire en ces 
termes aussi sommaires que vagues (p. 258 ) : « Un frag- 
ment de bas-relief en ivoire provenant d’une croix qui se 
voyait autrefois à la cathédrale; le style de ce morceau 
accuse une époque fort reculée. » 

M. le comte de Soultrait ( Guide archéologique dans 
Nevers, p. 99) dit aussi, en parlant du musée : c On y 
remarque quelques ivoires dont un seul mérite d’être 
examiné avec intérêt; c’est, dit-on, un fragment d’une croix 
qui appartenait à la cathédrale; ce fragment, qui paraît 
antérieur au onzième siècle, représente en bas-relief l’Enfant- 
Jésus eramaillotté, avec l’âne et le bœuf, et l’Adoration des 
Mages. » 

(x) Voir le procès-verbal du 26 mars 1885, p. 291. 


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— 324 — 

Cependant cette petite plaque, d'ailleurs soigneusement 
recueillie (i), placée sous verre, n'avait encore été l’objet 
d’aucune étude sérieuse. 

Au mois d'août 1884, Mgr Barbier de Montault et M. Léon 
Palustre, directeur de la Société française, visitaient ensemble 
les musées de Nevers. Leurs regards se fixèrent bien vite sur 
notre précieux ivoire. Une description sommaire et minu- 
tieuse en fut faite sur-le-champ; on s’enquit des moyens de 
faire exécuter un cliché qui servit à faire une héliogravure 
pour le Bulletin monumental , et nous sommes heureux, grâce 
à l’obligeance de M. Palustre, de la joindre à cet article. 

c Je ne vois pas trop, nous disait Mgr de Montault, com- 
ment ce petit bas-relief a pu entrer dans la composition d’une 
croix. Cette croix était-elle contemporaine de l’ivoire ! On 
l’ignore. En tout cas, pour en couvrir la surface, il eût fallu 
d’autres plaques empruntées à la vie du Christ. » Il ajoutait : 

« En maintenant l'adaptation à une boite, ce que la place 
des charnières rend évident, je suis amené à reconnaître que 
la croix devait être d’une autre époque que l’ivoire, qui a pu 
y être cloué comme objet précieux et antique, dans un temps 
où il ne restait plus que cette seule plaque. 

» Au surplus , puisque nous sommes en face de l'inédit , du 
rare et du beau, nous nous empresserons de lui donner dans 
le Bulletin la réclame à laquelle il a droit à tant de titres. » 

Voici maintenant le texte même de la description faite de 
main de maître par ce savant iconographe (2) : 

II. 

« La plaque est divisée en deux compartiments égaux, 
par des bandeaux chargés d’oves , qui forment cadre saillant 

(1) On a eu toutefois le tort grave de la salir en deux endroits par 
l’apposition d’un numéro à l’encre, qu’il sera difficile de faire dispa- 
raître. 

(2) Bulletin monumental , 1884. 


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— 327 “ 

tout autour ; le montant gauche manque en entier, et la 
partie supérieure du montant droit fait défaut. La séparation 
biseautée entre les deux scènes est décorée de perles allongées, 
unies par des perles rondes. Une pièce de même nature 
s’étend en haut, comme pour terminer la plaque, qui est 
rectangulaire et mesure dix centimètres de largeur sur six de 
hauteur, dimensions exactement reproduites par l’hélio- 
gravure. 

» Les deux scènes se lisent de gauche à droite , comme 
dans un livre. Elles représentent la Nativité de Notre- 
Seigneur et son Epiphanie. Dans le premier panneau, le 
fond du tableau consiste en un mur, percé d’une double 
arcade, et régulièrement appareillé. Leur archivolte cintrée 
retombe sur une pile, moulurée aux angles ; elle se prolonge 
en imposte. C’est le type de l’architecture classique. 

» Par ces ouvertures s’avancent vers r la crèche l’âne et le 
bœuf traditionnels, comme s’ils venaient du dehors; leur 
physionomie, bien rendue, est expressive et intelligente. A 
Ja vue de cet âne, jeune et ardent, on se rappelle cette strophe 
de la prose qui, au moyen-âge, exaltait ses qualités : 

Orientés parti bus 
Adventavit asinus, 

Puîcher et fortissimus , 

Sarcinis aptissimus ( i). 

» Ces deux animaux domestiques sont debout et prêts à 
réchauffer de leur tiède haleine le nouveau-né , engourdi par 
le froid d’une nuit de décembre. 

» L’enfant est déposé dans la crèche où ils prenaient leur 
pâture. Cette crèche est également en maçonnerie , haute de 
quelques assises seulement et de forme allongée. La paille, 
étendue à sa surface, ou peut-être renfermée dans de l’étoffe, 
lui tient lieu de berceau. Étroitement lié de bandelettes, les 
bras serrés contre le corps, les pieds en avant, à peu près 

(i) Annales archéologiques , tome VII, p. 28. 


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— 328 — 


comme le Santo Bambino si vénéré à Rome, le petit Jésus, 
endormi, ne montre à découvert que sa figure rondelette, 
enveloppée en manière de coiffe. 

» Au second panneau , l’arcade est triple, mais de même 
architecture. La Vierge se tient à droite, assise sur une 
cathedra recouverte d’une housse ; ses pieds sont chaussés, 
et son manteau , en remontant sur sa tête, remplit l’office de 
voile. De ses deux mains, elle soutient aux épaules son fils, 
vêtu d’une tunique, pieds nus, assis sur ses genoux et les 
mains ne faisant aucun geste. 

» Vers lui se dirigent , dans la même attitude et avec le 
même costume, les trois mages, coiffés du bonnet persan, 
chaussés, habillés d’une tunique à double ceinture (aux 
aisselles et au-dessous de l’estomac) , d’un manteau qui 
laisse les bras libres et d’anaxyrides brodés verticalement, à 
la façon des orfrois ou galons de passementerie. De leurs 
deux bras tendus , iis offrent simultanément , non successi- 
vement, comme on le pratiqua plus tard, leurs présents 
symboliques sur des plateaux circulaires, à contour perlé, 
semblables aux missoria (i). 

» La date de cet ivoire ressort de son style et de son 
exécution. Nous ne croyons pas, M. Palustre et moi, qu’on 
puisse la reporter au-delà du quatrième siècle et en deçà du 
cinquième. L’art est franchement latin et classique, tout en 
ne déguisant pas une époque de décadence ; les personnages 
sont un peu lourds et trapus ; mais, dans tout l’ensemble, il 
y a à la fois de la noblesse, de la simplicité et, sinon de l’art 
personnel, au moins de l’art traditionnel. L’artiste, qui vivait 
probablement sous Théodose plutôt que sous Constantin, 
s’est inspiré de bons modèles qu’il a rendus de son mieux. 
Son modelé est satisfaisant , ses personnages vivent et ont de 
l’expression ; si les formes sont épaissies , elles n’ont pas du 
moins encore subi une altération notable; le relief est puis- 

(i) Voir sur les missoria un mémoire de M. de Longpérier dans ses 
Œuvres. 


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— 329 — 

sant , les détails fidèlement accusés ; on s’amuse même à 
reproduire la maçonnerie, dont on pourrait compter les 
assises et les pierres. Il y a là encore une certaine habileté et 
un savoir-faire. Cet art est latin, occidental, italien et sans 
doute romain. 

» La destination de cette belle plaque nous est attestée par 
ses trous et ses entailles. Les trous permettent de reconnaître 
qu'elle fut, à l’origine, fixée solidement, non collée (ce qui 
eût été plus propre), sur une âme en bois. Les deux encoches, 
à la partie supérieure, portant la trace de deux clous, font 
supposer deux charnières de métal , auxquelles s’adaptait le 
couvercle. C’est donc un petit coffret, dont nous n’avons 
plus qu’une seule plaque. 

» Domestique et civil, il pouvait servir à renfermer des 
bijoux précieux, anneaux et colliers, quelque portion du 
mundus muliebris. Qu’on ne s’étonne pas de sa décoration. 
Ne voyons-nous pas, à Saint-Vital de Ravenne, au sixième 
siècle, dans la mosaïque du chœur, l’impératrice Théodora 
porter, au bas de son manteau , orfroi tissé ou brodé, une 
Épiphanie analogue. 

» Liturgique, il aurait été cette acerra ou alveola (i) dans 
laquelle on mettait l’encens et , de ce chef, l'Adoration des 
Mages convenait parfaitement à sa destination, car l’Homme- 
Dieu y était spécialement reconnu et loué. » 

III. 

Nous renvoyons au Bulletin monumental pour l’examen 
si complet des particularités iconographiques qui distinguent 
et recommandent notre ivoire. 

Mais voici le texte ( un peu écourté cependant) du dernier 
paragraphe de la si belle étude de Mgr Barbier de Montault , 


(i) Alveola I eburnea , in qua thus continetur . (i* r înv. de Bérenger , 
dixième siècle, n° 28.) 

t. u, 3* série. 36 


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— S3o - 

où le sagace auteur entreprend de tenter la restitution de 
notre ivoire : 

« Cette plaque n’a pas de similaires, en tant que partie de 
boîte carrée, les autres étant rondes. Le coffret de Marseille 
est au moins douteux, sinon faux (i) ; quant à la boîte du 
Luxembourg, M. Bayet la fait descendre au neuvième 
siècle ( 2 ). Mais nous avons heureusement pour la compléter, 
plus d’une série où figure la vie du Christ : un choix nous 
est facile. 

» Remarquons d’abord que, d’après les dispositions des 
charnières , la plaque de Nevers a été employée comme 
couvercle ou comme partie postérieure d’une boite rectan- 
gulaire. Je préfère la première destination, à cause de l’im- 
portance du double sujet qui y est sculpté. 

» Or, le sujet lui-même me met sur la voie à suivre pour 
arriver à une restitution complète et satisfaisante. Saint 
Fulgence a dit , dans un de ses sermons , que l’unité de foi a 
été consommée parle rapprochement du judaïsme et de la 
gentilité: la naissance fut saluée par les bergers juifs, la 
manifestation du Fils de Dieu provoqua l'adoration des 
mages gentils . Ce texte a une valeur spéciale dans la ques- 
tion : Ad lapidem angnlarem uterque paries venit et verum 
angulum fidei unitas fecit . Horum duorum parietum unus 
adductus est , quando pastoribus Judæis Christum natum 
angélus nuntiavit ; alter paries adductus est , quando genti- 
libus magis novum sidus apparuit. ( Sermo de Epiphania et 
Magis , édit. Migne, p. 733.) 

» La boîte , par ses angles et sa taille en parallèlipipède , 
ressemble à une pierre angulaire fondamentale. Saint Paul 
l’a dit : Petra autem erat Christus (3), et l’Église l’a répété 
après lui dans le Pontificale Romanum : Dominum nostrum 

(1) Revue du Musée eucharistique de Paray- le -Monial, i 883 , 
pl. VIII. 

(2) Page 493 , n° 49 bis . 

( 3 ) I ad Corinth., x, 4. 


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— 33 1 — 


Jesum Christum filium tuum, lapident probatum , angu- 
larem , pretiosum , in funiamento fundatum , de quo dicit 
apostolns: Petra autem erat Christus (i). 

» Il est donc tout naturel que notre coffret, surtout si ce 
*ut un coffret eucharistique, soit exclusivement consacré au 
Christ, en rappelant les principaux traits de sa vie, qui se 
décompose ainsi: figures de Tancienne loi, vie terrestre, 
passion et résurrection. Nous avons deux scènes sur huit, 
car j’en compte deux pour chaque grand côté et une par 
chaque bout. 

» Les figures se placent aux deux extrémités : l’une se 
réfère à l’Adoration des Mages, l’autre à la Résurrection. 
Ainsi s’établit le parallélisme, si fréquent dans l’iconographie 
primitive, entre l’Ancien et le Nouveau-Testament. Les trois 
jeunes Hébreux, jetés par ordre de Nabuchodonosor dans 
une fournaise ardente où le Fils de Dieu se manifeste à eux 
et qu'ils exaltent ensuite dans un cantique enthousiaste, par 
leur nombre comme par leur acte, présagent les mages 
offrant à celui qu’ils reconnaissent pour Dieu les présents 
qui, empruntés à la nature, prennent une voix pour le louer 
à leur manière ( 2 ). Daniel , enfermé dans la fosse aux lions , 
où il doit mourir de faim et servir de pâture à ces animaux 
féroces, prie, les bras en croix; le prophète vient le récon- 
forter et il sort sain et sauf de l’abîme de la mort. Ainsi le 
Christ, condamné à mort, sommeille sur l’arbre de la croix, 
puis ressuscite triomphant (3). Je n’invente ni n’exagère 
rien : toute cette mise en scène se trouve à la fois dans les 
textes et les monuments. 


( 1 ) De benedict. et imposit. prim. lapid . pro eccl. ædific. 

( 2 ) J'ai constaté ce rapprochement intentionnel dans les cimetières 
de Saint-Calliste et de Priscille, ainsi qu’à un arcosolium du cimetière 
de Balbine, qui date de l’époque constantinienne : les trois mages 
sont en regard des trois Hébreux. M. de Rossi en a parlé dans son 
Bulletin ; il dit que ces fresques « rappellent la destruction de l’ido- 
lâtrie et la conversion du monde païen à la vraie foi ». 

(3) Sarcophage du Latran, Annal, arch., t. XXIV, p. 265. 


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- 332 - 


» A la partie antérieure du coffret, je voudrais la chute et 
la réparation. Adam, séduit par Ève qui a succombé aux 
suggestions du démon, après avoir perdu son innocence et sa 
grâce originelle , est expulsé du paradis et maudit dans sa 
postérité. A T Annonciation , le message de l’ange et l’accep- 
tation de Marie constituent une nouvelle Ève, vraiment 
mère du genre humain et qui donnera naissance au nouvel 
Adam par qui l’humanité entière sera régénérée. 

» Au couvercle, nous réserverons la Nativité et l’Adoration 
des Mages, pour montrer que l’Église, en réconciliant ce qui 
était divisé jusque-là, a établi un seul pasteur et un seul 
bercail, unum ovile et unus pastor... 

La Passion et la Résurrection figureront à l'arrière, comme 
complément de la manifestation divine. On a le choix entre 
la condamnation par Pilate qui se lave les mains (i) ou le 
portement de croix (2). 

» N’est-il pas vrai que ce symbolisme, résultant de rap- 
prochements faits avec intelligence, est tout ensemble sobre, 
simple, logique, naturel et à la portée de tous ? Là est sa 
beauté et sa force. Quand reviendrons-nous puiser à la 
source, nous qui ne connaissons plus que des ruisseaux 
dérivés et souvent fangeux ? 

» Ainsi interprété, à l’aide de la tradition, on conviendra 
sans peine que l’ivoire de Nevers est non-seulement le joyau 
le plus précieux du musée de cette ville , mais aussi un 
morceau de sculpture dont la France doit être fière. 2 


(1) Sarcophage du Latran (quatrième-cinquième siècle), Annal, 
arch., t. XXII, p. 25 x. 

(2) Ibid. 


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— 333 — 


LE FAÏENCIER NIVERNAIS 

ÉTUDE MONOGRAPHIQUE DES OUVRIERS DES DEUX MONDES 
SUIVANT LA MÉTHODE DE M. LE PLAY. 


Messieurs , 

M. le Président de la Société des lettres, sciences et arts de 
la Nièvre a bien voulu m’inviter à vous donner lecture 
d’une étude sur le Faïencier de Nevers , lue à la séance 
générale des Unions de la paix sociale de la région du 
Centre , qui se tenait cette année à Moulins , comme elle se 
tiendra l’année prochaine à Nevers. 

Notre président a pensé sans doute que rien de ce qui 
touchait à l’histoire de notre province ne devait nous rester 
étranger. Si l’étude de nos faïences nivernaises a maintes fois 
occupé nos séances, l’étude des faïenciers qui les ont fabri- 
quées dans le passé ou qui leur assurent dans le présent et 
dans l’avenir de brillantes destinées’, ne saurait nous laisser 
indifférents. 

A un autre point de vue , la Société de la porte du Croux 
suit avec un vif intérêt les travaux des sociétés savantes, 
fruits d’une si louable activité dans cette région du Centre 
qui nous est chère, non pas seulement parce qu’elle est la 
nôtre, mais aussi parce que , placée au milieu et comme au 
cœur de la patrie française, elle représente bien vérita- 
blement, et peut-être plus qu’une autre, les aspirations, les 
besoins, les traditions de la vraie France. 

Sous ce rapport encore, et c’est mon excuse, je me suis cru 
autorisé à vous présenter, comme je l’avais fait au congrès 
de Y Union de la paix sociale de Moulins, l’histoire du 
Faïencier nivemais et celle de la Faïence , cette industrie 
locale qui nous est précieuse à tant de titres ; mais j’ai pensé 
aussi qu’en dehors de la vie de cette famille d’ouvriers niver- 


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- 33 4 - 

nais, attachée par ses mœurs, ses usages, non moins que 
par sa propre volonté , à son pays , à sa profession , à son 
travail, à ses traditions locales , il pouvait y avoir quelque 
intérêt à vous faire connaître d’abord cette méthode d'obser- 
vation connue sous le nom de monographie , créée et appli- 
quée avec un rare bonheur par un homme illustre et vénéré 
entre tous, M. Le Play. 


I. 

Personne n’ignore qu’après avoir consacré vingt-cinq ans 
de voyages et de recherches à décrire la vie domestique, les 
conditions morales, économiques, industrielles des popu- 
lations ouvrières de l’Europe, suivant un procédé scienti- 
fique, M. Le Play, associant à ses travaux la Société 
d’économie sociale, continua son œuvre en étendant ses 
observations non plus seulement aux familles européennes, 
mais à celles des deux mondes. 

Appelé à vous faire connaître une étude conçue suivant 
cette méthode, étude déjà ancienne mais toujours actuelle 
sur la vie de famille , les travaux et l’industrie d’une popu- 
lation d'ouvriers nivernais , nous avons essayé d’en détacher 
quelques pages propres à faire saisir à la fois la fécondité 
de la forme monographique et l’intérêt qui s'attache, tant 
au point de vue de l’histoire du passé qu’au point de vue du 
présent, à l’examen des faits en apparence les plus vulgaires 
et les plus indifférents. 

L'histoire de la faïence nivernaise, l’histoire d’un faïencier, 
n’est-ce pas d’ailleurs ici un sujet d’études toujours ancien, 
toujours nouveau et tout spécialement sympathique à cette 
Société de la porte du Croux qui doit à la faïence une de ses 
dénominations les plus populaires , celle de : Société des 
pots cassés . 

Vous me pardonnerez donc, Messieurs, si , pour accomplir 
ma double et difficile" tâche , je prends la liberté, avant 
d'entrer dans le récit spécial des faits de la monographie du 


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— 335 — 


Faïencier nivemais, de vous dire tout d’abord deux mots 
de cette méthode de statistique et d’étude que l’Académie des 
sciences morales a couronnée comme la meilleure , la plus 
exacte et la plus féconde , en émettant le vœu qu’une société 
savante prît à tâche de poursuivre et d’étendre les études de 
M. Le Play à travers les deux mondes (i). Permettez-moi 
d’ajouter que ce vœu a été réalisé et que les monographies 
recueillies depuis vingt-cinq ans ont déjà fourni des docu- 
ments nombreux du plus haut intérêt. 

Quelle est donc cette méthode ? et comment doit procéder 
l’observateur? 

Veut -on étudier l’histoire sociale, religieuse, morale, 
industrielle, économique, agricole d’une famille, d’un 
individu , voire d’une profession ? Au lieu de se borner à des 
généralités toujours très-vagues et très -peu précises, on 
s’adresse à un ouvrier déterminé, à un ouvrier particulier, 
en chair et en os, ayant son nom, sa personnalité, son 
caractère propre qu’on recueille avec soin ; cet ouvrier a un 
état civil; on l’établit; il a une famille, un père, une mère, 
une femme et des enfants ; c'est cette famille surtout qu’il 
faut étudier en l'observant sur le vif, dans le foyer où 
s’élèvent les enfants , dans l’atelier où se gagne le pain 
quotidien. C’est à ce foyer tout spécialement que l’obser- 
vateur recueillera des documents précieux sur la vie reli- 
gieuse , morale , intellectuelle de l’ouvrier ; sur ses habitudes 
d’ordre, d’économie, de travail; sur sa santé, son alimen- 
tation, sa manière de vivre, ses usages bons ou mauvais, 
voire ses croyances et ses superstitions. 

Après avoir tracé à traits rapides la situation du pays dans 
lequel il habite, l’état du sol et de la population au milieu 
de laquelle s’écoule son existence , on l’interroge , non sans 
intérêt, sur sa famille, son travail, ses ressources, son 
salaire ; on lui fait raconter les phases principales de sa vie , 

( 1 ) Rapport du baron Ch. Dupin sur le prix de statistique. 
(Montyon, i856.) 


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- 336 - 


décrire la partie technique de son industrie et de celle des 
siens. On lui demande quels sont ses besoins, ses désirs, ses 
aspirations, ses douleurs et ses joies. Rien n'est omis, pas 
même ses distractions; et la manière dont il emploie les 
jours de fêtes ou de repos. Bien plus , on dresse son budget 
de dépenses et de recettes; là doivent figurer l'habitation 
avec ses annexes , le vêtement, la nourriture, les besoins de 
toute nature et aussi les ressources , salaires , subventions , 
profits ou cadeaux , au moyen desquels la famille fait face à 
ses dépenses. 

A ces divers objets d’information viennent s’ajouter les 
détails les plus intéressants sur la région qu'il habite, 
l’industrie qu’il exerce ou les diverses professions qui s’y 
rattachent; les rapports des patrons et des ouvriers, les 
différents régimes de transmission des biens, les réformes 
sociales, juridiques, économiques, réclamées à tort ou à 
raison par l’opinion du pays ou par l'ouvrier lui-même. 

Le monographe tient la plume; il ne fait que dresser un 
procès-verbal ou remplir en quelque sorte mécaniquement 
un cadre tracé d’avance par l'auteur de la méthode ; mais 
combien ce procès-verbal est éloquent ! comme ce tableau est 
saisissant ! C’est que les récits consignés dans ces mono- 
graphies peignent l’existence et les émotions des masses 
profondes de l’humanité. Ils sont les vrais éléments de 
l’histoire morale et de l’histoire sociale du monde. 

Puis, quand l’œuvre est accomplie dans sa simplicité et 
dans sa précision, il se trouve qu’on a acquis la con- 
naissance d’une foule de choses intéressantes. On a accu- 
mulé une quantité considérable de documents et on a été 
amené à étudier les questions vitales de l’ordre social. Les 
plus réfractaires d’abord à cette méthode d’analyse sont dans 
l’admiration des résultats qu’elle produit ; ils les obtiennent 
eux-mêmes, en quelque sorte à leur insu. Ce qui, au premier 
abord, semblait être l’exception, le fait propre à une famille, 
se trouve être la règle ou revêtir tout au moins un caractère 
d’ensemble et de généralité. 


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- 33 7 - 

La monographie terminée met en outre en relief la vérité 
dans toute sa force. Quand on cherche à dégager de ces 
travaux une conclusion pratique, il est démontré que chaque 
fois qu’une société , une nation, une famille, un individu 
restent fidèles aux préceptes du Décalogue , la prospérité 
morale et matérielle en est la conséquence immédiate ; que 
si , au contraire , on s’en éloigne , la décadence et la ruine 
arrivent forcément. C’est l'enseignement de l’histoire dans la 
vie des nations et des peuples; c'est aussi celui non moins 
éloquent des monographies , ces modestes annales de l'exis- 
tence quotidienne dans la vie des familles ou des individus. 

L’étude sur le Faïencier de Nevers , écrite il y a vingt ans 
déjà suivant les procédés d’analyse que nous avons pris la 
liberté de vous exposer, avait pour but de faire connaître 
l’histoire d'une industrie en quelque sorte nationale pour la 
vieille cité nivernaise : Elle décrivait les procédés techniques 
de la fabrication et les œuvres céramiques dont un art tout 
français fit les égales des majoliques italiennes ; mais surtout 
elle avait pour objet de mettre en lumière ces habitudes 
morales d'une famille vouée au travail, fidèle à ses traditions, 
à ses habitudes professionnelles, gardant au milieu des 
épreuves et des difficultés de la vie une stabilité séculaire, 
sûre d'affronter l’avenir comme elle avait vécu dans le passé. 

C’était un document de l'histoire d’autrefois se perpétuant 
dans le présent , une étude prise sur le vif de la vie morale 
et des conditions d’existence de la famille. On était amené 
à étudier par là même le travail du faïencier, son salaire, 
ses rapports avec le patron; on y montrait les habitudes 
traditionnelles de la profession, l’instruction généralement 
plus développée qu’on ne le croit dans l'ancien régime; on y 
parlait des divers modes de transmission des biens, de la 
liberté de tester, de la prospérité des nombreuses familles. 
(Celle qui nous occupe avait à un moment compté dix-huit 
enfants.) 

On traitait la grave question de l'immixtion de l’État dans 
le travail , et plus spécialement de son intervention toujours 
t. u, 3* série. 37 


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— 338 — 


fatale dans l'industrie d'art et de luxe , comme la céramique, 
par exemple , au sujet de laquelle personne n'ignore que la 
fabrication de Sèvres, entre les mains de l’État, aussi bien 
que celle des Gobelins, est et demeurera éternellement 
stérile. 

A ne considérer ces documents qu’au point de vue pure- 
ment historique, il n’est pas douteux, pour quiconque a 
souci du maintien des vieilles mœurs et des vieilles tradi- 
tions, que ces questions d’archéologie sociale, morale ou 
économique, présentent tout au moins le même intérêt que 
l’examen d’une médaille gallo-romaine, d’un monument 
byzantin, d'un manuscrit du quinzième siècle, ou d’un 
jeton du temps de Louis XIV. 

II. 

Je n’aurais garde toutefois de vous présenter dans son 
entier la volumineuse histoire de Y Ouvrier faïencier f avec 
toutes ses annexes, ses notes, et les questions qu’elle fait 
surgir. Le court extrait des observations consignées en 1864 
et résumées vingt ans après, sur la demande du comité de 
Y Union de la paix sociale , a surtout pour but de montrer 
que l’attachement à la profession , la stabilité dans le travail 
et dans l’atelier, le maintien de la famille au même foyer, la 
permanence des engagements avec le patron, la pratique 
constante des préceptes du Décalogue, sont les sources les 
plus fécondes de l’harmonie et de la prospérité matérielle, en 
même temps qu’ils sont les principaux auxiliaires de la reli- 
gion et de l’ordre moral. 

Aussi bien les changements survenus dans la famille par 
la mort et les circonstances n’ont pas modifié sensiblement 
la portée des observations relatées dans la monographie: 
vraies en 1864, elles le sont encore aujourd'hui. 

Mais, avant d’entrer dans le détail de la vie de l 'ouvrier 
faïencier, peut-être convient-il, pour me conformer aux 
enseignements de la méthode de M. Le Play, de vous faite 


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- 33 9 « 

connaître rapidement l’industrie à laquelle se réfère cette 
monographie. 

S 


L’art de la poterie est aussi ancien que le monde ; c’est 
celui qu’assurément, après l'art de fabriquer des armes pour 
leur défense et quelques tissus grossiers pour leur vêtement , 
les hommes durent cultiver le premier. 

On employa d'abord le limon des fleuves desséchés au 
soleil; on imagina ensuite de soumettre à l’action du feu 
cette terre pétrie et délayée que la moindre humidité rendait 
à sa nature première. L’argile devint solide et résistante, 
mais elle restait poreuse et perméable; elle transmettait aux 
aliments un goût désagréable ; elle présentait d'ailleurs aux 
yeux l’aspect Jrougeâtre de la brique. 11 fallait trouver une 
couverte, une glaçure, un vernis. Ce fut le premier degré de 
l’art céramique : c’est une glaçure vitrifiée que nous retrou- 
vons sur les vases grecs ou étrusques ; c'est un vernis qui 
nous apparaît sur les œuvres de Bernard Palissy, sur les 
faïences d'Oiron ou sur les poteries arabes; vernis trans- 
lucide et fragile qui recouvre à peine le vase et dissimule mal 
la couleur de la terre. Cette glaçure et ce vernis laissent 
subsister dans son entier le problème tant cherché de 
l’émail. 

Par quels miracles de patience, de génie, de bonheur ce 
problème fut-il résolu? Après combien de recherches la 
précieuse faïence fut-elle découverte par Lucca délia Robbia ? 
Comment les riches majoliques hispano-arabes pénétrèrent- 
elles de l'île Majorque en Italie; comment l'émail stanni- 
tère, c’est-à-dire à base d’étain, l’émail opaque, imperméable, 
inaltérable, apte à recevoir des métaux les plus brillantes 
couleurs, fut-il apporté à Nevers ? Nous n’avons pas à le 
redire ici. L'histoire en a été narrée éloquemment dans un 
livre qui est aujourd’hui encore l'œuvre classique de notre 
Société : La Faïence , les Faïenciers et les Émailleurs de 
Nevers, par M. L. du Broc de Segange, auquel tous les 


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— 340 — 

érudits de la céramique, tous les amateurs de l’art , tous les 
initiés de la faïence se plaisent à rendre hommage. Pourquoi 
faut-il qu’en citant l’œuvre capitale de notre cher et savant 
confrère il faille aujourd’hui pleurer sa mort et rendre seule- 
ment à sa mémoire l’hommage de nos regrets ? 


On raconte que, vers la fin du seizième siècle, un gentil- 
homme italien de la suite des princes de Mantoue, qui 
occupaient alors le duché de Nivernais, aperçut, en se pro- 
menant aux environs de Nevers, une argile plastique tout à 
fait semblable à celle dont les potiers de Savone et d’Albissola 
modelaient leurs chefs-d’œuvre. Il expérimente la terre; il la 
couvre d’émail et de peintures à la mode de son pays. 
L’expérience réussit pleinement. Aussitôt les artistes mode- 
leurs et peintres accourent d’Italie. Nevers devient le centre 
d’une fabrication céramique qui bientôt va rayonner sur la 
France entière. 

L’ouvrier qui fait l’objet de cette monographie est, comme 
tant d’autres, un descendant de ces premiers faïenciers 
nivernais; peut-être même, si j'en juge à la terminaison 
italienne de son nom, ses ancêtres venaient-ils, avec les 
Custode et les Conrade, de ce duché de Mantoue, berceau de 
notre art céramique, et en apportait un art et des traditions 
nouvelles. 

Ce qui est certain, c'est qu’en 1864 notre ouvrier, 
François G..., se faisait gloire d’être depuis deux cent 
cinquante ans, de père en fils, « dans la faïence ». Sa 
femme, Claudine L..., se vantait d'avoir par ses parents une 
même origine, et cette origine était par eux considérée 
comme un titre de noblesse. 

La maison qu’ils habitaient était dans la famille depuis 
un temps immémorial. C’était encore une maison profes- 
sionnelle , située dans la partie basse de la ville , en plein 
quartier de faïenciers , presqu’en face de cette vieille église 


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de Samt*Genest , qui fut longtemps la paroisse exclusive des 
potiers. A l’époque où Nevers comptait onze fabriques de 
faïence , les artisans de Y art de terre formaient comme une 
cité à part, ayant leur vie propre, leurs privilèges, leurs 
coutumes, auxquels tous restaient invinciblement attachés. 

Il faut le reconnaître, ce temps est déjà éloigné. Si le 
vieux quartier subsiste encore aujourd’hui avec ses maisons 
basses et ses fenêtres étroites, il n’est plus habité qu’en partie 
par les hommes de métier. 

La faïence, non plus que la verrerie, ne confère guère la 
noblesse. La vieille église a été transformée en brasserie, et 
beaucoup de fils de faïenciers , oublieux de la coutume , sont 
aujourd’hui commis de magasin , hommes d’équipe de 
chemin de fer, clercs de notaire ou terrassiers, heureux 
encore s’ils ne sont pas inféodés à quelque loge maçonnique, 
en révolte ouverte avec la religion que pratiquaient leurs 
pères. 

La plupart des onze fabriques en activité à l’époque de la 
Révolution ont vu s’éteindre leurs fours. Quatre subsistaient 
en 1864. Il n’en reste plus qu’une aujourd’hui, celle 
de M. Montagnon, qui a du reste concentré en une seule 
maison le matériel et le personnel des quatre autres. Seul 
patron d’une population ouvrière encore nombreuse, il 
maintient sa fabrication dans un état prospère. Il a per- 
fectionné l’outillage , donné à la faïence artistique une plus 
grande extension, réformé des abus, apporté de sages 
modifications aux réglements et au laisser-aller de la 
fabrique; par-dessus tout il lutte par l'exemple, par la 
parole , par l’action , et aussi par le maintien des vieilles et 
saines coutumes, contre les entraînements de la Révolution 
et de l’antagonisme. 

Au point de vue technique et matériel , l’art de terre n’a 
point ou presque point changé; la fabrication suit les mêmes 
errements que par le passé et laisse subsister les mêmes 
pratiques, à cette différence près que les patouilleurs otf 
patouilloux , les pétrisseurs et marcheurs de terre chargés 


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de préparer l’argile avant que de la laisser pourrir durant de 
longues périodes dans des caves , sont aujourd’hui remplacés 
par des malaxeurs mécaniques mus par la vapeur, qui 
abrègent singulièrement le temps de la préparation. 

Quant aux éléments qui composent la terre, l’émail , les 
couleurs , ils sont les mêmes qu’autrefois ; ils sont préparés 
de la même façon. L'argile, d’abord pétrie, condensée, 
malaxée, est livrée au tourneur et au mouleur pour être 
travaillée sur des tours horizontaux, qui ne diffèrent point 
sensiblement de ceux des potiers antiques d’Athènes ou de 
Corinthe. Quand la pièce est tournée, ajustée, polie, raclée, 
finie ; quand elle a séché à l'atelier, le patron en prend 
livraison et la paye au tourneur-modeleur suivant des tarifs 
qui n'ont, pour ainsi dire, point varié depuis deux cents 
ans. C’est un fait assez remarquable pour qu'il soit consigné 
ici. 

Mais si le prix des objets fabriqués à la pièce , suivant 
une pratique excellente , dans des ateliers séparés où 
l’outrier travaille à son compte, si ces prix n’ont pas varié, 
si même ils ont plutôt diminué, il est à remarquer que le 
salaire des ouvriers a augmenté dans une assez large 
proportion. C'est le résultat d’une organisation meilleure 
dans l’atelier, d’un travail plus assidu exigé par le patron , 
même pour l’ouvrage à la tâche. C’est la conséquence de 
réformes intelligentes dont il faut renvoyer l’honneur à 
M. Montagnon. C’est aussi le fruit d’une activité plus 
grande, d’une habileté de main , d’une rapidité d’exécution 
qui se sont précisément développées chez les ouvriers au 
moment même où , par suite de la crise industrielle , le 
patron se voyait obligé d’abaisser ses salaires de iop. o/o. 
C’est ainsi que tel ouvrier tourneur, qui ne gagnait 
autrefois que 4 fr., en gagne aujourd’hui 5 , 6 ou 7, suivant 
qu’il est plus ou moins habile. 

La poterie cuite en biscuit , c’est-à-dire en terre rouge, est 
trempée dans Y émail qui doit lui donner l’aspect blanc, poli 
et brillant de la faïence. 


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C'est de la confection de cet émail à base d'étain que 
dépend en grande partie la réussite de la pièce. Si elle est 
destinée à rester en émail blanc , elle passe au feu pour la 
seconde fois. C’est le sort des pots de confitures, des assiettes 
blanches, des soupières et aussi de ces vases d’un usage moins 
noble encore, mais absolument usuels, qui sont chaque 
jour expédiés à Nantes en quantité effroyable pour le service 
de l’Amérique et des Deux-Mondes. 

Si , au contraire , la faïence est destinée à être décorée , 
après avoir été passée dans l’émail cru , elle est livrée aux 
peintres décorateurs. 

S’agit-il de ces assiettes, de ces pots, de ces saladiers aux 
couleurs réjouissantes, aux décors naïfs qui font l’ornement 
des dressoirs rustiques, l’artiste y inscrira, soit à l'aide d'un 
poncif, soit à main levée , un coq au brillant plumage , un 
oiseau fantastique, une fleur aux pétales épanouis, parfois 
une légende de l'ancien temps. Ce décor tout primitif n’est 
pas seulement un reste des anciennes traditions. Il est 
absolument conforme au goût du public des campagnes de 
France ou de l’étranger. Tous les efforts tentés pour 
améliorer ces peintures et relever le dessin par trop lâché 
de ces motifs ont échoué devant la volonté bien arrêtée des 
consommateurs. 

On a dû garder les coqs traditionnels et les rosaces jaunes 
et bleues, des vieux saladiers. Les spécialistes qui produisent 
ces étonnantes images, grâce à l'extrême rapidité d'exécution 
à laquelle ils sont arrivés, peuvent gagner des journées de 5 
et 6 fr., alors que les produits de leur art ne dépassent pas le 
prix le plus minime. 

Il n'en est pas de même des faïences d’art destinées à 
l'ornementation des murs , à l’embellissement de la maison , 
surtout à la satisfaction d’un sentiment artistique qui prend 
chaque jour un plus grand développement. 

C’est cet art qui fit au seizième siècle la renommée d'Urbino 
et de Faenza, de Gubbio, de Gênes et de Savone, comme il 
devait faire, un siècle plus tard, la renommée de Nevers. 


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— *44 “ 

Au dix-septième siècle , nos artistes peintres décoraient ces 
grands vases, ces bassins, ces aiguières, ces plats immenses, 
ces plaques et ccs carreaux , dont les personnages largement 
traités, les riches décors, les couleurs éclatantes, font aujour- 
d'hui encore l’ambition [des musées qui se les disputent à 
prix d’or. 

Puis voici qu’après un demi-siècle de décadence et d'oubli, 
les traditions artistiques du vieil émail stannifère reprennent 
une nouvelle faveur. Les décorateurs de Sèvres, les peintres 
de porcelaine eux-mémes cherchent à copier les dessins et les 
effets de l’antique faïence , et c’est Nevers encore qui prend 
dans cette voie une glorieuse et féconde initiative. 

Que si, entrant dans une voie nouvelle, l’art céramique 
venait à prêter son concours à l'architecture ; si dans l’orne- 
mentation des édifices, les médaillons, les balustres, les 
vases, les bas-reliefs, les plaques indélébiles aux intempéries 
des saisons , inaltérables au temps , étaient appelés à mêler 
aux tons de la pierre leurs brillantes couleurs, nul doute 
que la faïence de Nevers ne vît s’ouvrir de nouvelles desti- 
nées, au grand honneur de l’art, au grand profit des ouvriers 
modeleurs, tourneurs, émailleurs ou peintres, dont nous 
cherchons à vous retracer les conditions de travail et d’exis- 
tence. 

III. 

Si maintenant, quittant les généralités de la fabrique, 
nous passons au foyer domestique de l’ouvrier dont nous 
avons décrit la vie et les mœurs, qu’y voyons-nous? Ud 
honnête homme, aux habitudes modestes, laborieuses, 
intelligent, instruit, sobre, économe, dévoué à sa femme et 
à ses enfants , plein de déférence pour son patron, attaché à 
sa profession , religieux plutôt par le sentiment que par 
l’observation stricte des prescriptions de l’Église, mais 
adonné à la pratique du bien. Il est bon et charitable ; il est 
universellement estimé et considéré; il a été maître en 
charge de la confrérie et conseiller de son association de 


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- 345 — 

secours mutuels ; on le prend souvent pour arbitre et pour 
conseil. 11 a soixante-huit ans ; mais , malgré les privations 
et les maladies, il a encore bon courage, bonne santé et cœur 
au travail. — Sa femme, douce, modeste, laborieuse, pieuse, 
a soixante-six ans; elle vaque aux soins du ménage et elle 
trouve moyen d'aider son mari dans son travail de mouleur. 
Elle est l’àme de la maison, le bon conseil et le bon génie de 
la famille. Surtout n'oublions pas de dire qu'elle a eu dix- 
huit enfants , dont elle a nourri le plus grand nombre, sans 
que, à part le temps des couches, sa santé paraisse avoir 
souffert de ces rudes fatigues de la maternité. Sur ces dix- 
huit enfants, dix, il est vrai, sont morts à des époques 
diverses. En 1864, huit étaient encore vivants et honorable- 
ment placés : les filles bien mariées, les fils tous employés à 
la fabrique de faïence, en vertu de cette hérédité de la 
profession à laquelle la famille se fait gloire d’appartenir 
depuis deux cent cinquante ans. 

Ce sentiment très-vif de l’ancienneté professionnelle, nous 
tenons à le mettre en relief comme un des caractères 
distinctifs du Faïencier nivemais , non moins que l’atta- 
chement à la vieille maison de famille dont les époux se 
montrent fiers à juste titre. C’est là qu’habite encore aujour- 
d’hui, âgée de quatre-vingt-huit ans, presque sans infirmités, 
la veuve de l'ouvrier, la mère des dix-huit descendants des 
faïenciers nivernais; elle est là avec ses deux filles, son gendre 
et ses petits-enfants, entourée de respect et d’affection. 

Nous signalons aussi cette fécondité du mariage, qui 
n’était pas exceptionnelle dans les familles d’ouvriers du 
temps passé. Cette fécondité, loin d’être considérée comme 
une source d’appauvrissement pour le sol et pour la famille, 
était quelquefois une cause de prospérité et de bien-être. Ici 
les aînés sont venus de bonne heure en aide à leurs parents; 
ils ont fourni des soldats au pays, des ouvriers habiles à leur 
profession; la plupart ont fait souche; aucun des enfants 
n’a connu la gêne , et l’aîné, qui remplace le père, occupe 
aujourd'hui dans la fabrique un poste important. Tous les 
t. n, 3 * série. 38 


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- 346 — 

enfants, d’ailleurs, ont pu recevoir une instruction assez 
développée. L'un d’eux avait été admis à une bourse du 
lycée de Bourges; mais il est mort à quinze ans. Un autre 
avait utilisé très-fructueusement au profit de sa profession 
renseignement du dessin qu’il avait reçu chez les frères. Il 
gagnait 6 fr. par jour comme peintre faïencier, et il en eût pu 
gagner 1 5 , s’il eût accepté les offres qui lui avaient été faites 
à Paris. Il préféra ne pas quitter la maison paternelle; tout 
en payant à ses parents une pension de 5 oo fr. pour sa 
nourriture et son logement, il put, à l’aide de ses ressources 
personnelles, acheter une vigne dont l’exploitation servait 
de distraction et de ressources à la famille. 11 est mort il y a 
quelques années , laissant à deux de ses frères ou sœurs une 
petite fortune de 10,000 fr., fruit de ses économies et de son 
travail. 

Enfin un autre des fils, qui vivait en 1864 au foyer 
paternel, était particulièrement disgracié; bossu, impotent, 
faible au point de ne pouvoir se tenir debout ; à peine 
pouvait-il aider son père comme manœuvre à la confection 
des pièces de faïence. Cependant, grâce à son instruction et 
à son intelligence, ce jeune homme put occuper jusqu'à sa 
mort un emploi utile à la fabrique pour la réception des 
marchandises et la comptabilité. Son salaire était plus élevé 
que celui d’un faïencier ordinaire. 

Malgré les vicissitudes de sa vie et ses nombreux enfants, 
l’ouvrier a pu mettre de côté quelques économies. Membre 
assidu d’une société de secours mutuels dite de Saint-François- 
Xavier, il est assuré par sa retraite contre les éventualités de 
la vieillesse et celles de la maladie. Sa maison est propre , 
agréable; la tenue de ses vêtements excellente; il aime à 
fréquenter ses confrères et ses amis les faïenciers, à voir du 
monde, à causer; il a toujours été en rapports excellents avec 
son curé ; mais il n’observe pas très-fidèlement le précepte du 
repos du dimanche ; c'est le plus grand reproche qu’on lui 
puisse faire. Il lit volontiers; mais la déplorable lecture du 
Petit Journal , le seul qui lui tombe sous la main et qu’il 


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— 347 — 

achète chaque jour, n'est pas sans avoir porté atteinte à la 
rectitude de son jugement. 

G... ne partage pas les habitudes d’ivrognerie qui sont de 
temps immémorial le côté faible des faïenciers deNevers, 
grands beuveurs en leur beuverie . comme au temps de 
Rabelais. Sous prétexte que la chaleur de Tatelier donne 
envie de boire et que la poussière desséchante de la terre 
altère le gosier, on les voit , suivant en cela encore les 
traditions du vieux temps, accomplir des exploits dignes de 
Pentagruel. Tout dernièrement encore , des compagnons 
faïenciers, bons ouvriers d’ailleurs, gens économes et de 
précaution, avaient fait venir pour leur famille un petit 
tonneau de vin , non frelaté, afin de lavoir, par le moyen 
de l'association, à meilleur compte. La société coopérative 
improvisée se rend à la gare pour prendre livraison du vin. 
On veut le goûter; c’est trop juste. On le trouve exquis. On 
le goûte encore, tant et si bien que, séance tenante, le fût se 
trouve vide, sans qu’une seule goutte du liquide soit entrée 
à la maison des ayants-droit. 

Ces gais compagnons sont d’ailleurs, comme la plupart des 
populations du Centre, insoucieux de l’avenir, assez indif- 
férents aux idées religieuses , aux sentiments généreux , peu 
disposés aux innovations, aux progrès, difficiles à émouvoir 
pour le bien comme pour le mal. La force de l’habitude et 
de la routine les maintient dans le statu quo. C’est pour 
cela peut-être que la plupart des faïenciers restent au pays, 
sans chercher trop à courir au dehors les risques d'un chan- 
gement de position. 

Il est juste de dire cependant qu’en dépit de cette indiffé- 
rence le faïencier nivernais a l’esprit de corps, le sentiment 
de la solidarité et de la charité ; pour les confrères dans la 
détresse, il n’est sorte de sacrifices qu’il ne s’impose. Fran- 
çois G... a souvent pris l'initiative d’œuvres de confraternité 
de ce genre. 

Avant ces dernières années , quand le culte civil de la 
franc-maçonnerie n’opprimait point encore les consciences 


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- 3 4 8 — 

de ces braves gens , tous ou presque tous faisaient partie de 
la confrérie. On célébrait avec une scrupuleuse exactitude la 
fête du patron, saint Antoine ermite. La tradition rapporte 
que la cruche du saint s 'étant un jour cassée au désert, il la 
raccommoda ou plutôt la rétablit dans son intégrité première 
par la vertu seule de sa prière. C’est à ce titre que nos 
ouvriers le prirent pour patron de la faïence, bien qu'à vrai 
dire leur méthode de fabrication diffère entièrement de celle 
du saint ermite. Toujours est-il que le premier lundi de 
juillet, les faïenciers de la confrérie se rendent à la cathé- 
drale, assistent à la grand 'messe et aux vêpres. La statue en 
faïence de saint Antoine, vieille et mutilée, mais précieuse 
par son ancienneté , est portée par le maître en charge de la 
confrérie , lequel est nommé pour deux ans. Les cotisations 
des confrères subviennent aux frais du culte, aux dépenses 
des cierges et du pain bénit que tous tiennent à offrir à tour 
de rôle. Ces cérémonies et les pratiques qui s’y rattachent 
n’empêchent pas que le soir on ne fête saint Antoine à 
l'aide de la dire bouteille ; mais elles prouvent encore 
dans une population indifférente et hostile parfois aux 
choses religieuses la force de la tradition et le maintien de 
la coutume. 

La vérité oblige à reconnaître que ces traditions, vraies il 
y a quelques années encore, ont absolument disparu aujour- 
d'hui. La confrérie a été dissoute, bien que quelques ouvriers 
ne désespèrent pas de la voir se reformer. 

§ 

Quant à l’ouvrier dont j’ai essayé de vous décrire la pro- 
fession et la vie, il est à la vérité meilleur que les autres , il 
n’est point absolument une exception ; mais j’ose affirmer 
que si son existence s’est accomplie heureusement, fructueu- 
sement, utilement; s’il a, au milieu de luttes incessantes , 
triomphé des difficultés de la vie; si sa famille a mérité 
d'être citée comme une famille prospère, il ne le doit qu'à la 


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— 349 — 

pratique des préceptes du Décalogue sur lesquels repose tout 
ordre social. 

De cette monographie ressort, ce me semble, nn autre 
enseignement : ces vertus de famille, ce travail persévérant, 
ce courage, ces bonnes mœurs, cet attachement à la pro- 
fession , ces enseignements laissés aux enfants , et qui dans 
une large mesure subsistent encore aujourd’hui, prouvent 
que, malgré bien des déchéances, toute vie morale n'est 
point éteinte dans la vieille cité des Conrade et des Custode. 
Toute espérance ne saurait être perdue de réveiller dans nos 
populations le sens du bon et du bien et l'observation de la 
loi de Dieu. 

Si d’ailleurs il est vrai que l’art auquel touche de si près 
l’industrie céramique soit capable de rendre à nos provinces 
quelque activité, de susciter chez elles des forces ignorées ou 
méconnues, nous appelons de tous nos vœux pour Nevers 
une ère de restauration artistique , nous souvenant que les 
temps qui virent fleurir au plus haut degré les arts et les 
industries locales , furent aussi ceux où l’esprit de la cité, le 
sentiment du droit, de la liberté, l’amour de Dieu, du 
devoir et de la patrie, furent le plus en honneur. 

Ern. DE TOYTOT. 


SÉANCE DU 30 JUILLET 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Etaient présents : MM. Roubet , président ; 
Ernest de Toytot, secrétaire ; Canat, conserva- 
teur du musée ; le comte de Soultrait , le docteur 
Subert, de Charrant, Griveau, de Rosemont, 
l’abbé Fouché, l’abbé Bonoron, de Flamare , 
Duminy. 


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— 35o — 


M. le comte de Soultrait a reçu de M. le comte 
de Chastellux des pièces fort intéressantes rela- 
tives aux mines de Chitry, destinées à nous être 
communiquées. 

La Société adresse des remerciements à MM. de 
Chastellux et de Soultrait. 

M. Griveau dépose sur le bureau , à titre 
d'hommage, un ouvrage en deux volumes, intitulé : 
Étude sur la condamnation du livre des 
Maximes. 

M. le docteur Subert donne lecture d’une notice 
sur la vie et la mort de M. l’abbé Lebrun, par 
M. l’abbé Boutillier. 

Cette notice sera insérée au Bulletin . 

M. le comte de Soultrait témoigne le désir qu’il 
soit aussi rendu un hommage spécial à un de nos 
regrettés confrères , M. du Broc de Segange. 

MM. les abbés Boutillier et Marillier présentent 
à la Société M. le comte du Hamel de Breuil, 
propriétaire au château de Reconfort, commune 
de Monceaux-le-Comte. 

MM. le comte de Soultrait et Roubet présentent 
M. Rocoflfort , membre du conseil général et 
écrivain distingué, propriétaire au château de 
Retz, commune de Toury-Lurcy. 

MM. le comte du Hamel de Breuil et Rocoffort 
sont admis. 

M. Roubet donne communication d’une note 
relative au siège du château de Cuffy. 

M. le comte de Soultrait rend compte du 
congrès de Montbrison, auquel il a assisté. Il 


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- 3 5 i - 

expose ensuite l’histoire d’un manuscrit, ouvrage 
autographe de la main de Guy-Coquille , sur les 
libertés de l’église gallicane, qui se trouve en sa 
possession. 

M. de Soultrait montre aussi une de ses reliques 
bibliographiques : les Œuvres de Jean Coquille, 
chanoine de Nevers et professeur de belles-lettres 
au commencement du seizième siècle. 

Ce J. Coquille , né à Decize , était vraisembla- 
blement de la même famille que le jurisconsulte, 
sans cependant qu’on le puisse démontrer. 


SÉANCE DU 29 OCTOBRE 1885. 


Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet, président; 
l’abbé Boutillier, vice - président ; Ernest de 
Toytot, secrétaire ; Canat, conservateur du 
musée ; Duminy, archiviste; le comte de Soultrait, 
Roblin, le vicomte de Maumigny, de Quirielle, 
le docteur Subert, Henry d’Assigny, de Rosemont, 
l’abbé Fouché, de Flamare. 

M. le Ministre de l’instruction publique et des 
cultes adresse à la Société le programme du 
congrès des sociétés savantes à la Sorbonne. 

Le secrétaire donne lecture de ce programme. 

M. de Flamare lit un travail très-intéressant sur 
la cinquième croisade et les chevaliers teutoniques 
en Nivernais. Ce travail sera inséré au Bulletin. 


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— 35 a — 

Le Bulletin de la Société des sciences histo- 
riques et naturelles de V Yonne (année 1885 , 
39 e volume), publie la correspondance de l’abbé 
Lebeuf avec le président Bouhier en 1734. 

Lecture est donné d’une lettre de l’abbé Lebeuf, 
relative à la célèbre inscription Ande Camulos, 
autrefois incrustée dans les anciens remparts de 
Nevers, dont le fac-similé est reproduit dans le 
Bulletin de l’Yonne. 

La Société décide qu’il y a lieu de reproduire 
dans notre Bulletin le fac-similé de cette pierre, 
encore inexpliquée , avec la lettre de l'abbé 
Lebeuf et la réponse du président Bouhier. 

M. l’abbé Boutillier signale dans ce même 
Bulletin de l’Yonne trois articles intéressants sur 
les cahiers des doléances des paroisses des bail- 
liages d’Auxerre pour les États-Généraux, par 
M. Ch. Demay. 

Parmi ces paroisses , un certain nombre du 
bailliage d’Auxerre nous intéressent comme faisant 
partie du Nivernais : Amazy, Argenou, Arquian, 
Billy, Breugnon, Champlemy, Dampierre, Oisy, 
Oudan, Parigny-la-Rose , Saint- Andelain , Saint- 
Cyr-les-Entrains, Saint-Martin-du-Pré, Villiers- 
le-Sec. 

M. le comte de Soultrait communique cinq 
éditions gothiques de la Coutume du Nioernois , 
toutes d’une grande rareté , et dont deux en parti- 
culier méritent d’attirer l’attention ; ce sont les 
seuls exemplaires connus de ces éditions. 

La première, qui est certainement l’édition 


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- 353 - 


princeps de notre Coutume , est sans indication de 
date et de lieu d’impression. C’est un petit in-4 0 
gothique de quarante feuillets non chiffrés , à 
vingt-neuf lignes par page pleine. 

En voici le titre : Les Coustu | mes des pays de 
Nyuernois | et de Donziois fait a Neuers par 
assemblée | des trois estatz et par auctorite \ du 
prince desdictz \ pays. 

La rédaction de cette Coutume a été enregistrée 
lan mil quatre cens quatre-ointz et dix , ainsi 
qu’on le voit au recto du quarantième feuillet par 
une attestation datée de Nevers, le 28 e jour de 
juillet l’an 1494, et il est très-probable que l’im- 
pression du livre aura suivi de fort près cette date. 
On remarque sur le titre l’écusson de Bourgogne- 
Nevers (de France, à la bordure componée 
d’argent et de gueules), et une L majuscule fleu- 
ronnée , gravée sur bois d’une manière élégante, 
comme le sont les autres majuscules qui ornent le 
livre. La ville de Nevers n’avait pas encore d’im- 
primeur en 1494 ; notre Coutume paraît sortir 
d’une presse lyonnaise. 

La seconde édition est de 1503. En voici le 
titre : Le Coustumier des pays de | Niuernoys et 
Donzioys | faict à Neuers par assem | blee des 
trois estatz et par | auctorite du Prince desdictz 
pays. — Puis on lit au recto du dernier feuillet : 
Cy finit le coustumier du pays de Niuernois 
et | Donzioys Imprime a Paris Par Iehan De 
Couloces | Imprimeur libraire et marchant 
demourat en la rue Sainct laques a l’enseigne 

T. u, 3* série. 3 9 


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- 35 4 “ 

des Chantres Lan mil cinq | cens et trois le 
XXIX. iour d’auril. — In *4° gothique de qua- 
rante-deux feuillets. 

Cet exèmplaire porte la signature et des anno- 
tations autographes du jurisconsulte Brodeau. 

Cette édition contient de plus que la précédente 
les neuf articles discordes et non enregistres ou 
coustumier cy-deuant escript , mais on n’y a pas 
réimprimé les nom et surnoms de ceulx qui ont 
signé de leurs seignes manuels a la fin de ces 
présentes coustumes, qui se trouvent dans la 
première édition. 

La troisième édition, de 1518, est identique à 
celle de 1503. 

La quatrième édition donne le texte de la nou- 
velle rédaction de la Coutume de 1 534 ; elle a été 
imprimée en 1535 par Nicolas Hieman, impri- 
meur pour honeste personne Jehan Le Noir 
marchant libraire demourant à La Charité 
près la halle a lenseigne Sainct Jaques ou ils se 
vendent et a Neuersa lenseigne Sainct Roc rue 
de la Saueterie. 

La cinquième édition, donnant le même texte 
que celle de 1535, fut imprimée en 1546 par 
Jehan Real imprimeur pour Guillaume Le Bret 
libraire et messaiger iure de lunioersite de 
Paris demourant au clos Bruneau a lenseigne 
de la Corne de Cerf. 

Ces cinq éditions sont fort remarquables comme 
typographie, surtout celles de 1494 et de 1535. 

M. de Soultrait communique aussi à la Société 


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— 355 — 

un manuscrit, daté de 1514 , de la coutume locale 
de la Justice de Saint-Pierre-le-Moustier. Une 
note de Parmentier, à qui a appartenu ce volume, 
apprend qu’il est de la main de Jean Guyot, 
licencié ès-lois, lieutenant particulier de Saint- 
Pierre-le-Moustier en 1514. 

Il communique encore un exemplaire de 
Y Abrégé historique du prieuré de La Charité , 
ouvrage assez rare de Bernot de Charant, à la 
suite duquel sont reliés 165 feuillets manuscrits, 
contenant des extraits des anciens registres de la 
ville de La Charité , les noms des échevins de la 
ville, etc., à partir de 1547. 

M. le président Roubet donne lecture de la 
première partie d’un travail intitulé : Une visite à 
l'abbé Berthier, 1640 . 


SÉANCE DU 26 NOVEMBRE 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; 
l’abbé Boutillier, vice-président ; Canat, conser- 
vateur du musée ; Duminy , archiviste ; Charles 
Deton, président de l’Académie de Mâcon ; l’abbé 
Foucher, Griveau, l’abbé Pot, Robelin, le docteur 
Subert, de Rosemont, Decray, Col, Jullien, de 
Lespinasse, de Flamare. 

Le procès-verbal de la précédente séance est lu 
et adopté. 


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— 356 


M. Duminy fait observer qu’un certain nombre 
de volumes manquent à la bibliothèque depuis 
longtemps; il fait appel aux membres qui pour- 
raient les détenir. 

M. le Président donne lecture d’une lettre du 
ministère de l’instruction publique demandant une 
collection du Bulletin de la Société pour la 
bibliothèque du musée du Trocadéro. L’envoi sera 
immédiatement fait. 

M. Lallemand fait hommage à la Société d’un 
exemplaire de son Histoire des enfants aban- 
donnés. M. le Président donne lecture de la lettre 
d’envoi de l’auteur. 

M. le docteur Subert veut bien se charger de 
faire un rapport sur cet ouvrage. 

M. Subert dépose sur le bureau le Rapport 
sur les travaux des conseils d’hygiène de la 
Nièvre pour l’année 1884. 

M. Col dépose sur le bureau une histoire des 
seigneurs et du comté de Gien. 

M. l’abbé Boutillier donne lecture d'un article 
de M. Chabouillet, inséré dans le Bulletin des 
comités des travaux historiques (Archéolo- 
gie 1883 ), sous ce titre : « Jeton de cuivre du 
XIV e siècle ». 

Ce jeton porte pour légende sur la face princi- 
pale : 

t MAIN : PREVDONS EN EST DECEVS. 

Et sur l’autre : f Parra. m. ovs. svi done. 

Il manque , paraît-il , à la bibliothèque nationale 
et est sans doute inédit. 


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— 3 57 — 

M. l’abbé Boutillier Jprésente un jeton absolu- 
ment identique faisant partie de sa collection et 
dont voici les légendes, ainsi disposées : face : 
f main : prevdons en est dec. — Revers : PAR 

AMOVRS. SUI. DONÉS. 

En réponse à l’observation de M. Chabouillet 
que la légende Par amours sui doné, fréquente 
sur les jetons, fait allusion à l’usage de distribuer 
en certaines occasions des jetons, M. l’abbé 
Boutillier présente un autre jeton offrant sur la 
face : une tête couronnée dans un trilobé , avec la 
légende : f getes contes, sovmes ben ; ce qui 
indique que ce jeton était donné aux employés 
faisant les comptes ; et sur le revers, autour d’une 
croix semblable à celle du jeton précédent, la 
même légende : f par amovrs. sui done. 

M. Roubet donne lecture d’un mémoire sur des 
fouilles faites dans l’emplacement de l’ancienne 
église et du cimetière de Patinges. 

M. de Flamare annonce la découverte aux archi- 
ves du Vatican d’une bulle du pape Honorius III, 
relative à l’hôpital de Bethléem, à Clamecy. 

M. l’abbé Boutillier lit une étude sur le reli- 
quaire donné par l’abbesse Gabrielle Andrault de 
Langeron- Maulévrier à son abbaye de Notre- 
Dame de Nevers, en 1667. 

La Société vote l’impression au Bulletin du 
mémoire de M. Roubet, du texte gracieusement 
envoyé par M. le comte Riant, de l’Académie des 
Inscriptions et Belles-Lettres, et de l’étude de 
M. l’abbé Boutillier. 


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- 3 5 8 - 

M. Col et M. l’abbé Boutillier proposent pour 
faire partie de la Société M. Emmanuel Cheminade. 
M. Cheminade est admis à l’unanimité. 

M. Roubet continue la lecture de sa légende 
historique : Visite de maître Adam à U abbé 
Berthier. 

« oo » — 


SÉANCE DU 31 DÉCEMBRE 1885. 

Présidence de M. Roubet. 

Étaient présents : MM. Roubet, président ; de 
Toy tôt, secrétaire ; Duminy, archiviste ; Canat, 
conservateur du musée; le comte de Soultrait, 
de Flamare, Griveau, le docteur Subert, Col, 
Cheminade. 

M. de Soultrait donne quelques détails sur les 
jetons ou jetoirs employés comme jetons de pré- 
sence et servant à compter. Il exprime ensuite le 
désir qu’on s’occupe de l’histoire littéraire du pays. 
Un de ses ancêtres , son trisaïeul , écrivain , paléo- 
graphe, lettré en un mot, avait écrit divers contes 
à la manière de La Fontaine ; M. de Soultrait lit une 
pièce de vers assez curieuse adressée par son aïeul 
à un duc de Nivernais, sous ce titre : P lacet 
présenté par les muses. 

L’intérêt de cette pièce, médiocre comme 
poésie, vient de ce qu’il existait à Nevers une 
petite académie où on lisait des vers, où on 
échangeait des lettres, des impromptus, etc. 

M. de Soultrait signale des passages de diverses 


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- 35 9 - 

autres pièces de vers du dix-huitième siècle prove- 
nant de son arrière-grand-père et intéressantes 
surtout parce qu’on y trouve des allusions piquantes, 
des jeux de mots curieux sur les noms , les familles, 
les anecdotes de la société de Ne vers. 

M. de Soultrait continue à communiquer à la 
Société divers livres très-rares et très-curieux de 
sa bibliothèque : un poème de Saint-Just, Organt , 
livre obscène et nul comme poésie ; un poème 
latin d’un auteur nivernais, Bredellius ou Bredeau, 
intitulé Pion ; un très-beau livre de Th. de Bèze , 
intitulé la Mappemonde papiste ; enfin , le Cata- 
logue historial des éoôques de Neoers , de Michel 
Cotignon, livre absolument introuvable , imprimé 
en 1616. 

M. le Président présente avec M. Robert Saint- 
Cyr , M. Gadoin, de Cosne. 

M. Duminy et M. Roubet présentent M. Lan- 
gellé, de Pouilly. 

M. le comte de Soultrait et M. Roubet présentent 
M. Assézat de Boutèyre. 

Ces messieurs sont admis à l’unanimité membres 
de la Société nivernaise. 

M. de Toytot lit un travail sur l’opinion pro- 
bable de non-universalité du déluge et des races 
d’hommes antédiluviennes. 

M. Roubet donne lecture d’une charte d'affran- 
chissement du droit de servitude donné par 
G. de Réveillon , seigneur d’Apremont, à ses sujets , 
le 27 mars 1426. 


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— J6o — 


NÉCROLOGIE. 


M. L’ABBÉ LEBRUN, 

CHANOINE HONORAIRE DU DIOCÈSE DE NEVERS, ANCIEN PROVISEUR DU LTCÈE, 
DÉCÉDÉ A PARIS , LE 7 JUILLET l885. 

Le nombre des membres fondateurs de notre Société 
diminue chaque année d’une manière bien sensible. C’était, 
il y a un an , le docteur Thomas qui mourait, emportant les 
regrets de toute la ville de Nevers; en 1 885 , nous avions 
perdu le savant et si modeste abbé Laborde, l’ami du docte 
abbé Moigno. Aujourd’hui, c’est M. l’abbé Lebrun, l’un des 
plus ardents parmi les prêtres du clergé nivernais qui, en 
1 85 1 , s’étaient inscrits à la suite de notre premier président 
Mgr Crosnier. 

D’autres ont parlé avec amour de l’ancien aumônier devenu 
principal du collège, puis premier proviseur du lycée de 
Nevers : il est bien vrai que son souvenir sera toujours gravé 
dans le cœur de ses anciens élèves (i). 

A Paris, où l’abbé Lebrun s’était retiré depuis 1870, ce 
vieil ami de la jeunesse des écoles n’aurait pu s’en séparer; 
il s’attacha comme simple membre au cercle catholique des 
étudiants et il sut bientôt y conquérir une influence et une 
autorité considérables. C’est qu’en effet , comme le redisait 
si bien sur sa tombe l’honorable président du cercle, c notre 
cher abbé était admirablement doué pour agir sur le cœur 
des jeunes gens, qui aimaient en lui cette franchise d’allure 


(1) M. Lebrun, né à Donzy (?) le 3i juillet 1807, fut successivement 
vicaire de Clamecy en i 832, vicaire de la cathédrale en i836, 
aumônier du collège en 1840, puis principal et proviseur du lycée. 
Retiré à Paris en 1870, il y mourut à Pinfirmerie Marie-Thérèse le 
7 juillet i885.(Voir la Semaine religieuse de Nevers du 11 juillet i885 
et le Journal de la Nièvre du 10 juillet.) 


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— 36 1 — 

révélant, malgré certaines aspérités, une âme si généreuse et 
si chevaleresque (i). » 

M. l'abbé Lebrun n’était pas moins admirablement doué 
pour le genre de travaux propres à notre Société, s'il eût eu 
le loisir de s'y livrer. 

On sait comment, en 1845, il s'empressa de publier une 
énergique protestation , c dans l'intérêt de la religion et de 
l’histoire », contre le fait étrange, disait-il, rapporté dans 
V Annuaire de la Nièvre de cette année sur la mort de 
Mgr de Séguiran que l'on disait accélérée . 

Ces assertions ont été plus tard réfutées de nouveau par 
Mgr Crosnier dans la séance de la Société nivernaise du 
4 mars i 852 (2). 

Dès son arrivée à Nevers, l’abbé Lebrun s’était pour ainsi 
dire constitué le biographe de tous les vieux prêtres échappés 
à la tempête révolutionnaire et derniers survivants de l'ancien 
clergé nivernais. Combien il serait intéressant de réunir en 
un volume ces belles notices où l’esprit et le coeur éprouvent 
une véritable jouissance , notices aujourd’hui oubliées dans 
la collection de l'ancien journal l'Echo de la Nièvre! Signa- 
lons du moins quelques-unes de celles que nous avons pu 
rencontrer; en les parcourant, on se sent comme transporté 
dans un autre âge ! 

La première, croyons-nous, et la plus importante parut au 
commencement d'avril 1841, et fut ensuite rééditée en une 
brochure de cent pages, sous le titre de : Notice sur la vie 
de M . l'abbé Imbert , chanoine honoraire de la cathédrale 
d'Autun, doyen du chapitre et curé de la cathédrale de 
Nevers , par un de ses anciens vicaires. L’abbé Imbert, l’un 
des douze survivants des soixante-un prêtres nivernais 

(1) Discours de M. Beluze aux funérailles de M. Lebrun. 

{%) Bulletin de la Société nivernaise , r* série, tome I", page 5 j. — 
Echo de la Nièvre du 4 février 1845, où se trouve le procès-verbal de 
l'autopsie et de l'embaumement du prélat par le docteur Doumic, 
médecin de l'hôpital. 

t. 11, 3 * série. 40 


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— 36 » — 


condamnés à la déportation en 1793, était alors dans sa 
soixante-quatorzième année. 

Cinq semaines à peine écoulées , un autre deuil venait 
frapper le clergé de Nevers dans la personne de l’abbé 
Robinot, chanoine et vicaire général du diocèse, mort dans 
sa quatre-vingt-cinquième année. M. Lebrun reprit la plume 
pour retracer avec émotion Inexistence si laborieuse du dernier 
Nivernais faisant partie du chapitre épiscopal dont il était le 
doyen d’âge (1). En terminant, il rappelle les liens d’étroite 
amitié qui unissaient à Nevers les deux abbés Robinot et 
Imbert avec le vénérable abbé Groult et laisse échapper cette 
réflexion touchante : t Heureuse et douce société d’hono- 
rables vieillards qui avaient traversé sans faiblesse des jours 
longs et souvent orageux, société de charité et de vraie 
union, où les prêtres du diocèse ne manquaient pas d’aller 
puiser de beaux exemples ’et les vertus traditionnelles du 
sacerdoce ; vous vivrez toujours dans mes plus chers 
souvenirs!... » 

L’année suivante s’éteignait doucement, dans sa quatre- 
vingt-quatrième année, le 22 mars 1842, le savant abbé 
Crétin, chanoine de la cathédrale, aumônier des Ursulines. 
L’aumônier du collège ne pouvait manquer de retracer la 
vie, si bien remplie d’ailleurs, du docte confrère qui avait 
occupé, dans ce même collège, avant la Révolution, la chaire 
de philosophie (2). 

En 1843, une seule notice aussi est consacrée à un prêtre 
jeune encore, l’abbé Culot, curé de Saint-Benin-d’Azy, mort 
à l’âge de quarante-cinq ans , orné de toutes les qualités qui 
font le bon prêtre ( 3 ). 

Mais, en 1844, trois biographies sont pleines d’épisodes 
des plus intéressants : celle de l’abbé Bouré , né à Nevers en 
1763, maître de quartier au collège avant la Révolution et 

(1) VEcho de la Nièvre , numéro du 4 mai 1841. 

(2) Idem, 3 o mars 1842. 

( 3 ) Idem , 16 juin 1843. 


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mort aumônier des Carmélites (i); — puis celle de l’abbé 
Morot, curé de Pouilly pendant cinquante-six ans. Vaine- 
ment deux ministres avaient successivement offert à ce digne 
prêtre un canonicat de Saint-Denis, il refusa, répondant 
toujours : « Je ne quitte pas ma famille ; mes paroissiens 
sont mes enfants, je veux mourir au milieu d'eux (2). » — 
La troisième, celle d’Etienne Coquille, ancien religieux 
bernardin, mort curé de Donzy, et successeur de l'abbé 
Admirai qui lui aussi était un ancien religieux béné- 
dictin ( 3 ). 

En 1847, nous retrouvons les biographies du pieux abbé 
Barrot, chanoine honoraire et directeur au grand séminaire 
de Nevers (4J; puis celle du vénérable abbé Groult, l’ancien 
administrateur apostolique du diocèse, publiée comme celle 
de l'abbé Imbert en une brochure à part, a En ce digne 
vieillard, écrivait jVÏ. Lebrun, s’éteignit le dernier docteur 
de l’ancienne et illustre Sorbonne, un des derniers repré- 
sentants du vieux clergé français, et le prêtre qui, sans 
contredit, a le plus mérité du diocèse de Nevers... Il s’en 
fallait de cinq semaines qu’il n'eût complété sa quatre- 
vingt-septième année. Cette longue vie, à laquelle ne man- 
quèrent ni le labeur, ni la fatigue, ni la souffrance, ni le 
désenchantement et la persécution, et qu'illustrèrent tant de 
choses, est à jamais empreinte dans les souvenirs tradi- 
tionnels du pays. Le portrait de l'abbé Groult, placé au 
grand séminaire, au milieu des portraits de pontifes niver* 
nais, rappellera aux jeunes lévites que s’il ne fut point 
évêque, il fut digne de l’être...; et puissent ces lignes 
trop insuffisantes et trop incomplètes, consacrées à une 
mémoire si chère, contribuer aussi à la sauvegarder de 
l'oubli qui suit de si près .toute existence humaine ! Elles 


(1) Echo de la Nièvre , numéro du 21 mai 1844. 

(2) Idem, 20 juin 1844. 

( 3 ) Idem, 9 juillet 1844. 

(4) Idem, 9 novembre 1847. 


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- 36 4 — 


témoigneront au moins de rattachement tout dévoué et des 
vifs regrets de celui qui les a tracées avec une douloureuse 
émotion (i). » 

Oserons-nous, à notre tour, empruntant à notre bien-aimé 
confrère ses propres paroles , exprimer aussi l'espoir que ces 
quelques lignes si insuffisantes, si incomplètes, inscrites dans 
le Bulletin de la Société nivernaise, contribueront à sauve- 
garder de l'oubli une mémoire si sympathique ! 


Juillet i885. 


L’abbé BOUTILLIER. 


NOTICE HISTORIQUE 

SUR LES FORGES ET FOURNEAUX AU CANTON 
DE LA GUERCHE. 

Après la décadence de l’Empire romain, malgré les mal- 
heurs et les dévastations qui précédèrent rétablissement 
régulier de la féodalité, il est facile de reconnaître que dans 
nos contrées deux industries continuèrent sinon à prospérer, 
du moins à se perpétuer. 

Nous voulons parler de l’industrie du potier et de celle du 
ferronnier : l’une et l’autre reposaient sur des besoins d’uti- 
lité que nous pouvons appeler nécessaires aux usages de la 
vie. 

Nous allons donc parler de l’industrie du fer; et tout 
d’abord nous nous permettrons une fugitive observation : 
c’est que, en dépit de la prédominance que le fabuliste 


(i) Nous ne poursuivrons pas davantage nos investigations... Qu'il 
suffise de rappeler la notice si pleine de cœur, — et probablement la 
dernière, — publiée par M. Lebrun en 1873, dans la Semaine reli- 
gieuse du diocèse, à la mort de M. l’abbé Rouchauce, le vieux doyen 
du chapitre, décédé à Paris le 28 août et inhumé au cimetière de 
Nevcrs. (N” 26 et 27, pages 307-8, 319-25 du tome X.) 


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— 565 — 

accorde moralement au pot de fer sur le pot de terre , ce 
dernier a néanmoins obtenu , jusqu’à ce jour, presque tous 
les honneurs de la publicité monographique; c’est ainsi que 
les céramistes, les potiers, les verriers ont trouvé tour à 
tour leurs chartriers , leurs historiens , leurs vulgarisateurs , 
tandis que l’orgueilleux pot de fer , presque dédaigné , a dû 
céder le pas à l’htamble pot de terre , son camarade. 

Cependant M. J. Quicherat, dans une Revue des sociétés 
savantes ( 4 e série, page 457 , t. V), faisait un pressant appel 
sinon aux érudits, du moins aux hommes de bonne volonté, 
avec l’espoir que Ton arriverait à rectifier bien des erreurs 
archéologiques concernant la sidérurgie; par ainsi, il invitait 
les chercheurs à mettre la main à l’œuvre et à fournir le 
résultat de leurs investigations. 

C’est donc pour répondre bien petitement à cet appel venu 
de haut, que nous avons pensé à produire cette notice que 
nous intitulons Forges et Fourneaux. 

Notre travail sera circonscrit dans les limites de l’ancien 
Nivernais que baignent sur la rive gauche, les eaux de 
l’Ailier et de la Loire, c’est-à-dire dans le canton de La 
Guerche. 

Hâtons-nous de le dire, nous n’avons point à pénétrer 
dans les ténèbres historiques du premier âge du fer, ni à faire 
de la science boiteuse à propos de Vulcain ou de Tubalcaïn 
dont le père naquit 3i3o avant Jésus - Christ, bien que 
Tubal qui entre dans son nom veuille dire scorie de fer, en 
langue arabe. 

Nous n’aurons donc point non plus à rappeler les méthodes 
de fabrication connues des Grecs et des Romains , que nous 
aimons pourtant. 

A peine produisons-nous quelques termes techniques, quand 
nous les rencontrerons dans le texte authentique des multi- 
ples documents où nous puiserons nos indications locales. 

Notre but est de faire revivre pendant qu’il en est temps 
encore les stations métallurgiques qui ont disparu de notre 
sol et qui déjà sont tombées en oubli, sta viator ? 


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— 366 — 

§ 

Donnons d’abord la parole à notre Guy-Coquille. 

« En Nivernais, dit-il, sont les châtellenies de Cuffy et de 
La Guierche, les paroisses et seigneuries d’Aubigny, Cours- 
les- Barres , et de l’autre côté, en s’éloignant de la rivière de 
Loire, sont plusieurs autres paroisses esquelles y a grande 
quantité de bois et de rivières sur lesquels sont plu- 
sieurs fourneaux à fer et acier. Ces contrées sont commodes 
aux forges, tant à cause des petites rivières dont elles abon- 
dent qu’à cause des bois et des minerais. 

» Les fourneaux y sont pour fondre la mine de fer avec 
l’aide d’une matière appelée castine qui est terre pierre . 

» Les pièces de fer fondu qui se tirent des fourneaux sont 
appelées guises et poysent de 15 à 1,800 livres. 

» Les forges sont composées d’affinerieet d’un gros marteau 
à l’aide desquels ce fer est battu et rendu en bandes plates 
qui est fer dont les maréchaux, serruriers et ferronniers se 
servent. 

» Les forges à acier sont esquelles de la même matière de 
fer bien affiné et bien trempé se fait l’acier qui se met en 
petits carreaux. » 

Cette description est pleine de clarté. La méthode de fabri- 
cation du fer telle qu’elle existait avant et du temps de 
Guy-Coquille, se perpétua sans de notables changements 
jusqu’en l’année 1822, époque à laquelle le laminoir vint 
dévorer l’enclume et le marteau, et anéantir ces nombreuses 
petites forges qui existaient sur le sol du Nivernais. 

Nous allons donc, commune par commune, faire le 
dénombrement à peu près historique de ces forges et four- 
neaux qui, jadis et naguère encore, ont apporté tant de 
vitalité à nos contrées et qui ont disparu pour ne plus 
renaître. Le progrès est une belle chose; ceci a tué cela. 


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367 — 


GROSSOUVRE ET TRÉZY. 

La petite rivière de l’Aubois, l’ancienne rivula Albeta de 
Bobolène, n’avait point un bien long parcours à offrir avant 
de venir se jeter dans la Loire, près du prieuré d’Aubigny, 
en face de Marzy; mais à de lointaines époques elle avait vu 
s'ériger sur ses rives de nombreux moulins tournant, virant 
et faisant farine. 

Ainsi que nous aurons occasion de le faire remarquer, la 
plupart des moulins à battre fer (molines) vinrent s’installer 
et pour ainsi dire se juxtaposer là où déjà se trouvaient des 
moulins à blé. 

Nous allons donc remonter le cours de l’Aubois pour nous 
arrêter à Grossouvre. 

« Grossouvre, nous dit le Nivernais, a pris son nom à la 
basse latinité, Grossa opéra , ce qui indique une métal- 
lurgique origine. Il y a eu en en effet à Grossouvre des 
forges de temps immémorial. » 

Il ne faut point trop discuter sur les étymologies. Il y a 
longtemps déjà qu’un philologue a dit que cette science plus 
ou moins ingénieuse, ne compte pour rien les voyelles et les 
consonnes pour pas grand’chose. 

Pourtant, sans effort de logique, nous ferons observer que 
Grossouvre, en tant que nom de lieu, existait bien avant que 
forges et fourneaux aient eu à livrer quelque grosse œuvre 
métallurgique. 

Nous dirons que dans son Histoire du Berry, La Thau- 
massière écrit Grosauve et non pas Grossouvre , et que 
l’ethnique Grosauve est rencontré dans la donation faite en 
1 365 par le duc de Bourbon à son féal Jehan Grivel. 

Grosauve veut dire grande forêt, grossa silva ; et à l’appui 
de notre assertion nous dirons que près de Langres il exis- 
tait autrefois un prieuré du nom de Grosauve, lequel dans 
le cartulaire latin dudit prieuré est traduit par Grossa - 
Silva. 


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— 368 — 

Quoi qu'il en soit, il y a une trentaine (Tannées, on 
conservait encore à Grossouvre une guise qui datait de 1505 
C’est là une respectable origine qui doit faire admettre 
l’existence d’un fourneau à une époque sans doute bien 
antérieure, 

Dès avant, il est fait mention dans un acte de foi et hom- 
mage du quatorzième siècle d’un vaste étang situé à 
Grossouvre, lequel était traversé par la rivière de l’Aubois que 
Ton devait quelquefois appréhender. 

En effet, en i 638 , vers la mi-mai, il se produisait dans 
cette rivière une crue telle que les forges de Grossouvre et de 
Trézy furent complètement emportées. Depuis lors, on 
n’omettait jamais d'insérer dans les baux des forges et four- 
naux, une indemnité au profit du preneur en cas de dom- 
mages causés par la rivière. 

Les forges et fourneaux avaient à Grossouvre et à Trézy 
leur exploitation propre. A partir de Tannée i 6 o 3 , ils se 
trouvèrent réunis sous la même main, et marchèrent de 
conserve, jusqu’en 1879, époque à laquelle ils furent com- 
plètement abandonnés pour ne plus demeurer qu’à l’état de 
ruines et de souvenirs. 


TRÉZY. 

Trézy était un petit fief situé sur la paroisse de La Cha- 
pelle-Hugon. Il avait été emprunté en partie au territoire 
de la châtellenie de Germigny-en-Luisant. L’octroi en avait 
été fait en faveur d’un seigneur de Charenton, descendant de 
Raoul II, surnommé le grand prince de Déols et de Châ- 
teauroux. 

Nous ignorons si, à Thysiacum, qui a fait Trézy, les 
Romains ferrum exercebant ; mais nous pouvons dire que 
sur le plateau qui , en face, domine l’Aubois, on rencontre 
encore des vestiges de l’époque gallo-romaine, tels que les 
habitants du lieu, qui a nom le Petit-Trézy, ont coutume 
d’affirmer que là existait autrefois une ville , écrivons villa , 


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- 369 - 

pour ne point apporter de décevance aux archéologues. Nous 
ajouterons en passant que les Romains au surplus se procu- 
raient le fer en le traitant par la méthode directe (dite 
catalane) y c’est-à-dire au moyen de creusets en terre cuite, 
dont on retrouve encore des débris au milieu des scories qui 
parsèment le sol. 

On peut voir à Trézy les restes presqu’indestructibles de 
la masse d’un fourneau qui a certainement plusieurs siècles 
d’existence, et nous savons que dans la Bourgogne les four- 
neaux à masse apparurent à la fin du dixième siècle. 

Rien ne nous invite à remonter à une époque aussi 
reculée pour fixer à Trézy une forge ou un fourneau; mais 
nous savons que l’étang de Trézy au quatorzième siècle 
s’appelait déjà Y étang du Marteau , ce qui indique que les 
eaux de l’étang servaient à mouvoir la roue de quelque 
établissement métallurgique. 

Le minerai nécessaire aux fourneaux de Grossouvre et de 
Trézy était demandé aux immenses gisements que détenait 
le sol de la paroisse du Gravier et celui de la paroisse de 
Menetou-Couture. 

Les chemins n’étaient guère praticables pour les voitures; 
le transport des mines de fer s’opérait à dos de mulet ou de 
chevaux à bâts. 

Quant aux produits de la fabrication, ils étaient générale- 
ment transférés en la belle saison sur les bords de l’Ailier, 
et de là ils étaient voiturés par eau jusqu’au port le plus près 
de leur destination. 

En 1645, Pierre Lavazin était maître des fourneaux. Les 
forgerons avaient acquis sans doute une certaine réputation 
d’habileté, car nous voyons, en 1700, Claude Patraer, guisier 
de la manufacture de fer en la ville de Cosne, venir à Trézy 
pour embaucher Emery Dejeux, marteleur à ladite forge. 
Celui-ci s’engageait à se transporter à Cosne avec sa famille, 
à la condition qu’il recevrait 7 livres 10 sols par chacun 
millier de fer qu’il forgerait. 

Patraer devait lui fournir i, 5 oo et demi de fer de guise, et 
t. 11, 3 e série. 41 


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— 370 — 

Dejeux devait rendre un millier de fer marchand au poids de 
106 livres sur la balance. 

A cette époque, nous rencontrons André Haly, qui prend 
à la fois la qualité de bourgeois de La Chapelle- H ugon et de 
gouverneur des fourneaux de Grossouvre. 

La famille Haly a fourni plusieurs régisseurs à Grossouvre 
et à Trézy. 

André Haly mariait sa fille à Guillaume Page qui , succé- 
dant à son beau-père, régissait en les mêmes forges et 
prenait à ferme la forge de Fonbardais avec la caution de 
M. de La Chaussade (1). 

Après être restée exactement quatre cent vingt années dans 
la famille Grivel, la terre de Grossouvre passa à François 
Durand , auquel le nom de Grossouvre demeure authenti- 
quement attaché ; après lui, nous avons vu successivement 
arriver M. Grenouillet en 1829 et M. le marquis Aguado 
en i 836 . 


§ 

Les forges et fourneaux de Grossouvre et Trézy, auxquels 
étaient joint un affouage considérable, furent pris à bail en 
1816 par MM. Labé et Payaud, négociants en fer à Paris. 
Ce dernier, s’étant retiré de son association, fut remplacé 
par M. Louis Boigues. 

(1) Guillaume Page fut père de Charles Page du Chailloux, qui 
devint juge de paix du canton de La Guerche. Il avait revêtu les 
ordres sacrés; mais le 20 avril 1793, il contractait mariage avec 
Marguerite Berton. 

Après le rétablissement du culte, il voulut faire légitimer son 
mariage et ses enfants en face de l'église. Il adressa, en consé- 
quence, une supplique au cardinal Caprara, qui concéda un rescrit 
apostolique en forme d'absolution et dispense en date du 22 février 
1804. 

Le rescrit fut fulminé par l'archevêque de Bourges, et le curé de 
Sancoins procédait au mariage, le 19 mars 1804, comme simple 
communion laïque, auquel assistaient les frères de l'époux, François 
Page de La Maisonfort et Louis Page des Tureaux. 


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— 3 7 i — 

Les deux sociétaires avaient déjà en projet la création sur les 
bords de la Loire, non loin de Nevers, d’une usine à laquelle 
ils donneraient un vaste développement métallurgique. Ils 
finirent par choisir une étendue de terrains qui, jusqu’alors, 
n’avaient servi qu’à l’agriculture et qui faisaient autrefois 
partie d’un petit fief connu sous le nom de Fourchambault. 
En 1821 , on jeta les premières fondations... d’une ville. 

La société, commanditée par M. Louis Boigues , avait 
confié l’exploitation de Grossouvre et Trézy à M Georges 
Dufaud (1), ingénieur aussi habile que spirituel. 

Il vint prendre domicile à Trézy, commune de La Cha- 
pelle-Hugon; c’est là qu’il entreprit, en 1819, de fabriquer 
le fer par la méthode anglaise qu’il avait étudiée avec 
persévérance et sagacité. Il avait confié ses dessins et ses 
idées à un contre-maître, M. Couroux, dont il avait su 
apprécier l’utile intelligence ; un appareil dit laminoir fut 
installé et prêt à être soumis à l’épreuve. On sait qu’un 
laminoir se compose de deux cylindres placés horizonta- 
lement l’un au-dessus de l’autre ; le premier porte des 
cannelures en relief, le second offre des cannelures en 
creux ; ces cannelures sont disposées de manière à s’adapter 
assez exactement. Le moment consacré à L’expérimentation 
était arrivé. Dans toute nouvelle création ou invention , il 
convient d’être doué d’une foi robuste; l’ingénieur et le 
contre-maître comptaient sur le succès de l’expérience. Le 
fourneau était prêt à livrer son fer incandescent; on imprime 
le mouvement au système, mais voilà que l’engrenage 

(1) Georges Dufaud, élève de l’École polytechnique, avait exploité 
sans grand succès le fourneau d’Uxeloup. Il s’était rendu en Angle- 
terre , 011 il séjourna quelque temps dans un établissement métallur- 
gique appartenant à M. Crawshay. 

Les ingénieurs anglais voulaient cacher leur système de fabrication, 
mais M. Dufaud sut habilement deviner leur secret. 

Il était fils de Laurent Dufaud , qui avait épousé en la paroisse du 
Gravier la fille de Georges Cerf, propriétaire de Villars, près La 
Gucrche. 


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- 3 7 2 — 

destiné à faire mouvoir les deux cylindres se brise en 
partie. 

L’ingénieur comprit bien vite que, par application d’une 
loi de mécanique usuelle, il fallait donner au cylindre 
femelle un diamètre un peu plus grand que celui du cylindre 
mâle . Ce détail technique avait été négligé. 

Après cette rectification, l’essai était à recommencer. 

Il nous a été raconté par un nommé Routon, ouvrier alors 
au fourneau, que pour la circonstance M. Dufaud avait tenu 
à honneur de revêtir le tablier de forgeron et de mettre la 
main à l’œuvre; après la non-réussite, il s'en était allé 
ceindre magistralement son écharpe blanche , pour procéder 
à un mariage en la mairie de La Chapelle-Hugon. 

Pendant son absence , le contre-maître remarqua que les 
dents du pignon, autrement dit de l'engrenage, quoique 
rompues, n’empêchaient point les cylindres de tourner par 
un simple frottement ; il songea à continuer l’essai , et au 
moyen d’une faible pression, et parvint tant bien que mal à 
étirer douze barres de fer. 

Ces douze barres que M. Dufaud appela les douze apôtres, 
sont les premières barres de fer laminé qui aient été fabri- 
quées en France. 

L’emploi du laminoir substitué au marteau pour l’étirage 
du fer eut dans le monde industriel un grand retentissement. 
Les douze apôtres accomplissaient leur mission. Le nom de 
Trézy rayonna glorieusement. De toutes parts on vit accourir 
de nombreux et curieux visiteurs. 

Le Gouvernement ne pouvait demeurer indifférent au 
progrès des arts. M. le Préfet du Cher, marquis d’Alon, 
voulut à son tour visiter la forge de Trézy, au canton de 
La Guerche. 

M. Georges Dufaud, comme nous l'avons dit, était maire 
de sa commune. Suivi des ouvriers de l’usine et ayant à sa 
droite M. Couroux, son habile contre-maître, il s’empressa 
d’aller souhaiter la bienvenue au premier magistrat du 
département du Cher. Sa harangue fut courte, mais spiri- 


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tuelle. Il dit entre autres choses: c Monsieur le Préfet, 
j’aurais bien désiré, en tant que maire, vous présenter mes 
conseillers municipaux; mais j’ai le regret de vous dire que 
pour le moment ils sont aux galères (i)... » 

M. Dufaod , bene merito , recevait alors la croix de la 
Légion-d’Honneur. En même temps, maintes félicitations et 
de glorieuses promesses étaient prodiguées à M. Couroux (2). 

Les puissants laminoirs de Fourchambault furent mis en 
activité, mais Trézy continua encore à fabriquer du fer au 
marteau qui demeura plus recherché que celui produit par le 
laminoir. 

Après la compagnie de Fourchambault, nous voyons la 
société Châtillon-Commentry faire bail de Trézy et de 
Grossouvre. Trézy suspendit sa marche en i867 etGros- 
souvre éteignit ses feux en 1879. M. le comte Aguado tenta 
pendant deux années de continuer l’exploitation , mais ce fut 
sans succès. 

Trézy est devenu une villa agraria ; le temps n’a pas com- 
plètement lavé les inscriptions qui ornaient les linteaux des 
portes des anciens bâtiments. On peut lire encore : Portier , 
— Bureau, — On n'entre pas sans permission . 

Tout s’effacera, jusqu’aux souvenirs de gloire; et pourtant 
Trézy, aux yeux de l’histoire, a droit à un renom tout aussi 
intéressant que celui que peut revendiquer le prieuré de La 
Chapelle- Hugon, pour avoir donné asile en io 85 au roi 
Henri qui signa alors une charte en faveur de l’abbaye de 
Saint-Victor de Nevers. 

(1) Communication verbale de M. le comte H. Jaubert. 

Il convient d'ajouter que certains hameaux de la commune ont un 
dossier judiciaire très-déplorable. Nous avons vu arriver sur les lieux 
un autre préfet du Cher, M. Octave de Barrai : c’était à l’occasion 
d’un immense incendie que la malveillance avait allumé dans les 
bois d’alentour. 

(2) Quarante-cinq ans après, M. le comte O. Aguado offrait à son 
fils, alors directeur des forges de Tronçais, les débris historiques du 
primordial laminoir. M. J. Couroux se contenta d’en accepter la 
photographie. C’était plus portatif. 


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- 374 - 


LE CHAUTAY. 

La terre du Chautay était de Tancienne dotation et fon- 
dation de l’église d’Orléans. La troisième année de son règne, 
le roi Carloman restituait à l’église Sainte-Croix les terres du 
Sautel et de Marzy, qui lui avaient été violemment enlevées. 

Dans la seigneurie se trouvait le domaine de Coulanges, 
qui demeura au chapitre jusqu’à la Révolution. D’ancienneté 
il avait été établi sur l’étang de Coulanges un moulin à blé, 
et nous trouvons mentionné dans un compte dressé en 1329 
une somme de i 8 sols pour trois journées dues à Jehan 
des Amis qui avait appareillé l 'arche de Colinges que nous 
traduisons par conduit d'eau ? 

Les eaux de Coulanges , en même temps que celles pro- 
venant d’étangs supérieurs et de plusieurs petits ruisseaux, 
arrivaient dans un vaste étang collecteur qui prit le nom 
d’étang des Riots, aujourd’hui des Réaux. 

Cet étang fut créé au milieu d’un bois dont on se contenta 
de couper les arbres de haute futaie à une certaine hauteur 
du sol; en sorte que lorsque l’étang est mis à sec, on est tout 
surpris de voir surgir une grande quantité de troncs d’arbres 
qui apparaissent debout comme des tronçons de colonne 
exhumés sur l’emplacement d’un édifice romain. 

Cet étang était destiné à faire marcher une forge et un 
fourneau qui se trouvèrent dans la censive d’un petit fief qui 
prit le nom des Ruyaux ou Réaux-sur-l'Aubois, pour le 
distinguer d’avec le fief des Ryaux , situé paroisse du 
Veuillin. 

En i 56 o, Philiberte des Ruyaux , dame de Bernay, et 
noble homme Jean de Bréchard, son fils, donnaient à accense 
au sieur Gascoing l’étang des Ruaulx-sur-V Aubois avec le 
moulin-bief-métairie et le fourneau à fondre fer , moyen- 
nant six-vingts livres d’annuelle redevance. Dès avant, Jean 
Bréchard acquérait un petit champ situé près le chemin 
royal de Chautay au fourneau. 


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En 1604, le fourneau appartenait à Etienne d’Angelier, 
écuyer, seigneur des Réaux et de Milly. 

En 1612, Gilbert Gascoing en était l’accenseur; il obtenait 
d’Antoine de Foucher, seigneur de la Taille, le droit de 
faire laver des mines près l’étang du Marteau. 

En i 63 o, Etienne Gascoing, lieutenant-général au bail- 
liage de Saint-Pierre-le-Moûtier, devenu seigneur de Berthun 
et de Patinges, permettait à J. Masset de construire un 
boucard au déchargeoir de l’étang des Réaux, c’est-à-dire de 
créer une forge faisant fer (i). 

Peu d’années après, le fourneau marche pour le compte de 
François Goyre, grènetier au grenier à sel de La Charité, 
dont le fils dirige en même temps les forges et fourneaux de 
Fontmorigny et de Torteron. 

En 1 666, François Pinet est maître de la forge du Chautay, 
qui appartient à M. des Ulmes, comte de Torcy ; il a pour 
clercs, c’est-à-dire pour commis, François Musset, Georges 
Tresne et Barthélemy Boyaux. 

En 1691, 3 octobre, honorables hommes Jacques et 
Dominique Chaiilot étant fermiers principaux de l’étang de 
Coulanges, font sommation à demoiselle Françoise Pinet, 
veuve de Gilbert Gascoing, seigneur du Chezeau, fermière 
du fourneau, à avoir à tirer les pelles de l’étang à six heures 
du matin pour faciliter la pêche de l'étang de Coulanges. 

Ils notifient qu’ils ont vendu les powmo/wpourle pourvoi 
du roy. 

Devenons en conclure que le grand roi appréciait tout 
particulièrement les carpes et les brochets provenant des 
étangs de MM. de Sainte-Croix ? Nous n’osons l'affirmer. 

En 1692, Henry de Morogues, seigneur de Sauvage, 
entreprenait, moyennant 400 livres, à refaire les trois côtés 
de la masse du fourneau appartenant à M. le comte de Torcy; 

(1) Vers cette époque nous trouvons un fondeur en fer de guise 
nommé Moreau dit Chapelet . — C’est sans doute à lui qu’un domaine 
voisin doit son nom de Chapelet i 


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— 376 — 

il préposait Germain Mercier comme régisseur de l'exploi- 
tation; celui-ci faisait marché pour extraction, lavage et 
grappage de mines, à raison de 55 sols par chacun millier de 
fonte produite, sauf à fournir par an douze toises de planche 
et deux sacs de charbon. 

A cette époque , nous voyons apparaître remployé royal 
commis à la marque du fer. Guillaume Raby, âgé de 
soixante-dix-sept ans, maître chirurgien, est pourvu de cette 
commission dans nos contrées. 

Le fourneau du Chautay et scs dépendances avaient pri- 
mitivement relevé de la baronnie de La Guerche; mais 
François de Tenon s’était départi de ce droit féodal au profit 
des seigneurs de Berthun et Patinges. Aussi voyons-nous 
Louis-Antoine comte de Torcy, seigneur de Lantilly, 
Sauvage et le Chautay en partie, exerçant les actions de 
Magdelaine-Suzanne de Roffignac, son épouse, faire en mai 
1757 foi et hommage au sieur Gascoing de Berthun , capi- 
taine au régiment de La Roche- Aymon , à cause de sa sei- 
gneurie de Berthun. 

Au moment de la Révolution , Nicolas Chailloux 
(des Barres), maître des forges de Sauvage, déjà propriétaire 
en nos contrées de la terre du Vernay, provenant des héritiers 
Chamorot, fait l'acquisition du fourneau du Chautay et de 
ses dépendances territoriales. 

En 18 1 5 , aux criées du tribunal de Cosne, M. Dupin, 
agent de change à Paris, se rendait adjudicataire de cette 
propriété, qui se frouve actuellement transmise par héritage 
à M. Gustave Revenaz, qui y a lait construire un château 
d’un attrayant aspect. 

Le fourneau continua à marcher sous la régie directe de 
M. Forqueray jusqu’à l’année 1843, époque à laquelle la 
société de Fourchambault en demeura fermière pour cesser 
en 1869. 

Depuis lors , les bâtiments d'exploitation ont été aban- 
donnés, le travail métallurgique ne s'y réveillera jamais; le 
cri tapageur d'une machine à battre le blé remplace quelque- 


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— 37 7 — 

fois le souffle bruyant des puissantes machines à vapeur. 
Tout s’est envolé en fumée ; et le tant vieil étang des Réaux, 
si cher aux pêcheurs et aux chasseurs, est devenu pour le 
paysagiste un artistique décor au parc du château qui 
s’élève sur ses bords. 


S 

Le chroniqueur fidèle est parfois bien insupportable; il n'a 
jamais fini d'épuiser ses cartons. 

Pour aller du bourg du Chautay au fourneau, la distance 
à parcourir n'était guère que d’une demi-lieue. Les habitants 
de nos contrées ont toujours aimé , à travers les bois ou les 
champs, à pratiquer des petits sentiers qu’ils appellent 
dressières. Or donc, au lieu de suivre le grand chemin qui 
prenait pourtant le titre de chemin royal, les ouvriers du 
fourneau avaient coutume de passer par la garenne du 
château de Bernay. Mais noble Bernard Augier, ancien 
gentilhomme de M“ e Louise de France, premier président 
du bureau des finances à Paris, et lors seigneur de 
Bernay, voulut interdire l’exercice de ce passage toléré, mais 
indû. Il s'avisa donc de faire planter à l’entrée de sa garenne 
deux tourniquets avec deux bancs convenablement peints 
couleur d’ardoise; et en même temps et au même lieu, 
comme symbole de sa justice moyenne, il fit élever un pilori 
en bois de chêne , haut de six pieds. Il le fit revêtir de ses 
armes peintes sur une feuille de tôle et garnir d’un carcan 
de fer. 

Mais les forgerons, peu endurants de leur nature, protes- 
tèrent à leur façon, et dans la nuit du r 5 au 16 mars 1770, 
armés de ringards, ils s'en allèrent briser les tourniquets et 
la tôle armoriée. 

Le lendemain le notaire Lioult dressait procès-verbal 
contre les malfaiteurs et ramassait comme monument d'en- 
quête judiciaire, la feuille de tôle lacérée en morceaux. 

Nous ignorons quelle fut l'issue du procès; mais nous 
t. 11, 3 * série. 42 


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- 3 7 8 - 

savons que trois mois après , le 27 août 1770, Antoine- 
Nicolas de Boismoreau, ancien agent de change à Paris , 
devenait adjudicataire de la seigneurie de Bernay, vendue 
par décret sur l’ancien gentilhomme de la fille du Régent. 

MAUREGARD OU SALLES. 

Le fourneau de Mauregard , ou plutôt de Salles — car 
c'est sous ce nom que nous avons vu d'anciennes taques de 
cheminée indiquer leur provenance , — a dû fonctionner à 
une époque très-reculée. 11 était servi par l’étang de Salles, 
et le minerai se tirait sur les lieux mêmes. 

Le domaine et le fourneau relevaient de MM. du chapitre 
de Sainte-Croix ; en i53 ^ , Renée de Monbaron , épouse de 
François de Bar, seigneur de Baugy et baron de La Guerche, 
en faisait la reconnaissance à Orléans. 

Près du fourneau se trouve une pièce de terre, indifférem- 
ment nommée la Pierre-Pointe ou la Pierre-qui Danse ; 
cette appellation nous invite à remonter à l’époque où les 
druides exerçaient dans nos contrées leurs rites mystérieux 
Peut-être le nom de Mauregard, ou plutôt Mal-Regard, 
comme nous le trouvons écrit, indique-t-il la tradition de 
quelques pratiques superstitieuses ? 

jNescio quis malus oculus fascinât agnos . 

Peut-être convient-il de donner au mot regard l’acception 
de ruisseau? Alors Mal -Regard signifierait simplement 
mauvais cours d'eau ? 

Le fait est que le fourneau de Mauregard était forcément 
obligé, en la saison d'été, de suspendre sa marche faute 
d'eau. 

Ce fourneau appartenait , en 1634 , à Antoine de Tenon, 
conseiller du roi en son conseil ; comme il avait négligé 
d’accomplir les debvoirs qui étaient dhus au chapitre d’Or- 
léans, il se vit bien et dûment assigné à ce sujet. 

Le fourneau avait été complètement abandonné depuis 


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— 379 — 

bien des années quand, en 1787, M™ # de Rolland d’Arbousse, 
dame de Salles et de Menetou, voulut le rétablir. 

Ce projet rencontra bien des obstacles. 

La maîtrise des eaux et forêts fut appelée à donner son 
avis. 

Procès-verbal de commodité et d’incommodité fut alors 
dressé en toute forme; et les propriétaires des forges et 
fourneaux de la région furent invités à se présenter à l'en- 
quête. 

Comme on devait s'y attendre, ils furent unanimement 
d’accord pour protester contre le rétablissement demandé. Ils 
motivaient leurs dires sur ce fait que le fourneau de Maure- 
gard ne trouverait point de bois en suffisante quantité pour 
son alimentation. 

Il nous semble que c’était affaire à M®* d’Arbousse , qui 
ne leur demandait ni conseil ni protection. 

A titre de renseignements de pure statistique, il n’est 
point inutile, au point de vue notoriété locale, de connaître 
les noms des opposants. 

Les voici: 

1® M. Durand, propriétaire de Grossouvre ; 

2 0 M. de Neuchèze, propriétaire du fourneau duChautay; 

3 ° M. de Champ, propriétaire du fourneau de Torteron ; 

4* Le sieur Bonnet, au nom de MM. les abbés et moines 
de Fontmorigny, à cause des fourneaux de Fontmorigny 
et de Feullardc. 

La connaissance juridique des bois, c’est-à-dire la maîtrise 
des eaux et forêts, constatait que dans la contrée : 

i* M“* de Béthune, dame d’Apremont, possédait 
5 oo arpents de bois ; 

2* M. le comte de Bar, 2,000 ; 

3 ° Le feu comte de Fougière, baron de La Guerche, 1,000; 

4 # Le duc de Nevers, 2,000; 

5 ° Le sieur de Champ, 1,800; 


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— 38 o — 


6° Le sieur de Givry, 2,000 ; 

7 0 Durand, 2,000; 

8° Dufaud, à Villars, 3 oo ; 

9* Gestat, sieur de Garambé, 800. 

Malgré les oppositions plus ou moins valables, le fourneau 
de Mauregard fut rétabli et remis en feu. 

En 1792, M. Frazey, qui fut député à T Assemble natio- 
nale et demeurait à Imphy, était fermier et régisseur du 
fourneau. 

Le 29 octobre de la môme année, la citoyenne Marie- 
Louise-Charlotte de Méru , veuve de François de Ligondès , 
vivant officier de marine , demeurant à Bernay, commune 
du Chautay, se plaignait du regond qui occasionnait la 
mise-hors de son fourneau de Salles (Mauregard). 

Après être passé par héritage entre les mains de M. le 
comte de Montsaulin , le fourneau fut complètement aban- 
donné , par suite de l'importance donnée aux fourneaux de 
Feullarde, du Chautay et de La Guerche, et dirigés par la 
compagnie de Fourchambault , qui en même temps créait le 
considérable établissement de Torteron. 

LA FORGE BRENOT. 

En Tannée 1516, le chapitre d'Orléans, seigneur spirituel 
et temporel du Chautay, faisait acquisition , d’un nommé 
Thomas Couturier, d'une maison sise en leur justice, appelée 
d'ancienneté la maison de la forge . 

Il nous est impossible de préciser de quelle forge il était 
parlé. 

Sur la rive gauche de l'Aubois, il existait une petite forge 
qui se nommait la forge Bernot. Elle consistait nécessai- 
rement en halle, marteaux, soufflets, étang, écluse d’eau, 
cour et jardin. 

En 1694, cette forge était donnée à arrentement à Antoine 
Godelinier, forgeron, par Jehan, seigneur de Fonfay, l'ami 


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— 38 T -r- 

de Y abbé Bcrthicr, et que nous avons vu épouser en l'église 
Saint-Victor, de Nevers Françoise La Chasseigne, par 
paroles de présents. 

En 1758, la forge de Bemot appartenait à Pierre Léveillé, 
sieur du Fournay, qui la transmit à son fils Pierre Noël, 
mousquetaire dans la 1™ compagnie. Celui-ci affectait l'im- 
meuble de 100 livres au profit de Joseph de Tenon , fils du 
seigneur Jehan de Fonfay, avec droit de choisir deux carpes 
et deux brochets dans l'étang. 

La même année, il confiait à Guillaume Briot, martelleur 
en fer, l'exploitation de la forge pour neuf années. 

Le bailleur s'engageait à livrer i, 5 oo livres de fonte contre 
un millier de fer forgé garni de 6 livres par chacun cent. Il 
devait en outre payer au forgeron 12 livres 10 sols par 
chaque millier de fer et trois bannes et demie de charbon 
par millier, et fournir le corps de l'arbre quand besoin serait 
de remplacar le manche du marteau. 

Quand le preneur brûlait de grosses enclumes, il lui était 
payé 3 livres par chacune d’elles, et il lui était livré une 
banne de charbon (1). Il ne devait travailler pour personne 
autre que pour le bailleur. 


§ 

Dans l'histoire locale de la Révolution, nous trouvons 
mention de l’étang de Brenot. 

Le i w novembre 1793, en conformité d’un ordre émanant 
du représentant du peuple La Planche, trois délégués de la 
Société populaire de La Guerche se rendaient en la commune 
de Patinges : c’était jour de la Toussaint. A l’issue de la 
messe, l’un des délégués, le citoyen Fromajot, monte en 
chaire et annonce aux assistants que désormais le culte est 
aboli. Puis, après avoir justifié de ses pouvoirs au maire 

(1) La banne du Berry était de trente-un hectolitres. 

La banne du Nivernais était de vingt-quatre hectolitres. 


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— 382 — 


J.-B. Ponceau et au curé M. Fillette, il se fait remettre, 
malgré de vives protestations, tous les objets de métal qui 
appartenaient à l’église (i). 

Après le départ des délégués, les jeunes paroissiens ne 
pouvant contenir leur indignation, firent le complot de se 
rendre par un chemin détourné jusqu’à la forge Brenot, pour 
attendre les bons patriotes , lors de leur passage , avec la 
ferme résolution de leur faire choisir entre la restitution des 
objets qu’ils emportaient, ou un bain froid dans l'étang de la 
forge. 

Ce projet, heureusement, ne fut point mis à exécution. 

Le curé et le maire étaient parvenus, non sans peine, à 
calmer leurs intentions, en leur faisant comprendre à quelles 
fâcheuses conséquences ils pouvaient exposer eux et leurs 
familles. 

Les bons patriotes passèrent avec leur glorieux butin , et 
l’étang de Brenot continua tranquillement à verser ses eaux 
sur les roues du moulin de la forge. 

LA GUERCHE, CI-DEVANT PAROISSE DU GRAVIER. 

Les archives de l’Yonne nous apprennent que déjà, en 
1 383 , Guy Quarrel, receveur pour le comte de Nivernais, 
faisait recette des produits ou redevances qui étaient dus 
pour les forges et fourneaux de la province. Nous ignorons 
s’il est fait nominativement mention de ces forges et 
fourneaux; mais nous savons que ledit Quarrel était, en 
1389, condamné, pour cause de malversation, à 10,000 livres 

(1) Voici textuellement un extrait du procès-verbal qui fut alors 
dressé en la mairie : 

« Les officiers municipaux, après s'être conseillé, ils ont délibéré 
que la République avait besoin de secours au moment où les guerres 
sont dispendieuses; nous avons alors dépoulée notre église du saint- 
ciboire, — du soleile, — de la patène, — de quatre chandeliers, — de 
l'encensoir, pour être remis à la Société populaire de La Guerche. 1» 


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— 383 — 

d’amende; pourquoi lui, sa femme et leur fils crurent devoir 
s'absenter . 

A ces époques lointaines, les forges et fourneaux qui 
fonctionnaient dans les contrées, dont nous avons à parler 
particulièrement, furent en partie détruits par les bandes 
anglo-bourguignonnes qui avaient envahi notre malheureux 
pays. Il fallut bien des années pour réparér ces désastres, et 
la monarchie fit de sages efforts pour favoriser et propager 
Tindustrie métallurgique. 

Les seigneurs riverains des rivières, oubliant que non 
esse bonum ex alieno damno lucrum facere , avaient 
coutume de s'attribuer sans vergogne , comme épaves , les 
choses provenant de naufrage ou autre accident. Le comte 
de Nevers s'emparait ainsi d’un chargement et de fer et de 
clous appartenant à des marchands de Charlieu dont le 
chaland avait naufragé dans le détroit de la Loire. 

Guy de Roffignac, seigneurde Meauce, faisait pareillement 
main-mise en 1448 sur un chargement de 10 milliers de fer 
appartenant à Pierre- Saint-Yves, marchand sureau, qui 
avait vu son bateau afondré au détroit d’Apremont, rive 
droite de l’Ailier. 

Mais des arrêts du Parlement parvinrent sous l’autorité 
royale à faire disparaître ces coutumes abusives. 

Enfin Henri IV, « jugeant le bien et l’utilité que le 
public peut retirer dans ce royaume de l'ouvrage de fer, 
confirmait, comme avaient fait ses prédécesseurs, les privi- 
lèges-franchises accordés aux maîtres et ouvriers à fer, en ses 
provinces du Berry et du Bourbonnais. » 

C'était là un encouragement donné à la renaissance de 
l’industrie métallurgique dans nos contrées. 

Les seigneurs de La Guerche et des lieux circonvoisins, 
dont le sol était à la fois nivernais, berrichon et bourbon- 
nais, s’empressèrent de mettre à profit les mines de fer 
inépuisables que recelaient leurs appartenances. 

Près de la Garenne , qui était une dépendance féodale du 
château de La Guerche , il existait un vaste étang qui 


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- 384 — 

primitivement servait & inonder les fossés de la ville quand 
le faict de guerre l’exigeait ; c’est sur les bords de cet étang 
que d'ancienneté furent établis une forge et un fourneau. 
En i5o 4, l’étang qui s'appelait étang Grimier finit par 
ne plus être désigné que sous le nom de Vétang du 
Fourneau. 

En i 6 o 3 , Edme Charrier était maître du fourneau de 
La Guerche. Il faisait marché avec François Rouval, qui 
s’engageait à tirer des mynes dans les tousses de Guéprou 
(paroisse du Gravier). 

Cette extraction sans doute ne pouvait guère se faire sans 
occasionner quelque délit ou dommage aux fermiers du sol 
supérieur, qui appartenait alors au seigneur de Menetou- 
Couture ; car il était stipulé que ledit Charrier serait tenu 
envers l’extracteur à indemniser ycelui contre les fermiers de 
Menetou ou autres circonvoisins que sera besoing, en cas 
que Rouval serait empêché , frappé, assommé ou emmené en 
prison . 

On voit comment encore, sous le règne du bon roi Henri, 
ses fidèles sujets, dont il fut le vainqueur et le père, s'ingé- 
raient volontiers à se faire justice par eux-mêmes. 

En 1 6 1 1 , nous trouvons le même tireur de mines, qui sans 
doute n'avait point été assommé, s'adresser au maître de 
forge et lui tenir ce langage : 

c Maître Charrier, vous estes adverti que ci-devant je vous 
ai tiré grande quantité de mynes tant au Girardet, à la Taille, 
que autres lieux. Je vous somme et interpelle icelles mynes 
recevoir à fin qu’étant icelles reçues faire compte en- 
semble. » 

Ce document d’amiable procédure nous fait supposer que 
le fourneau de La Guerche ne marchait alors qu'as sez peti- 
tement. 

Vers cette époque, la forge avec le bouquard annexé au 
fourneau se trouvait au-dessous de la chaussée de l’étang. 

En 1659, Pierre Frétier, maître bouqueur et accenseur du 


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- 38 5 “ 

fourneau, vendait à François Pinet, marchand à Nevers, 
tout le fer de bouquage qui serait fait au bouquard de La 
Guerche, lequel fer devré être bien bouqué et lamé , bon et 
recevable comme fer de bouquard, à raison de quinze livres 
chaque millier. 

L'année d'après, Jean Carré, receveur des droits doma- 
niaux de la baronnie, donnait à ferme à Pierre Chartier, 
maître bouquatier de fer, demeurant au village de Macé, 
paroisse du Gravier, un bouquard à faire fer, situé auprès 
du fourneau alors appartenant à François de Tenon, baron 
de La Guerche. 

« Il ne pouvait ledit preneur prendre que les eaux perdues 
des étangs de Couvache, Tixerat et Grimier, sans en prendre 
par les bondes. Il lui était permis de chercher dans les buttes 
de laitiers provenant du fourneau. » 

En 1 699, la baronnie était depuis vingt ans passée entre les 
mains de Henri de Regnier, marquis de Guerchy, et Jehan 
Casset en était devenu le fermier. Il fit par lui-même 
exploiter le fourneau. Il entreprenait alors au sieur Robin le 
roulage des mines sur la masse du fourneau. Ces mines 
étaient extraites non loin de l’étang ,de Pin et de l'étang du 
Marteau (paroisse du Gravier), caron avait recours aux eaux 
de ces étangs pour opérer le lavage. Le charroi se payait à 
raison de 10 sols le tonneau pour venir de l'étang de Pin, et 
22 sols pour venir de Tétang du Marteau, près de Salles. 

On distinguait ces mines en mines froides et mines 
chaudes; les premières étaient les plus réfractaires; l’extrac- 
tion s’en faisait sur le territoire de Bovy (en Bouy), paroisse 
de Saint-Hylaire, et les secondes, plus fusibles, se prenaient 
aux environs de la Taille (paroisse du Gravier). 

Les extracteurs étaient tenus à laver la mine, la passer par 
trois fois au courant de l’eau , et de la grapper de manière à 
la mettre bien nette. Le tonneau se payait 100 sols. 

En 1701, Bernard de La Grange, conseiller du roi, rece- 
veur des tailles en l’élection de Nevers, faisait un traité avec 
Pierre et Charles Colinet, fondeurs : ceux-ci s’engageaient 
t. 11, 3 * série. 43 


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- 386 - 


à faire marcher le fourneau moyennant une redevance 
annuelle de 5 oo livres. Ils avaient droit au jardin et à la 
pêcherie. 

L’année suivante, Pierre Le Double, sieur de Villevangue, 
étant devenu fermier de la baronnie, fit exploiter le fourneau 
en son nom. On consommait sept poinçons et demi de mines 
par charge ; chaque tonneau se payait 1 5 sols aux extrac- 
teurs. La castine se trouvait sur les lieux. 

Quelque temps après , le duc de Nevers faisait dans les 
environs de Decize établir un fourneau qui prit le nom de 
Forge-Neuve ; et M. Prévost de La Croix créait aussi sur ses 
ferres situées non loin de Decize un fourneau de grande 
dimension qui prit le nom de Cressy. 

L’établissement de ces deux fourneaux occasionna bientôt 
une telle concurrence aux fourneaux de nos contrées et du 
Berry, qui jusqu’alors fournissaient une quantitéprodigieuse 
de fonte pour l’alimentation des forges en Nivernais, que les 
fourneaux en deçà de la Loire furent contraints d'éteindre 
ou de modérer leur marche. 

De ce nombre se trouva le fourneau de La Guerche. 

Néanmoins, après un assez long délai , le comte de Fou- 
gières voulut, en 1779, rétablir en sa baronnie de La 
Guerche le fourneau qui, autrefois sous ses antécesseurs , 
avait eu une féconde activité. 

Il lui fallut alors se soumettre à remplir toutes les forma- 
lités requises par les ordonnances. 

La maîtrise de Nevers fut appelée à donner son avis , et 
l’autorité judiciaire fit procéder à l’enquête de commodité et 
d'incommodité. 

Il surgit plusieurs oppositions. M. de Champ du Creuset 
qui, par son mariage avec M lle Léveillé du Fournay, se 
trouvait propriétaire des fourneaux de Torteron et du 
Fournay, disait : < que la faveur précaire du commerce de 
fer tenait surtout aux constructions maritimes; que Ton était 
trop porté à croire que l’on en tirait grand profit ; que de 
nouveaux établissements tomberaient sitôt que l’Etat n’au- 


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38 7 

rait plus besoin de fer; enfin que le prix du bois serait 
augmenté à cause des verreries et des ferblanteries. » 

Mais ce n'était là que vaines remontrances qui, sous 
ombre du bien public, laissaient apparaître un intérêt tout 
personnel. 

La maîtrise de Nevers avait, le i5 novembre 1779, fourni 
ses plans et donné un avis favorable à la demande. 

D'une autre part , nous ne saurions omettre que le comte 
de Fougières, était maréchal des camps et armées du roi , 
sous-gouverneur des enfants de France et lieutenant-général 
de la province du Bourbonnais. Il avait exposé dans les 
bureaux de Versailles qu’il y avait à La Guerche, un 
emplacement avantageux pour l'établissement d’un fourneau 
qui deviendrait utile au Gouvernement ainsi qu'à lui-même. 
Que ses prédécesseurs avaient obtenu la faveur qu’il récla- 
mait aujourd'hui; que tout concourait à en assurer le 
succès, les mines se trouvant de même espèce et à proximité ; 
que c’était remplir les vues du Gouvernement que de cher- 
cher à mettre ces mines en valeur, surtout sans charge de la 
part du roi. 

Enfin , que cet établissement devait indubitablement être 
utile aux habitants du pays sans nuire à ceux de cette espèce 
qui existent dans la même province. 

Bref, le i cr février 1780, il intervenait un arrêté du 
conseil où nous lisons : c A ces causes, nous avons permis, 
et par ces présentes permettons de reconstruire et faire dans 
la terre de La Guerche une forge et un fourneau à l’endroit 
indiqué par la maîtrise de Nevers. — Donné à Versailles, 
le 23 février de l'an de grâce 1780, de notre règne le sixième. 
— Signé: Louis. » 

On procéda , sans délai , à l’édification du fourneau ; on 
donna à sa base dix-huit pieds de profondeur. La chaussée 
nouvelle tut établie sur pilotis, les bi lions avaient vingt- 
quatre pieds de long. En même temps de vastes bâtiments 
étaient appropriés à la régie et aux magasins. 

En opérant ces fondations, on mit à découvert de notables 


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— 388 — 


x substructions remontant à l'époque où tout près de là, à 

Fonfrain (Fons-Ferrea ) , les Gallo-Romains avaient pu 
établir un petit balnéaire. Nous aurons au reste occasion 
d'en parler, puisque les héritages circon voisins offrent encore 
ces vestiges aimés des chercheurs. 


Claude Mousse fut le premier régisseur ou fermier du 
fourneau ainsi rétabli. Il avait entrepris à Claude Bossu, 
minier, la fourniture des mines nécessaires à l'alimentation. 
Ces mines étaient extraites dans le bois dit de Laumat; 
l'entrepreneur avait le droit, sur la halle du fourneau, de 
délaver les sables provenant du grappoire et d'en retirer à 
son profit les mines et débris de fonte qui pouvaient s'y 
rencontrer. 

Mais bientôt il devint urgent de faire des réparations et 
d'apporter des améliorations à la masse du fourneau. Les 
pierres dont il était revêtu n'avaient point offert toute la 
résistance désirable. Il intervint alors un marché fait à 
forfait entre M. le comte de Fougières, seigneur d'Orval et 
de Saint- Amand, et le nommé Philippe Desmoulins. 

M. de Fougières s'engageait à fournir toute la pierre 
d'ouvrage que besoin serait ; il prenait ces pierres dans les 
carrières d'Orcay, relevant de Saint-Amand ; il s'obligeait à 
les faire extraire , dégrossir et conduire à La Guercbe à ses 
frais. 

De son côté Desmoulins, moyennant 2,200 livres, s’en- 
gageait à faire la grosse et la petite masse du fourneau. 

Les apparoirs devaient être montés à vingt-quatre pieds 
de haut à prendre dix-huit pouces au-dessous des bu^es. 

La grosse masse devait être exhaussée de trois pieds et 
demi et la petite masse de deux pieds et demi. 

Le traité avait été lu et signé à Saint-Amand, le 9 décembre 

1785. 

Après Claude Mousse, nous voyons le fourneau dirigé par 


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- 38 9 - 

Ange-Laurent Dufaud , conjoint par mariage à Georgette , 
fille de Georges Cerf, propriétaire de Villars , qui prenait la 
qualité de bourgeois de La Guerche. 

Le comte Marie-François de Fougières était décédé en 
1787; son fils , Louis- Joseph (1), lui avait succédé dans sa 
charge de premier maître d’hôtel du comte d’Artois , depuis 
Charles X, et dans sa baronnie de La Guerche. 

La Révolution exerçait sa tourmente ; le jeune seigneur, à 
peine âgé de dix -neuf ans, devait fidèlement suivre les 
princes en leur émigration. 

Par suite, en exécution du décret de la Convention 
nationale, en date du 3 juin 1793, tous ses biens étaient 
mis sous le séquestre pour être vendus au profit de l’Etat. 

Au mois de pluviôse an IV, le fourneau étant tenu alors 
à ferme par le citoyen Frazey, des affiches imprimées à 
Brutus-le-Magnanime (Saint- Pierre-le-Moûtier), par J. -B. 
Chevalier, imprimeur du district, annonçaient que le 
16 dudit mois de pluviôse il serait, à Sancoins, procédé à la 
vente et adjudication des biens provenant de l’émigré Fou- 
gières , sur la mise à prix de 52, 108 fr. 

Ces biens se composaient du fourneau de La Guerche et 
de ses dépendances, qui comprenaient quatre étangs. 

Après plusieurs enchères successives , le citoyen Lhomme, 
agent national , proclamait Louis Rebut, propriétaire à La 
Chapelle-sur-Grave, district de Mondidier, adjudicataire au 
prix de 104,000 fr. (2). 

Ce prix fut acquitté en trois termes et complètement en 
assignats. 


{1) En 1773, il avait eu pour parrain et marraine Monsieur, frère 
du roi, depuis Louis XVIII, et Marie-Josèphe de Savoie, Madame. Les 
cérémonies du baptême avaient été accomplies par l’évêque de Séez , 
en la chapelle du roi. 

(2) Nous trouvons au nombre des enchérisseurs les citoyens Fran- 
çois Durand, de Grossouvre; Frazey et Hubert Cacadier. 

Louis Rebut avait alors un neveu, J.-B. Rebut, employé au contrôle 
des finances en la ville de Bourges. 


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— 390 — 

Le 20 floréal an VII , Louis Rebut donnait le fourneau à 
ferme à Claude Balleron , ancien curé de Saint-Etienne du 
Gravier, marié , et déjà divorcé d'avec Victoire Dufour. 

Quatre années après, le 12 floréal an II, devant Déséglise, 
notaire à Bourges, il faisait un nouveau bail de douze 
années pour finir en l'an XXIII , au profit de Jean Robert, 
entrepreneur de la fonderie nationale de la marine, à 
Ne vers. 

Il était stipulé qu’il serait libre au preneur de déroger aux 
usages des lieux pour la confection du mécanisme à adapter 
au fourneau ; le prix était de 1,900 fr. par an. 

Le 10 avril 1818, devant Dumont, notaire à Sancoins , 
M. Jean-Georges Dufaud, directeur des forges de Grossouvre 
et Trézy, demeurant à La Chapelle-H ugon, fondé des pou- 
voirs de MM. Payaux père et fils et Labé, affermait le 
fourneau qui , par partage anticipé, appartenait alors à Jean 
Dechaut et à dame Louise Rebut , sa femme. 

Le 3 juillet , visite était faite contradictoirement des lieux 
affermés. 

Le fourneau était reconnu comme étant en assez mauvais 
état ; — le poitrinaire était délabré ; — il ne s’y trouvait 
aucun soufflet valable ; — point de boustat, de gentilhomme 
ni de dame. 

Bientôt une active et intelligente impulsion fut donnée au 
fourneau de La Guerche , qui s’accrut encore après que la 
compagnie Boigues eut complètement absorbé MM. Payaux 
et Labé. On y installa une machine à vapeur en i 83 o ; c'est 
la première que l’on vit fonctionner dans le département du 
Cher. 

M. Robert, qui n’était connu dans Nevers que sous le nom 
de Robert de la Fonderie , avait, dès avant l’an XXI II, 
donné la régie du fourneau à Pierre- Alexis Evrat, dont le 
frère, J.-B.-F. Evrat, ex-gendarme et habitant de La Guer- 
che , avait porté sa tête sur l’échafaud pour avoir protéré le 
cri de: Vive le roi ! (4 thermidor an II.) 

Sous la haute direction de MM. Dufaud père et fils, cette 


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surveillance fut successivement confiée à MM. Evrat, 
Augustin Ferrand et Reess Lewis père et fils. 

Le i 3 octobre 1841, la compagnie de Fourchambault 
devenait acquéreur du fourneau et de ses dépendances. 

Le petit haut-fourneau marchait encore au bois. En 1844, 
on augmenta sa capacité, on y installa une machine anglaise 
à basse pression de Watt, de la force de trente chevaux. 

On bâtit ensuite un deuxième fourneau, qui fut désigné 
sous l'appellation de n° 2. 

L’ancien fourneau n* 1 fut transformé pour recevoir un 
mélange de coke et de bois; enfin, en 1867, il ne brûlait 
plus que du coke, qui provenait de Saint-Etienne. 

La même année, on créait vingt-six fours à coke; Com- 
mentry et le canal du Cher fournissaient la houille néces- 
saire, et l’établissement put fabriquer des projectiles en fonte 
mixte (1). C’était alors travailler pour la gloire. 

§ 

Depuis 1869, les travaux du fourneau ont pour toujours 
arrêté leur cours. Comme une vulgaire et inutile propriété , 
il a été aliéné avec la condition restrictive que l’acquéreur ne 
pourrait y rétablir une industrie métallurgique. 11 ne restait 
plus qu’à répandre le sel sur le sol déshérité. 

Inclinons-nous devant l’instabilité des choses humaines et 
devant le progrès des arts. 

C’en est fait. Vulcain et ses cyclopes s’en sont allés, et 
saint Eloy n’est plus ici célébré par des bouches noires . 

Au pied de cette haute masse qui dit : « Ici fut un four- 

(1) A l’occasion de la fête que Ton célébrait le i 5 août, un artiste 
peintre et vitrier exposait un transparent sur lequel on lisait : 

La Guerche souviens - toi que dans Solferino , 

Bondissaient les boulets sortis de ton fourneau. 

Ce distique ne l’empécha point de devenir capitaine dans la garde 
nationale (1871). 


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neau , » il ne restera plus bientôt que la source sacrée, 
toujours ferrugineuse, que nos aïeux les Gallo- Romains 
avaient vénérée , et qui avait légué son nom de Fons-Ferreà 
au village voisin, Fonfrain. 

Oh! les Romains, nous les retrouverons toujours sous 
nos pas dans nos bien - aimées contrées , tandis que les 
vestiges de nos forges et fourneaux sont fatalement destinés 
à disparaître. 

Pourtant il existe encore à La Guerche, au Chautay, à 
Torteron , des amoncellements considérables de scories qui , 
témoins visibles d’une ancienne industrie, semblaient devoir 
en perpétuer le souvenir. 

Eh bien , voilà que chaque jour le génie utilitaire de nos 
agents-voyers s’applique à les indiquer comme propres au 
balast de leurs chemins vicinaux. 

Inclinons-nous encore devant cet effacement historique. 

Si au moins du milieu de ces amoncellements séculaires 
il sortait quelques débris archéologiques qui vinssent tem- 
pérer nos plaintes nestoriennes ! Mais, hélas! nous savons 
que trop souvent la montagne en travail n’engendre qu’une 
souris. 

FONBARDAIS. 

Fonbardais était une petite forge située au-dessous de 
Château - Renaud ; son étang était alimenté par la petite 
rivière de Germigny qui se nomme le Luissant (Lucida), 
et va bientôt se jeter dans l’Aubois ( Albaya ). Voilà au 
moins de poétiques appellations qui ont dû réjouir les 
fraîches naïades des temps mythologiques ! 

Le fourneau de Martou apportait à Fonbardais le produit 
de ses coulées. 

Dans un inventaire dressé en 1689 après le décès de 
Bernard de Brissonnet, baron de Germigny, il est fait 
mention de 700 livres de fer battu à petits échantillons qui 
se trouvaient fabriqués dans la forge. 

Le 27 septembre 1757, Joseph Charançon, fermier du 


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marquisat de Germigny, donnait à sous-ferme à Guillaume 
Page, régisseur des forges et fourneaux de Grossouvre, la 
forge de Fonbardais, consistant en bâtiments pour les for- 
gerons, halles à charbon, magasins, soufflets, écluses, roues, 
marteaux, enclumes, casses, caracolles, cours d’eau et étang, 
et enfin 700 livres d’outils et ustensiles et quatre plaques de 
fonte pour les affineries. 

Le bail était fait au prix de 500 livres par an. 

Messire Pierre Babaud de LaChaussade, écuyer, baron 
de Frasnay, seigneur de Villemenan et de Guérigny, secré- 
taire du roi, maison et couronne de France et de ses finances, 
demeurant à Paris , rue Chariot , intervenait en personne 
dans le bail et se portait caution du preneur. 

La forge, comme bien d’autres, cessa de marcher à 
l'époque de la Révolution ; elle fut vendue , elle bien 
roturière , en même temps que l'aristocratique résidence de 
Château- Renaud , au profit de la nation , après l’émigration 
de Louis César, marquis de Bonneval , devenu marquis de 
Germigny et seigneur de Château-Renaud par son mariage 
avec Henriette de La Frezelière, fille de l'ancien premier 
lieutenant-général de l’artillerie de France, Hilarion Fréseau 
de La Frezelière, qui mourut à Château- Renaud le 2 janvier 
1777 et fut inhumé en l’église de Germigny. 

Aujourd'hui, sans dérogation aucune, Château-Renaud 
appartient à M. René de Maistre, officier supérieur d’artillerie, 
qui fut attaché à l’ambassade de Russie avec le général 
Chanzy. 

Quant à l’emplacement de l’ancienne forge, il a été livré 
à la culture , et la charrue rejette encore sur le sol ces débris 
de fonte qui st nommaient évents ou jets de coulée . 

MARTOU. 

Martou était un arrière-petit-fief qui relevait de la baronnie 
de La Guerche ; il était situé sur les limites des paroisses de 
Germigny et du Gravier; son territoire était riche en minerai 
t. n, 3 # série. 44 


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— 394 “ 

de fer, et au pied du coteau, qui formait une chaussée natu- 
relle , il existait un vaste étang. 

A une époque que nous ne saurions préciser, le détenteur 
du fief de Martou demanda au baron de La Guerche la licence 
de construire sur son étang un fourneau et une forge. 

Cette autorisation fut concédée moyennant 3 oo livres de 
rente annuelle et un contre-feu de fer de fonte. 

En 1 6 1 3 , Edme Chevane, fondeur en guise, établissait un 
fourneau sur l’étang de Martou. 

Dans un inventaire qui date de 1625, nous trouvons 
mentionnés, comme objets dépendant du fourneau, trois 
soufflets avec leurs cuirs et courroys, ringards, chaînes, 
balanceaux, chevilles, une grande romayne à peser guise 
garnie de ses pesées et grille. 

En 1639, noble Nicolas Rossignol, lieutenant-général à 
l’élection de La Charité , tuteur des enfants de feu Nicolas 
Coulon et de Marie de Fougière, vendait devant Riquelay, 
notaire à La Charité , le fief de Martou à noble Daniel de 
Fougière, écuyer, seigneur de Bussi (paroisse de Germigny). 

En i 65 o, il opérait l’amortissement de la rente de 
3 oo livres due à François de Tenon, baron de La Guerche; 
et la redevance annuelle du contre-feu de fonte était con- 
vertie en cent sols de cens, qui demeurait comme aveu de la 
suzeraineté due au seigneur de La Guerche. 

Neuf années plus tard , François de Fougière et dame 
Marguerite de Fougière, épouse de Pierre Jaupitre, héritiers 
de feu Daniel de Fougière, vendaient le fourneau et la 
métairie de Martou à Séraphin de Mauroy, seigneur de 
Saint-Ouen-sur-Seine, de Germigny et de Château-Renaud, 
conseiller du roi, intendant de ses finances, secrétaire de 
Sa Majesté, maison etcouronne de France. 

Martou se trouva incorporé ainsi à la terre de Germigny, 
laquelle fut adjugée aux requêtes du Palais à Paris au profit 
du marquis Brissonnet d'Oisonville , le 25 octobre i 683 . 

Celui-ci acquittait alors entre les mains de Henri Régnier, 
marquis de Guerchy et baron de La Guerche, une somme 


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de 1,200 livres pour profit des lods et vente, à cause des 
fourneau et domaine de Martou. 

S 

Aux archives de l'État, nous avons lu un bail consenti, 
le 16 octobre 1580, par René de Rochefort, du fourneau de 
Mareuil en Berry et des gisements de mines existants en 
cette seigneurie. 

Il y était notamment spécifié que, « au cas où il se trou- 
verait dans lesdites mynes et castines aucuns mestaux d'or, 
argent , estaing, plomb, cuivre : seraient tenus les preneurs 
d'en advenir ledit seigneur avant que d’en rien prendre et 
employer les proffits, à peyne d'estre deschus et frustrés pour 
le regard de ce du tiers qui leur appartiendra et qui leur a 
été accordé par le seigneur de Mareuil ». 

C’était là une condition de style qui s'écrivait par pré- 
voyance, mais qui, le plus souvent, ne trouvait guère son 
application. 

Néanmoins, il arriva plus d'une fois que les ouvriers 
employés à l’extraction des mines de fer se disaient entre 
eux : N’aurons-nous donc jamais la chance de trouver sous 
notre pioche quelque filon d’un métal plus précieux que 
celui du fer. 

Or, voici donc une légende que nous reproduisons telle 
qu’elle nous a été racontée : 

Il existe non loin de Martou un lieu nommé Arrangy, 
qui pourrait bien avoir emprunté son nom à Argenteum 
pour le latin et même à Argos pour le grec ; le fait est que 
le sol d’Arrangy est d’une entière blancheur. Les ouvriers 
de Martou s’avisèrent de vouloir expérimenter en secret les 
mines qui s’y rencontraient. Après les avoir fait griller par 
l'action de la fournaise, ils en retirèrent un beau lingot d’un 
métal qui les émerveilla; il était si blanc, qu’ils n'hésitèrent 
point à le prendre pour un métal d'argent ; mais courte fut 
leur joie : les officiers du roi soubz ombre du dixiesme , ou 


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- 3g6 — 

autres officiers du seigneur de Martou, se présen tirent 
inopinément au fourneau. A leur approche , le guisier crut 
prudent de précipiter le lingot dans l’étang, et ce trésor 
s’enfonça si profondément dans le marécage que onc on ne 
put le retrouver; la crédulité populaire l’y cherchera long- 
temps encore. 

En 1780, le fourneau de Martou fut éteint, et l’étang, 
transformé en terres labourables, ne produit plus que les 
trésors chers à l’agriculteur. 

COMMUNE DE PATINGES, 

ACTUELLEMENT COMMUNE DE T O UTERO N. 

RAGON. 

Nous avons dit que les forges à battre fer s’établissaient 
plus volontiers à l’endroit où déjà fonctionnait un moulin à 
blé. 

Cette remarque peut s'appliquer à la forge de Ragon, 
comme à celle de Haulte-Fière que nous rencontrerons 
bientôt à Jouet, toujours sur le cours de l’Aubois. 

Ragon, Alias Arragon, ou bien encore La Charnaye- 
Ragon, était un fief qui relevait de la comté de Nevers. 

Les eaux qui baignaient la tour du petit manoir de Ragon 
et faisaient mouvoir la roue de ses moulins, inondaient 
parfois, par leur retenue en amont, les prairies appartenant 
à l’abbaye de Fontmorigny; il y eut même en 1499 un 
procès qui finit par prendre fin au moyen d’un échange 
amiable. 

Jehan des Ruaulx , agissant comme ayant la garde noble 
de ses enfants, opérait en 1616 de notables réparations aux 
moulins de Ragon. 

En 1660, M ile de Marguerit faisait donation des biens 
qui lui étaient échus dans la succession d'Anne des Ruaulx, 
sa mère; on y trouve compris, entre autres choses, un moulin 
à blé et un moulin à battre fer. 


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— 397 — 

La tour féodale et la roue de la forge ont disparu. Il ne 
reste aujourd'hui qu'un moulin & faire farine. 

FEÜLAHDE. 

L'opulente abbaye de Fontmorigny ne négligeait rien de 
ce qui pouvait augmenter ses redevances. Non loin des 
mura du couvent , voulant faire emploi des mines qui 
abondamment se trouvaient dans ses appartenances terri- 
toriales , elle pensa de bonne heure à établir un fourneau 
auquel elle donna le nom de Feularde. En supprimant avec 
licence la consonne L , nous pourrions en proposer l’étymo- 
logie. 

§ 

En 1637, l'abbé de Marolles écrivait: » Nous vînmes 
coucher dans une abbaye de l'ordre de Citeaux, appelée 
Fontmorigny, appartenant à l'un des enfants de M. de Ville- 
donné, mais qui était alors contestée par un riche habitant 
de Nevers nommé Bouzitat. 

» Le monastère est situé dans la solitude des bois. Je vis 
dans les alentours plusieurs forges de fer . Le lendemain 
nous fûmes passer la Loire en bateau pour aller à Nevers 
saluer M** la princesse Marie... » Nous sommes presque 
fier en disant que notre cher abbé de Marolles a passé par là. 

En 1698, les seigneurs de Sauvage, du Rochy et autres, 
qui avaient des fourneaux à pourvoir, connaissant toute la 
richesse minière que recélait le territoire de Fontmorigny, 
adressèrent une requête à la cour des aides, en empruntant 
sans vergogne le nom des abbés et du couvent, < à l'effet 
d’être autorisés à prendre des mines à faire fer dans diffé- 
rentes pièces de terre de labbaye, toutefois après que le 
fermier du fourneau de Feularde aurait été préalablement 
fourni ». 

Il fut fait droit à la requête ; mais le couventîjprotesta 
contre l’arrêt , attendu qu’il n'avait donné aucune autori- 


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— 3g8 — 

sation pour prendre mines sur ses appartenances , attendu 
encore que si les propriétaires ou fermiers des fourneaux 
circonvoisins s'ingéraient à pratiquer un tel droit , le prix 
des fers se trouverait sous peu réduit à rien . 

Le prieur dom Longchamp, assisté des religieux (i), 
donnait en même temps à Langellerie , procureur à Paris, 
la mission de formuler un complet désaveu et d’obtenir des 
dommages et intérêts. 

Comme il arrivait en maintes circonstances , le procès se 
termina par un accord qui sans doute satisfit les intéressés. 

En 1774, Gabriel Velu était à la fois régisseur du four- 
neau d'Imphy et de celui de Feularde, où il démeurait. 

Il était appelé concurremment avec Etienne Bureau, 
régisseur des forges et fourneau de Torteron , et Jean 
Ponceau , marchand de bois à Milly, à faire en justice une 
déclaration concernant certains usages pratiqués par les 
bûcherons au détriment des charbonniers. 

Cet acte de notoriété, au point de vue moral, nous paraît 
assez tristement intéressant pour que nous en donnions la 
teneur. Il y est dit: < Que de tout temps l’usage a été que ce 
fût le charbonnier qui levât les cordes fabriquées par les 
bûcherons, et que s’il est arrivé quelquefois que les bûcherons 
aient levé les cordes avec le charbonnier, ce n’était que par 
infraction à la règle et par abus. 

» Que cet abus a pris sa source dans la mauvaise foy et la 
méchancesté des bûcherons , soit que par leurs menaces ils 
inspirassent de la crainte au charbonnier, soit, dans leur 
intérêt respectif. 

» Qu’il est arrivé encore que les bûcherons étant en plus 
grand nombre et par conséquent les plus forts, ils aient fait 
la loy tant au charbonnier qu’au marchand . 

» Qu’en travaillant eux-mêmes à lever leurs cordes, ils les 
font de manière qu’elles ne soient point de mesure, soit en 

(1) Ces religieux étaient: dom Bernard de La Garde, sous-prieur; 
dom Louis Lemoine, dom Guillaume Théon , procureur et cellérier. 


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— 399 — 

les plaçant sur des souches, soit en croisant leurs bois, soit 
enfin en mettant au milieu des cordes des brides de ramier. 

» Bref, que c'est au charbonnier à lever les cordes; car les 
bûcherons ne font jamais les cordes telles qu’elles doivent 
être; qu'au surplus dans le Berry, comme dans le Nivernais, 
on n'a jamais connu la méthode de croiser le bois en l’empi- 
lant. 

» Qu’enfin la règle marchande est que la corde doit avoir 
trois pieds de longueur sur quatre de hauteur. > 

Ce document, écrit en entier de la main de Velu, ne 
manque point d’enseignements à l’adresse des économistes et 
des humanitaires ; et comme, malgré nous, nous sommes 
forcé de faire un peu de biographie, nous dirons que Jean 
Ponceau, ci-dessus nommé, était maire de la commune de 
Patinges, lors du dépouillement de l’église, opéré le 
i* r novembre 1793 par les délégués de la Société populaire 
de La Guerche, : et que Gabriel Velu , étant maire de Saint- 
Germain, sut énergiquement résister aux injonctions des 
administrateurs du district de Sancoins qui réclamaient, 
comme métal avantageux à la République , les trois cloches 
de la ci-devant église, qifil avait cachées dans sa maison 
pour les restituer en 1806. 

TORTERON. 

Torteron fut primitivement un petit prieuré dépendant 
des chanoines de Saint-Martin de Nevers ; en tant que 
prieuré, il avait sa chapelle qui était dédiée à sainte 
Catherine ; en tant que fief, il avait sa justice; et au nombre 
de ses baillis , nous sommes fier de rencontrer Guy-Coquille 
(1578-1584). Il était autorisé à tenir ses assises dans la cour 
même du palais épiscopal ; nous ne supposons point qu’un 
orme y fût planté. 

En 1193, le seigneur Odon de Montfaucon possédait un 
chemin qui, partant de sa seigneurie, passait sous les vignes 
de l'abbaye de Fontmorigny, pour aboutir aux planches de 


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— 400 — 


Torteron, sur l’Aubois. L'usance de ce chemin donna lieu, 
comme toujours, à plusieurs discords ; bref, Odon finit par 
faire l'abandon de ce chemin en donnant la permission 
d'établir un étang sur le parcours. 

En 1216, l’archevêque de Bourges confirmait quelques 
donations de terres et de prés au-dessous du moulin de 
Torteron. Nous devons naturellement en conclure que dès 
avant il avait été édifié sur l'étang un moulin à faire farine 
ou à battre fer qui avait été concédé à Saint -Martin de 
Nevers. 

Nous voyons aussi que le ruisseau, rivulus de Tortonio, 
inondait trop souvent le pré de Fontmorigny, dictum pratum 
de bovibus , de sorte que ce pré qui voulait rapporter de bons 
foings ne voyait plus croître que des rauches. Deux meu- 
niers, Hugues de Patinges et Amelius de Charenton, par- 
vinrent à amortir le procès (1 339). 

La petite forge de Torteron fabriquait du fer et de l'acier. 

Nous y trouvons en 1610 Jehan Mut, et Laurent Mut 
en i 63 i; l'un et l'autre sont maîtres assiérons . François 
Goyre, grenetier au grenier à sel à La Charité, en était 
l'accenseur principal. 

En 1 63 1 , Edme Goyre, fils de François, demeurant à 
Feularde, s’adresse à Laurent’Mut et le somme de lui forger 
et faire le plus d'acier qu'il pourra , ainsi que le comporte 
son bail, et lui dit qu’il a vendu quantité de milliers d’acier 
à ung marchand , et que le terme de la livraison est sur le 
point d’expirer. 

Laurent Mut répondait : < Ne peux faire acier, attendu 
que dans l’étang il n’y a plus d’eau que pour huit Jours. » 

En 1610, les droits seigneuriaux du fief de Torteron 
furent aliénés par MM. de Saint-Martin de Nevers, au profit 
de Jean Després, qui obtenait plus tard des lettres de relief 
pour sa noblesse (1 632). 

En 1736, la seigneurie de Torteron était entre les mains 
de Pierre Leveillé du Fournay, qui se trouva posséder alors 
la forge de Torteron et celle du Crottay. 


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— 4 01 — 


En 1758, il établissait un nouveau fourneau à cuire la 
mine de fer . L’inauguration en fut faite avec toutes les 
cérémonies conformes à l’usage (1). Une pierre commémo- 
rative, gravée en gros caractères, était incrustée dans la 
construction ; un fragment en a été recueilli il y a quelques 
années. On y lit : 

i’ay etb p. 

1758 PAR D ,,e JEANNE 
ELISABETH DV FOVR. 

Élisabeth Bernot de Charrant était alors épouse de Pierre- 
Noël Leveillé du Foumay. Leur fille Jeanne-Elisabeth fut 
conjointe par mariage à Ai mable-Charles de Champs, sei- 
gneur du Creuset , qui devint ensuite propriétaire des four- 
neaux de Torteron et du Crottay. 

En 1822, Torteron était encore en la possession de la 
famille du Fournay quand Louis Boigues, fondateur de 
Fourchambault, en fit l’acquisition. 

Dès-lors commença pour Torteron toute une ère de prospé- 
rité industrielle. Les soufflets ou machines soufflantes plus 
ou moins perfectionnés firent place à la soufflerie ayant pour 
auxiliaire la machine à vapeur ; l'ancienne roue hydraulique 
fut abandonnée, les étangs de Feulardeetde Torteron furent 
mis à sec. 

Les premières machines à vapeur que l’on vit fonctionner 
dans ces deux fourneaux provenaient de Meath-Abbey, au 
comté de Galles. En même temps la compagnie de Four- 
chambault faisait venir d'Angleterre des ingénieurs avec 
mission de transformer les fourneaux au bois et d'établir des 
mouleries sur une grande échelle. 

M. Grefith fut préposé aux fourneaux de Fourchambault 
et M. Rees aux fourneaux de la rive gauche de la Loire. 

( 1 ) A chaque mise en feu du fourneau du Chautay, il était dû deux 
sacs de charbon au curé de la paroisse ; celui-ci était tenu de dire une 
basse messe. 

t. 11 , 3 # série. 45 


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— 4°2 — 

Les fourneaux de deuxième fusion, dit fourneaux à manche 
ou à la Wilkinson, fonctionnèrent avec succès. 

Torteron vit successivement augmenter le nombre des 
hauts-fourneaux en remplaçant le combustible végétal par le 
combustible minéral. Il eut le n® i, le n° 2 et son n° 3, 
comme vocables de ses fourneaux. 

Néanmoins, Feularde et Torteron marchèrent au bois 
jusqu’en 1840. Après quoi, ils furent transformés pour 
marcher avec un mélange de coke et de bois. 

Vers 1860, on n’employait plus que le minéral pur, 
quand le fameux traité de commerce avec l'Angleterre vint, 
en diminuant les droits protecteurs sur la fonte anglaise, 
porter un coup mortel aux hauts-fourneaux de nos contrées. 

Sous la direction d’habiles ingénieurs, MM. Georges et 
Achille Dutaud, Fournier, de Clervaux et Chauveau, l’usine 
de Torteron acquit une juste renommée. Ses premiers mou- 
lages acquirent une très-grande importance dès i 832. Elle 
eut pour fidèle cliente la ville de Paris, à laquelle elle livrait 
sans cesse ces innombrables tuyaux qui* sillonnent son sol 
souterrain. 

La fonte mixte servait à la fabrication des coussinets pour 
les chemins de fer et des projectiles pour l’artillerie. 

Des moules de Torteron sont sonies les arches des ponts 
du Cubzac et du Carrousel, et la glorieuse colonne de 
Juillet. 

La France et l'Espagne réclamaient bien des kilomètres de 
tuyaux. M. de Clervaux inventa alors une ingénieuse 
méthode pour leur moulage ; elle consistait à placer vertica- 
lement à fleur de terre les moules destinés à recevoir la 
coulée , de telle sorte que l’opération devenait plus rapide et 
permettait à la fonte de se répartir plus également quelle ne 
pouvait le faire dans un moulage placé horizontalement. 

Grâce au zèle et à l’intelligence de M. Dorguin qui, pen- 
dant de longues années, tout en demeurant le régisseur 
inamovible de l’établissement , remplissait les fonctions de 
maire de Patinges, Torteron, dignement favorisé par la 


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— 4o3 — 

compagnie de Fourchambault , parvint à conquérir une 
véritable importance communale. 

Torteron qui, en 1822, ne comptait que cinq ou six 
maisons, parvint, cinquante ans après, à posséder une popu- 
lation de près de 3 ,ooo âmes. 

Torteron eut son église , ses écoles , son hospice , son 
kiosque pour l’orphéon, ses trottoirs et ses boulevards. 
Torteron eut ses canons, Torteron prit officiellement le nom 
de ville. 

Et pourtant aujourd’hui Torteron n’est plus. Il a vu 
transporter impitoyablement sa richesse et son importance à 
Montluçon, devenu le seigneur suzerain de Fourchambault. 

Rien n'est immuable ici-bas, et déjà il est possible de 
prévoir le moment où , obéissant à une économique attrac- 
tion, Fourchambault se verra contraint de déverser son 
industrie et son immense outillage sur ce centre houiller 
qui s'appelle Montluçon, en attendant qu’après avoir épuisé 
ses ressources minéralogiques, Montluçon disparaisse à son 
tour. 

Hélas f pourquoi devons-nous ajouter que si Torteron a 
eu ses jours de fêtes et de prospérité , il a connu aussi des 
jours néfastes. 

Si Torteron a célébré avec pompe de glorieux anniversaires, 
s’il a reçu avec éclat d’éminents visiteurs, Torteron a eu 
aussi son martyrologe. 

Un matin, trois jeunes garçons qui, pour être plus tôt 
prêts à se rendre à la fête d’un village voisin , avaient eu 
l’imprudence de passer la nuit couchés derrière une étuve à 
sécher les moules, étaient trouvés morts asphyxiés. 

Un autre jour (le 6 janvier i 863 ), sept malheureux 
ouvriers succombaient torréfiés par la fonte liquide qu’ils 
transportaient sur un wagon mal équilibré. 

Enfin, en 1869, on vit arriver de Fourchambault des 
énergumènes qui , se répandant violemment dans l'intérieur 
de la fonderie , éteignaient le feu des fours et renversaient 
tout de leurs mains forcenées. 


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— 4<>4 — 

Aujourd’hui Torteron n’a plus à redouter les grévistes 
politiques; l’établissement est désert comme un Hercu- 
lanum ! 

SAINT-GERMAIN-SUR-L’AUBOIS , 
aujourd’hui jouet. 

LE FOURNAY. 

Le territoire de Jouet était un annexe à la baronnie de La 
Guerche. 

Il n’exista tout d’abord, sur la rive gauche de l’Aubois, 
qu’une métairie dont nous trouvons mention en 1176, sous 
le nom de Grangia de Johamet. Nous osons présumer que 
par abréviation Johannet a fait Johet , qui définitivement se 
transforma en Jouet . 

Sur le cours de la rivière qui , à une lieue plus loin , va se 
jeter dans la Loire, il avait été construit au moins deux 
moulins que nous signalent les chartes de Fontmorigny. Le 
premier, molindinum quoi corticem verberat , était au 
douzième siècle un moulin à tan; le second se nommait 
molindinum de alta feria , qui est traduit par Altefert — 
Altefière. 11 finit de concession en concession par devenir la 
propriété exclusive de l’abbaye (1190). 

Sans trop préjuger sur la question, nous supposons que 
ce moulin servait aux fourneau et forge qui y furent établis. 
Le fait est que le sol de Jouet ne peut être creusé sans que 
profondément on ne se trouve en présence de couches de 
laitiers qui y ont été répandus de toute ancienneté. 

En 1476, Robert de Bar, baron de La Guerche, et par 
conséquent seigneur de Jouet , faisait accord avec Fontmo- 
rigny au sujet du péage qui s’exerçait au passage des 
planches de la forge de Jouet. Ledit seigneur donnait 
dispense aux hommes du couvent de venir faire guet et 
garde à son château de La Guerche ; et , par suite , les 
manants n’avaient plus en passant le gué de la -Jorge qu’à 
acquitter la moitié de la redevance due à la baronnie. 


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— 405 — 

Non loin de là se trouvaient le fief du Plessier, ou du 
Fournay, et le fief du Crottay, qui tous les deux avaient 
forges et fourneaux. Nous trouvons en 1 5 57 Jeanne 
Trézard , alors épouse de Paul Leclerc , succéder à son père 
pour l’exploitation du fourneau du Crottay. 

En 1605, honorable homme Jehan Tréhard était maître 
dudit fourneau; il mourait en 1612 et était inhumé en 
l’église de Saint-Germain, sa paroisse. Voici son épitaphe 
écrite sur une pierre qui avait été incrustée sans respect pour 
une peinture murale qui représentait saint Christophe, et 
qui elle-même avait été échancrée lors de l’appropriation de 
l’église en arsenal: 


CI-GIST . DÉFVNT . IEHAN . 

TRÉHARD . VIVANT . MAISTRE . DE . FOR 
GES . DEMEURANT . AV . FORMAT . PAROISSE 
DE S '-GERMAIN . LEQUEL . EST . DÉCÉDÉ LE 

JUNG . l6l2 . LE . DIT*. 

MONUMENT . A . ESTÉ . FAICT . A . LA . SUS 
CITATION . DE . HONNESTE . FEMME 
MICHELLE . PIERRE . FEMME . DU . D1CT 
DÉFUNT . TRÉHARD . PRIEZ . DIEU 
POUR . SON . AME . AMEN . 


S 

Nous avons déjà vu que les consentement et licence de 
créer ou d’apporter des modifications notables aux forges et 
fourneaux, devaient être obtenus des seigneurs suzerains. 
Aussi voyons-nous devant Sacré, notaire à Nevers, inter- 
venir, le 17 septembre 1610, un arrangement entre Étienne 
de Tenon, baron de La Guerche, et le seigneur du Fournay, 
relativement à la forge du Crottay. 

En 1707, Pierre Leveillé, seigneur du Rochy, qui tout en 
maintenant dans ses armes parlantes une cigogne et sa 
vigilance , prit le nom de du Fournay, soutenait concur- 
remment avec Joachim Courtois, clerc, c’est-à-dire commis 
à ladite forge, un procès qui durait depuis trente-deux ans 


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devant le bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier, lequel avait 
pourtant la réputation proverbiale de mener activement les 
affaires, au fait de pendaison. 

Ce procès concernait un réglement des eaux de PAubois. 

En iy 5 o, Pierre Brenon , marteleur, exploite la forge du 
Crottay; aux termes de son bail, il était tenu de rendre 
contre i, 55 o de fonte un millier de fer selon l'échantillon 
demandé; le fer défectueux ou de rebut demeurait pour son 
compte. 

Le bailleur était Pierre-Noël Leveillé, sieur du Fournay, 
ancien mousquetaire du roi. 

Celui-x:i s’obligeait à payer au preneur 40 livres pour 
chaque millier de fer qui serait produit, et 5 o livres pour le 
fer provenant de la ferraille. 

Les huiles pour relevage des soufflets, les graisses et 
cambouis, les manches des marteaux, bras, coins, cornes et 
sabots, demeuraient à la charge de Bernon, qui devait 
nourrir le souffletier; mais M. du Fournay acquittait les 
frais des voyages faits pour se procurer des ouvriers; le 
souffletier était payé à raison de 25 sous par journée. 

Vingt ans après, nous trouvons à la forge Gabriel Velu , 
qui à la Révolution devint maire de la commune de Saint- 
Germain, dont le nom agiologique avait été changé contre 
celui de la Canonnière. 

Le représentant du peuple Ferry, revêtu des pouvoirs 
sans limites que la Convention nationale lui avait délégués , 
avait en ventôse an II décidé que la ci-devant église de 
Saint-Germain-sur-l'Aubois , déjà érigée en temple de la 
raison, serait débarrassée de tous les objets qui emplis- 
saient sa capacité , afin de la rendre libre pour une fonderie 
de canons. 

Par suite, le i* r prairial an II, la commune de Neuvy-le- 
Barrois recevait injonction d’avoir à cuire 20 milliers de 
briques destinées à l’aménagement du four; et le 14 du 
même mois i,95o briques étaient conduites à Apremont 
pour la même destination. 


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— 4®7 — 

La direction des travaux et de la fonderie étaient confiée à 
J. -B. Robert (i), agent du Gouvernement, qui en même 
temps créait à Nevers une fonderie nationale sur remplace- 
ment du couvent des Capucins. 

Il préposa à la Canonnière un contre-maître du nom de 
Moreau , qui accidentellement devait perdre une de ses 
j ambes au milieu de ses périlleux travaux (2). 

Bien qu'elle eût pris le nom retentissant de la Canonnière, 
la commune n'en continua pas moins à ne posséder pour 
toute artillerie que des boites chargées d'annoncer que la 
flamme commençait , alors que l'on célébrait des anniver- 
saires ou des événements politiques avec des feux de- joie! 

§ 

Les fers et fontes provenant de Feularde, de Torteron, du 
Crottay, étaient transportés sur les bords de la Loire; avant 
d'être embarqués , ils étaient soumis à une pesée; le lieu où 
elle s’opérait a pris le nom du Poids-de-Fer qu’il porte 
encore (3). 

Il fallait seize hommes pour remonter un bateau chargé 
de 26 milliers de fonte. 

Les chargements étaient soumis aux droits féodaux du 
péage exercés par les seigneurs riverains. Ces redevances que 
la monarchie s’appliqua à réduire et à supprimer étaient, 
en 1 555 , de 2 sous 6 deniers par chaque millier, au détroit 


(1) Ami des frères Montgolfier, Robert fut un des deux navigateurs 
qui osèrent entreprendre une ascension au moyen d’un aérostat. 

(2) U nous a été raconté que lorsque des visiteurs venaient dans 
sa fonderie, Moreau se plaisait à prendre de la fonte sur ses deux 
doigts, en faisant le simulacre de la porter à sa bouche pour la 
goûter. 

( 3 ) Le Poids-de-Fer était de la paroisse de Dompierre-sur-Loire ; 
cette paroisse a été supprimée en 1757 pour faire partie de la paroisse 
de Saint-Germain-sur-l’Aubois. Cura de damna Petra — presentatio 
Priotis albiniensis. Il a été ouvert une carrière de pierres sur l’em- 
placement de l’ancienne église. 


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— 4°8 — 

d’Orléans. Le soufflet de forge transporté par eau devait 
acquitter 2 livres tournois. 

Les mines de toute nature formaient une partie des 
richesses du royaume. Nos rois, tout en favorisant l’in- 
dustrie et en instituant les corporations au faict des mar- 
chandises, n’oublièrent point de travailler à l’accroissement 
des revenus de l’État. Jusqu’à la fin du quatorzième siècle, 
l’exploitation des mines avait été au pouvoir des seigneurs 
féodaux; mais en 1413 cette prérogative fut proclamée 
inhérente à la royauté. 

Le Trésor prélevait le dixième sur toutes les extractions de 
mines. 

En vain les propriétaires de nos contrées, lors de la 
convocation des États-Généraux de 1614, réclamèrent-ils 
l’abolition de ce droit , leurs remontrances ne furent point 
écoutées, et le droit persista jusqu’à l’époque de la Révo- 
lution. La loi du 21 avril 1810 fut ensuite promulguée; 
c'est elle qui règle encore aujourd'hui ce qui est appelé le 
régime des mines. 


OBSERVATIONS FINALES. 

En cherchant encore dans les sablons du gratissoire et 
dans les lavoirs ou patouillets , nous eussions pu sans doute 
rencontrer quelques minces épaves de fonte ou de mine; 
mais après notre marche assez pénible à travers les sentiers 
peu fleuris qu’arrose l’Aubois aux abords de nos forges et 
fourneaux, nous avons pensé qu’il était temps de terminer 
notre pèlerinage historique. 

Il nous restait pourtant à examiner les choses au point 
de vue économique et les hommes au point de vue physio- 
logique. 

Nous eussions alors assisté à cette revue des divers tra- 
vailleurs qui , dans un labeur commun , concouraient à 


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— 409 — 

constituer cette ruche industrielle qui se nomme une usine 
sidérurgique. 

Nous eussions vu passer les miniers ou mineurs que Ton 
appelait les Pieds-Jaunes. 

Pénétrant au milieu des bois d’alentour, nous eussions 
rencontré les bûcherons, les dresseurs de cordes et les 
charbonniers, qui gardaient fidèlement le mystère d’affi- 
lifction à leur métier, en même temps qu’ils professaient 
une grande vénération pour monsieur saint Thibault , leur 
patron. 

Nous eussions aperçu le chartier- de- bats portant, en 
triple torsade autour du cou , son long fouet au manche si 
court. 11 passait quelque peu pour être sorcier, par le motif 
qu’il lui suffisait d’une note de sa voix rauque, pour 
assembler tous ses mulets et cavales décharnées, trop 
souvent en délit sur le terrain d'autrui. 

Nous eussions vu , près du fourneau , l’orgueilleux 
fondeur qui exerçait sa suprématie sur l'équipe des ouvriers, 
et considérait comme bien peu les clercs, les commis, les 
plumitifs de la régie. 

Le fondeur se prétendait aussi dépositaire de certains 
secrets professionnels; et le dimanche, quand il avait à 
renouveler ses feux , il avait soin de dissimuler les petits 
bois dont la mesure, ignorée de tous , même des ingénieurs 
en titre, servait à la préparation des creusets. 

Enfin , nous eussions assisté au dénombrement des mar- 
tauteurs ou marteleurs, — des affineurs, — des affoureurs, 
— des bouqueurs ou bouquatiers , — des castiniers , — des 
guisiers, — des mouleurs, — des briquetiers, — des 
acierrons , enfin de tous ces travailleurs dont la corporation 
avait pour patron saint Éloi, dès le temps reculé où Étienne 
Boileau publiait son livre des métiers , et accordait une 
importance considérable à l’œuvre de la forge. 

Oh ! la Saint-Eloi était un grand jour de liesse pour la 
corporation des forgerons, qui acceptaient volontiers le sur- 
nom réaliste de gueules noires. 

t. n, 3 * série. 46 


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— 4 10 — 


Par une pratique dont le symbole rappelait le paganisme, 
au jour de la fête, le marteleur ne manquait point de placer 
sur l'enclume transformée en autel antique une offrande 
consistant en un pain bénit et en un verre rempli de vin : 
Illud quod amabat ! Alors devant les ouvriers assemblés la 
roue hydraulique mise en mouvement soulevait le lourd 
marteau orné de fleurs qui, au milieu des cris de joie, venait 
s’abattre sur le pain et le vin. 

Dans les festins de Rome , les convives aussi étaient cou- 
ronnés de roses. 


En produisant cette notice aride et hérissée de millésimes 
puisés à bien des sources diverses , nous n'avons point eu la 
prétention de nous ériger en initié sorti du cours technique 
de quelque école des mines. Nous avons négligé d’obéir aux 
ci-devant royales ordonnances, comme à la loi du io mai 
1810; nous n'avons livré ni plans de lieux, ni coupes ou 
dessins de machines en triples exemplaires. 

Nous nous sommes proposé seulement d’acquitter un 
faible tribut à l'histoire locale de nos contrées, en établis- 
sant que les siècles passés, malgré les événements qui les ont 
troublés, n’ont pas toujours été indifférents à l'industrie 
métallurgique. 

En remontant à l'époque romaine, si nous ouvrons les 
Commentaires , nous y verrons que les Bituriges savaient 
mettre en exploitation les mines abondantes qui existaient 
sur leur territoire, et qu’ils appliquaient à la défense d’Ava- 
ricum l'art de creuser les galeries souterraines. 

Nous ne pouvons mettre en doute qu'à ces époques loin- 
taines les minerais n’aient été recherchés dans les gisements 
qui avoisinent l’Aubois. Il y a vingt-cinq ans, un jeune 
ingénieur, M. Beau, préposé au fourneau du Chautay et à 
l'extraction des mines environnantes, voulut faire procéder 
à l'abattage de quelques galeries abandonnées depuis des 
siècles; or, il eut la joie d’y recueillir des médailles datant 


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du commencement de l’empire et de notables fragments de 
poterie dite de Samos ! 

Oh! la bonne et respectable archéologie saura toujours 
nous livrer bien des secrets ; son empire est éternel ! 


FORGES ET FOURNEAUX. 

APPENDICE. 

Pour accomplir sa tâche aussi fidèlement que possible , le 
monographe ne saurait négliger le détail. Nous avons donc 
encore à signaler çà et là quelques vestiges de forges et four- 
neaux sur le territoire cantonal de La Guerche. 

Commune d'Apremont. — Il existe un domaine qui se 
nomme le Boucard . Il s'y trouve un vaste étang avec une 
forte chute d’eau qui fit longtemps mouvoir la roue d'un 
moulin à blé. Nous devons rationnellement supposer que là 
fut autrefois établi un fourneau avec un boucard qui broyait 
le laitier, afin d’en extraire le fer de fonte qu'il détenait. 

Commune de Cuffy. — Dans un bois cadastré sous le 
nom de Bois-Midi on découvre des scories qui indiquent 
l’existence ancienne d’une de ces forges primitives dites 
forge à bras . 

Près du domaine de la Douât , dans les bois Clercs , qui 
furent en 1466 abandonnés par Jean, comte de Nevers, aux 
pauvres humbles et obéissants hommes et sujets habitants 
de Cuffy qui avaient été au loin dispersés par fortune de 
guerre, il existe un petit canton qui se nomme les Laitiers. 
Us indiquent suffisamment leur origine. 

§ 

On n'est point parfaitement d'accord sur l’époque oh les 
moulages en fonte firent leur apparition. Cependant, dans 


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— 4 12 — 


un inventaire dressé au château d’Apremont en 1497, nous 
trouvons la mention de deux couleuvrines en fer de fonte. 

Dans nos contrées , il convient d'admettre que , parmi les 
ouvriers de fourneau, il se sera par intervalle rencontré quel- 
ques mouleurs assez habiles pour produire des œuvres de 
fonte autres que des guises à faire fer. 

Le fourneau de Martou, au commencement du dix-sep- 
tième siècle , devait chaque année livrer une taque de fonte 
au seigneur du fief. 

Dans divers fourneaux on coulait des landiers , des mar- 
mites, des poids pour balances et pour horloge, et même des 
gonds de porte. 

Nous avons retrouvé un grand nombre de garde-pots ; ils 
sont tous munis d’un pédicule terminé invariablement par 
une fleur de lys, comme l’aiguille de la boussole. Nous avons 
aussi recueilli des objets similaires que nous désignerons 
sous le nom de grille-pain ! Nous savons du reste que les 
mariniers de notre Loire avaient une grande prédilection 
pour le ramequin ; c’est ainsi qu’ils appelaient le pain grillé 
et trempé dans le vin. 

Le curieux bénitier de l’église de La Chapelle- H ugon et les 
dalles de fonte qui recouvrent le tombeau de François 
Durand de Grossouvre sortent du fourneau voisin. 

Nous pourrions aussi signaler un grand nombre de taques 
ou contre-feux sortis de nos fourneaux à différentes époques. 
Il en était fait plusieurs moulages à la fois. Leur exécution 
n’est point toujours parfaite : on devine que le mouleur a 
usé de tâtonnements et qu’il n’a point économisé la matière. 

Ces taques sont presque toutes armoriées. 

Voici le blason de Louis de Guerchy, baron de La Guerche, 
avec ses six tourteaux ou ses six besants. Le mouleur, en 
intervertissant le chiffre du millésime , a commis un ana- 
chronisme. y 

Voici le blason des Foucher, seigneurs de Salles. 

Voici la grue et sa vigilance réclamée au fourneau du 
Crottay par Léveillé, seigneur du Fournay. 


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— 4 i3 — 

Voici les armoiries de du Ligondès, seigneur du Chautay. 

Et encore le blason d’un abbé de Fontmorigny qui por- 
tait gentiment trois boutons de rose sur fond d’argent. 

Il y aurait sans doute toute une étude à faire sur ces pages 
de fonte héraldiques dispersées dans notre contrée; nous 
osons l’indiquer aux chercheurs de l’avenir et aux jeunes 
hommes de bonne volonté. 

L. ROUBET. 


LA CINQUIÈME CROISADE 

ET LES CHEVALIERS TEUTONIQUES EN NIVERNAIS. 

Rechercher dans les chroniques contemporaines quelle fut 
la part prise par le comte de Nevers à la cinquième croisade, 
quelles relations s’établirent entre les chevaliers qu’il avait 
amenés avec lui en Égypte et l'ordre des Chevaliers Teuto- 
niques qui, à la suite de cette expédition, eut des possessions 
et créa des établissements en Nivernais, enfin exposer d’après 
les titres qui nous en sont restés l’histoire de ces établisse- 
ments, tel est l’objet du présent travail. 

Lorsque le comte Hervé, qui avait pris la mer à Gênes (i), 
arriva devant Damiette, vers le 28 octobre 1218, date qui 
résulte de la suite des événements rapportés par les diverses 
chroniques, depuis cinq mois déjà les premiers croisés , sous 
les ordres de Jean de Brienne, l'intrépide roi de Jérusalem, 
avaient commencée siège de cette place. L’armée qui avait 
débarqué s’était établie sur une île située en amont de la 
ville, entre la rive gauche du Nil (Damiette étant sur la rive 
droite) et un ancien canal allant du fleuve à la mer (2). Le 

(1) De Lespinasse, Hervé de Donçy, p. 67. 

(2) Paul Meyer, la Prise de Damiette en 121g, Bibliothèque de 
V école des chartes 1877, p. 5 14 et 5 1 5 . 


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— 4*4 - 


24 août , après une première attaque infructueuse qui avait 
eu lieu le i* r juillet, elle s'était emparée d’une tour défendant 
au moyen de chaînes la navigation du fleuve au milieu 
duquel elle était construite ( i). De fréquents combats avaient 
eu lieu entre l'armée assiégeante et l'armée du Soudan 
d'Égypte qui cherchait à dégager la place assiégée , et , le 
26 octobre, les Égyptiens étant venus attaquer les croisés 
dans leur camp retranché , n’avaient été repoussés qu’après 
un combat acharné; aussi, l'arrivée de nouvelles troupes 
fut-elle un sujet de joie et d'espérance pour les compagnons 
du roi de Jérusalem. C'était, en effet, un renfort important 
composé de Français, d'Anglais et d’Italiens, qui débarquait 
en même temps que le comte de Nevers (2). 

(1) Gesta obsidionis Damiate. (Quinti Beili sacri scriptores minores , 
ed. Rohricht, p. 75 et 76.) Johannes de Tulbia. De Johanne rege 
Jérusalem . [Ibid., p. 120.) Liber duellii christiani in obsidione Damiate, 
(Ibid. % p. 144.) Ernoul, ed. de Mas Latrie, p. 416. 

(2) « Et dum hec agerentur, magister Robertus de Cursone, vir 
nobilis et potentissimus et cornes de Ni versa, vir eg régi us et prudeas, 
et xnulti milites de Francia et Anglia et aliis Galliarum parti bu s ad 
Damiate portum, virtute Domini pervenerunt; gavisi sunt namque 
Christiani ingenti letitia. » Gesta obsidionis Damiate . (Rohricht. 
Quinti beili sacri scriptores minores , p. 7Q.) 

« Post hec applicuit magister R. de Cursionecum comité de Niversa 
et cum multis militibus de Francia et Anglia. a Johannes db Tuuwa. 
De Johanne rege Jérusalem . ( Ibid ., p. i 3 i.) 

c Post hec applicuit Ruodpertus de Crusione (Robertus de Cursone) 
cum Tubernense (Nivernense) comité et comité de Marchia qui multos 
secum adduxerunt commilitones de Gallia et Anglia. » Liber duellii 
christiani in obsidione Damiate. (Ibid., p. 146.) La nationalité alle- 
mande du chroniqueur se décèle dans Tétrang^défiguration qu’il fait 
subir aux noms propres. 

a Herveus cornes Nivernensis, mare transito, cum multo nobilium 
comitatu circa festum Apostolorum Simonis et Jude applicat Damie- 
tam. 9 Robert Abolant. ( Testimonia minora de quinto bello sacro, ed. 
Rohricht, p. 81.) 

a Subjugata autem turre Damiate, venerunt ad passagium sancte 
Crucis quod tune instabat, de diversis mundi partibus peregrini multi. 
Inter quos venit Pelagius, Albanensis episcopus et Apostolice Sedis 


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A la même époque arrivaient les deux cardinaux légats, 
Robert de Courson , qui mourut bientôt, et dont tous nos 
chroniqueurs célèbrent à l'envi la science, la piété, les 
vertus, et Pélage, qui prit le commandement effectif de la 
croisade, malgré les droits qu'y avait le roi de Jérusalem. 
Cette usurpation fut amèrement reprochée au légat, au dire 
des chroniqueurs aussi bien que des poètes : « Li cardinals 
Robiers i fu mors, et li cardinals Pelages vescui, dont ce 
fu grans damage, et moût il fist de mal , » dit énergique- 
ment Ernoul dans son intéressante chronique (i). Pélage 
fut, par son impéritie, cause du déplorable résultat de 
l'expédition. 

Nous avons peu de détails sur les actions du comte de 
Nevers au siège de Damiette ; pour y suppléer, nous allons 
résumer rapidement les principaux événements qui eurent 
lieu pendant son séjour à l’armée des croisés. 

Du 29 novembre aux premiers jours de décembre, le camp 
des chrétiens eut à subir une violente et désastreuse tempête; 
il fut inondé par les eaux du Nil qui détruisirent une partie 
des travaux de défense faits pour le protéger contre les atta- 
ques des Sarrasins du dehors ; les tentes furent arrachées par 
le vent, les approvisionnements de toute nature gâtés , et un 
grand nombre de vaisseaux chrétiens furent engloutis par la 
mer soulevée. A la suite de cette tempête, les maladies 
décimèrent l'armée (2). 

legatus cum magistro Roberto de Curcum , viro sancto et nobili et 
clerico nominis celeberrimi et Romane ecclesie card inali, natione 
Anglico, et Romanis multis. Venerunt et episcopi multi cum comité 
Nivernensi qui, dico cornes, postea, imminente Christianorum peri- 
culo, turpiter recessit. » Mathieu Paris. ( Testimonia minora, p. 55 .) 

(2) Chronique d’EaiiouL et de Bernard Le Trésorier , ed. de Mas 
Latrie, p. 417. Voir les témoignages rassemblés par M. Paul Meyer, 
/oc. ci/., Bibl. école des chartes 1877, p. 5 16, note 3 . 

(1) Gesta crucigerorum Rhinanorum . (Rohricht. Quinti belli sacri 
auctores minores, p. 43.} Gesta obsidionis Damiate. (Ibid,, p. 82 et 83 .) 
Johannes de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem, (Ibid,, p. 123-124.) 
Liber duellii christiani in obsidione Damiate . (Ibid,, p. 148-149.) 


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— 4ï6 — 

Les chefs de la croisade, parmi lesquels il faut ranger 
Hervé, quoiqu’à cette occasion il ne soit nommé nulle part, 
voyant qu’ils ne pourraient s’emparer de Damiette tant que 
l’armée resterait tout entière sur la rive gauche du Nil, se 
décidèrent à la faire passer sur la rive droite. Cette opération 
eut lieu du 3 au 5 février 1219 et fut singulièrement facilitée 
par des dissensions intestines dans l’armée du Soudan. Le 
7 lévrier, le gros de l’armée étant établi sur la rive droite, la 
ville se trouva investie de toutes parts (1). La compilation 
historique, connue sous le nom d ’Éracles , qui est l’histoire 
en français de toutes les croisades , nous donne ces précieux 
renseignements sur l’emplacement des différents corps : « Li 
crestiens se logèrent tout entor la ville et l’enclostrent ensi 
que nus n'i pot entrer ni issir. Le roi et tuit cil de la lenguc 
de France furent herbergés devers l’oistre, dès le flum 
tresque à la tor de Faies et les Pisans furent avec eauz; et de 
cele tor envers le canton qui est vers le levant, fu li Temples 
et li cuens de Kevers Hervi, et de ilec trèsque à l’autre 
canton estoit li Hospitau de saint Johan et li Espagnol et li 
Provensal ; et de celui canton trèsque au flum , toute la face 
devers la boire estoit le légat et les Romains et li Frisons et 
li Genoies et tous ceauz d’Itaile ; li Hopitaus des Alemans 
devers le cochant et estoit [oltre] le flum (2). » 

L’armée de secours , commandée par le Soudan de Damas, 
frère du Soudan d'Égypte, vint livrer plusieurs combats 


(1) G es ta crucigerorum Rhenanorum. (Rohricht. Quint i belli sacri 
scrip. min. y p. 45 et 55 .) Gesta obsidionis Damiate. (Ibid., p. 86 .) 
Johannes de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem. (Ibid., 125-126.) 
Fragment provençal sur la prise de Damiette, éd. par M. Paul Meter. 
(Ibid., p. 169 et 170 et Bibl. de Vêcole des chartes 1877, P- 5l2 cl 
5 1 3 ) ; même source (Rohricht, loc. cit., p. 101 et Bibl. éc. des ch. 1877, 
p. 540.) Robert Abolant. Chronologia autissiodorensis t Recueil des 
historiens de la France , tome XVIII, p. 286, d’après Olivier Le Scolas- 
tique. Historia Damiatina, ch. 11, p. 1407 de l’édition donnée par 
Eccard dans Corpus hist. medii Avi II, p. 1407. 

(2) Historiens occidentaux des croisades , tome II, p. 375. 


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— 4*7 — 


aux chrétiens établis dans leurs nouvelles positions et les 
attaqua plusieurs fois dans leur camp, notamment le 
dimanche des Rameaux, 3 i mars 1219, où eut lieu une 
attaque simultanée des troupes de terre contre le camp et 
d’une flottille de 7 1 galères contre les vaisseaux et les ouvrages 
défensifs qui interceptaient les communications par le Nil 
avec la place assiégée. Cette attaque, qui fut repoussée victo- 
rieusement et où les Musulmans perdirent beaucoup de 
monde et une trentaine de galères , fut une vraie victoire 
pour les croisés (1). 

Vers cette époque , les assiégeants avaient élevé autour de 
la ville différentes machines qui lançaient des pierres ou des 
flèches ; la relation provençale du siège de Damiette , récem- 
ment publiée par M. Paul Meyer, mentionne en ces termes 
la part qu’Hervé de Donzy prit à ces travaux d'attaque : 

« Apres del trabuchet del Temple , avia una pereyra de 
VEspital que gitava dans la Tor Blanca e per la vila. 
Apres d 9 ela avia un manganel et una pereyra del comte de 
Nivers que pueys fo bri\at\. — « Après le trébuchet du 
temple , il y avait une pierrière à PHôpital qui tirait du côté 
de la Tour Blanche et par la ville. Après celle-ci , il y avait 
un mangonneau et une pierrière du comte de Nevers , lequel 
mangonneau fut par la suite brisé (2). » 

Pendant les mois d'avril et de juin, de nombreux combats 
eurent lieu entre croisés et Sarrasins. Au mois de juillet, la 
ville fut attaquée plusieurs fois, les machines de guerre 
furent renforcées, mais Damiette ne devait pas encore être 
prise, et les Musulmans du dehors continuaient leurs fré- 
quentes attaques et renouvelaient journellement des tenta- 

( 1) Gesta crucigerorum Rhenanorum . (Rohricht. Quinti b. sacr. auct. 
min., p. 47 et 48.) Gesta obsidionis Damiate. (Ibid., p. 87-90.) Johannes 
de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem. (Ibid., p. 126-127.) Liber 
duelli christiani in obsidione Damiate. (Ibid., p. i 5 i-i 52.) Fragment 
provençal sur la prise de Damiette (Bibl. éc. des ch. 1877, p. 5 s 5 - 
526.) Robert Abolant. Historiens des Gaules, tome XVIII, p. 286. 

(2) Fragment provensal . (Bibl. éc. des ch. 1877, p. 527.) 
t. n, 3 * série. 47 


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— 4 1 ** — 

tives pour faire entrer des renforts ou des courriers dans la 
ville assiégée. 

Depuis longtemps déjà Hervé de Donzy avait demandé 
des secours pécuniaires au Pape qui, le 1 3 février, avait 
écrit aux prélats du comté de Nevers pour leur faire hâter la 
levée du complément de la quête qui se faisait dans leurs 
diocèses pour les besoins de la Terre - Sainte ; aussi, à 
l’époque où nous sommes arrivés , il paraît probable que le 
comte, à bout de ressources, songeait au départ. Les che- 
valiers qu’il avait amenés avec lui devaient aussi être dans 
la gêne, et une des raisons qui le feraient croire , c'est la 
donation faite au mois de juillet, au camp devant Damiette, 
par Erard , seigneur de Chacenay, à l’ordre Teutonique, de 
20 livres nivernaises de rente assises : 8 livres sur la terre 
tenue en fief dudit donateur par messire Henri de Per- 
reuse (i), à Saint-Sauveur-en-Puisaye (2), et le reste sur les 
revenus d’Erard de Chacenay à Guerchy ( 3 ). Cette donation 
était confirmée presqu’aussitôt par Hervé de Donzy, oncle 
du donateur, et seigneur suzerain des terres sur lesquelles la 
donation était assise, qui mouvaient de la baronnie de 
Donzy (4). Une donation semblable, dans de telles cir- 
constances, pourrait n’étre qu’un témoignage de reconnais- 
sance pour un grand service rendu ; mais n'est-elle pas bien 
plus vraisemblablement le remboursement d'un prêt. Les 
ordres religieux militaires ayant à cette époque leurs trésors 
en Terre-Sainte , il arrivait fréquemment que les chevaliers 


(1) Pereuse (Yonne), arrondissement d’Auxerre, canton de Saint- 
Sauveur. 

(2) Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), arrondissement d’Auxerre, 
chet-lieu de canton. 

( 3 ) Guerchy (Yonne), arrondissement d’Auxerre, canton de Saint- 
Sauveur-en-Puisaye, commune de Treigny. 

(4) Les originaux de ces deux chartes sont conservés aux archives 
de l’Aube, à Troyes, fonds de l’abbaye de Clairvaux, chartes de Beau- 
voir, publiées par M. l’abbé Lalore. Collection des principaux cartu- 
laires du diocèse de Troyes, tome 111 , p. 185-187. 


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- 4*9 — 


croisés ayant dépensé tout l’argent qu'ils avaient apporté 
avec eux, avaient recours à des emprunts faits à ces trésors, 
qui étaient très -riches, alimentés qu’ils étaient par les 
revenus des biens, très-considérables dès-lors, que ces ordres 
avaient dans tout le monde chrétien. Quoi qu'il en soit, 
cette donation et sa confirmation sont d’autant plus pré- 
cieuses pour jnous que c’est jusqu’ici un des deux seuls actes 
du comte Hervé pendant son séjour au siège de Damiette 
qui nous soient connus (i). 

(i) Quoique ces deux actes aient été déjà publiés, à cause de leur 
importance, nous croyons utile de les reproduire ici : 

< Ego Erardus, dominus Cachenaii, notum facio omnibus présentes 
litteras inspecturis, quod ego in honore Dei et beate virginis Marie 
dedi et concessi fratribus hospitalis Alemannium, ob remedium anime 
mee et antecessorum meorum, viginti libratas terre Nivernensis 
monete in perpetuum possidendas. De quibus autem viginti libratis 
terre octo libratas terre videlicet in terra quam dominus Henricus 
de Perrose juxta Sanctum Salvatorem am Puisoie de me tenebat 
eisdem fratribus annuatim percipiendas diligenter assignavi. Dicta 
autem terra est de feodo comitis Nivernensis. Dicti autem fratres 
alias duodecim libres in redditibus meis qui in festo beati Remigii 
apud Gacheium michi debentur usque quo pluries dictis fratribus 
dictas duodecim libres assignavero percipient annuatim. Ut hoc autem 
ratum et inconcussum habeatur présentes litteras sigilli mei muni- 
mine volui roboreri. — Actum anno gracie millesimo ducentesimo 
nono decimo, mensi julii. Datum in exercitu Damiete. » 

(Archives de TAube, original en parchemin. — Invent., fol. 35a t 
N. XLII1. M. l’abbé Làlorb. Principaux cartulaires du diocèse de 
Troyes, tome 111, p. i85 et 186 .) 

c Notum sit omnibus présentes litteras inspecturis quod ego Herveus, 
cornes Nivernensis, donationem quam dominus Erardus de Cachenaio, 
nepos noster, fratribus hospitalis Alemannium fecit, videlicet octo 
libratas terre in terra domini Henrici de Perrose , que terra sita est 
juxta Sanctum Salvatorem am Puisoie et duodecim libres in moneta 
quas idem Erardus eisdem fratribus in fructibus suis de Gacheio, 
quo usque in terra assignaverit, dédit annuatim percipiendum , lau- 
damus et dictam donationem, quousque pro duodecim libris terrem 
dédit [dederit], ratam et firmam, quia de feodo nostro est, voluimus 
pe rmanere. Ut hoc autem firmum et inconcussum permaneat, présentes 


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— 4 2 ° — 


Plusieurs chroniqueurs (i) s’accordent à mentionner le 
départ du comte de Nevers au mois d’août et placent cette 
mention avant le récit qu’ils font de la grande bataille du 29 
de ce mois; cependant la présence d’Eudes, seigneur de 
Châtillon-en-Bazois, à cette bataille, où il fut fait prisonnier 
par les infidèles et un passage de la relation provençale du 
siège de Damiette, nous engagent à croire qu'Hervé de 
Donzy fut un de ceux qui poussèrent l’armée à aller attaquer 
le Soudan dans son camp, et qu’il prit part à cette lutte 
désastreuse. Aussi croyons-nous devoir donner le récit de 
cette bataille d'après la rédaction provençale, qui noùs paraît 
être la source la meilleure et la plus détaillée sur cette 
affaire : 

< Les chrétiens tinrent alors conseil, et tous ceux qui 
devaient s'en retourner au premier passage voulurent que 
le roi allât provoquer, dans son 'camp, le Soudan à se battre. 
Toute la petite gent fut de cet avis. Mais le roi, les autres 
barons, Le Temple, L’Hôpital, ne se rendirent point à cet 
avis. La discorde régna ainsi dans V armée plus de quinze 
jours , à ce point que la petite gent criait au roi et aux autres 
barons qu’ils ne devaient pas tenir terre , ni en conquérir, 
mais qu’ils n’avaient qu’à se tenir cachés comme des couards 
et des lâches , les traitant de traîtres qui avaient vendu la 


litteras sigilli nostri muniminc fecimus roborari. — Actum anno 
Domini millesimo ducentesimo nono decimo, mensi julii. » 

(Arch. de l’Aube, ibid., même numéro que la précédente; abbé 
Lalore, p. 186-187.) 

L’autre document est une reconnaissance pour argent prêté donnée 
par le comte de Nevers à un {marchand génois devant Damiette, au 
mois de novembre, probablement de la même année. (Bibliothèque 
nationale, fonds latin 17803, n* 128, mentionnée dans Rohrtcht, 
1 estimonia minora de quinto bello sacro, p. xxxvi, note 2). 

(1) Johannes de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem. Rohxucht. 
V. Belli sacri scr. min., p. 122. Liber duellii christiani de obsidione 
Damiate. (Ibid., p. x 58.) Robert Abolant. Recueil des historiens de la 
France , tome XVIII, p. 286. 


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— 421 — 


croix. Alors il fut décidé 'que messire Raoul de Tabarie 
resterait à la garde du camp. Avec quatre cents cavaliers et 
quatre mille hommes de pied. Messire Raoul de Tabarie 
garda les tentes , et tous les autres marchèrent au combat 
contre le Soudan, et tous les gens sages firent pénitence, 
communièrent et firent leur testament. Et il ne manqua pas 
de présomptueux qui ne firent rien que porter des cordes 
pour lier les Sarrasins , et des deniers pour acheter les 
dépouilles , et des éperons dans l'espoir d'avoir des chevaux. 
Ce fut le jour de la Décollation de saint Jean; nos gens 
envoyèrent leurs galées et leurs barques en amont, toutes 
chargées de vivres; mais elles ne furent pas à la moitié de 
leur parcours que lèvent leur manqua, de sorte qu'il leur 
fut impossible de remonter le courant. Les autres sortirent 
du camp après la messe et rangèrent leurs bataillons. Le 
Temple, le comte de Gloucester, avec les Français et les 
Anglais, furent à l'avant-garde, et au retour, il leur fallut 
faire l'arrière-garde. Ils chevauchèrent en ligne jusqu'aux 
fossés du Soudan , et les Sarrasins abandonnèrent le camp. 
Alors les chrétiens prirent conseil et dirent qu’ils avaient 
peu de gens à cheval , tandis que les Sarrasins en avaient 
beaucoup, et qu’il ne serait pas prudent de leur donner la 
chasse. Tels y eut qui dirent qu’il serait opportun de les 
poursuivre jusqu'au soir. En cela il y eut grande discorde 
entre eux. Du côté de l'eau étaient les Romains, et les 
femmes qui portaient par l’ost de l’eau douce à boire aux 
gens de pied. Les Bédouins , qui étaient en amont du fleuve, 
frappèrent sur eux et en tuèrent. Alors, les Romains se 
laissèrent enlever la rive du fleuve. Quand le roi Jean vit 
cela, il fit savoir à L’Hôpital, qui était devant lui, qu’il 
voulait charger sur les Bédouins. Et les Romains crurent 
que le roi et les siens s’en retournaient vers le camp. Alors , 
ils jetèrent leurs armes pour fuir, et le patriarche avec la 
vraie croix qu'il portait ne put les retenir, ni le légat, 
malgré ses efforts, ni le roi, pour rien qu’il sût faire. Et 
quand les petites gens de l’ost virent cela, ils s’en retour- 


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— 422 — 


nèrent , pleins de mauvaise volonté , au camp. Et avant que 
nos chevaliers se fussent mis en retraite, les Sarrasins leur 
eurent tué beaucoup des gens de pied. Le roi et le comte de 
Gloucester, Le Temple, L’Hôpital, les Français, les Cham“ 
penois , tous ceux - là marchèrent ensemble , formèrent 
l’arrière - garde et reçurent grand dommage, car tous les 
Romains, les Lombards, les Toscans et toutes les gens de 
l’ost s’enfuirent vilainement sans coup férir ; dont ils 
doivent avoir à tout jamais grande vergogne, car l’ost avait 
en eux grande confiance. Et les bons chevaliers marchaient 
au pas , poursuivis de près par les Sarrasins , au point qu’ils 
ne savaient que faire : ou bien charger sur les leurs , ou ne 
pas le faire ; et s’il leur arrivait de charger, c’était souvent 
parce qu’ils étaient serrés de près par les Sarrasins , qui leur 
tiraient des flèches si dru qu’ils leur tuaient et leur estro- 
piaient les chevaux , et quand le cheval tombait , le cavalier 
était mort ou pris. C’est ainsi qu’il leur fallut aller plus 

d’une lieue et demie Les Sarrasins les serraient de si 

près qu’ils tombaient l’un sur l'autre , et le fils ne faisait pas 
attention au père , ni le père au fils , mais ils se jetèrent dans 
les fossés des lices (de leur camp) ; les uns mouraient de 
chaleur, les autres devenaient fous, d’autres se noyaient 
dans le fossé, d’autres avaient reçu tant de flèches qu’ils ne 
purent guérir. Le roi lui-méme, qui se défendait énergique- 
ment, fut tout enflammé de feu grégeois, au point que toutes 
ses couvertures de fer (ses armes défensives) furent toutes 
brûlées , mais grâce à Dieu , il fut rescous. 

9 En ce lieu, la chrétienté reçut la perte que je vous dirai : 
de chevaliers séculiers, tant de morts que pris, 25o, entre 
lesquels il y avait 17 seigneurs bannerets. Le Temple perdit 
17 frères, L’Hôpital i3; d’arbalétriers et de petites gens, il 
périt tant que je n’en sais le nombre (1). 9 

( 1 ) Relation provençale , éditée et traduite par Paul Mkyeb. (Rohrjcht. 
Quinti belli sacri scriptores minores, p. 185-190.) 


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- 4*3 - 

Ce dut être peu après cette défaite que le comte de Nevers 
s’embarqua pour revenir en France ; les auteurs contempo- 
rains s’accordant à mettre son départ au mois d'août , ce fut 
probablement l’un des deux derniers jours du mois qu’il 
partit, dégoûté sans doute de la mauvaise direction des 
opérations et découragé par le funeste résultat de la bataille 
du 29. Son départ précipité causa un grand dépit au reste de 
l’armée, qui fit entendre contre lui de violents murmures; 
les chroniqueurs se font l’écho de ces récriminations, 
certains vont même jusqu’à accuser Hervé de Donzy de 
trahison (1). 

Damiette, prise le 5 novembre 1219, fut perdue par les 
croisés le 8 septembre 1221. 

Parmi les prisonniers restés entre les mains des Sarrasins 
lors de la défaite du jour de la fête de la Décollation de saint 
Jean- Baptiste était, comme nous l'avons déjà vu, Eudes, 
seigneur de Châtillon-en-Bazois. Ce chevalier mourut en 
captivité, et, avant de mourir, par ses dernières volontés, 


(1) c Cornes de Niversa orto malo de exercitu exivit. » (Johannes 
de Tulbia. De Johanne rege Jérusalem . Rohricht. Quinli helli sacri 
scriptores minores , p. 122.) 

c His diebus cornes de Niversa infiamatus de exercitu recessit. 
Liber duellii christiani in obsidione Damiate. (Ibid., p. 1 58.) 

•* Eodem anno, mense augusto, Herveus cornes Nivernensis a par- 
tibus rediit transmari ni s. » (Robert Abolant. Recueil des historiens 
de la France , tome XVIII, p. 287.) 

< De cele part où ils entrèrent (un renfort) en Damiette, estoit li 
cuens de Navers herbegiés. Dont il ot grant blasme, et li mist on sus 
qu'il en avoit eu grant avoir del Soudan pour entrer les Sarrasins en 
Damiete, parmi ses herberges. Dont il avint c’on le bani de l’ost. » 
(i Chronique d’ERKouL, éd. par M. de Mas Latrie pour la Société de 
l'histoire de France, p. 425.) Ernoul écrivant sa chronique quelques 
années après les événements qu'il raconte, probablement vers i23o, 
paraît avoir eu en vue ici l'entrée dans la ville assiégée de quarante 
à cinquante cavaliers sarrasins, fait rapporté par la relation proven- 
çale au 2 novembre, longtemps après le départ du comte et deux 
jours avant la prise de la place. (Rohricht. V. Belli sacri scr . mm., 
p. 195-196.) 


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— 4 2 4 “ 


donna aux Chevaliers Teutoniques 20 livres nivernaises* 
forte monnaie, à prendre sur Pignol (1) et sur Tannay (2). 
Cette donation semble avoir été faite verbalement, car, pour 
en prouver la véracité, les frères Teutoniques eurent recours 
à deux attestations qu’ils se firent délivrer par Raoul, vicomte 
de Beaumont, le 16 mars 1223 (3), et par Milon de 
Nanteuil, évêque de Beauvais, en décembre i23i (4) (ce 
prélat étant alors à Ravenne), qui avaient été les compagnons 
de captivité du seigneur de Châtillon et avaient assisté à ses 
derniers moments. Par un acte du 7 janvier 1238, Eudes, 
seigneur de Châtillon-en-Bazois, fils du donateur, assignait 
définitivement les 20 livres de rente annuelle laissées par 
son père aux Teutoniques sur le village de Pignol et ses 
dépendances , en exceptant de cette redevance le fief de la 
Faye-Narcau (5), possédé par les enfants de Robin de La 
Coudraye (6) , et 8 livres de rente sur ses revenus de 
Tannay (7). 

C’est là qu'il faut placer le début des différents établisse- 
ments que les Chevaliers Teutoniques eurent en Nivernais 
jusqu’au commencement du seizième siècle. La donation 
d’Erard de Chassenay paraît en effet n’avoir pas eu de suite» 
ce qui nous confirmerait dans l’idée que c’est la marque 


(1) Pignol, hameau et château (Nièvre), arrondissement de Clamecy, 
canton et commune de Tannay. 

(2) Tannay (Nièvre), arrondissement de Clamecy, chef- lieu de 
canton. 

(3) Arc h. de l'Aube. Vidimus de 1407. L'abbé Lalore. Cart. diocèse 
de Troyes, III, p. 190. 

(4) Ibid. Vidimus de 1455. Ibid., p. 104. < Quando ers mus in pri- 
sione sarracenorum , présentes fuimus ubi et quando nobilis vir 
Odo, dominus de Castellione in Be^oes, in puram et perpetuam 
elomosinam legavit... » 

( 5 ) Aujourd'hui détruit; les bois de Faye sont à l'ouest de Tannay. 

(6) La Coudraye (Nièvre), arrondissement de Clamecy, canton de 
Tannay, commune de Lys. 

(7) D'après un vidimus de 1270. Archives de la Nièvre, H. Fonds de 
l'abbaye Saint-Martin de Nevers. 


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— 425 - 

d’un prêt d’argent fait par Tordre à ce seigneur, et la 
donation n’aurait été, dans ce cas, qu’un simple engagement 
fait jusqu’à complet remboursement de la somme prêtée. 
Toujours est-il que les archives de Tordre en France ne 
contiennent pas de mention relative à la présence de 
quelque établissement durable des Chevaliers Teutoniques à 
Saint-Sauveur ou à Guerchy. 

Il est probable que c’est à la même époque qu’il faut faire 
remonter la fondation de la commanderie d’Orbec, en la 
paroisse de Nolay; nous n'avons pas l’acte de la donation 
primitive faite de ce lieu à l’ordre Teutonique, mais nous 
voyons que par un acte du 9 mars 1251 Rainaud, prêtre, 
fils de feu Robert du Marais (de Mates ) , vend aux frères de 
la maison d’Orbec (de Orbé ] , de l’ordre de l’Hôpital des 
teutoniques, pour 10 livres nivernaises, tous les droits qui 
pouvaient lui appartenir tant sur les terres, prés, cens, 
hommes, dîmes, bois et autres choses situées dans la paroisse 
de Nolay (de Nunlay) (1). 

Les représentants de Tordre en Nivernais paraissent avoir 
très-mal administré les terres de leurs maisons, car, par une 
bulle du 12 décembre 1258, Alexandre IV donne mission 
au prieur de Saint-Martin de Nevers d’annuler toutes les 
aliénations perpétuelles ou temporaires et tous les baux faits 
tant à des clercs qu’à des laïcs , dans des conditions très- 
préjudiciables aux intérêts de l’ordre (2). 

Comme tous les ordres religieux militaires , Tordre 
Teutonique avait sa clientèle de petits artisans de condition 
libre qui, moyennant une redevance pécuniaire annuelle, 
étaient sous sa sauvegarde. C’est ainsi que nous voyons un 
cordonnier, Jean de Prémery, reconnaître par acte du 
20 février 1260, que depuis longtemps il a institué une 

(1) Orig. parchemin. Archives de l’Aube. Fonds des chartes de 
Beauvoir. (Abbé Lalore. Cart. du diocèse de Troyes, 111 , p. 217 et 
218.) 

(2) Archives de l’Aube. Vidimus sur parchemin. (Abbé Lalore. 
Principaux cartulaires du diocèse de Troyes, 111 , p. 220 et 221.) 

*• u, 3 " série. 48 


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— 426 — 

rente annuelle de 5 sous nivernais, monnaie courante, 
envers la maison des Teutoniques d’Orbec, et qu’en échange 
les frères de cette maison l’ont pris sous la sauvegarde de 
leur ordre (1). 

A côté de ces hommes libres, se mettant spontanément 
sous sa protection moyennant un cens, l’ordre avait des 
serfs, et il nous est resté un acte du 23 septembre 1290 , par 
lequel Étienne dit Dedard, d'Orbec, reconnaît qu'il est 
homme taillable et exploitable de haut et de bas et main- 
mortable du maître et des frères de l’hôpital des Teutoniques 
d’Orbec, ainsi que de tout temps l'avaient été ses ancê- 
tres ( 2 ). 

Orbec paraît avoir été le chef-lieu des établissements de 
l’ordre Teutonique en Nivernais; une communauté de frères 
de l’ordre y résida , et nous voyons par les chartes qu’elle y 
existait encore dans le premier tiers du quatorzième siècle. 
Cette maison avait à sa tête un dignitaire de l’ordre qui est 


(1) « Noveritis quod in nostra presentia constituais, Julianus de 
Premiriaco, sutor, présente procuratore domus hospitalariorum 
Theutonicorum de Orbeyo, Nivernensis diocesis, publiée et in jure 
confessus fuit se, necessaria defensione rerum ipsius et corporis 
perurgente , sicut dicebat , jamdiu est subdidisse délibéra tione 
spon tança et subesse adhuc garde et dominio predictorum bospi- 
talariorum pro quinque solidis cursualis monete in comitatu 
Nivernensi servicii seu queste reddendis eisdem hospitalariis vel 
mandat o eorum apud Orbeyum in festo sanctorum Remigii et 
Germani in perpetuum annuatim. » (Archives de PAube. Original 
en parchemin. Abbé Lalorb, loc. cit . , p. 221 et 222.) 

(2) « Stephanus dictus Dedart de Orbeyo, publice et injure confessus 
fuit certus, providus et ex certa scientia ductus, diligenti délibéra tione 
previa, ut dicebat, antecessores suos semper fuisse et esse homines 
tailliabiles et explectabiles alto et basso et de manu mortua religio- 
sorum virorum magistri et fratrum hospitalis Teutonicorum de 
Orbeyo, Nivernensis dyocesis, ac ipsum Stephanum fuisse semper et 
adhuc esse hominem tailliabilem et explectabilem alto et basso et de 
manu mortua eorumdem religiosorum et domus de Orbeyo supra- 
dicte... » (Original. Archives de PAube. Lalore. Princ. cartul., III, 
p. 234 - 235 .) 


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— 4*7 — 


désigné tantôt sous le titre de maître , tantôt sous celui de 
commandeur, et qui était en même temps commandeur de 
Beauvoir, chef-lieu des maisons de l'ordre en France; la 
commanderie de Beauvoir dépendait elle-même de la pro- 
vince de Lorraine. C'est la maison d'Orbec qui figure seule 
jusqu’en 1 33 1 dans tous les actes passés par l'ordre Teu\o- 
nique en Nivernais. 

En 1296, le 3 i mai, Perreaus li Quequeren et Ysabeau 
dite la Rousse , sa femme, vendent au commandeur et aux 
frères de la maison d’Orbé , movent de Vospitaul des 
Aleman\ , un bichet d'orge, mesure de Clamecy, de cens 
annuel sur une terre située au-dessus de la fontaine de 
Pignol, pour 24 sous, forte monnaie (1). Le même jour, 
Geyns , de Pignol, et Perenele , sa femme, vendent aux 
mêmes une pièce de vigne séant en Champsenault pour 
26 sous, forte monnaie (2). Le 29 septembre 1298, Menjar\, 
femme de feu Arnoulf Le Maréchal, du Pont-Saint- 
Didier ( 3 ), et ses enfants, vendent à frère Guillaume de 
Tongres, commandeur d’Orbé, et aux frères dudit lieu, 
frères de üospitaul Nostre-Dame de Jérusalem , 6 sous de 
cens annuel sur une pièce de terre située à Pignol (4). 
,Lç 23 février 1299, Guillaume Blaisate , du Pont-Saint- 
Didier, et Ysabeau, sa femme, vendent à frère Guillaume 
de Tongres , commandeur de la maison d’Orbé , et aux frères 
de ladite maison, un pré au Pont-Saint-Didier ( 5 ). Puis 
viennent différents baux à rente de pièces de terre situées à 
Pignol, consentis parle maistre et les frères de Vospitaul 
d’Orbé , le 16 décembre 1324 (6), par religieux homes et 
honestes les hospiteliers de Nostre-Dame-les-Alemen\ , le 

(1) Lalore. Princ. cartul. du dioc. de Troyes, III, p. 239. 

(2) Ibid. 

( 3 ) Saint-Didier (Nièvre), arrondissement de Clamecy, canton de 
Tannay. 

(4) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 243. 

( 3 ) Ibid., p. 243-244. 

(6) Ibid., p. 277. 


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— 428 — 

26 janvier i 326 (i) , pour des biens situés à Pignol; puis 
c’est un échange du 9 novembre i 326 entre Regnau ç di\ 
Meene \ , de Pignol, et les frères de Vospitaul d’Orjbé (2); 
enfin, le 19 novembre 1 33 1 , c’est une donation faite par 
Thévenins dit Légiers Huro\, de Pignol, aux maistre et 
frères d'Orbé ( 3 ). 

De tous ces titres que nous venons d’énumérer, il résulte 
bien que le siège de l’ordre en Nivernais était à Orbec et 
qu’il y avait une communauté résidant en cette maison. 

Cependant , nous venons de voir aussi que l’ordre avait 
acquis peu à peu , tant à Pignol qu’à Saint-Didier, des biens 
nombreux; il en avait aussi dans un endroit appelé le Bot- 
de-Villiers |ou Villiers, et situé en la paroisse de Fiez (4) ; 
mais les titres ne nous renseignent pas sur l’origine de ses 
possessions en ce lieu. 

Le 11 novembre 1 3 36 , Perrin Li Mires , de Chachi ( 5 ), 
reconnaît avoir pris de religieuses personnes le commandeur 
et le couvent de Beauvoir, en Champagne, au diocèse de 
Troyes, de l’ordre des frères Hospitaliers de l’hôpital Notre- 
Dame-des- Allemands de Jérusalem, une pièce de terre à eux 
appartenant à cause de leur maison de Villiers (6) , à condi- 
tion de la planter en vigne dans le délai de deux ans. Si 
la vigne n’est pas plantée dans deux ans , la terre sera reprise 
par li gouvernerres et tenerres de ladite maison de Viliers. 


(1) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 277 et 278. 

(2) Ibid., p. 278. 

( 3 ) Ibid ., p. 278-279. 

(4) Fiez , réuni à Cuzy, forme une commune de l’arrondissement 
de Clamccy, canton de Tannay. 

( 5 ) Chassy, château, aujourd’hui commune de Vignot, arrondisse- 
ment de Clamecy, canton de Tannay. 

(6) Ce Villiers , en la paroisse de Fiez, dit aussi le Bout-de- Villier s, 
nous semble identique avec Villiers-le-Boison , V illier s-la- Mon tagne, 
fief de la châtellenie de Monceaux-le-Comte mentionné par M. de 
Soultrait dans son Dictionnaire topographique, p. 197, col. i™. Nous 
croyons le retrouver dans V Allemande, ferme, commune de Vignol, 
canton de Tannay. 


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— 4 2 9 — 

C’estfla première mention que l’on trouve dans les chartes 
de Beauvoir de cette maison de Villiers, qui ne nous semble 
avoir été, comme celle de Saint-Didier qui lui succéda au 
siècle suivant, qu’une succursale de celle d’Orbec, et où, pas 
plus qu’à Saint- Didier, nous ne trouvons traces positives de 
l’existence d'une communauté de frères de Tordre. Il est à 
remarquer, du reste , que le titre de commandeur de la 
maison de Villiers, pas plus que plus tard celui de comman- 
deur de la maison de Saint-Didier ou de commandeur de 
Pignol, ne se trouve porté isolément; mais ces titres sont 
toujours joints à celui de commandeur de la maison d’Orbec, 
et , nous l’avons déjà vu , le commandeur d’Orbec était 
toujours ou presque toujours en même temps commandeur 
de Beauvoir. 

C’est au commandeur des maisons d’Orbec et de Villiers 
que, le 27 juin 1348, Alis, veuve de feu Jean Richou, de 
Saint-Didier, fit donation de tous ses biens , donation dont 
les motifs sont ainsi rapportés dans l’acte : Quamplurima 
commoda, bonitates et curialitates immensas habuit et 
recepit retroacto tempore a religiosis viris preceptoribus 
seu commendatoribus domorum de Orbeio et Villaribus , 
ordinis Beate Marie Theutonicorum Jherusalem (1). 

Un bail à bordelage pour des biens situés à Pignol , passé 
le 22 avril 1369, nous fait connaître le nom d’un second 
commandeur d’Orbec, frère Jacques de Mayence, qui se 
qualifie de commandeur des maisons d’Orbé, au diocèse de 
NeverSy et du Bot-de-Villiers , au diocèse d'Ostun (2); 
nous le voyons passer d’autres baux pour des biens situés à 
Tannay le 24 mars 1372 ( 3 ), à Orbec les 9 août 1377 (4) et 
28 octobre 1378 (5), et à Saint- Didier le 4 novembre 1387 (6). 

(1) Lalokb. Princ. cart. du dioc. de Troyes, 11 J, p. 286. 

(2) Ibid., p. 287. 

( 3 ) Ibid., p. 288. 

(4) Ibid. y p. 289. 

( 5 ) Ibid. , p. 290. 

(6) Ibid., p. 290. 


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— 43o — 

C est à son administration que se rapporte un mandement 
du 1 6 décembre 1384, par lequel Philippes, duc de Bour- 
gogne, ayant la tutelle de son fils Jean, comte de Nevers, 
ordonne aux receveurs du comté de Nevers de payer au 
commandeur de Beauvoir la somme de 100 sous tournois 
qu'il avait le droit de prendre annuellement sur les fiesiages 
de Monceaux-le-Comte (1). Nous ignorons l'origine de ce 
droit qui ne nous est connu que par cet acte. 

Dés 1 336 , dans les actes concernant les biens des Teuto- 
niques en Nivernais, il n’est plus question que du comman- 
deur seul ; on ne parle plus des frères de la maison d’Orbec, 
nulle part non plus il n’est dit qu’il y en ait eu dans la 
maison de Villiers; il est à croire que dès-lors la communauté 
que nous avions rencontrée au treizième siècle et au com- 
mencement du quatorzième siècle à Orbec avait disparu, 
bien qu’il n’y en ait d’autre preuve que le silence gardé par 
les actes à son égard, et qu’au siècle suivant, nous consta- 
tions l’existence d’une chapelle dans la maison de Saint- 
Didier. 

Le successeur de frère Jean de Mayence, en qualité de 
commandeur de Beauvoir, en Champagne , et maistre de la 
maison de Pignoles (c’est la première fois qu'il est question 
de cette maison), fut frère Jean de Brandebourg, qui ne 
nous est connu que par une quittance qu’il donna le 20 jan- 
vier 1394, étant à Asnan, à messire Pierre de Nourry, 
chevalier, seigneur de Tannay, pour la somme de 8 livres 
tournois (2). Cette somme représentait le terme de l’année 
courante de la rente créée en 1238 par Eudes, seigneur de 
Châtillon-en-Bazois, au profit de l’ordre Teutonique et qu'il 
avait assise sur les revenus de la terre de Tannay. 

Une quittance semblable, donnée à Tannay le 21 décembre 
de l’année suivante, nous fait connaître le nom de frère 
Arnoul de Seille, hospitalier de Notre-Dame-des- Al emens, 


(1) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 290. 

(2) Ibid., p. 292-293. 


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commandeur de l’hôpital de Beauvoir, en Champagne , qui 
succéda à Jean de Brandebourg (i) dans l'administration 
des biens de l’ordre en Nivernais. Le 3 o octobre 1407, ce 
commandeur, qui s’intitule frère Arnoul de Saille , ospi- 
telier , mestre et commandeur des maisons de Beauvoir , en 
Champaigne, d'Orbé et de Pignolles, au diocèse de Nevers, 
de P ordre de Pruce , donne à titre de bordelage à Robert 
Griffart « tous les maignez qui furent maisons séant à 
Pignolles » pour 5 sous tournois et une quarte d’avoine (2). 
Dans cet acte, qui est le dernier de ceux qui nous sont 
parvenus de l’administration de ce commandeur, nous 
voyons pour la première fois l'ordre s’intituler ordre de 
Pruce ; ses successeurs le nommeront ordre de Jérusalem et 
de Prusse ; Notre-Dame de Jérusalem , de Vordre de 
Pruche ; ordre de Notre-Dame de Jérusalem et de Sainte - 
Élisabet de Pruche . 

Le successeur de frère Arnoul de Seille, au moins pour la 
commanderie d’Orbec, fut frère Gérard de Beccange, que 
nous voyons passer un bail pour une pièce de pré située à 
Nolay, le 22 août 141 3 ; il y prend le titre de f rater Girardus 
de Beccange, commendator omus hospitalis de Orbey ( 3 ). 
Dans cet acte , le commandeur parait seul , ce qui prouverait 
qu’il n’y avait plus de frères à Orbec, comme nous l’avons 
dit ; cependant, frère Gérard de Beccange ne portant que le 
seul titre de commandeur d’Orbec , il est très-possible qu’il 
ait résidé dans cette maison. 

Jusqu’à 1441 nous n’avons plus de documents où il soit 
question de la maison d’Orbec, ni des établissements Teuto- 
niques en Nivernais ; le 9 mai de cette année, trère Jehan de 
Francfort, qu’un acte de 1438 qualifie de, commandeur de 
Beauvoir, donne quittance à noble dame Marguerite, dame 
de Maligny, pour les arrérages de la rente annuelle due à 

(1) Lalore. Cart.de Troyes, III, p. 293. 

(2) Ibid., p. 294. 

( 3 ) Ibid., p. 294. 


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l’ordre Teutonique sur les revenus de la seigneurie de 
Tannay (i) ; dans cette pièce, il s'intitule seulement religieux 
de Notre-Dame de Jérusalem . 

Le 8 avril 1442 , « frère Jehan de Francfort , de V ordre 
de Jérusalem et de Prusse, hospitalier et maistre d’Orbè >, 
donne à ferme à Jehan Clerc et Jehan Bruet, alias Narquin» 
paroissiens de Nolay, son hôtel et maison dudit lieu d’Orbé, 
• réservé audit maître les rentes et bourdelages dues audit 
hostel (2) ». A partir de ce moment , les différentes maisons 
de l’ordre Teutonique en Nivernais, à commencer par 
Orbec, qui en était la plus importante et la tête, ne sont 
plus que de simples métairies. Sous l'administration de 
frère Jehan de Francfort, la commanderie d’Orbec fut saisie 
et mise sous la main du roi à cause d’une amende à laquelle 
ce commandeur avait été condamné par le Parlement; les 
titres de Beauvoir ne nous renseignent pas sur la date de 
cette saisie, qui ne fut levée que le 23 décembre 1452 ( 3 ). 

Jean de Gémont, prêtre, succéda à Jean de Francfort 
dès 1451, mais ne prit possession qu’en 1452; en 1451, 
nous voyons frère Nicolas de Soye , commandeur de 
Beauvoir, en Champagne , au diocèse de Troyes, et des 
maisons d' Orbec, et du Pont-Saint-Didier , au diocèse de 
Nevers, membres de Nostre-Dame de Jérusalem, de V ordre 
de Pruche , donner en bordelage perpétuel a une maison 
appartenant à ladicte commanderie, à cause dudict Pont- 
Saint-Didier, séant au Bout-de-Villiers , en la parroiche de 
Fiez, avec les appertenances d’icelle maison du Bout-de- 
Villiers ; item , trois journaulx de terre séant dessus le clox 
de Villiers tenant aud. clox d’une part et à la rue de 
Monceaulx d’autre part ; item, deux journaulx de terre ou 
environ séant au finaige de Teigny... item, au finaige de 
Cury, un désert de terre (4)... » La maison et les biens 

(1) Lalore. Cart. de Troyes, III, p. 297. 

(2) Ibid., p. 297. 

( 3 ) Ibid., p. 3 oo. 

(4) Ibid., p. 297-298. 


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— 433 — 

mentionnés dans cet acte sont ceux qui formaient la corn- 
manderie de Villiers , au quatorzième siècle. Il est très- 
douteux qu’il y ait jamais eu une communauté de frères de 
l’ordre dans cette maison. 

Les biens de Pignol étaient aussi en métairie, et par un 
acte du 12 décembre 1454, noble Glande d'Aulenay , 
seigneur de Lye (1), écuyer , accorde de grâce spécial , à 
religieuse personne, frère Jehan de Guemont, religieux de 
Prusse et maistre et commandeur d'Orbey et de Saint- 
Didier, soub\ lad . religion, et à Jaque Benoist, dit Le 
Lorrain , absent, mectoier desd. religieux et demourant au 
village de Pignoles , en la mectoirie de lad . commanderie 
ens les fins et mectes du four bannal dudict Lye, apparte- 
nant audict escuier, qu'il cui\e et puisse cuire pour leur 
mesnage et hostel seulement de lad . mectoirie jusques à 
ungan, moyennant payement de trois boisseaux froment 
pour droit de fournage au bout de l’année (2). 

Orbec, bien déchu et abandonné depuis longtemps par 
l’ordre à des métayers, se composait de trois maisons , une 
grange, un étang et un moulin ; le 6 novembre 1476, frère 
Jehan de Gémont les donna à bordelage ( 3 ); et par acte 
passé le lendemain, il afferma aussi pour six ans et pour le 
prix de 12 écus dor neufs par an tous les revenus de l’ordre 
(autres que les revenus des terres et bâtiments qui étaient sa 
propriété directe, sans doute), avec cette clause: Et sera 
tenu led. debteur paier aud . commandeur tous despens 
qu'il fera ou pourra faire à Vactendue d'un chascun desd . 
paimens, les termes d’iceulx passer , et fournir les despens 
dud . commandeur quand il viendra ou envoiera quérir 
sesdi{ paiemens , luy estant en ceste ville de Nevers (4). 

La rente de 8 livres sur la seigneurie de Tannay conti- 


(1) Lys (Nièvre), arrondissement de Clamecy, canton de Tannay. 

(2 ) La lo re. Loc. cit., p. 3o2 et 3o3. 

(3) Ibid., p. 3o8. 

(4) Ibid., p. 3o8-3io. 

t. 11, 3 * série. 49 


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— 436 — 

plutôt , n'ayant reçeu cet exemplaire que vers le commence- 
ment du mois. La date de la permission peut vous prouver 
qu’il n'y a pas bien du temps que le petit ouvrage est achevé 
d’imprimer. J’espère que vous voudrez bien. Monsieur, 
excuser quelques fautes d’impression qu’on y a laissées. 

On m’a prêté depuis peu un Gruter (i), et je le lis avec 
bien du plaisir. Mais comme je n’y suis pas encore extrême- 
ment familiarisé , je voudrais , Monsieur, vous demander ce 
que vous penseriez d’une inscription qui est insérée au coin 
d’une maison voisine des anciens murs de la cité de Nevers, 
et qui vient des monuments de cette cité. La pierre est d’un 
pied et demi de hauteur et un pied de longueur 

Les lettres ne sont pas des mieux conservées; quelques-uns 
ont cru que la première lettre de la 2 * ligne étoit un G. 

Au milieu de la 3 e ligne est un grand T. Puis l’O et le V 
entrelacés. f v . 

L’O de la 4 e ligne est petit et tel qu’il est icy représenté. 

La 5 e ligne est écrite d’un caractère égal aux premiers. 

Je sçay bien que Camulus est un des noms qu’on donnoit 
à Mars ; mais je ne connois point de dieu Ande. Seroit-ce 
Andate par abrégé? 


(1) Inscriptions antiques Jotius orbis Romani a Jano Grutero col- 
lectes . L'exemplaire du président Bouhier est à la bibliothèque de 
Troyes. Sur ce curieux volume, Bouhier ajoutait chaque jour de 
nouvelles inscriptions avec un soin minutieux. Souvent Gruter 
n'avait trouvé que moitié d’une inscription, Bouhier retrouve 
ailleurs le commencement ou la fin et complète celle de l'exemplaire 
imprimé. 


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- 435 — 

23 avril i5oi , l’ordre Teutonique vendait toutes ses posses- 
sions de France à l'abbaye de Clairvaux (i). 

Vingt-quatre ans plus tard, le dernier grand-maître de 
l’ordre, Albert de Brandebourg, devenu luthérien, détachera 
de l’ordre le duché de Prusse et fondera ainsi le noyau de 
l’Empire prussien. 

Les chartes de l’ordre Teutonique en France, réunies 
aujourd’hui à celles de l'abbaye de Clairvaux , sont conser- 
vées aux archives de l’Aube; en 1871, M. d’Arbois de 
Jubainville, alors archiviste de l’Aube, aujourd’hui membre 
de l’Académie des inscriptions et belles - lettres , signalait 
l’existence de ces chartes dans un article intitulé : L'Ordre 
Teutonique en France (2) , et en analysait quelques-unes. 

En 1878, M. l’abbé Lalore les publiait ou en donnait 
des analyses détaillées dans le tome III de sa collection des 
principaux cartulaires du diocèse de Troyes; malheureuse- 
ment, cet ouvrage contient des iautes de lecture qui le 
déparent. 

H. DE FLAMARE. 


LETTRE DE L’ABBÉ LEBEUF 

AU PRÉSIDENT BOUHIER (3). 

Auxerre, ce 8 septembre 1734. 


Monsieur , 

J’ai prié une personne qui a quelques relations à Dijon de 
vous faire remettre un exemplaire de ma dissertation sur 
VÉtat des sciences sous Charlemagne . Je n’ay pu le faire 


(1) Lalore. Loc, cit., p. 320-322. 

(2) Bibliothèque de Vécole des chartes 1871, p. 63. 

(3) Voir procès-verbal de la séahee d’octobre i885, p. 352. 


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— 436 — 

plutôt, n’ayant reçeu cet exemplaire que vers le commence- 
ment du mois. La date de la permission peut vous prouver 
qu’il n'y a pas bien du temps que le petit ouvrage est achevé 
d’imprimer. J’espère que vous voudrez bien. Monsieur, 
excuser quelques fautes d’impression qu’on y a laissées. 

On m’a prêté depuis peu un Gruter (i), et je le lis avec 
bien du plaisir. Mais comme je n’y suis pas encore extrême- 
ment familiarisé, je voudrais. Monsieur, vous demander ce 
que vous penseriez d’une inscription qui est insérée au coin 
d’une maison voisine des anciens murs de la cité de Nevers, 
et qui vient des monuments de cette cité. La pierre est d’un 
pied et demi de hauteur et un pied de longueur 

Les lettres ne sont pas des mieux conservées; quelques-uns 
ont cru que la première lettre de la 2 ê ligne étoit un G. 

Au milieu de la 3 e ligne est un grand T. Puis l’O et le V 
entrelacés. f > , 

L’O de la 4 e ligne est petit et tel qu’il est icy représenté. 

La 5« ligne est écrite d’un caractère égal aux premiers. 

Je sçay bien que Camulus est un des noms qu’on donnoit 
à Mars ; mais je ne connois point de dieu Ande. Seroit-ce 
Andate par abrégé? 


(1) Inscriptions antiques .totius orbis Romani a Jano Grutero col- 
lectes . L’exemplaire du président Bouhier est à la bibliothèque de 
Troyes. Sur ce curieux volume, Bouhier ajoutait chaque jour de 
nouvelles inscriptions avec un soin minutieux. Souvent Gruter 
n’avait trouvé que moitié d’une inscription, Bouhier retrouve 
ailleurs le commencement ou la fin et complète celle de l’exemplaire 
imprimé. 


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- 437 - 


LETTRE DU PRÉSIDENT BOUHIER 
a l’abbé lebeuf. 

( Après septembre 1734.) 

Insérée dans mon Recueil d* inscriptions f page 355 . 

(Cette note est de la main du président Bouhier, et la 
notice suivante de la main de son secrétaire) : 

Inscription antique , qui m’a été envoyée par le sieur 
Lebeuf, chanoine d’Auxerre, en sa lettre du 8 septembre 
1734, comme ayant été trouvée à Nevers, où elle est 
incrustée au coin d'une maison voisine des anciens murs de 
cette ville , sur une pierre d’un pied et demi de hauteur et 
d’un pied de largeur, en caractères du beau Romain et bien 
conservez : 

ANDE 

CAMV 

LOS. T. OVTI 
VS SICNOS 
IE VRV 

La lettre S qui suit CAMV^O me paroît marquer l’épi- 
thète Sancto , qui est donnée au dieu Camulus dans 
quelques inscriptions. Le nom qui vient ensuite paroît estre 
T. OVITIVS. Apparemment, sur la pierre, le premier T 
étoit confondu avec le dernier jambage du premier V. Cette 
famille paroit nouvelle. Cependant au Recueil de Fabretti , 
page 445, n* 52 on trouve un Obittius . Or Obitius et 
Ovitius est la même chose. 

SICN me paroît estre pour SIGN , c’est-à-dire signifier . 
On sçait que les anciens écrivoient souvent le C au lieu du G 
ou le G au lieu du C. 

Le petit O qui suit est un point à mon avis. Sur quoi, voir 


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— 4 38 — 

Reinesius, IX, 6, etc., XII, 74, comme encore en la préface, 
page 7. 

La lettre S, qui finit la 4 e ligne, signifie Singularium , en 
sous-entendant equitum . 

A la dernière ligne, je soupçonne qu’il y avoit LE. V, 
c’est-à-dire Legiortis V, et ensuite le monogramme R, c’est- 
à-dire Par. pour Particœ . Le V final est pour vovit . 

Reste à rechercher ce que c’est que ce dieu Ande Camulus , 
dont il est parlé en ce moment, et nulle part ailleurs, que je 
sçaehe. Il est bien fait mention en quelques inscriptions de 
MARS CAMVLVS, ou de CAMVLVS seulement. Sur quoi 
on peut voir Gruter, XL, 9, et LVI, n° 12, et Reinesius, 1, 
i5o, 291, où il paroît que c’est un nom que les anciens 
Celtes donnoient au dieu Mars. En effet, M. de Leibnitz, 
en ses Collect. Etymol. inter Celtic ., p. 101 , dit que, dans 
la langue de ces peuples, cammawn signifioit Pugna , et que 
les Allemands employent encore dans le même sens le mot 
Kampf. Et en son Archeolog. Teuto , ibid., p. io5, il assure 
que chez les anciens Teutons, Kampffan signifie militare , 
comme aujourd’hui Kampffen chez les Allemands, et Kempen 
ou Kampen chez les Flamands, qui disent aussi Kampioen 
pour Pugnator, d’où est venu le mot Campio , qui se trouve 
en cette signification dans les gloses d’Isidore, et notre mot 
champion , que M. Ménage se contente de dériver du latin. 

C’est du nom de ce dieu , comme le croit avec bien de la 
vraisemblance Camden , Britan., p. 322, qu’est dérivé celui 
de la ville de Camulodunum, dans la Grande-Bretagne. Car 
c’étoit son nom , suivant plusieurs médailles de l’ancien roi 
Cunabellinus, qui y régnoit, et qui sont raportées tant par 
Camden, au lieu cité, que par Th. Gale, ln Anton, lier 
Britann., p. 1 1 3, où l’on trouve sur plusieurs revers ce mot: 
CAMV. Et si dans une ancienne inscription du Recueil de 
Gruter , CCCCXXXIX, 5, et dans une médaille romaine 
(quoiqu’un peu suspecte et rejettée par Vaillant, mais 
rapportée parle P. Hardouin, Numm. Pop., p. 114) cette 
ville est appelée Camulodunum, ainsi que dans quelques 


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— 439 — 

auteurs, c'est par un léger changement que les Romains 
firent ensuite à ce nom , et dans lequel on ne laisse pas de 
reconnoître son origine. 

Une chose qui la confirme bien, ce qui n'est pas ici 
inutile, ce sont quelques-unes de ces médailles du roi 
Cumbellinus, oti Camden dit avoir vu la figure d'un 
homme armé, avec le casque et le javelot, figurant galeatam 
quœ Martis videatur. Ce qui prouve que Mars étoit le dieu 
tutélaire de ce lieu , qui en avoit tiré son nom , plutost que 
de la petite rivière de Cam , comme le veut Th. Gale, loc . 
cit . , p. ni. 

Il est bon de remarquer, en passant, que dans ces 
médailles, le dieu Camulus est représenté à deux têtes, à 
la manière du dieu Janus. Ce qui me fait adopter la pensée 
de ceux qui croient que Janus et Mars étoient la même 
divinité, comme Servius sur Virgile, Æn. VIII, 6 io,e t 
autres qu’a suivi M. Huet, Demonstr. Evang., p. 142. En 
effet, le premier étoit aussi représenté le javelot à la main, 
et à cause de cela étoit appellé Janus Quirinus, quasi 
bellorum potens, suivant Macrobe, Saturn. I, 9. C’est pour 
la même raison, à mon avis (quoiqu’on en ait allégué 
d'autres, moins bonnes, ce me semble), qu’on ouvrait le 
temple de Janus pendant la guerre et qu’on le fermoit 
pendant la paix , comme encore qu’on le peigne à deux 
faces, et quelquefois à quatre, comme un excellent guerrier, 
qui fait face de toutes parts aux ennemis. C’est pour cela , 
enfin, qu’il étoit représenté comme marquant avec les doigts 
le nombre de CCCLXV, qui fait celui des jours de l’année , 
dès le temps qu’elle commençoit au mois de mars. Sur ces 
convenances et d’autres encore, nous aurons peut-être occasion 
de parler ailleurs de cette conformité. 

Reste la principale difficulté de notre inscription du mot 
ANDE, qui précède CAMVLO. Si la pierre avait été trouvée 
dans le Limousin, je croirais que le dieu Andecamulus serait 
particulier au même lieu où a été posée l’inscription dont 
parle Gruter, CXII, 6, qui porte: FANVM PLVTONIS 


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— 44 <> — 

AN DEC AM V LEN SES DE SVO POSVER. Mais Nevers 
en étant si éloigné, il y a apparence que ce mot ANDE est 
plutost tiré de quelque terme de la langue celtique. Ce qui 
me le persuade, c’est que suivant Dion Cassius, Hist. lib., 
62, p. 704, la déesse Victoire étoit appellée Andaté chez les 
anciens peuples de la Grande-Bretagne. A la vérité, à la 
page précédente, ce nom est écrit Andrasé ce que l’interprète 
latin a changé en Adrasé , en quoi il a été suivi par Bochan, 
Chanaan , lib. I, cap. 42, p. 758, affin de mieux accom- 
moder ce nom à ses Etymologies phéniciennes. Mais il est 
plus naturel de chercher celle d 'Andaté dans la langue 
celtique. Or, suivant M. de Leibnitz, loc. cit . inter celtic 
p. 80, les vestiges de ce mot se sont encore conservez dans 
l’allemand, oü winden signifie vaincre . D’où peut être venu 
le nom du dieu Odin, qui est le Mars des anciens Ger- 
mains, et celui de notre déesse Andavta , dont le nom se 
trouve dans quelques inscriptions du Recueil de Gruter , 
LXXXVIII, 9, 20; car je suis volontiers de lavis de D. 
Gabr. Martin, Relig. des Gaulois , t. II, p. 12, où il croit 
que c’est le même qu 'Andata. Je crois donc que ANDE 
CAMVLUS signifie le Victorieux , dieu des combats ; et 
c’est apparemment par cette même raison que la colonie, 
que les Romains établirent à Camulodunum, fut appellée 
colonia Victricensis. A quoi je m’étonne qu’on n’ait pas 
pris garde. 


L’INSCRIPTION DE L’ÉGLISE DE MYENNES. 

Dans son Répertoire archéologique , notre bien affectionné 
collègue, M. le comte de Soultrait, a mentionné l’existence 
dans le clocher de l'église de Myennes, d’une pierre contenant 
une inscription qui rappelait le décès d’un seigneur dudit 
lieu. 


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— 44 * — 

Nous croyons intéressant de restituer le texte complet de 
cette inscription ; le voici : 

CY GIST LE CŒUR DE NOBLE 
HOME RENÉ DE VlEL-BOURG, 

LIEUTENANT D’UNE COMPAG 
NYE AU RÉGIMENT DES GARDES 
DU ROY, LEQUEL EUT LE BRAS 
EMPORTÉ D’üN COUP DE CANON 
AU SIÈGE DE LA ROCHELLE, 

DE LAQUELLE BLESSURE 
IL EST MORT A l’aGE 
VINGT-TROIS ANS. 

SON CORPS REPOSE EN 

l'église de fetre, 

PRÈS DE LA ROCHELLE. 

PRIÉ DIEU POUR SON AME. 

CESTE ÉGLISE A ESTÉ RÉPARÉE 
DES BIENS QU'IL A DONNÉS. — 1626. 

Cette inscription a été depuis peu d'années placée dans 
l'intérieur de l’ancienne chapelle seigneuriale d’où elle avait 
été enlevée. 

Myennes ou Myennes-le-Châtel est situé à cinq kilomètres 
de Cosne, et fit longtemps partie des possessions territoriale* 
de nos comtes et de nos ducs. 11 relevait de la châtellenie de 
Saint-Verain. 

Ce nom géographique n’est point mentionné dans YInven - 
taire de l’abbé de Marolles (titres de Nevertf). Il existe 
néanmoins des lettres latines qui nous apprennent qu’en 
1226, Archambault de Bourbon faisait, au lieu de Myennes, 
un accord avec ses proches , Pierre des Barres d'une part et 
Guillaume , son fils , seigneur de La Guerche , au sujet de 
certaines franchises. 

En 1599, Henriette de Clèves, pour parvenir à acquitter 
les sommes que Louis de Gonzagues avait dépensées pour 
t. 11, 3* série. 5o 


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— 442 — 

satisfaire à sa trop orgueilleuse magnificence, faisait alié- 
nation de plusieurs seigneuries au nombre desquelles se 
trouvait Myennes. Elle en consentait la vente au profit de 
François de Vieil- Bourg, père de René, lequel était écuyer 
d’écurie de Monseigneur le Comte , fils de Madame ( Charles 
de Gonzagues). 

Cette terre , qui continua à relever de Saint-Verain , était 
grevée dès 1456 d'une rente de vingt écus d’or au profit de 
l’abbaye de Roches, au diocèse d'Auxerre. 

Enfin, Myennes-le-Châtel fut érigé en marquisat par 
lettres de décembre 1661, en faveur de René de Viel-Bourg, 
qui perpétuait le prénom de son ancêtre décédé glorieusement 
devant La Rochelle. 

L. ROUBET. 


UNE BULLE DE HONORIUS III 

RELATIVE A L’HÔPITAL DE BETHLÉEM A CLAMECY. 

Dans son Histoire de V évêché de Bethléem (1), M. Che- 
valier-Lagenissière rapporte , d’après V Histoire d' Auxerre 
de l’abbé Lebeuf (2) et d’après une charte reproduite au 
Gallia Christiana ( 3 ), les difficultés qui setaient élevées 
entre l’évêque d’Auxerre et celui d’Autun au sujet de la 
juridiction ecclésiastique sur l’hôpital de Bethléem, à Cla- 
mecy, situé sur les confins des deux diocèses, et la sentence 
mettant fin au différend, rendue par Manassès de Seignelay, 
évêque d’Orléans, frère de l’évêque d’Auxerre, et Humbaud, 

(1) Pages 74 et 75. 

(2) Ed. de 1743, p. 345-346 et 736. 

( 3 ) Tome IV, p. g 5 , des lnstr . eccl. Eduensis , n° LXIII, et tome XII. 
p. i 5 o et 1 5 1 des lnstr . eccl. Autissiodorensis , LXXII. (Les instrumenta 
de l’évêché d’Autun ne contiennent que la charte de l'évéque d’Autun 
aux frères et habitants de Bethléem.) 


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— 443 — 

chanoine d’Auxerre, arbitres choisis d’un commun accord 
par les parties. 

Tout récemment, M. le comte Riant, de l’Académie des 
inscriptions et bel les -lettres , au cours de ses importants 
travaux sur Y Histoire de V Orient latin (i), a trouvé aux 
archives du Vatican, dans les registres du pape Honorius III, 
la bulle par lequel ce Pape confirma cette sentence arbitrale. 
Le savant académicien ne s’occupant dans ses remarquables 
études que des documents qui ont rapport aux croisades (2) 
ou aux établissements latins en Orient, a eu l’amabilité de 
nous envoyer ce précieux document en nous autorisant à 
le publier; nous en donnons la primeur à la Société niver- 
naise. 

Dans cette bulle, qui est du 28 avril 1218, le Pape 
déclare tout d'abord qu’il confirme la sentence portée 
par Manassès , évêque d’Orléans , et Humbaud , écolâtre 
d’Auxerre. Le document publié par le Gallia Christiana ne 
mentionnait cet Humbaud que comme chanoine d’Auxerre. 
Or, Lebeuf ne connut cette affaire que d’après ce même 
document. Nous pouvons maintenant, grâce à notre bulle, 
identifier cet Humbaud, chanoine, avec Humbaud Baston- 
nier rapporté par l’abbé Lebeuf dans sa liste des scolas- 
tiques et pénitenciers d’Auxerre en ces termes : Humbaud 
Bastonnier paroi t être le premier qui fit revivre le titre 

(ij Qu'il nous soit permis de citer seulement ici: Exuviœ sacrœ 
Constantinopolce. (Genève, 1876-1877,2701. in-8°.) Innocent 111, Philippe 
de Souabe et Boniface de Montf errât , dans la Revue des questions 
historiques, numéros d'avril et juillet 1875*, le Changement de direction 
de la quatrième croisade, même revue, janvier 1878. 

La création de la Société et des Archives de l’Orient latin. (Les 
deux premiers volumes de ce remarquable recueil ont paru en 1881 
et 1884.) 

(2) M. le comte Riant a bien voulu accepter, pour être publiée au 
tome 111 des Archives de l’Orient latin, la copie de la charte par 
laquelle Eudes de Châtillon donne aux Chevaliers Teutoniques un 
revenu à Pignol et à Tannay, conservée aux archives de la Nièvre, 
série H, fonds de Saint-Martin de Nevers. 


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- 444 — 


de scolastique y lorsque le revenu en eut été augmenté 
vers Van 1210 . Son obit est marqué le 8 février dans 
Vobituaire de i25o . Il y est qualifié diacre et dit avoir 
donné une maison . Ob. Humbaudi Bastonarii , hujus 
ecclesiœ scolastici et Levitæ (1). Il n’est pas douteux que si 
le docte chanoine d’Auxerre avait connu la part prise par 
l’écolâtre Humbaud à la sentence arbitrale de 1 21 1 ou plutôt 
s'il avait reconnu notre écolâtre dans YHumbaudus cano- 
nicus nommé dans le document publié par le Gallia 
Christiana , il n'eût mentionné le fait dans la notice qu’il 
consacre à ce personnage. Notre bulle nous fait connaître, 
en outre, qu'Humbaud exerçait encore ses fonctions à la date 
où elle fut rédigée. 

La bulle d'Honorius III nous a transmis la copie in 
extenso de la sentence arbitrale de 1211; et cette sentence 
contient elle-même la transcription des différents documents 
relatifs au débat qui l’ont précédée; ce sont: i° la charte par 
laquelle l’évêque d'Autun déclare s’en rapporter, sous peine 
de 100 marcs d’argent d’amende, à l'arbitrage de l'évêque 
d’Orléans, de maître Hugues, doyen de Bourges, et de 
Humbaud, chanoine d’Auxerre (il est à noter que dans cette 
charte, comme dans les autres rapportées dans notre bulle, 
Humbaud n'est qualifié que de chanoine) ; cet acte est dü 
mois d'août 121 1 ; puis viennent les chartes par lesquelles le 
chapitre d’Autun, au mois de septembre, l’évêque d'Auxerre, 
au mois d’août, et le chapitre d'Auxerre, au mois de 
septembre de la même année, déclarent s'en rapporter, sous 
la même peine de 100 marcs d’argent, à la décision des 
mêmes arbitres; enfin l'acte du 27 octobre 12 11 par lequel 
l’évêque d’Autun déclare aux frères de la maison de Bethléem 
et aux habitants du bourg de Bethléem que, d’après la 
sentence arbitrale, l’hôpital, la chapelle et le bourg de 
Bethléem sont du diocèse d’Auxerre. 

De tous ces documents , la charte par laquelle le chapitre 

(1) Histoire d'Auxerre , tome IV (éd, 4 e 174$, p. 785. 


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445 — 

d’Auxerre accepte la médiation des arbitres, le dispositif de 
la sentence et la charte adressée par l'évêque d'Autun aux 
habitants de Clamecy et du bourg de Bethléem , ont seuls 
été publiés ; les autres actes contenus dans la bulle et celle-ci 
elle-même sont restés jusqu'ici inconnus et par conséquent* 
inédits. 

H. DE FLAMARE. 


1218 — 28 avril. — Au Vatican . — Confirmation par 
Honorius III de la sentence arbitrale rendue par 
Manassès, évêque d'Orléans , et Humbaud , écolâtre 
(T Auxerre , attribuant à l'évêque d'Auxerre la juri- 
diction sur V hôpital, la chapelle et le bourg de Bethléem , 
à Clamecy. — (Archives du Vatican. Registres d’Ho- 
noriusllï, registre I, livre II, lettre 1028. — F 0 244, 
v°, à 245, v°. ) 

Autisiodorensi episcopo . — Terminate judicio questiones 
apostolico debent munimine roborari, ne lapsu temporis in 
abyssum oblivionis elapse, in posterum pati possint conten- 
tionis incomodum récidivé. Ea propter, venerabilis in 
Chrisio frater, tuis justis postulationibus annuentes, diffi- 
nitivam sententiam quam pro te contra venerabilem fratrem 
nostrum.. Eduensem episcopum venerabilis frater noster 
Menasses] (1), Àurelianensis episcopus, et Humbaudus, 
magister scolarum Autisiodorensi um (2) arbitri hinc inde 
electi de utriusque partis capitulorum assensu super juris- 
ditione domus religiose, capelle ac burgi de Bethleem apud 
Clametiacum (sic) protulisse noscuntur, sicut in litteris 
arbitrorum ipsorum didicimus contineri, auctoritate apos- 


(1) Manassès de Seignelay, évêque d’Orléans (1207-1221), frère de 
Guillaume de Seignelay, évêque d’Auxerre. 

(2) Le registre porte Autisiodorem. 


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— 446 — 

tolica confirmamus , et presentis scripti patrocinio commu- 
nimus. Ad majorent autem firmitatem predictaram litterarum 
tenorem de verbo ad verbum presentibus duximus inseren- 
dum (i); qui talis est. 

Manasses, Dei gratia Aurelianensis episcopus et H[um- 
baudus] Autisiodorensis canon icus omnibus présentes litteras 
inspecturis, in Domino salutem. Noverint universi présentes 
pariter et futuri quod, cum inter venerabiles patres Galterum 
Eduensem et Willelmum Autisiodorensem episcopos super 
capella et domo de Bethleem et burgo de Bethleem apud 
Clamentiacum {sic) cui jure diocesano subessent coram 
venerabilibus viris.. cantore.. archipresbytero et magistro 
(sic) Bono Amico canonico Bituricensi auctoritate apostolica 
questio verteretur, tandem de assensu capitulorum suorum, 
sub pena centum marcarum , compromiserunt in nos et 
venerabilem virum Magistrum Hugonem Bituricensem 
archidiaconum juxta formam que in autenticis eorumdem 
et capitulorum suorum inde confectis et nobis traditis 
expressius continetur: quarum seriem de verbo ad verbum 
presenti pagine duximus annotare. 

Littere ex parte episcopi Eduensis. 

Galterius (2) Dei gratia Eduensis episcopus omnibus 
présentes litteras inspecturis, in Domino salutem. Noverint 
universi quod cum inter nos ex una parte et venerabilem 
patrem Willelmum ( 3 ) Autisiodorensem episcopum ex altéra, 
super capella de Bethleem apud Clametiacum (5/c) et jure 
parrochiali ejusdem burgi coram., cantore.. archipresbitero 
et magistro Bono Amico, canonico Bituricensi, auctoritate 
apostolica questio verteretur, tandem mediantibus viris 
bonis et ad pacem interponentibus partes suas (4) in 
venerabilem M[anassem] Aurelianensem episcopum, Magis- 


(1) Registre: inferendum. 

(2) Galterius II (1189 — i ,r mai 1222). 

( 3 ) Guillaume de Seignelay, évêque d’Auxerre (1207-1220). 

(4) Registre : fuas. 


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/ 


— 44 7 — 

trum Hugonem Bituricensem archidiaconum et Humbau- 
dum Autisiodorensem canonicum super ilia controversia , 
sub pena centum marcarum hinc (i) inde compromisimus 
voluntate, sub hac forma : quod arbitri ipsi de piano jus 
utriusque partis inquirent et nos inconcusse servabimus 
quicquid ipsi vel episcopus cum altero coarbitrorum suorum 
duxerit arbitrandum ; et condictum est quod propter tertii 
absentiam non impedietur quin episcopus cum coarbitro suo 
qui presens fuerit procédât. Super pena autem centum 
marcarum repetenda, si essemus in deiectu plene suppo- 
suimus nos jurisdictioni episcopi supradicti. Et ut majus 
robur obtineat compromissum illud, tam per nostras quam 
per capituli nostri litteras duximus roborare. Durabit autem 
compromissum istud usque ad festum Omnium Sanctorum, 
nisi de communi consensu partium fuerit prorogatum , et ex 
tune, si non esset causa per arbitros terminata, dominus 
Autisiodorensis episcopus ad judices suos superius nominatos 
haberet recursum, et esset negotium quo ad litteras aposto- 
licas quarum auctoritate conveniebamur et quo ad omnia 
tam quo ad nos quam quo ad ipsum in eo statu in quo erat 
tempore compromissi, ita quod non posset hujus compromissi 
pretextu exceptio aliqua ex parte nostra contra ipsum vel 
litteras predictas opponi. Actum mense augusto, anno 
Domini M°. CC°. XI e . 

Littere capituli Eduensis. 

Hugo (2) decanus et universum Eduensis ecclesie capi- 
tulum omnibus présentes litteras inspecturis in Domino 
salutem. Noverint universi quod cum inter venerabiles 
patres dominum nostrum Gai ter um Eduensem ex una parte 
et Willelmum Autisiodorensem ex altéra episcopos super 
capella de Bethleem apud Clametiacum (sic) et jure parro- 
chiali ejusdem burgi coram., cantore.. archipresbytero , et 
magistro Bono Amico canonico Bituricensi auctoritate 

(1) Registre : hnc. 

(2) Hugues II, doyen d’Autun (1201-1217). 


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- 44 » — 

apostolica questio vertcretur, tandem médian tibus viril 
bonis et ad pacem interponentibus partes suas in vene- 
rabilem patrem M[anassem] Aurelianensem episcopum , 
Magistrum H[ugonem] Bituricensem arcbidiaconum et 
H[umbaudum] Autisiodorensem canonicum super ilia 
controversia sub pena centum marcarum pari volumote 
compromiserunt bine inde sub tali forma: quod arbitri 
ipsi de piano jus utriusque partis inquirent (sic), et pars 
utraque servabit quicquid arbitri ipsi vel episcopus euro 
altero coarbitrorum suorum duxerit arbitra ndum; et con- 
dictum est quod propter tertii absentiam, non impedietur 
quin episcopus cum arbitro suo qui fuerit presens procédât. 
Super pena autem centum marcharum argenti repetenda si 
episcopus noster esset in defectu , supposuit se idem epis- 
copus plene jurisditioni dicti Aurelianenais episcopi cober- 
cendum. Et ut majus robur obtineat compromissum , 
dominus noster episcopus illud duxit per suas ac nostras 
litteras roborare. Durabit autem compromissum istud usque 
ad festum Omnium Sanctorum , nisi de comuni consens* 
partium fuerit ulterius prorogatum. Et ex tune , si non esset 
causa per arbitros terminata* dominus Autisiodorensis ad 
judices suos superius nominatos haberet recursum; et esset 
negotium quo ad litteras apostolicas quarum auctoritate 
convenitur dominus noster episcopus et quo ad omnia 
tam quo ad predictum dominum nostrum quam quo ad 
dominum Autisiodorensem in eo statu in quo crat tempore 
compromissi, ita quod non poterit hujus compromissi 
pretextu exceptio aliqua contra dominum Autisiodorensem 
vel litteras suas predictas ab adversa parte opponi. Nos 
itaque, ea que ad pacem sunt cupientes, huic compromisse 
assensum prebentes, illud sub presentis pagine et sigilli 
nostri testimonio duximus roborare, ratum et inconcussum 
in perpetuum habituri quicquid ex eo fuerit (i) ordinatüm 


(i) Registre: fuit. 


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— 449 — 

Actura mense septembris, anno Incarnationis Dominice. 
MV CO. XK 

Littere ex parte Autisiodorensis episcopi. 

Wiilelmus Dei gratia Autisiodorensis episcopus omnibus 
présentes litteras inspecturis in Domino salutem. Noverint 
universi quod cum inter nos ex una parte, et venerabilem 
patrem Galterum Eduensem episcopum ex altéra, super 
capella de Bethlecm apud Clamentiacum et jure parrochiali 
ejusdem burgi coram., cantore.. archipresbytero et magistro 
Bono Amico, canonico Bituricensi auctoritate apostolica 
questio verteretur, tandem mediantibus viris bonis et ad 
pacem interponentibus partes suas,, in venerabilem Menas- 
sent] , Aurelianensem episcopum, Magistrum H[ugonem] 
Bituricensem archidiaconum , et H[umbaudum] Autisio- 
dorensem canonicum super ilia controversia sub pena 
centum marcarum pari hinc inde compromisimus voluntate 
sub hac forma: quod arbitri ipsi de piano jus utriusque 
partis inquirent , et nos inconcusse servabimus quicquid 
ipsi vel episcopus cum altero coarbitrorum suorum duxerit 
arbitrandum; et condictum est quod propter tertii absentiam 
non impedietur quin episcopus cum coarbitro suo qui 
presens fuerit procédât. Super pena autem centum marcarum 
repetenda si essemus in defectu plene supposuimus nos 
jurisditioni episcopi supradicti. Et ut mâjus robur obtineat 
compromissum illud tam per nostras quam per capituli 
nostri litteras duximus roborare. Durabit autem compro- 
missum istud usque ad festum Omnium Sanctorum, nisi de 
communi consensu partium fuerit prorogatum ; et ex tune, 
si non esset causa per arbitras terminata, nos ad judices 
nostros superius nominatos haberemus recursum , et esset 
negotium quo ad litteras apostolicas quarum auctoritate 
conveniebamus jamdictum Eduensem episcopum, et quo ad 
omnia tam quo ad nos quam quo ad ipsum in eo statu in 
quo erat tempore compromissi , ita quod non posset hujus 
corapromissi pretextu exceptio aliqua ex parte ipsi us contra 
t. n, 3 # série. 5i 


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— 4 ®° — 

nos ad (i) litteras nostras opponi. Actum mense Augusto 
M°. CO. XI 0 . 

Littere capituli Autisiodorensis. 

Raynaldus decanus ( 2 ] et universum Autisiodorensis 
ecclesie capitulum omnibus présentes litteras inspecturis, 
in Domino salutetp. Noverint universi quod cum inter 
venerabiles patres dominum Willelmum, Autisiodorensem, 
ex una parte et Galterium, Eduensem episcopos, ex altéra, 
super capella de Bethleem apud Clametiacum ex jure 
parrochiali ejusdem burgi coram., cantore.. (3) archi- 
presbytero, et magistro Bono Amico canonico Bituricensi, 
auctoritate apostolica, questio verteretur, tandem médian- 
tibus viris bonis et ad pacem interponentibus partes suas, 
in venerabilem patrcm M[anassem] , Aurelianensem epis- 
copum, et magistrum H[ugonem] Bituricensem arcidia- 
conum (sic) et Humbaudum Autisiodorensem canonicum 
super ilia controversia sub pena centum marcarum pari 
voluntate compromisimus hinc inde , sub tali forma : quod 
arbitri ipsi de piano jus utriusque partis inquirent, et pars 
utraque conçusse (sic) servabit quicquid arbitri ipsi vel 
episcopus cum altero coarbitrorum suorum duxerit arbi- 
trandum. Et condictum est quod propter tertii absentiam 
non impedietur quin episcopus cum coarbitro suo qui fuerit 
presens procédât. Super pena autem centum marcarum 
argenti repetenda, si episcopus noster esset in defectu, 
supposuit se idem episcopus plene jurisditioni dicti Aure- 
lianensis episcopi cohercendum. Et ut majus robur obtineat 
compromissum , dominus noster episcopus illud duxit per 
suas ac nostras litteras roborare. Durabit autem compro- 
missum istud usque ad festum Omnium Sanctorum , nisi 
decommuni consensu partium fuerit ulterius prorogatum : 


(1) Corrigez ac ou vel. 

(2) Renaud, doyen du chapitre d’Auxerre (1209-1212). 

( 3 ) Registre: cartore . 


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— 45i — 

ex tune, si non esset causa per arbitros terminata , dominus 
Autisiodorensis ad judices suos superius nominatos haberet 
recursum; et esset negotium quo ad litteras apostolicas, 
quarum auctoritate convenitur dominus Eduensis episcopus; 
et quo ad omnia , tam quo ad predictum dominum Eduen- 
sem quam quo ad dominum Autisiodorensem , in eo statu 
in quo erat tempore compromissi , ita quod non poterit 
hujus compromissi pretextu exceptio aliqua contra dominum 
Autisiodorensem vel litteras predictas ab adversa parte 
opponi. Nos itaque ea que ad pacem sunt cupientes, huic 
compromisso assensum prebentes, illud sub presentis pagine 
et sigilli nostri testimonio duximus roborare, ratum et 
inconcussum imperpetuum habituri quicquid ex eis fuerit 
ordinatum. Actum mense septembris , anno Incarnationis 
Domini M*. CC°. XI°. 

Assignais itaque nobis litteris supradictis, nos duo 
arbitri , non obstante tertii , scilicet archidiaconi Bituricensi 
absentia, secundum quod condictum fuerat in compro- 
misso, qui [jamdictus archidiaconus] (i) littera [liter excu- 
savit] (2) , in arbitrio processimus et per testes ydoncos hinc 
inde productos, jus utriusque partis diligentius inqui- 

rentes, (3) et ea sollempnitate peractis qua decuit, 

cum sola superesset diffinitiva sententia proferenda , Eduam 
accessimus, et ibi [presentibus] (4) partibus, formata de 
prudentium et jurisperitorum consilio sententia, pronun- 
ciavimus, diffinivimus et sententialiterdecrevimus [capellam 
et domum] (5) et burgum de Bethleem apud Clametiacum 
Autisiodorensi episcopo ut pote diocesano loci illius pleno 
[jure subesse] ( 6 ) et episcopum Eduensem nichil juris 

(1) Lacune dans le manuscrit du registre comblée (hypothétiquement. 

(2) Les lettres entre crochet écrites en marge du registre. 

( 3 ) Lacune dans le registre. 

(4) Lacune dans le registre comblée d’après le texte publié par le 
Gallia Christ iana. 

( 5 ) Idem . 

(6) Idem. 


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— 452 — 

penitus habere ibidem ; unde ei perpetuum silentium impo- 
suimus super premissis. 

Ipse vero Eduensis episcopus, probata sententia, statim se 
traxit in partem et, habito cum canonicis suis, quorum 
magna pars presens erat consilio, reversus, publiée pro- 
testatus est quod sententiam illam approbabat , et quod ei 
nullatenus obviaret; et tam fratribus dicte domus quam 
hominibus burgi de Bethleem per litteras suas patentes 
denuntiavit id ipsum. Quarum ténor hic erat. 

Galterus Dei gratia Eduensis episcopus dilectis in Cbristo 
fratribus de Bethleem et omnibus in burgo de Bethleem 
apud Clametiacum manentibus , salutem in Domino. 
Noveritis quod per sententiam venerabilis patris Manasse 
Aurerianensis episcopi et dilecti nostri H[umbaudi] Auti- 
siodorensis canonici in quos compromiseramus super capella 
et jurisditione burgi de Bethleem diffinitum est et declaratum 
quod capella, domus et burgus quo ad ecclesiasticam juris- 
ditionem pleno jure spectant ad episcopum Autisiodorensem; 
et nos, eidem sententie parentes, id vobis notificamus, et 
presentium insinuatione denuntiamus. Datum anno gratio 
M°. CC°. XI 0 . mense octobrio. IIII 0 . Kal. Novembris. 

Nos igitur arbitri, ne ea que per nos et a nobis rite ac tam 
sollempniter acta sunt, procedente tempore, possint per 
oblivionem deleri , acta ipsa in scriptum redegimus , et 
presenti pagine annotata, sigillorum nostrorum munimine 
duximus roborare. Actum anno Domini M°. CC°. XI 0 . 

Nulliergo, etc. usque (i): nostre confirmationis infrin- 
gere, vel ei etc. usque : contraire. Datum Rome apud Sanc- 
tum Petrum. IIII. Kal. maii, anno secundo. 

(i) Ces abréviations etc., usque , qui se trouvent dans tous les 
registres des Papes, avaient pour but de renvoyer les scribes de la 
chancellerie pontificale chargés de délivrer copie des bulles aux 
formules ordinaires employées dans ces actes, formules dont il y 
avait des recueils et qui variaient légèrement suivant les cas. 


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- 453 - 


LE RELIQUAIRE 

DE ^ABBESSE DE NOTRE-DAME DE NEVERS, 

G ABRIELLE ANDRAULT DE LAtfGERON. 


§ I». 

L'abbaye Notre-Dame , fondée en l’an 624, du temps de 
l'évêque de Nevers Rauracus, parThéodulfe Babolène, abbé 
de Saint-Maur-les-Fossés, qui la mit sous la règle de saint 
Colomban, était sans contredit l’un des plus anciens monas- 
tère de notre cité. 

Parmentier rapporte qu’il s’y trouvait beaucoup de reliques 
et que les dames se faisaient un plaisir de les montrer. 
C'étaient notamment celles de saint Révérien, conservées 
dans une châsse d'argent, celles de saint Genoul ( Genulfi ) 
dont les religieuses prétendaient avoir le chef aussi dans une 
châsse d’argent (i). Le même auteur ajoute que cette maison 
possédait beaucoup d’anciens titres très-bien conservés, entre 
lesquels il cite le Martyrologe de l’abbaye écrit sur du vélin 
et qui est de 1317(2). L’abbé Lebeuf mentionne fréquemment 
le Nécrologe de l’abbaye Notre-Dame. 

D’autre part, les Bénédictins, auteurs du Gallia Chris - 
tiana , nous apprennent que l’abbesse Gabrielle Andrault de 
Maulévrier-Langeron, désignée par le roi en 1642, et qui 
avait pris possession au mois d’avril 1643, avait fait 
transporter le 12 août 1667 beaucoup de reliques de saints, 
d’une vieille châsse dans une nouvelle qui était dorée : 

( 1 ) Hagiologie nivemaise , par M p Crosnier. 

( 2 ) Archives de Nevers , t. I ,r , p. 39o-3g5. 


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— 454 ~ 


Plurimas sanctorum reliquias e veteri capsa in novm 
inauratam inferri curaviî (i). 

Malheureusement , de ces riches archives pendant tant de 
siècles si bien conservées, à peine reste-t-il quelques lam- 
beaux, et des reliques et reliquaires il semblait aussi qui! 
n’y eût plus nul souvenir. 

Dans le courant de l’année dernière (1884), une personne 
de la paroisse Saint-Étienne de Nevers me fit prier de venir 
visiter un vieux reliquaire de bois doré, conservé dans sa 
famille depuis la Révolution, et dont elle ignorait l'origine; 
elle désirait connaître la valeur de cet objet pour s'en défaire, 
.quand s'en présenterait l’occasion, ne voulant toutefois, à 
cause des reliques, le livrer qu'en des mains qui sauraient le 
traiter avec respect (2). 

J'allai donc voir le reliquaire et je fus tout d’abord vive- 
ment impressionné. 

Impossible, en effet, de demeurer indifférent en présence 
de ce précieux monument! 

La forme en est simple, il est vrai ; c’est la châsse, en 
forme de maison , car elle en présente l'aspect avec ses murs 
et son toit à double pente. Mais, ce toit est ajouré sur la face 
principale de deux fenestrages ; sur le sommet sont trois 
petits pinacles soutenus par des consoles renversées et les 
parois sont partout décorées avec beaucoup de goût. 

Ici un bel écusson écartelé , surmonté d’une couronne de 
comte , avec une crosse en pal , puis des cœurs enflammés 
entre des cornes d'abondance, des vases de fleurs et de 
gracieux rinceaux très-élégamment feuillés et fleuris , d’où 
sortent des têtes d’aigles couronnées , le tout imprimé dans 
une pâte, sorte de mastic appliqué sur le bois, et fort en 
usage dans la seconde moitié du dix-septième siècle. 


(1) Gall. Christ ., t. XII, colonne 675. 

(2 J Ce reliquaire est aujourd’hui en la possession de M. Frédéric 
Flamen d'Assigny, qui a bien voulu dessiner les trois lithographies 
dont cette notice est illustrée. 


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Google 


- 455 - 

J avais hâte de soulever le couvercle du monument. Peut- 
être quelque relique de saint nivernais me mettrait-elle sur 
la voie d'une précieuse découverte. Désillusion complète!... 
Sur de petits billets de parchemin cousus à des sachets de 
soie se lisent bien de très-curieuses inscriptions dont la plus 
ancienne est du douzième siècle, les autres des quatorzième, 
quinzième, seizième et même du dix-septième siècle, mais 
pas un mot révélant une origine nivernaise! Ce sont des 
reliques de saint Lô, de sainte Claire, de saint François 
d' Assise, des saints Innocents, des cheveux de sainte Made- 
leine, des souvenirs de la Terre-Sainte. Il y a même un 
petit souvenir de pèlerinage à la sainte Robe de Trêves, etc., 
et d’autres ossements , fragments de crânes, vertèbres, mais 
sans aucune indication. 

Il me fallut revenir sérieusement à l'examen de l’écusson , 
qui seul devait évidemment tout expliquer. 

Quelques paroles échangées avec le détenteur du reliquaire 
sur l’ancien lieu d'habitation de sa famille m’avaient fait 
déjà songer à l’abbaye Notre-Dame et à l’abbesse de Lan- 
geron-Maulévrier dont les armes : d’aqur, à trois étoiles 
d'argent, étaient écartelées <f argent, à trois fasces vivrées de 
gueules y à la bande d'aqur semée de fleurs de lys cTor (i). 

Mais , me rappelant d’autre part le bel écusson losangé 
d’une autre abbesse de Nevers, de Saillans, récemment 
reproduit dans V Histoire des verriers de Nevers , remar- 
quant aussi que la crosse des abbés doit être tournée en 
dedans de l’écusson et non en dehors, parce que leur 
juridiction ne s'exerce qu’à l’intérieur du monastère, 
j’éprouvais quelque scrupule et j’en écrivis à notre savant 
collègue et maître dans ces questions, M. le comte de 
Soultrait, qui me fit cette réponse catégorique : 

c II était, en effet , d'usage de donner aux armes <jes filles 
et même des femmes la forme du losange ; mais cet usage 

(i) Armorial du Nivernais, 1 . 1", p. io5-io6. 


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- 456 - 

comportait de nombreuses exceptions , tandis que les digni- 
taires ecclésiastiques mâles plaçaient toujours sur leurs 
armes, à partir du seizième siècle, non -seulement une 
crosse, mais une mitre. Ce n’est pas dans les livres qu’il 
faut étudier le blason , mais bien sur les monuments de tout 
genre. Les grammaires n'ont été composées que bien après 
la formation des langues ; de même les traités de blason des 
Paillot, Ménestrier, etc., ont formulé des règles héraldiques 
régentant le blason, langue parlée, si je puis m’exprimer 
ainsi, depuis cinq siècles, mais formulant ces règles d’après 
leurs idées et sans tenir compte des monuments du moyen- 
âge , dont on faisait si peu de cas aux dix-septième et dix- 
huitième siècles. De là les hésitations de personnes qui ont 
surtout étudié le blason dans ces livres remplis de règles en 
général inventées par leurs auteurs. C’est ainsi que, selon les 
héraldistes, la volute des crosses abbatiales devait être 
toujours tournée en dedans; or, même au dix-huitième 
siècle, vous trouverez les crosses abbatiales tournées pour la 
plupart en dehors. Vous pouvez sans crainte attribuer à 
l'abbesse Andrault de Langeron le reliquaire , d'autant que 
le texte du Gallia Christiana donne toute certitude à cette 
attribution. • 

Le doute n’était plus permis. Mais, voici bien mieux 
encore! Sur ces entrefaites, il me souvint de quelques 
feuillets de parchemin , débris du dernier nécrologe de 
l'abbaye, et en assez mauvais état d’ailleurs , qu'un heureux 
hasard m’avait fait autrefois recueillir, et sur lesquels se 
trouvaient des notes courantes, de différentes mains, faisant 
surtout mention de reliques. Je laisse à penser la joie que 
j’éprouvai en découvrant précisément le procès-verbal de 
reposition des reliques de l’ancienne châsse du monastère 
dans le nouveau reliquaire de l’abbesse de Langeron. Aussi 
bien , voici le texte intégral de ce document si précieux et 
qui peut jusqu'à un certain point remplacer les titres 
authentiques ; 


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<? J * 

CCU^^orv dix Ht L U.ow^t 

de ^OAi^ion , ***** uolu cieui/u \i^Tu.i>eU^e . ~ 


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— 4 57 ~ 

« Le douzième jour du mois d’aouSt mil six cens soixante 
et sept, les reliques de plusieurs sains dont on a treuvé dans 
la châsse de bois qui repose dans ce cœur vis-à-vis celle de 
saint Révérien, duquel la translation a ci-devant esté faite, 
les escris suivans dans des billets de parchemain : Hic est 
dens dignus (i) Beatissimi et gloriosissimi venerabilis 
Lautoni Epi et confess. cujus festivitas colenda decimo 
kalendas octobris. 

» Item , dans un autre est escrit : 4 e la porte dorée , de la 
cinture de saint Genouil, de la pierre où Notre-Seigneur 
fit sa prière et sua sang et eaue , de la pierre où Notre- 
Seigneur pleura devant sa passion , des on\e mille vierges 
et plusieurs autres sains ; des cheveux de sainte Madeleine . 

» Plus un autre billet de parchemin où est escrit des 
vestemens de sainte Claire et de la chaire de saint François. 

» Ont esté mises les reliques sancti Megety mart. et la 
forme de la robe de Notre-Seigneur qui est % Trêves qui 
se montre de soixante ans en soixante ans. 

» Se sont trouvées dans ladite châsse plusieurs autres reli- 
ques desquels il n’y a point d’escrit, comme un corporeau ( 2 ), 
des ossemens grans et petis, la partie d’un crasne de teste et 
beaucoup d'autres, toutes lesquelles reliques ont esté trans- 
portées par ordre de madame, madame Gabrielle Andros de 
Langeron, abbesse de céans, en présance de toute la commu- 
neauté, dans l’honneur deu aux saints, dans une châsse de 
bois doré pour plus grande vénération, mise dans l’aumoise 
des reliques de céans , le tout pour obtenir plus grandes 
faveurs et grâces du ciel par leurs intercessions. Ce qui a 
esté fait par moy soussigné, à la réquisition de la commu- 
^ neauté, le Père directeur absent, les an et jobr susdis. 
P. Guillemeau, curé de Saint-Genez de Nevers. » 

(1) Cette lecture est fautive ici et sur plusieurs autres points qui 
seront rectifiés dans le paragraphe suivant. Le curé de Saint-Genest 
n'était pas fort en paléographie, pas plus qu'en orthographe. 

(2) U a malheureusement été enlevé. 

t. 11, 3 * série. 5 z 


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I 


— 458 — 

L’authenticité et l’origine de notre reliquaire étant établies 
d'une manière incontestable , nous allons maintenant 
examiner brièvement chacune des reliques , puis donner la 
copie de quelques textes du nécrologe relatifs à d'autres 
insignes reliques de l'abbaye. 


§ ». 

Sur un coussin de très-beau taffetas, couleur orange, de la 
longueur du reliquaire, sont cousus ou retenus avec de gros 
fils de soie jaune d'or : 

i° Au milieu, un sachet de soie grise, portant cette inscrip- 
tion écrite sur parchemin en belle gothique de la première 
moitié du douzième siècle : Hic est dentus et digitus beatis - 
simi et gloriosissimi venerabili Lautoni ejpi et confs . Est 
sua festivitas colenda Xmo KL ocbr. 

2° Au-dessous, un carré de taffetas blanc présentant une 
forme de robe de Notre-Seigneur peinte en rouge foncé, avec 
cette date : A 0 i655, et ces deux lignes sur une petite bande 
de papier : 

LA FIGURE DE LA ROBE DE NOTRE-SEIGNEUR QUI EST A TRÊVES 
ET SE MONTRE DE 6o ANS EN ÔO ANS. 

3* Adroite du n° i, petit sachet de soie grise avec cette 
inscription sur parchemin en gothique cursive du seizième 
siècle : Des vestemans sainte Cle (Claire) et de la che (chaire) 
saint Franqoys. 

4° A gauche du n° i , petit sachet de soie rose avec ces 
deux mots sur parchemin, en gothique du quinzième siècle : 
De innocentibus. 

5° Autre sachet de soie grise, mais ouvert et entièrement 
vide, dont il ne reste que l’étiquette de parchemin sur laquelle 


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on lit, noh sans peine, l'encre étant en partie effacée, ces sept 
lignes en petite gothique du seizième siècle : 

DE LA PORTE DORÉE 
Dü SERVEAUL SAINCT GENUL 

DE LA PIERRE OU N re S r (NOTRE-SEIGNEUR) FIT SA PRIERE ET 
SUA SANG ET EAUE 

DE LA PIERRE OU N w PLORA DEVANT SA. .. 

DES UNZE MILLE VIERGES 
ET PLUSIEURS AUTRES. 

6° Autre sachet, ouvert et vidé en partie, formé par un large 
ruban de taffetas blanc, avec une petite bande de parchemin 
sur laquelle une main du dix-septième siècle a écrit : Des 
cheveus de sainte Madeleine. 

7 ° A chaque extrémité du reliquaire sont deux fragments 
de crâne ; l’un, dur et luisant (os temporal) , qui indique un 
adulte (i) ; 

L’autre, blanchâtre, maculé et un peu écaillé (os occipital), 
d’une plus grande épaisseur, devant appartenir à une per- 
sonne âgée ayant, d’ailleurs, l’apparence d’une haute anti- 
quité ; 

Tous deux sans aucune indication. 

8° Une vertèbre d'un sujet de moyenne taille, avec cette 
petite inscription imprimée en italique sur papier : S . Feli - 
cissimœ mart ; 

9 ° Deux autres fragments d'os longs (humérus ?), avec 
inscription pareillement imprimée en italique : S . Honorati, 
— S . Piunii m. 

io° Plusieurs autres ossements : un métacarpien d'adulte, 
une côte première du côté gauche, un fragment de côte. 


(i) C’est à l’obligeance de notre collègue, M. le docteur Subert, que 
nous devons la détermination précise de tous les fragments d’osse- 
ments qui vont être signalés; 


\ 


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— 460 — 

Enfin, dans une boîte placée au fond du reliquaire et sur 
laquelle est écrit : Pour monsieur Quartier , prieur de 
Chantel en Bourbonnois (1), se trouvent encore, sans aucun 
ordre , quantité d’ossements , deux vertèbres cervicales 
connues sous le nom à' axis , un fémur d’enfant nouveau- 
né, etc., le tout sans indication quelconque, sauf au milieu 
de ces débris un papier replié en forme de sachet sur lequel 
une main du dix-septième siècle a écrit en belle cursive : 
Reliquiœ sanctæ Benedictœ virg. et martyris . D'une ver- 
tèbre ; et bien probablement cette vertèbre est là parmi les 
autres ossements. 

Evidemment, ces reliques avaient été déposées postérieu- 
rement, et nous n’avons pas autrement à nous en occuper. 
Nous devons cependant signaler encore, parmi tous ces osse- 
ments si tristement mélangés et inconnus , plusieurs petits 
paquets de soie de diverses couleurs ayant appartenu au 
reliquaire et qu’une jnâlencontreuse curiosité avait fait 
ouvrir pour en extrairë les reliques qui ont été en partie 
distribuées (2) : 

D'abord un paquet d’étoffe verte du dix-septième siècle 
contient de nombreux fragments d’ossements et un morceau 
de sandal rouge très-foncé du douzième siècle, roulé en 
guenille, et à son tour conservé selon l'usage ancien, comme 
relique, parce qu’il avait servi primitivement à les envelopper. 

Un autre petit paquet d'étoffe, bleu contient d’autres 
morceaux de sandal, tout roulé, de couleur également très- 
foncée et qui paraît aussi ancien que le précédent. 

(1) Claude-Guy Quartier, curé de la paroisse de Chaluzy-les- 
Nevers, de 1707 à 1756, avait pris possession d’un canonicat delà 
cathédrale en 1715. 

(2) Les détenteurs du reliquaire nous ont dit, en effet, que leur 
vieille tante prenait plaisir à le porter dans des maisons amies et dans 
des communautés religieuses où elle aimait à faire de pieuses largesses. 
C’est ainsi que le Carmel de Nevers se réjouit de posséder une touffe 
de cheveux de sainte Madeleine presque aussi importante que celle 
qui existe dans notre reliquaire. 


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A 



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— 461 — 

Une double enveloppe de soie rose pâle couvre un os rond 
et luisant (tête de fémur). 

Un quatrième petit paquet d’étoffe rose ne renferme, à part 
deux débris d’ossements, que des fragments de pierres dont 
plusieurs réduites en poussière, parmi lesquelles de petites 
parcelles de verre rose avec des fragments minuscules de 
grenat et d’émeraude. 

Ces débris de pierre nous ont rappelé le n° 5 précédem- 
ment décrit, et qui précisément a été ouvert et dont il ne 
reste que l’inscription indiquant surtout des pierres recueil- 
lies en divers lieux sanctifiés de Jérusalem. 

Il nous semblait à propos d’ouvrir également, avec tout le 
respect dû à ces saintes reliques, les sachets demeurés fermés 
depuis l’inauguration du teliqüaire de 1667. Une circons- 
tance des plus favorables vint heurè^gjnent se présenter: 
Mgr Barbier de Montault était à Ne ver?&tf mois d’août 1884 
avec M. Léon Palustre directeur de la Société française. 
Après avoir visité la cathédrale, ces deux maîtres de l’archéo- 
logie et de l’iconographie chrétiennes en France voulurent 
bien venir faire une halte au presbytère de Coulanges. Le 
reliquaire ne pouvait être oublié. Voici brièvement le résultat 
de ce minutieux examen : 

i* Dans le sachet du très-heureux, très-glorieux et véné- 
rable évêque et confesseur Lautoni, une enveloppe de soie 
très-brillante, jaune d’or, du dix-septième siècle, à liséré 
orange, renferme plusieurs débris d’ossements fort anciens, 
et entre autres un fragment de vertèbre et un fragment d’os 
frontal, mais pas de traces reconnaissables des dentus et 
digitus de l’inscription ; — deux fragments d'éponge sans 
doute imprégnés de sang ; deux fragments d’étoffes orientales 
différentes en soie ou chaîne de fil, antérieures au douzième 
siècle, de couleurs blanche, jaune doré, rouge, bleu ; — deux 
morceaux de sandal vermeil, un de sandal bleu, un desandal 
tanné, un autre de sandal Inde foncé ; toutes ces étoffes 
roulées en guenille. 


X 


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— 4^2 — 

2* Dans le sachet, des vêtements de sainte Claire et de le 
chaire de saint François d’ Assise, une enveloppe de sandal 
vermeil du treizième siècle contient un fragment as ses 
important d’étoffe blanche très-fine dite chainsil et autres 
fragments d’étoffe de couleur brune, plus trois petits mor- 
ceaux de bois, dont deux de couleur blanche un peu jaune, 
l’autre presque rouge. 

3 ° Dans le sachet des Innocents, une enveloppe de damas 
rouge Olosericum du quinzième siècle contient plusieurs 
fragments de petites côtes et divers ossements d’enfant (ij. 

4* Dans le dernier sachet, des cheveux de sainte Madeleine, 
sans aucune autre enveloppe, se trouve une touffe vraiment 
considérable de cheveux très-fins, de couleur tirant sur le 
rouge et ne paraissant pas avoir perdu leur fraîcheur. A 
propos de cette dernière relique il nous a paru intéressant de 
consulter le grand ouvrage de M. l'abbé Faillon sur sainte 
Madeleine. On y trouve en effet un très-long inventaire et 
reconnaissance des différentes reliques du trésor de /’ église 
de sainte Madeleine, fait en 1780 par le président de la 
Cour des comptes et autres commissaires députés à cet 
effet. Or, voici le passage relatif aux cheveux de sainte 
Madeleine (2) : 

« Nous avons procédé à la vérification de la châsse. Au 
milieu se trouve un vase de verre, de forme longue, garni 
aux deux extrémités d’un ouvrage d'argent doré et que 
le P. Prieur nous a dit contenir les cheveux de sainte 
Madeleine. Quoiqu’il paraisse au travers du verre et d’une 
manière très-distincte que les cheveux qui y sont renfermés 
n’ont souffert aucune des altérations que l’ancienneté cause 


(1) Voir dans la Revue de Vart chrétien, à propos du trésor de B*n, 
l’étude de M‘ r Barbier de Montault sur les reliques des saints Inno- 
cents. 

(2) Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en 
Provence, édition unique, t. II, col. 1575. 


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— 463 — 

aux choses de cette nature, le P. Prieur et les conseils, pour 
ne rien négliger de ce qui peut augmenter la confianee et la 
dévotion des peuples, nous ont prié de faire rompre les 
sceaux qui ferment ce vase et de montrer aux fidèles les 
cheveux de cette sainte qui attirent le respect et la vénération 
non-seulement de cette province, mais encore du monde 
entier. Du consentement de l’avocat général, les sceaux ayant 
été enlevés par l’ordre des commissaires, le vase de verre a 
été remis dans les mains du P. Prieur. Celui-ci, revêtu de 
son étole, a fait Touverture de ce vase en notre présence, avec 
tout le respect et la dévotion qu’exige un dépôt si sacré. Les 
cheveux de la sainte ont donc été montrés au peuple et le 
sieur Sauveur, médecin, les ayant examinés, nous a dit qu’ils 
étaient aussi naturels que s’ils avaient été coupés à l’instant 
même. La dévotion du peuple a suspendu pendant une 
demi-heure l’obligation où nous étions de faire sceller cette 
fiole; elle est toujours restée entre les mains du P. Prieur 
revêtu de son étole, et qui la montrait au peuple. Après quoi 
nous avons fait fermer ce vase et y avons fait apposer deux 
cachets aux armes du roi. » 

Dans l’acte de reconnaissance juridique de diverses 
reliques de sainte Madeleine fait après la Révolution, en 
i8o3, par ordre de M gp Champion de Cicé, archevêque 
d’Aix, les commissaires délégués disent aussi : 

« Nous avons encore vérifié une fiole haute de deux 
pouces, renfermant quelques cheveux de sainte Madeleine, 
que nous avons entourée d’une soie rouge et sur laquelle 
nous avons apposé notre cachet (i). » 

Une très-curieuse étude de Ms r Barbier de Montault, 
intitulée : Le Culte de sainte Madeleine à Rome ( 2 ) fait 
plusieurs fois mention des cheveux de sainte Madeleine qui 


( 1 ) Monuments inédits , t. Il, col. i6i5. 

(2) Marseille, typographie Cayer, 1872. 


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, — 464 — 

étaient conservés à Sainte-Marie-du-Transtevère et à Saint- 
Laurent-hors-les-Murs. Une inscription de l’année i3o6, 
dans l’église de Sainte-Barbe, fait connaître que le maître- 
autel avait reçu, dans la cérémonie de consécration, des 
cheveux de sainte Madeleine : 

HEC. SUNT. RELIQUIE. POSITE. IN. HOC. ALTARI. 

DE. CAPILLIS. S. MARIE. MADELENE. 

Un grand nombre d'églises, en France surtout, se glori- 
fiaient, d’ailleurs, de posséder de ces cheveux dont la sainte 
s’étaitjservi pour essuyer les pieds du Sauveur : 

Citons, entre autres, la cathédrale de Chartres, dont le 
trésor vient d’être publié par M. de Mély; la cathédrale 
d’Amiens, qui conservait les cheveux de la sainte dans un 
vase de cristal taillé en forme de poisson, etc. 

Nous ne saurions non plus omettre de rechercher quel est 
ce très-heureux et très-glorieux vénérable Lautoni, évêque 
et confesseur , dont les reliques occupent la place d’honneur 
dans notre reliquaire. Heureusement , la date de la fête 
inscrite à la suite du nom lève toute difficulté. En ouvrant 
le vieux martyrologe d'Usuard, non pas au X, mais au XI 
des calendes d’octobre , c’est-à-dire au 21 septembre, nous 
trouvons plusieurs fois mentionné saint Lo ( Lautus , Lauto, 
Laudus, Lod '), le glorieux évêque de Coutances, mort vers la 
fin de S6y ou 568 , après un épiscopat de plus de quarante 
années, et proclamé depuis, après la sainte Vierge, le second 
patron du diocèse. 

Comment ces reliques de saint Lo se trouvent-elles dans un 
reliquaire nivernais, avec tant d’autres également étrangères 
au diocèse, il serait superflu de vouloir l’expliquer ! Cepen- 
dant, un savant chanoine de Coutances, M. Eut. Pigeon, 
consulté à ce sujet par notre collègue M. l’abbé Fouché, après 
nous avoir observé que les églises de Rouen, de Tulle et 
d’Angers, ainsi que la cathédrale de Coutances et l’église de 
de Saint- Lo, .sur la Vire, possèdent encore d’importantes 


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— 465 — 

reliques du saint évêque, ajoute que la famille Andrault de 
Langeron, étant alliée aux personnes les plus nobles du 
département de la Manche, l’abbesse de ce nom avait bien pu 
obtenir des reliques de saint Lo pour son abbaye de 
Nevers. 


§ III. 

A la suite de la note si importante pour l’origine de notre 
reliquaire, inscrite dans le nécrologe de l’abbaye Notre- 
Dame, et que nous avons dû reproduire avant l’examen des 
reliques, s'en trouve une autre également intéressante écrite 
de la main du même curé Guillemeau; elle offre aujourd’hui 
un véritable intérêt historique (i). 

Nous pensons qu’on lira avec plaisir ce document : 

€ L’an mil six cens septante, le deuxième jour du mois de 
mars, par la dévotion de madame , madame Gabrielle de 
Langeron, abbesse, et de sa communauté, a été posée et 
bénite une croix de bois au milieu du chapitre, de même 
hauteur, largeur et espaisseur que la vraie croix sur laquelle 
Notre -Seigneur Jésus-Christ a esté attaché au mont de 
Calvaire. 

* Les mesures ont esté aportées et prises sur celle qui est 
dans la sainte chapelle de Bourbon. Elle est en terre de la 
même hauteur qu’elle y est au mont de Calvaire, de sorte 
que ce qui parolt hors de terre est de la même hauteur que 
celle en laquelle Notre-Seigneur fut eslevé y rendant son 
esprit à son père. 

» Dans ladite croix , sous trois divers cristaux , est de la 
vraie croix envoiée par des dames religieuses, d’une partie 
qu’elles gardent précieusement la tenante de personnes 
très-assurées. Il y a encore de plusieurs reliques aportées des 
lieux saints entre lesquelles sont de celles de saint Pontian, 

(t) Voir les Archives paroissiales de Nevers, p. i6i-iô5« 

T. n, 3" série. 53 


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- 466 - 

martyr, de saint Révérian, de saint Vincent et de plusieurs 
autres saints. Fait à Nevers , les an et jour susdits, en pré- 
sence de madame l’Abbesse susdite et de notre commu- 
neauté. » 

Les religieuses possédaient surtout de très-importantes 
reliques de saint Révérien, évêque martyr, in territorio 
Nivernensi, — comme il se lit dans les notes du grand marty- 
rologe d’Usuard (i), — et sous les murs de Nevers, au dire 
de Parmentier, d’après les plus anciennes traditions , au lieu 
même où fut bâtie depuis une petite chapelle sous son 
vocable, dans le jardin de l’abbaye Notre-Dame ( 2 ). 

Sur le feuillet précédent du nécrologe est relaté un autre 
procès-verbal antérieur de onze années, relatif au nouveau 
reliquaire que la pieuse dame de Langeron avait fait faire 
en l’honneur de saint Révérien. 

Voici le texte de ce procès-verbal déchiffré non sans peine, 
car le feuillet sur lequel il est écrit est devenu presqu’illisible, 
ayant été employé à 1* un de ces usages domestiques auxquels 
ont été condamnés tant de précieux manuscrits du moyen- 
âge: 

« L'an mille six cens cinquante- neuf , le vingt-huict 
décembre, les anciennes, vénérables et sacrées reliques qui 
sont dans ce couvent du glorieux saint Révérian, evesque 
d’Autun et martyrisé dans la ville de Nevers, proche cette 
abbaye, le premier juin l’an de Notre Seigneur deux cent 
soixante et douze, ont été transportées d’une châsse de bois 
où cy devant elles reposaient et mises dans une d’argent pour 
plus grand respect, par l'ordre de madame l’Abbesse et de 
toutes les dames de sa dévote communauté, avec grande 
vénération et cérémonie. Et on a laissé celle de bois soustenue 
de deux potences de fer attachées au hault d’un pillier où 
elle estoit au dedans du chœur desdites dames de céans 

(1) Patrologie de Migne. Marty roi. Usuardi t. II, p. 112. 

(2) Archives de Nevers , t. I #r , p. 383 . 


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— 467 — 

avec les raesmes linges qui les enveloppent. Quant à celle 
d'argent elle est dans ce mesme chœur dans les aumoises où 

sont les autres reliquaires et révérence pour obtenir 

quelques faveurs du ciel. » 

Le Père Artus du Moutier, récollet, dans sa notice sur 
saint Révérien, insérée dans la Vie des Saints du Père 
Ribadéneyra, fait mention en ces termes de ces deux 
reliquaires : 

« Les dames de Nevers, religieuses de Tordre de Saint- 
Benoist , ont dans leur abbaye le chef de saint Révérien, 
presque tout entier, en un reliquaire d’argent, et dans une 
caisse de bois de ladite église est conservée la pluspart de 
son corps. » 

Il ajoute: 

« Au mesme monastère se monstre encore aujourd'huy 
une pierre sur laquelle on tient par tradition que ce sainct 
évesque fut décapité. Notre-Seigneur a voulu honorer ces 
reliques sacrées de plusieurs grands et insignes miracles, à 
l’endroict de ceux qui ont imploré les prières et les interces- 
sions de son fidèle serviteur. » 

D’autre part, dom Martenne, dans son Voyage littéraire 
de deux religieux bénédictins , au commencement du siècle 
dernier, écrivait : c J’eus beaucoup de consolation de voir à 
Nevers, dans le jardin de l’abbaye Notre-Dame, une petite 
chapelle dans le lieu même où Ton dit que saint Révérien, 
évêque d’Autun , souffrit le martyre. La pierre sur laquelle 
il eut la tête tranchée se conserve dans Téglise et ses sacrées 
reliques dans le trésor, en une belle châsse d’argent, avec 
plusieurs autres reliques fort considérables. » 

Le souvenir du glorieux martyr et premier saint connu de 
la ville de Nevers n’est plus aujourd’hui rappelé parmi nous, 
en dehors de la liturgie du diocèse , que par la fontaine du 
nouveau jardin de la Société d'horticulture, qui sourd pres- 
qu’au pied des remparts , à quelques mètres de la gracieuse 


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- 468 — 

petite tour de Saint-Révérien , et par la rue Saint-Révérien 
désignée autrefois , dans les anciens terriers du chapitre de 
Saint-Cyr, sous le nom plus caractéristique encore de: Rue 
de la Pierre- Saint-Révérien (1). 

Nous ne terminerons pas sans faire connaître, puisque 
s’en présente l’occasion, une inscription gravée en lettres 
capitales sur une petite plaque de cuivre dont nous ignorons 
la provenance, mais qui paraît avoir appartenu à un reli- 
quaire de l’abbaye Notre-Dame ou de l’église Saint-Genest, 
dépendante de l’abbaye, et témoigne une fois déplus, — 
la date l’indique , — du zèle de l’abbesse de Langeron pour 
les saintes reliques : 

l’an. 1 663 

LA . COSTE . DV 
GLORIEVX . S* . GENES 
CI . DEVANT . ESTOIT 
EN . VN . CHEF . DE . BOIS 
A . ESTE . MISE . EN . CE 
VERRE . GARNI . D’ARGENT 
ET . LA . DRASPERIE 
DE . LA . DITE . FIGVRE 
COVVERTE . DARGENT . 

Enfin , comme dernier mot , citons ce curieux passage de 
la Relation de ce qui s'est passé de plus considérable en la 
ville de Nevers... pour la cérémonie de la canonisation de 
saint François de Sales ..., imprimée à Nevers par Pierre 
Harly, imprimeur du roy en 1668 (2) : 

c Nous devons aussy, disent les religieuses , faire justice 
à madame de Langeron , très-digne abbesse de l’abbaye 

(1) Voir l’article de la Semaine religieuse du diocèse, au mois de 
juillet 1882, publié sous ce titre: La fontaine Saint-Révérien , près 
V abbaye Notre-Dame . 

(2) Cette précieuse plaquette est conservée au monastère de la 
Visitation de Nevers. 


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— 469 — 

Notre-Dame de cette ville , laquelle, dans la gratification de 
plusieurs ornements de prix qu'elle nous fist, voulut bien 
nous confier une pièce qui luy est aussi chère qu'elle est en 
soy considérable. C’est une image de la Vierge d’argent doré 
en relief, haute d’environ deux pieds, parfaitement bien 
faite, enrichie de quantité de pierreries, mais surtout d’une 
petite ampoule de cristal, pleine du sacré laict de cette 
divine mère de Dieu. Nous la portâmes en procession faite à 
son honneur, et nous luy adressâmes nos vœux dans notre 
cœur avec bien de la consolation... » 

Novembre i885. 

L’abbé BOUTILLIER. 


LE DÉLUGE BIBLIQUE 

ET LES RACES ANTÉDILUVIENNES. 


Les origines du monde et de l’humanité, les grands 
événements qui signalèrent l’histoire du genre humain à sa 
naissance, ont toujours eu le privilège de provoquer un 
intérêt spécial. Les travaux d’exégèse et d’érudition qui 
traitent du déluge, ce grand cataclysme qui nous est révélé 
par la Bible et confirmé par la science et la tradition des 
peuples, ne sauraient donc passer inaperçus. C’est à ce titre 
que nous voudrions faire connaître des travaux de science et 
d’exégèse récemment publiés sur une question qui n’est pas 
nouvelle et qui, depuis saint Augustin , a plus d’une fois 
été discutée , sinon résolue par les Pères , les docteurs et les 
théologiens. Hâtons-nous de le dire cependant, l’Eglise ne 
s’est jamais prononcée, et cette opinion est demeurée libre, 
parce qu’elle n’intéresse à proprement parler ni la foi ni les 
mœurs. 


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— 47 ° — 

Un savant oratorien de Rennes, dont l'orthodoxie ne 
saurait être mise en doute, M. l’abbé Mottais, et plus 
récemment encore un écrivain ; connu par des publications 
scientifiques d’un haut intérêt, M. J. d’Estienne, viennent 
de traiter cette question : l’un , dans un livre qui a eu un 
grand retentissement; l’autre, dans la Revue des questions 
scientifiques dirigée, comme on le sait, par de savants 
religieux de la Compagnie de Jésus. Leurs publications 
ont pour but d’établir cette thèse que le déluge mosaïque 
n’aurait pas été universel, dans le sens absolu du mot, même 
par rapport à l’humanité, et n’aurait atteint que le groupe 
de races auquel appartenaient Noé et sa famille. 

L’argumentation des savants auteurs reposerait avant tout 
sur ce principe, que personne ne conteste, c’est que cette 
destruction universelle et générale de l’humanité n'est point 
un dogme qui s’impose aux croyants. On confond trop 
souvent dans la Bible les vérités de l’ordre dogmatique et 
religieux avec l’interprétation de faits de l’ordre matériel et 
se rattachant à des sciences que l’Ecriture sainte n’a point et 
n’a jamais eu pour but de nous enseigner. 

En outre , il y a dans les langues orientales et dans la 
langue hébraïque en particulier, des expressions poétiques , 
des formes hyperboliques , des tours et des expressions qui 
n’ont rien de rigoureux , et que les interprétateurs les plus 
sévères du texte sacré ne prennent point à la lettre. La 
Bible , en se servant de ces locutions , comme par exemple 
en disant que « le monde a été créé en six jours » , que « le 
soleil s’est arrêté, » etc., n’exprimait qu’une erreur appa- 
rente. Elle se servait des expressions reçues et seules intel- 
ligibles au temps et dans les pays pour lesquels elle était 
écrite. 

D’autre fois , enfin , la traduction de l’hébreu , soit en 
latin, soit en grec ou en d’autres idiomes, ne rend qu’impar- 
faitement le sens hébraïque ; on l’interprète d’une façon qui 
n’est pas absolument rigoureuse. C'est ainsi qu’à propos du 
déluge, la phrase de la Vulgate « Onme genüs hominum super 


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— 47 1 — 


tjniyersam terram » , qui semblerait commander l'interpré- 
tation de l’universalité de la destruction , n’est elle-même 
qu’une interprétation ; elle n’existe pas dans le texte hébreu , 
où on lit seulement « Ab his (filiis Nol) dispersa est omnis 
terra : « KOL KAARETS ». 

Les commentateurs de ce texte, après avoir établi qu'il 
porte sur un lait qui ne touche ni au dogme ni à la morale, 
insistent l’un et l’autre sur ce point , c’est que la tradition 
n’apparaît pas ici avec un caractère de décision nette, 
unanime, suffisant, pour qu’on ait le droit de la faire 
intervenir comme organe de l’Église. La situation est 
analogue à ce quelle était avant Copernic, relativement au 
miracle de Josué. 

La conclusion et la conséquence de ces arguments intrin- 
sèques tirés de l’interprétation de la Bible se formule d’elle- 
même. Si l’opinion de l’universalité du déluge, et non 
géographique seulement, est soutenable et plausible à 
première vue du texte biblique, l’opinion contraire, celle 
que le déluge décrit par Moïse aurait pu épargner d’autres 
hommes que la famille de Noé , ne serait ni hétérodoxe ni 
téméraire, mais rentrerait dans l’ordre des opinions libres. 

Or, il se trouve que cette interprétation libre mais légitime 
du récit mosaïque du déluge, d’une part, supprime les 
difficultés que soulève l’universalité du cataclysme, et de 
l’autre, montre les clartés, les confirmations, l’enchaînement, 
j’allais dire la certitude, qu’apporterait au récit biblique la 
non-universalité du déluge. 

« Jamais, dit Jean d’Estienne, l’opportunité de cette 
liberté exégétique n’a été plus grande que de nos jours. De 
toutes parts, la science irréligieuse attaque nos livres saints, 
les ridiculise. Avec une habileté parfois sincère, plus 
souvent perfide, la critique rationaliste ou soi-disant libre- 
penseuse exploite contre eux les opinions particulières des 
commentateurs, les interprétations anciennes abandonnées 
ou rendues invraisemblables par les récents progrès des 


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— 47 * — 


sciences d’observation, en représentant ces interprétations 
et ces opinions libres comme imposées par l’Eglise à la 
croyance des fidèles. » 

M. Jean d’Estienne, après l'abbé Mottais, nés est pas proposé 
un autre but que de montrer, d’après les plus récents travaux 
de la science et de l’exégèse , qu’il ne saurait y avoir aucune 
hostilité, aucune contradiction entre la religion et la science, 
entre la foi et la raison. 

L’étude publiée par la Revue des questions scientifiques 
nous donne d’abord un aperçu historique des plus intéres- 
sants. Elle fait connaître au sujet du déluge les trois systèmes 
qui ont eu cours à diverses époques, ou plutôt les trois 
écoles. 

Le premier système, celui de I’universalité absolus, 
consiste à croire que l’eau du déluge détruisit le genre 
humain tout entier, et recouvrit même les plus hautes 
montagnes , les parties de la terre les plus inaccessibles , où 
aucune créature humaine n’avait jamais pu accéder. Cette 
école ne compte plus guère de partisans sérieux. Les com- 
mentateurs estiment que là surtout les expressions de la 
Bible, sur les « sommets des montagnes t, la t destruction 
de tout ce qui a vie , » etc., ne doivent point être prises à la 
lettre. 

Le second système est celui de I’universalité restreinte 
ou universalité ethnographique, d'après laquelle le cata- 
clysme se serait étendu seulement aux parties de la terre 
habitée par l’humanité, mais aurait laissé intacts les sommets 
des montagnes , les solitudes et les déserts. Avec ce système 
assez généralement accepté aujourd'hui , beaucoup de diffi- 
cultés s'évanouissent , mais il en subsiste un grand nombre 
encore. 

C’est le troisième système seul, celui de la destruction 
partielle qui, selon MM. l’abbé Mottais et Jean d’Estienne, 
peut résoudre les objections et faire la lumière , sur tous les 
points obscurs et jusqu’ici inexpliqués. Mais nous aimons 


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- 473 - 

mieux suivre dans quelques-uns de ses aperçus le travail de 
M. d’Estienne. 

Après avoir établi la question historique, l’écrivain 
signale les noms les plus autorisés parmi ceux qui ont pris 
en main la défense de la thèse qu’il adopte à son tour, et les 
diverses controverses auxquelles elle a donné lieu. 

Il établit que beaucoup des expressions de la Bible, qui 
semblent les plus formelles, peuvent et doivent être inter- 
prétées dans un sens métaphorique. Ce sens lui-même ne 
sort pas du domaine de l’interprétation libre. L’Eglise , loin 
de se prononcer sur l’interprétation qu’il convient d’attribuer 
aux mots concernant la destruction du genre humain , est 
restée dans une réserve absolue sur ce point comme sur tant 
d’autres. C’était, dès le seizième siècle, l’opinion du cardinal 
Cajetan et ensuite du savant Mabillon lui-même et de la 
Congrégation de l’Index, qui estimèrent que le texte de 
Moïse ne requérait point la croyance au déluge universel. A 
supposer même que les expressions du récit sacré fussent 
ajussi positives que le prétendaient certains commentateurs, 
on n’était point obligé de les interpréter dans un sens 
littéral et obvie ; cela est démontré pour une foule de cir- 
constances où le langage hébraïque entendu dans le sens 
littéral et obvie est en contradiction avec des faits positifs 
et réputés certains. 

Bien plus, l’auteur démontre que cette liberté d’interpré- 
tation sert à établir l’authenticité et la vérité de la Bible. 
Quand la science irréligieuse ou hostile attaque nos livres 
saints en exploitant contre nous les prétendues contradic- 
tions, les non-sens et les erreurs qu’ils croient découvrir 
dans la Bible, c’est à nous, au contraire, qu’il appartient 
de dissiper toute contradiction apparente entre les faits 
scientifiques, probants et dûment constatés, et la relation 
mosaïque. 

Sans entrer dans les détails, que ne comportent pas ce 
rapide compte-rendu , qu’il nous soit permis d’insister sur 
ce point que la thèse de Jean d’Estienne, loin de porter 
t. ii, 3 * série. 54 


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- 474 — 


atteinte à nos croyances, réduit à néant, au contraire, toutes 
les prétendues impossibilités et toutes les objections que la 
libre-pensée voudrait accumuler contre le récit mosaïque. 

Ainsi , dans l’hypothèse d’un déluge partiel , il n’est plus 
besoin de supposer une chute d’eau immense circonscrivant 
les plus hautes montagnes du globe terrestre et déversant 
sur lui 4,597 millions de kilomètres de cubes d’eau, ni de 
faire remonter cet amas prodigieux , que ne contiendraient 
même pas tous les océans réunis, au-dessus des continents, 
contrairement à toutes les lois de la pesanteur, non plus que 
de faire évaporer ou disparaître en cinq mois, par un 
miracle assurément possible à Dieu, mais qui ne résout pas 
une foule d’autres contradictions, les cataractes déchaînées 
des abîmes. Point n'est besoin non plus de s’inquiéter pour 
Noé de rassembler autour de lui de tous les points du globe 
l’universalité des espèces d’animaux les plus divers, pour 
assurer leur conservation , ni de se demander comment la 
terre avec ses plantes a pu résister à la pression des eaux 
accumulées sur toute sa surface. Ce cataclysme, comme les 
circonstances des phénomènes qui l’accompagnent et le 
suivent, s’explique par la simple et providentielle coïnci- 
dence d’une catastrophe naturelle, destinée à châtier le crime 
des hommes tout en maintenant et préservant de la corrup- 
tion générale la famille de Noé, d’où doit sortir le peuple de 
Dieu et par lui le Messie. Mais de tous les arguments 
invoqués par l’auteur à l’appui de cette non-universalité , il 
n’en est pas de plus frappant que celui qui est tiré de 
l’ethnographie et de la linguistique, sciences toutes modernes 
à la vérité , mais dont les découvertes ont singulièrement 
corroboré et éclairé les textes de l’Ecriture. M. J. d’Estienne 
le met en lumière d’une façon saisissante. 

Quand les peuples issus de Noé et mentionnés comme tels 
dans la Bible allèrent se fixer en divers pays après la 
dispersion , ils y rencontrèrent des populations déjà établies 
depuis longtemps, auxquelles ils eurent à disputer le sol. 

Ces populations , d’une haute antiquité, ne descendaient 


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— 47 5 — 

point de Noé ; elles appartenaient à des types anthropolo- 
giques profondément différents, ce qui suppose une très- 
longue suite de siècles, et démontre l’impossibilité de 
remonter au point de départ commun , c’est-à-dire à Noé. 
Ces types de races inférieures parlaient toutes des langues 
« monosyllabiques* ou c agglutinantes *, celles des premiers 
hommes, alors que les Noachides se servaient de langue 
€ à flexion », qu’ils tenaient de leur auteur. 

Comment expliquer la présence de ces hommes d’une 
autre race, si le cataclysme diluvien, relativement récent, 
avait détruit l’humanité tout entière? Moïse lui-même , qui 
énumère avec un si grand soin, au chapitre io de la Genèse, 
les divers peuples issus de Noé, ne mentionne que des 
peuples de race blanche. Il ne parle point des races noires et 
jaunes et de leurs dérivées; cependant il en connaissait 
l’existence par l’Egypte, les plaines de Sennaar et les mon- 
tagnes élamites. C’est donc que pour lui ces peuples étrangers 
aux Noachides sortaient d’une origine antérieure Enfin, 
argument plus formel et plus probant encore, l’historien 
sacré, qui admet par son silence mêjne l’existence de peuples 
non descendus de Noé, par conséquent antérieurs au déluge, 
signale dans un autre endroit, au chapitre 24 du Livre des 
Nombres , la présence expresse des Caïnites ou fils de Caïn 
parmi les peuples qui vivaient de son temps. Comment 
soutenir, après cela, que , dans la pensée de Moïse, tous les 
hommes, à l’exception de la seule famille de Noé, avaient 
été engloutis par le déluge ? 

A lui seul cet argument nous paraît décisif; il en est 
d’autres, cependant, d’une égale valeur, qui forment un 
ensemble de preuves devant lesquelles , ce nous semble , 
aucune objection ne saurait prévaloir. 

Si la nouvelle interprétation fait peu à peu son chemin et 
conquiert aisément son droit de cité, ainsi que le pensent 
déjà nombre de religieux, de théologiens, de savants, — 
tous l'affirment hautement, tout en se soumettant d’avance 
aux décisions possibles de l’Eglise, — cette interprétation 


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— 476 — 

apportera à la défense de la vérité la ressource immense de 
l’accord merveilleux qu’elle établit entre nos livres saints 
et les connaissances fondées sur les progrès des sciences 
profanes. 

E. DE TOYTOT. 


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TABLE DES MATIÈRES 


Pages. 

Procès-verbal de la séance du 26 avril 1883 1 

Une note sur la céramique, par M. L. Roubet . 3 

Les jeux de paume & Nevers, par M. l'abbé BouLillier 5 

Séance du 31 mai 1883. — Réélection du bureau 12 

Séance du 28 juin 19 

Séance du 26 juillet • 21 

Notice sur M. l'abbé Labordo, par M. l’abbé Pot 24 

Séance du 25 octobre 31 

Une signature d'Adam Billault, le Virgile au rabot, par M. l’abbé 

Boutillier * . . . • 35 

Un archéologue nivernais & Alexandrie, par M. E. de Toytot. . • 40 

Séance du 27 novembre. ' 46 

Rapport sur le tombeau d’Yolande de Bourgogne, comtesse de 
Nevers , récemment déposé au musée lapidaire de la porte du 

Groux 49 

Fondation de la chapelle des Sallonnier en l’église des Minimes 

de Decize 55 

Séance du 27 décembre 58 

Analyse d’un travail de M. Gustave Marty sur la grotte de 

Montlaur (Ariége), par M. le docteur Subert 59 

Séance du 31 janvier 1884 62 

Poésies et Fables inédites de M. de Savigny 65 

Séance du 28 février 73 

Note de M. Canat sur une hache & sillons trouvée & Challuy 

(Nièvre) 76 

Séance du 27 mars 79 

Séance du 24 avril 81 

Séance du 29 mai 82 


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— 47 8 — 

Pages. 

Séance du 26 juin. — Vote de l'impression de VHisloire des 

Gentilshommes verriers et de la Verrerie de Nevers 84 

Notice nécrologique sur le docteur Thomas, par M. le docteur 

Subert ! 87 

Ouvrages offerts à la Société 88 

La Verrerie d’Apremont, par M. Roubet .. . 89 

Séance du 31 juillet 96 

Séance du 30 octobre 98 

Analyse d'un recueil manuscrit de différentes pièces curieuses 

sur divers objets, par M. l’abbé Boutillier \ . 99 

Histoire des Gentilshommes verriers et de la Verrerie de Nevers, 

par M. l’abbé Boutillier 113 

Séance du 27 novembre 281 

Séance du 18 décembre 283 

Séance du 29 janvier 1885. . 285 

Séance du 26 février. . . 287 

Séance du 26 mars 290 

Séance du 30 avril 292 

Séance du 28 mai 295 

Séance du 25 juin 296 

Inventaire de quelques chartes concernant les mines d'argent et 

de plomb à Chitry, en Nivernais, par M. Teste 298 

Le caveau de l’église Saint-Jacques de Cosne, par M. Léon 

Gadoin 300 

Le trésor de Neuzy, près Cosne , par M. Roubet 302 

Perrières d’Apremont et du Veuiilin, villa des Ryaux, par 

M. Roubet . 304 

Le l)esfy de la mort, par Mgr Sorbin (1686), précédé d’une épistre 
à Henriette de Clôves, duchesse de Nevers, analyse par M. l’abbé 

Boutillier 317 

Ivoire latin du musée de Nevers. Extrait de la notice de Mgr Bar- 
bier de Montault dans le Bulletin monumental , par M. l'abbé 

Boutillier 323 

Le Faïencier nivernais. Etude monographique des ouvriers des 
deux mondes suivant la méthode de M. Le Play, par M. E. de 

Toytot. 333 

Séance du 30 juillet 349 

Séance du 29 octobre. — De la coutume du Nivernais 351 

Séance du 26 novembre 355 

Séance du 31 décembre 358 

Nécrologie de M. l’abbé Lebrun, ancien proviseur du lycée, l’un 
des membres fondateurs de la Société nivernaise, par M. l’abbé 
Boutillier 360 


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- 479 - 


Pages. 

Notice historique sur les forges et fourneaux au canton de La 

Guerche, par M. Roubet. 364 

La cinquième croisade et les Chevaliers Teutoniques en Nivernais, 

par M. de Flamare 413 

Lettres de M. l’abbé Lebeuf et du président Boubier sur l’inscrip- 
tion Ande camulos 435 

Une inscription de l’église de Myennes (1626), par M. Roubet. . 440 
Une bulle de Honorius III relative à l’hôpital de Bethléem à 

Clamecy, par M. de Flamare 442 

Le reliquaire de l'abbesse de Notre-Dame de Nevers, Gabrielle 

Andrault de Langeron, par M. l'abbé Boutillier 453 

Le Déluge biblique et les races antédiluviennes 469 


New*, imp. Fay. G. Vallière, *ucc f . 


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CARTULARIUM 
PRIORATUS 
BEATÆ MARIÆ 
DE CHARITATE SUPRA LIGERIM 
ORDINIS CLUNIACENSIS. 


I. 

CARTA FUNDATIONIS HUJUS MONASTERII. 


1059. — Auxerre. 

Geoffroi, évêque d'Auxerre , donne à l'abbaye de Cluny 
une église dédiée à Notre-Dame , située sur les bords 
de la Loire, avec tout le territoire qui en dépend . La 
présente donation consentie par Guillaume , comte de 
Nevers, feudataire de l'évêque, et par les seigneurs 
feudataires du comte. 

In nominé Patris et Filii et Spiritus Sancti. In nomine 
sanctæ et individuæ Trinitatis. Ad notitiam posterorum 
notis memoriæ litteris assignamus, qualiter olim quoddam 
sanctæ ecclesiæ membrum in honore gloriosæ Virginis 
Theotocos dedicatum, quorumdam impietate percussum, 
statum maxime dignitatis amiserit , quibus quia plurimum 
lachrimæ debemus quam culpæ, minus suæ crudelitati 
dabimus proloquium de quorumdam humanitate, qui sibi 
compassi sunt prolixi sunt oraturi (1). Modum namque 

(1) Prolixius oraturi. Gallia christiana, t. XII, col. 102. 


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2 


Cartulaire de La Charité . 


affectus hujusmodi quemque supra in quibusdam fuisse 
tetigimus, ab illo duximus inchoandum qui primus in hac 
fabrica pietatis bonæ mentis manibus laboravit, generosum 
artificium eligens, scilicet ut si corpus ecclesiæ restauraret, 
corpus peccati pro certo destrueret ; factaque de illo narra- 
tione ad quos dispositum fuerit, tum transibit in historia (i). 
Igitur locus iste de quo proverbiari vei orare decrevimus, 
Autissiodorensi ecclesiæ subditus ab antiquo, cum tantam ( 2 ) 
nescio si aut pastorum incuria , aut violentia aliquid tyran- 
norum incurrisset injuriant, ut qui cibos Christi pauperibus 
exhibebat, in pastum mundanæ militiæ transferretur. Heu! 
proh dolor ! tanquam mundana possessio dilaceratus inter 
viros hujusmodi divisus est : et quod nobis affluentiorera 
lachrimam pluit cordis a nubibus, rectoribus ab ipsis con- 
cessa est tant injusta divisio ; sed fortasse quod putamus 
ipsorum crudelitate vel incuria tîeri, necessitate vei industria 
sic esse permissum est : necessitate quidem quoniam a prio- 
ribus sive potentioribus sæculi violenter invasus, aliter 
retineri non poterat, in quo etiam non minus est industriam 
meditari. Ergo per multas discursiones temporum, cum hoc 
in exilio Dei sanctuarium memoretur (3) moramque majorent 
semper major comitaretur afflictio, Ego Goffridus ( 4 ) sanctæ 
Autissiodorensis ecclesiæ episcopus, cognoscens rem male- 
ductam , volui magis Deo quam tirannicis petitionibus 
obedire; unde ob remedium antecessorum meorum, et ob 
remedium salutemque animæ meæ et corporis, dedi sancto 
Petro et loco Cluniacensi, cui magis prodesse quam preesse 
videtur domnus Hugo (5) abbas, hanc ecclesiam in honore 
sanctæ Dei genetricis consecratam et super Ligeris fluvium 

(1) Transibit historia. Gallia christiana , t. XII, col. 102. 

(2) Le manuscrit porte tanta; nous rétablissons tantam d’après le 
sens et le texte du Gallia christiana , t. XII, col. 102. 

( 3 ) Moraretur. Gallia christiana , t. XII, col. 102. 

(4) Geoffroi de Champallement, évêque d’Auxerre, 1032-1076. 

( 3 ) Saint Hugues I tr , abbé de Cluny, de 1049 h 1109. 


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Fondation du monastère . 


3 


sitam, cum omni terra quæ nunc eamdem attinet eccle- 
siam, quæque ibidem acquiri poterit, annuente Willelmo 
Nivernorum comité (i), hanc de me possidente, assentien- 
tibusque cæteris quorum subscripta habentur nomina, ab 
ipso comité eamdem tenentibus. Et ut hæc donatio et lau*- 
datio firma stabilisque permaneat, manibus et nominibus 
nostris eam firmavimus. Signum Goffridi præsulis. S. Gof- 
fridi archidiaconi (2). S. Gerardi præceatoris ( 3 ). S. Narduini. 
S. Walterii. S. Joannis. S. Goscelini. S. Lamberti. S. Waldi 
archiptesbyteri. S. Hugonis præpositi et subdiaconi. S. Ro- 
berti sacerdotis. S. Rainaldi sacerdotis. S. Warini sacerdotis. 
S. Goffredi sacerdotis. S. Geraldi sacerdotis. S. Roberti sub- 
diaconi. S. Hugonis subdiaconi. S. Arnulti subdiaconi. 
S. Geraldi subdiaconi. S. Goffridi subdiaconi. S. Raimbaldi 
subdiaconi. S. Goffridi subdiaconi, S. Goffridi subdiaconi. 
S. Hugonis subdiaconi. S. Werini subdiaconi. S. Stephani 
subdiaconi. S. Attonis subdiaconi. S. Umbaldi pueri. 
S. Ingeraldi pueri. S. Umbaldi pueri. S. Henrici pueri. 
S. Widonis pueri. S. Wilenci pueri. S. Henrici pueri. 
S. Willelmi comitis de cujus beneficio esse videtur. S. Rai- 
naldi de Castro Marchiæ (4). S. Bernardi. S. Umbaldi, 
Rainaldi, fratrum de Chalent ( 5 ). S. Rainaldi. S. Rocleni de 
Fraxiniaco (6). S. Gilleberti de Cresno. S. Giroli de Chalone. 
Actum Autissiodoro civitate, publice, régnante Henrico 
Francorum rege, Philippo ejus filio, anno ab incarnatione 
Domini millesimo quinquagesimo nono (7). 


(1) Guillaume I* r , comte de Nevers, de 1040 à 1084. 

(2) Godefroi, archidiacre, cité par Lebeuf, Histoire d’Auxerre, t. II, 
p. 429, d'après cette charte. 

( 3 ) Girard, ibid., p. 439 et 440 , d’après la charte de fondation du 
chapitre de Clamecy, en 1076. 

(4) La Marche, près La Charité. 

( 5 ) Chaillant, commune de Poiseux. 

(6) Frasnay, commune de Saint-Aubin-les-Forges. 

(7) Gallia christiana , t. XII, col. 102, instr. ex cart. Cluniacensi. 


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4 


Cartulaire de La Charité. 


IL 

PRÆCEPTUM DOMINI PASCHALIS PAPÆ SECUNDI 
CONTRA EOS QUI VIOLAVERINT TERMINOS SEU 
BANNA MONASTERII BEATÆ MARIÆ DE CHARI— 
TATE. 


1106 Mars i6. — Dôlc. 

Bulle de Pascal II prescrivant des réglements d'ordre et 
de tranquillité publique sur l'étendue des terres de La 
Charité , c'est-à-dire des deux côtés de la Loire , entre 
Tronsanges au sud et Mêves au nord , sous peine 
d'excommunication pour les auteurs des délits et leurs 
complices . 

Paschalis sanctæ Romanæ sedis pontifex, notum fieri 
volumus omnibus vobis , qui ad hanc dedicationem conve- 
nistis et fuiuris in perpetuum generationibus , decretum hic 
publiée factum , quoniam ego apostolica authoritate præcipio 
et bannito(i), quatenus intra ambitum terminorum qui hic 
inferius subscripti sunt, nemo alicui eunti sive redeunti 
suisque rebus violentiam qualibet occasione inferre præsu- 
mat, sed cum universis quæ secum tulerit sit securus. Sunt 
autem termini isti : ab illo loco Ligeris , ubi sunt rametæ 
Hugonis de Troncengiis, per medium vallis, usque ad 
boscum, qui dicitur Brollium ( 2 ) et ab ipso Brollio, per 
eamdem vallem, usque ad Petratas et callem Canvoti (3), 
atque ab hac calle usque in rivum Casuti, ac sicut idem 

(1) Bannitare, Banni^are , interdire et condamner à une amende. 

(2) Passage extrait par Ducange au mot Rameta , barrage en claies 
pour la pêche. Voyez aussi la charte 76 du Cartulaire de Saint-Cyr, 
io5o circa, où il est question de ce même lieu donné au chapitre. 

(3) Champvoux, canton de La Charité. 


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Actes des Papes . 


5 


rivus cursu tenditur et pervenit in Masotum ( i) , et sicut 
Masotum vadit in Ligerim ( 2 ) usque ad molendinos Ber- 
tranni qui sunt in alia ripa Ligeris, et inde usque ad fontem 
Arlanni per mediam ipsam vallem ante Brollium sanctæ 
Mariæ, 'a quo fonte per vallem Arlanni usque in Bor, atque 
ab ipso Bor usque ad crucem sancti Leodegarii (3), et inde 
usque in Ligerim , ubi sunt supradictæ rametæ Hugonis. 
Igitur sicut superius dictum est, volo, jubeo, atque autho- 
ritate sancti Pétri in perpetuum tenendum esse decerno, 
quatenus in tota terra quæ infra terminos ipsos subjacet, 
vir omnis aut mulier, sive ierint, sive redierint, cunctæque 
res illorum, pacem habeant et a nullo hominum molestiam 
patiantur. Quod si quis hujus præcepti nostri contemptor 
existens, quæ constituo servare noluerit, si ad emendationem 
venire, quod absit, contempserit , non solum ego ilium 
excommunico, sedetiam cæteros omnes qui terras auferunt 
vel ablatas retinent, consentaneos et coadjutores eorum, 
nisi resipuerint, et rectum pro illata injuria non fecerint. 


(1) Le Mazou, ruisseau qui prend sa source à Murlin et se jette dans 
la Loire au-dessous de Mêves ; il se divise en trois bras qui se joignent 
près de Bulcy. L’autre ruisseau, affluent du Mazou, est appelé aujour- 
d’hui ruisseau de Passy. Le village de Chasué est proche ; il en a peut- 
être porté le nom. 

(2) Le cours du Mazou englobait Méves dans les possessions de La 
Charité. Or, l’abbaye de Saint-Satur avait aussi à Mêves plusieurs 
propriétés, au sujet desquelles s’élevèrent de nombreuses contestations. 
Un accord fut tenté en n 3 o en présence de plusieurs prélats; en 
1 1 3 g, l’abbé de Cluny intervint à son tour. Après différentes tentatives 
restées infructueuses, les moines de La Charité vendirent en 1208 leurs 
biens de Mêves, avec réserve de quelques droits seigneuriaux. Ces 
chartes se trouvent dans les archives du Cher, fonds de Saint-Satur, 
liasses de Méves. 

( 3 ) Saint-Léger-le-Petit (Cher), en face Tronsanges, sur la rive 
gauche de la Loire. On voit quelles étaient alors les limites des pos- 
sessions de La Charité. Au sud Tronsanges, puis Champvoux, les 
rives du Mazou et Mêves au nord, et, du côté du Berry, une bande de 
terrain le long de la Loire jusqu’à Saint-Léger. 


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6 


Cartulaire de La Charité. 


Qui si hoc facere noluerint , archiepiscopis Bituricensi et 
Senonensi , necnon et Autissiodorensi episcopo, ad cujus 
diœcesim locus ipse pertinet præcipio, et cæteris nihilominus 
episcopis ut, ex beati Pétri et nostra authoritate eos excom- 
municent, et districte in eos omnimodis agant cuncti etiam 
ad quorum aures clamor inde pervenerit. 

Ego, Paschalis, catholicæ ecclesiæ episcopus. 

Datum apud monasterium Dolense per manum Equitii, 
agentis vices Cancellarii, XVII 0 Kal. aprilis. Indictione XV. 
Incarnationis Dominicæ anno M. C. VI. Pontificatus autem 
domini Paschalis secundi papæ, VIII. 


III. 

CONCESSIO DOMINI LUCII PAPE TERTII, RECIPIENDI 
ELEEMOSYNAS DE BONIS MOBILIBUS SEU IMMOBI- 
LIBUS QUE MONASTERIO CONFERRI CONTIGERINT. 


ii 8 i-ii 85 Mars 6. — Velletri. 

Bulle de Luce III autorisant le prieur et les moines de La 
Charité à accepter et à posséder les biens , meubles et 
immeubles qui leur sont donnés , à la condition de servir 
aux seigneurs des lieux les revenus dont ils sont grevés. 

Lucius (i) episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis, 
priori et monachis de Charitate, salutem et apostolicam bene- 
dictionem. Cum ab apostolica sede petuntur ea que a 
rationis tramite non discordant, facilem nos convenit prebere 

(i) Luce II fut pape de 1144 à 1 145 ; Luce III, de 1181 à n85. Le 
texte n’indique pas l’auteur de cette bulle, la suscription seule 
l’attribue à Luce III. 


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Prieuré de Reuil. 


/ 


consensum, et justa vota petentium effectu prosequente 
complere, ut et devotionis sinceritas laudabiliter enitescat ut 
militas postulata vires indubitanter assumât, ea propter, 
dilecti in Domino filii, vestris justis postulatiQnibus grato 
concurrentes assensu , presentibus literis , authoritate vobis 
apostolica, indulgemus, ut si qua persona de bonis suis 
mobilibus vel immobilibus voluerit rationabiliter in eleemo- 
synam monasterio vestro conferre, liceat vobis eadem bona 
recipere, nullius contradictione obstante, et pacifice possidere, 
salvis tamen redditibus dominorum ad quos eorumdem 
bonorum dominium pertinebit. Salva etiam Lateranensis 
concilii sanctione. Nulli ergoomnino hominum liceat hanc 
paginam nostre concessionis infringere, vel ei ausu temerario 
contraire. Siquishoc attentare presumpserit, indignationem 
omnipotentis Dei et beatorum Pétri et Pauli apostolorum 
ejussenoverit incursurum. Datum Villetri, VIII Idus Mardi. 


IV. 

BULLA DOMINI LUCII PAPE TERTII DE PRIORATU 
RODOLIENSI. 


1184 Septembre 26. — Vérone. 

Confirmation par le pape Luce III des possessions du 
prieuré de Reuil en Brie; liste des localités où elles sont 
situées, avec ! importance et la nature des biens , tels que: 
bâtiments, terres, serfs, hôtes , redevances en deniers, 
grains, vendanges, sels, gâteaux et chandelles . Nouvelle 
confirmation des biens possédés en paix depuis quarante 
années. Mention des droits de justice, four banal , main- 
morte ; présentation aux bénéfices ecclésiastiques; auto - 


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8 


Cartulaire de La Charité . 


risation de recevoir des novices , de célébrer en cas 
d'interdit les offices à voix basse , sans cloches et les 
portes fermées , d'accorder aux particuliers la sépulture 
dans V église du couvent ; défense de construire \aucune 
chapelle sans l'assentiment de l'évêque et du prieur. 

Lucius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis 
Symoni, priori monasterii sancti Pétri de Rodolio (i) , 
ejusque fratribus, tam presentibus quam futuris, regularem 
vitam professis in perpetuum. Quotiens anobis petiturquod 
religioni et honestati convenire dignoscitur, animo nos 
decet libenti concedere, et petentium desideriis congruum 
suffragium impertiri. Quapropter dilecti in Domino filii , 
vestris justis postulationibus clementer annuimus et prefa- 
tum monasterium sancti Pétri de Rodolio, quod ad Clunia- 
cense monasterium spectare dignoscitur, in quo Domino 
mancipati estis obsequio sub beati Pétri et nostra protectione 
suscipimus , et presentis scripti privilegio communimus , 
statuentes ut quascunque possessiones, quecunque bona idem 
monasterium in presenti ( 2 ) juste et canonice possidet, aut 
in futurum concessione pontificum, largitione Regum 
vel principum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis, 
prestante Domino poterit adipisci, firma vobis vestrisque 
successoribus et illibata permaneant. In quibus hec propriis 
duximus exprimenda vocabulis ; 

Locum ipsum in quo prefatum monasterium situm est , 
cum tota villa Rodoliensi et pertinentiis suis, et quidquid 
habetis juxta confines ejusdem ville, tam in bosco quam in 
piano. Ecclesiam sancti Stephani de Condeiaco (3), cum 

(1) Reuil, canton de La Ferté-sous-Jouarre, arrondissement de 
Meaux (Seine-et-Marne). 

(2) Le manuscrit porte la mauvaise leçon : In presentiarum. 

( 3 ) Condé-Sainte-Libière, arrondissement de Meaux (Seine-et- 
Marne). 


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Prieuré de ReuiL 


9 


decimis et duabus partibus tortellorum (i) in crastino 
Natalis .Domini et candellarum in Purificatione beate 
Marie. Capellam sancti Martini in eadem parrochia. Novem 
arpenta pratorum inter eamdem ecclesiam et pontem de 
Conde. Furnum et mokndinum de* Firmitate Angulfi (2). 
Ecclesiam de Chaminiaco ( 3 ) cum decimis et capellam beate 
Marie Magdalene in eodem loco sitam. Tertiam partem deci- 
marum de Lusenciaco (4) cum iis decimis et redditibus que 
in eadem parrochia possidetis. Molendinum unum apud 
Vannas cum pratello quod Brullium dicitur, cum hospitibus 
etiam et illis redditibus et pratis que habetis in parrochiis de 
Chaminiaco et Lusenciaco. Terras, aquas, prata, nemora et 
hospites que habetis apud Gurpellerias ( 5 ), apud Charne- 
cellum (6) et apud Chaminiacum. Octo sexteria avene que 
reddit Ansculfus de Marno (7) pro excambio molendini. 
Ecclesiam de Challiaco (8) cum decimis et oblationibus et 
quidquid habetis in eadem parrochia in terris et terragiis 
sive aleis (9). Ecclesiam de Boissy (10) cum decimis et duabus 
partibus candellarum, in purificafione beate Marie, et obla- 
tionum in pascha, nativitate Domini, festo omnium sancto- 
rum et sancti Sulpitii. Ecclesiam de Dusiis(u) cum tertia 

( 1) Tourteaux ou gâteaux donnés en redevances. 

(2) La Ferté-Angoult ou sous-Jouarre (Seine-et-Marne). 

( 3 ) Chamigny, canton de La Ferté, arrondissement de Meaux. 

(4) Lusency, canton de La Ferté (Seine-et-Marne). 

( 5 ) Et ci-dessous : Vurpilleriis, Verpillère , arrondissement de Bar- 
sur-Seine, canton d’Essoyes (Aube). 

(6) Charmesseaux, canton deMarcilly, commune deTroncauIt(Aube). 

(7) Marnoue-les-Moines, canton de Lisy, commune d’Ocquerre 
(Seine-et-Marne). 

(8) Chailly, canton de Coulommiers (Seine-et-Marne). 

(9) Les mots aléa, aldius , désignent une classe d’individus un peu 
au-dessus des serfs et chargés du travail des champs. Voyez Ducange 
à Aléa. 

(10) Boissy, commune de Chenoise, arrondissement de Provins. 

(11) D’Huisy, arrondissement de Meaux, canton de Lisy (Seine-et- 
Marne). 

2 


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IO 


Cartulaire de La Charité. 


pane tortellorum in nativitate Domini et candellarum in 
purificatione sancte Marie. Terram de Chamont, nemus de 
Ruget, nemus Butardi , cum nemore de Molera in parrochia 
de sancta Aida (i). Dimidium molendinorum , décimas et 
alios redditus, terras, hospites, prata que habetis apud 
Torchant Tertiam partem décimé de Montiniaco ex ea 
parte aque, que versus ecclesiam est, exceptis aquis Vipulis. 
Terram et prata de Ussy (2). Tertiam partem décimé de 
Mesclan in blado, cum tractu, et tertiam partem minutarum 
decimarum. Apud Ingamnos terram arabilem et viginti très 
denarios de censu. Sex solidos de censu in ecclesia de 
Venderia ( 3 ) et undecim partes decimarum tam minutarum 
quam aliarum et tortellorum in nativitate Domini et omnes 
candelas in purificatione beate Marie, excepta duodecima et 
exceptis minutis decimis quatuor hospitum santi Pharo- 
nis (4). Terras, prata, hommes sive hospites et redditus quos 
in ilia parrochia habetis. Tertiam partem decimarum de 
Hugueriis cum tertia parte tortellorum. Tertiam partem 
décimé de blado et totam minutarum et quartam partem 
tortellorum, in nativitate Domini. Terras et hospites et 
redditus alios quos habetis apud Loriacum. Medietatem 
décimé de Crespoil ( 5 ) cum tractu apud Venderez. Tertiam 
partem décimé sancti Juliani cum tertia parte hospitum atrii 
et tortellorum et quod habetis in decimis et redditibus apud 
Gandeluz (6). Dimidium modium frumenti in molendino de 
Tresma (7). Capellam beate Marie de Lisiaco cum tribus 
modiis frumenti que recipiuntur in molendinis ejusdem loci 

fi) Saintc-Aulde, canton de La Ferté-sous-Jouafre (Seine-et-Marne). 

(2) Ussy, id. 

( 3 ) Vendières-sous-Chàtillon, arrondissement de Reims (Marne'. 

(4) Saint-Faron, abbaye de Meaux. 

( 5 ) Crepoil et Vendrest, arrondissement de Meaux, canton de Lisy. 

(6) Gandelu, arrondissement de Château-Thierry (Aisne). 

(7) Aujourd’hui Gesvres-le-Duc , arrondissement de Meaux , canton 
de Lisy, commune de Crouy-sur-Ourcq. 


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Prieuré de Reuil . 


1 1 


et decem solidos cum duobus modiis vinagii et duobus dena- 
riis, unaquaque hebdomada in foro et ceteris ad eamdem 
capellam pertinentibus. In eodem loco et apud Villerias (i) 
medietatem décimé de blado cum tractu et unum sextarium 
plus in singulis modiis. Decimam quam habetis apud Asne- 
rias. Apud Eschaneuz quatuor solidos de censu de terra 
Salviniaci ( 2 ). In ecclesia de Placeio (3) quartam partem tor- 
teilorum et oblationum in nativitate Domini, in pascha, in 
festo omnium sanctorum et sancti Victoris et duas partes 
decimarum. Villam que dicitur Bauvarhcum cum appen- 
ditiis suis et justitia, et quidquid habetis in hominibus, 
pratis et censibus. Apud Congiacum ( 4 ) et apud Nimim, 
sextam partem décimé de blado. Apud Stripelliacum (5) duos 
sextarios avene et duos de frumento cum terragio et censu. 
Apud Ortholium duas partes décimé, quatuor sextarios 
frumenti qui debent recipi in grangia sancti Pharonis. Apud 
Venderiam pro excambio de Pauchat. In civitate Meldensi 
ecclesiam sancti Christophori cum tertia parte oblationum 
in nativitate Domini, in Epiphania, in Pascha, in Pente- 
coste, in festivitate omnium sanctorum, in purificatione 
beate Marie , et in festo sancti Christophori tertiam partem 
candelarum. Item in eadem civitate tertiam partem censuum 
quam habent ex Vuiardi de Venderia ( 6 ) cum quibusdam 
aliis censibus. Dimidium modium bladi quem reddunt vobis 
leprosi ejusdem urbis pro terra de Chamoltz. Duas partes 
décimé de Varenna cum jure presentationis quod in iisdem 
ecclesiis habetis. Invillis etiam vestriset hominibus liberam 

(1) Villiers-les-Rigaux, commune de Congy (Seine-et-Marne). 

(2) Salvigny, canton de Provins. 

( 3 ) Le Plessis-Placy, arrondissement de Meaux, canton de Lisy. 

(4) Congis, arrondissement de Meaux, canton de Lisy 'Seine et- 
Marne). 

( 3 ) Estrepilly, id. 

(6; Guyart de Vendières était mort en 1172. Longnon, Livre des 
Vassaux de Champagne , p. 98. 


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12 


Cartulaire de La Charité . 


justitiam sicut ab Ada vicecomitissa (i) et ab Hugone filio 
ejus scripto et autentiquo confirmatum. Item et decimam 
de Firmitate et de Conde, tam in vino quam in grano. 
Villam Eleemosynarii , villarium cum justitia. Villam 
de Vurpilleriis cum justitia ex dono Agathe. Decimam de 
Chaminiaco. Medietatem décimé deNusimento. Molendinum 
de Vannis, boscum et hospites de Chanecel, ex dono Radulfi 
de Montemirabili (2). Alodium de Crutis ex dono Vuillelmi 
Loseranni. Terrant et redditum de Tresma, ex dono Pétri de 
Tréma ( 3 ) et Symonis fratris sui. Terram et hospites de 
Torchamps (4) ex dono Reginaldi Burdonis. Item terram, 
decimam, censum et casamentum Anguifi de Condeel. Apud 
Lorri et Tancron medietatem terre et grangie de Dusiis 
ex dono Rohes de Lisy. Terram de Dusiis , ex dono Rohes 
de Lisiaco, Odonis de Gaultz et Odonis de sancta Aida. 
Decimam de Montiniaco. Furnum de Gandeluco et fora- 
gium ejusdem ville castri de dono predicte vicecomitisse 
et Hugonis filii ejus. Usum furni et domus sicut in 
authentico eorum scripto continetur. In ecclesia beate Marie 
de Dusiis, quinque modios frumenti. In Meldensi granario, 

\ 

(1) Simon d’Oisy, vicomte de La Ferté-Ancoul, marié dès n5a à 
Ade, fille et héritière de Geoffroy, vicomte de La Ferté-Ancoul. 
En x 1 58 , ils constatent un accord entre l’abbaye de Saint-Jean-des- 
Vignes (à Troyes) et le prieuré de Reuil, au sujet de l’église de La 
Ferlé, et donnent un pré au prieuré. Ils fondèrent en 1160 l’église de 
Dhuisy et y installèrent trois moines de Reuil. En 1167 ils donnent 
le four de La Ferté-sous-Jouarre au prieuré de Reuil; en 1170, à 
l’église de Dhuisy, cinq muids de froment à prendre sur le minage de 
Meaux. En n63, ils confirment une donation'à l’église de Chamigny 
par Nivard , seigneur du lieu. Ade devient veuve en 1171. De ce 
mariage naquirent trois garçons et deux filles, dont le second, Hugues, 
fut vicomte de Meaux et châtelain de Cambrai. Longnon, Livre des 
Vassaux de Champagne , p. 334. 

(2) Montmirail, canton, arrondissment d’Épernay (Marne). 

(3) Pierre de Gèvres, lieu déjà cité plus haut. 

(4) Torchamps, canton de Grandchamps (Seine-et-Marne). 


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t 

Prieuré de Reuil. 


i3 


viginti solidos ; in consuetudine que salagium (i) dicitur, 
duos sextarios salis, singulis annis. Jus et domum que juxta 
portam sita est, ex dono predicte vicecomitisse et filii ejus. 
Mortuas etiam manus et recognitiones servorum et ancillarum 
quas Hugo abbas dédit apud Firmitatem Anculfi, sicut ipse 
tenuit. Capellam sancte Marie de Fonte sereno (2) cum appen- 
dentiis suis et quidquid habetis apud Guandelutz, Choisy et 
Lory. Decem solidos de Bernardo de Churon. Duos sextarios 
frumenti apud Choisy (3). Quatuor sextarios bladi in décima 
d’Eschaneuz. Quidquid habitisapud Catingis. Apud Curtem, 
ecclesiam ipsius loci cum presentatione presbyteri. Quidquid 
habetis apud Fraisinos, Trelure, Curtagis, castrum Theo- 
dorici (4), Venesmus, Pavant, Crûtes, Musterel, Cardules 
villarium, Vualli, Heloutz. Medietatem magni molendini et 
quidquid habetis Buserbiaul, Premaut. Medietatem décimé 
de Damart (5) et quidquid habetis apud Lory, Hocoire et 
apud Vuillers le Vuast. Quidquid habetis in firmitate Anculfi 
et finibus ejus ex dono predicte vicecomitisse Adeet Hugonis 
filii ejus, sicut in eorum scripto authentico continetur. Pos- 
sessiones vero alias quas monasterium vestrum a quadraginta 
annis inconcusse possedit et in presentiarum sine controversia 
possidetis, vobis nihilhominus confirmamus. Sane nova- 
lium (6) vestrarum que propriis manibus aut sumptibus 
colitis, sivç de nutrimentis animalium vestrorum, nullus a 
vobis décimas exigere autextorquere présumât. Liceat quoque 

( 1 ) Ducange cite à l’appui de ce droit sur le sel plusieurs chartes de 
Champagne et d’Auxerre. 

( 2 ) Fontains (?), canton de Nangis, arrondissement de Provins. 

( 3 ) Chessy, arrondissement de Meaux, canton de Lagny (Seine-et- 
Marne). 

( 4 } Fresnes, arrondissement de Meaux, canton de Claye. — Treloup, 
arrondissement de Château-Thierry , canton de Condé. — Château- 
Thierry. 

(5) Damart, arrondissement de Château-Thierry, canton de Neuilly- 
Saint-Front. 

( 6 ) Terres nouvellement cultivées. 


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l 4 


Cartulaire de La Charité . 


vobis clericos vel laïcos a seculo fugientes liberos et absolutos 
ad conversionem recipere et eos absque contradictione aliqua 
remanere. Prohibemus insuper ne cui fratrum nostrorum 
post factam in eodem loco professionem tas sit absque Prioris 
sui licentia discedere, discedentem absque communium litte* 
rarum [confirmatione] nullus recipere audeat , nisi arctioris 
religionis obtentu. Cum autem generale interdictum fuerit, 
liceat vobis januis clausis, exclusis excommunicatis et inter- 
dictis, non pulsatis campanis supina voce (i) divina officia 
celebrare. Inhibemus etiam ut inira fines parrochiarum ves- 
trarum nullus ecclesiam vel oratorium sine consensu dioce- 
sani episcopi et vestro edificare présumât, salvis tamen privi- 
legiis Romanorum pontificum. Libertates preterea et immu- 
nitates vestras antiquas et rationabiles consuetudines monas- 
terio vestro expressas et hactenus observatas ratas habemus, 
et eas futuris temporibus illibatas sancimus. Sepulturam vero 
illius loci liberam esse decernimus ut eorum devotioni et 
extreme voluntati qui se illic sepeliri deliberaverint , nisi 
forte excommunicati vel interdicti sint nullus obstat , salva 
tamen justifia illarum ecclesiarum a quibus mortuorum 
corpora assumuntur. Decernimus ergo ut nulli omnino 
hominum fas sit prefatum monasterium tetnere perturbare, 
aut ejus possessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere, 
seu quibuslibet vexationibus fatigare, sed omnes intégré 
conserventur eorum pro quorum gubernatione ac sustenta- 
tione concessa sunt usibus omnimodis profutura, salva sedis 
apostolice et diocesani episcopi jure et justifia et predicti 
monasterii débita reverentia. Si quis igitur in futurum eccle- 
siastica secularisve persona hanc nostre constitutionis 
paginam scienter contra eam temere venire attentaverit , 
secundo tertiove admonita, nisi reatum supm digna satisfac- 
tione correperit, potestatis honorisve sui dignitate careat, 
eamque maledictam existere de perpetrata iniquitate cognos- 

(i) Pro : submissa voce. 


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Prieuré de Longueville. 


i5 


cat, et a sacratissimo corpore et sanguine Dei et Domini 
nostri Jesu Christi aliéna fiat, atque in extremo examine 
divine ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco sua jura 
servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi, quatenus et 
hic fructum bone actionis percipiant et apud districtum 
judicem premia eterne pacis inveniant. Amen. DatumVerone 
per manum Hugonis sancte Romane ecclesie notarii, sexto 
calendas octobris, indictione tertia, Incarnationis Dominice 
anno millesimo centesimo octuagesimo quarto, pontificatus 
vero domini Lucii pape tertii anno quarto. 


V. 

BÜLLA ALEXANDRI PAPE TERTII AD SIMONEM . 
PRIOREM DE LONGAVILLA. 


1178 Mai 24. — Latran. 

Confirmation far le pape Alexandre III des possessions du 
prieuré de Longueville , dépendant de La Charité , en 
Normandie et en Angleterre , ainsi que des droits attachés 
aux nombreuses lopalités désignées dans l'acte . 

Alexander, episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis 
Simoni, priori monasterii sancte Fidisde Longavilla, ejusque 
fratribus, tam presentibus quam futuris, regularem vitam 
professis in perpetuum. Religiosam vitam eligentibus apos- 
tolicum convenit conferre présidium , ne forte cujuslibet 
temeritatis incursus aut eos a proposito revocet, aut robur, 
quod absit, sacre Religionis infringat. Ea propter, dilecti in 
Domino filii , vestris justis postulationibus clementer 
annuentes, prefatum monasterium, in quo divino estis obse- 
quio mancipati, sub beati Pétri et nostra protectione susci- 


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i6 


Cartulaire de La Charité. 


pimus, et presentis scripti privilegio communimus imprimis 
siquidem statuentes, ut ordo monasticus qui secundum Deum 
et beati Benedicti regulam et institutionem Cluniacensium 
fratrum in eodem raonasterio institutus esse dignoscitur, 
perpetuis ibidem temporibus inviolabiliter observetur. Prete- 
rea quascumque possessiones, quecunque bona idem monas- 
terium in presentiarum juste et canonice possidet, aut in 
futurum concessione pontificum, largitione regum vel prin- 
cipum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis, prestante 
domino, poterit adipisci, firma vobis vestrisque successoribus 
et illibata permaneant , in quibus hæc propriis duximus 
exprimanda vocabulis : 

Locum ipsum in quo prescriptum monasterium construc- 
tum est, cum omnibus pertinentiis suis. Duas caretas in 
, bosco de Abby et mortuum boscum in jacendo (i) sivestando 
quod habetis de dono Henrici (2) regis Anglie. In villa de 
Duno ( 3 ) duas mansuras terre et quidquid vobis rationabi- 
liter datum est, scilicet ex dono Vuillelmi regis secundi (4) 
duas bennas apud boscum Roardi quittas ab omni exac- 

tione. Apud Longamvillam terram ad ( 5 ) ex dono 

Gualterii Guiffardi et feriam unam in die conceptionis 
sancte Marie. Apud sanctam fidem de Bosco (6) ecclesiam 

et prebendas ad ipsam pertinentes et feriam unam 

in festivitate sancte Fidis. Apud Infranvillam (7) eccle- 
siam sancti Audoeni et feriam unam in festivitate ejusdera, 

(1) Terrain vague et de parcours en commun. 

(2) Selon toute apparence, il s’agit de Henri II, roi d’Angleterre, de 
11 54 à 1189. 

( 3 ; Bourg-Dun, arrondissement de Dieppe, canton d’Offran ville. 

(4) Guillaume II le Roux, de 1087 à 1100. 

( 3 ) Les points, ici et plus bas, indiquent un blanc dans le 
manuscrit. 

(6) Saint-Foi-du-Bois, arrondissement de Dieppe, canton de Longue- 
ville (Seine-Inférieure). 

(7) Inferville, canton d’Envermeux (Seine-Inférieure). 


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Prieuré de Longueville . 


*7 


et quidquid idem Gualterius habebat in suo dominio, in 
terris et molendinis. Apud Croteum quidquid habebat 
excepto feodo W. de Bosco Burdelli. Apud Hostrevillam (i) 
ecclesiam cum omnibus pertinentiis suis et unam carrucatam 
terre. Apud Loram [2) ecclesiam et quatuor pondéra salis. 
Apud Parvamvillam ( 3 ) ecclesiam et duos hospites. Apud 
Utrisportum (4) très Burgenses cum suis consuetudinibus. 
Ecclesiam sancti Pétri de Longavilla ( 5 ) cum omnibus perti- 
nentiis suis. Unum molendinum infra curiam vestram et 
alterum in villa. Decimam molendinorum comitis, thelonei 
et totius census ejusdem ville. Modium unum vini in cellario 
comitis per annum ad missas Capellanie de Colemaisnil. 
Apud Longolium (6) quidquid Adam clericus habebat in 
ecclesia, ex dono comitis, et decimam molendinorum comitis 
apud Loram. Duas salinas et duas ambras salis. Ecclesiam 
de Blomaisnil. Apud monasteriirm Villare et Spouvillam (7) 
terram quam cornes Giffardus dédit Roberto filio Gilleberti, 
que solebat reddere LX solidos. Ecclesiam de Brosobbrelim. 
Ecclesiam de Novavilla (8) et quidquid cornes habebat ibi- 
dem et apud Puteum. Ecclesiam de Alpigardis (9) et feriam 
unam et quidquid ibidem habetis. Ecclesiam sancti Medardi. 
Ecclesiam sancte Genovefe et homines vestros in eadem villa 
et unam carrucatam terre. Ecclesiam de Ovilla (10) et duos 
homines. Ecclesiam de Hebervilla (11) et terram que fuit 

(1) Ouistreham, canton de Douvres, arrondissement de Caen. 

(2) Probablement Leure, aujourd’hui église Saint-Nicolas, arrondis- 
sement du Havre. ( Répertoire archéologique.) 

( 3 ) Petitville, arrondissement du Havre, canton de Lillebonne. 

(4) Le Tréport, canton d’Eu (Seine-Inférieure). 

( 5 ) Saint-Pierre-de-Longueville, église encore paroisse aujourd’hui. 

(6) Longueil et Colmesnil, canton d’Offranville (Seine-Inférieure). 

(7) Montivilliers, Épouville, canton et arrondissement du Havre. 

(8) Neuville, canton de Dieppe. 

(9) Auppegard, canton de Bacqueville, arrondissement de Dieppe. 

(10) Ouville-la-Rivière, canton d’Offranville, id. 

(n) Heberville, canton de Fontaine-le-Dun, arrondissement d’Yvetot. 

3 


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i8 


Cartulaire de La Charité. 


Radulphi de Vualibus et quidquid W. Onandel et heredes 
sui vobis in eadem villa dederunt. Ecclesiam de [Angeniis (i) 
cum pertinentiis suis. Ecclesiam de Ozonfrevilla et quatuor 
homines ibidem. Ecclesiam sancti Jovini (2) cum pertinentiis 
suis. Ecclesiam sancti Germani de magna ecclesia. Ecclesiam 
de Bosco Roardi ( 3 ) cum pertinentiis suis et decimam the* 
lonei, et decimam molendini, et panes domini ex dono 
Radulphi de Bosco Roardi. Ecclesiam de Parvo prato et très 
carrucatas terre. Ecclesiam de Croteio. Ecclesiam sancti Pétri 
de Valle (4) cum pertinentiis suis. Ecclesiam de Bello- 
monte ( 5 ) cum pertinentiis suis. Ecclesiam de Canteleu (6). 
Capellamde Berearmaisnil. Decimam rusticorum de Hotot (7}. 
Decimam de terra Jozelini de Cruiol apud sanctum Crispi- 
num (8). Et ibidem decimam molendini Osberti Buffli. 
Decimam de sexuneto de feudo Gualterii Giffardi. Decimam 
de Guorel ^9) de terra Vuillelmi Calcen, et Antelmi de Mon- 
tenero. Decimam de terra Gileberti de Hotot, ex dono 
Radulfi de Canteleu. Ibidem unum hominem apud sanctum 
Adoenum super Elnam (10). Decimam de terra Gileberti de 
Hotot et Antelmi de Risbet. Decimam rusticorum Heliezabet 
apud Tilium et Dodeinvillam (1 1). Apud Geobervillam (12) 

(1) Angiens, canton de Fontaine-Ie-Dun. 

(2) Saint-Jouin, canton de Cnquetot, arrondissement du Havre. 

(3) Bois-Robert('), arrondissement de Dieppe, canton de Longueville. 

(4) Saint-Pierre-en-Val, arrondissement de Dieppe, canton d’Eu. 

(5) Beaumont, arrondissement de Dieppe, canton de Bellencombre. 

(6) Canteleu, arrondissement de Dieppe, canton de Bacquevilie, 
commune de Luneray. 

(7) Hautot, canton d’Offranville, arrondissement de Dieppe. 
Hautot-KAuvray, Hautot-le-Vatois, Hautot-Saint-Sulpice, arrondisse* 
ment d’Yvetot. 

(8) Saint-Crespin, canton de Longueville. 

(9) Le Gourel, commune de Brachy, canton de Bacquevilie, arron- 
dissement de Dieppe 

(10) Saint-Ouen. L’Eaulne, rivière dans le canton de Neufchâtel. 

(n) Doudeville, canton, arrondissement d’Yvetot. 

(12) Gouberville, quartier de Lillebonne, arrondissement du Havre. 


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Prieuré de Longueville . 


i9 


decimam de terra de feudo Galterii de Cantelu. Apud Osber- 

villam (1) duos hospites. Apud ex dono Vuillelmi 

filii Stamni et Radulfi filii sui, de feodo comitis Varene 
duos homines. Apud Gebervillam terram Vuillelmi Dapi- 
fcri de dono Gualterii. Apud Osmondvillam (2) unum 
hominem de dono Vuillelmi de sancto Audoeno. Apud 
Ambervillam ( 3 ) très solidos de dono Gaufridi de Faga- 
ramde. Apud Ermenevillam (4) terram et duas partes saline 
de dono Roberti de Buteilt. Et ibidem de dono Arnulfi 
domum suam et unam salinam. Apud Gotevillam (5) 
terram quam Radulfus de Willeher (6) vobis dédit. Apud 
Autenem duos homines de dono Hugonis et Eudonis et 
decem acras terre et unam mansuram terre de dono Arlem de 
Caneco et Henrici filii ejus. Apud Hermetvillam (7) très 
acras terre de dono Bernardi de Fossato. Apud Boscum 
Wielin (8) X acras terre de dono Jordani de Crilectot (9). In 
molendino Aldulfi de Guerris X solidos. Apud Feletet unum 
hominem de dono Vuillelmi de Canteleu. Apud monasterium 
VillareXX solidos de dono Wuillelmi de Novavilla in molen- 
dino et unum hominem apud Reibertet, et unum apud Estre- 
villam (10) de dono Roberti de Novavilla, pro anima uxoris 
sue XL solidos. Apud boscum Roardi duas acras terre de 
dono Lamberti. Apud Aulesvillam unam mansuram de 
dono Hermi. Et ibidem alteram terram de dono Gualterii. 

(1) Ourville, canton, arrondissement d’Yvetot. 

(2) Omontville, canton de Bacqueville, arrondissement de Dieppe. 

( 3 ) Anfreville, canton de Doudeville, arrondissement d’Yvetot. 

(4) Ermenonville , arrondissement d’Yvetot, canton de Fontaine- 
le-Dun. 

( 5 ) Gueutteville, canton de Saint-Valéry, arrondissement d’Yvetot. 

(6) Villers, canton de Blangy, arrondissement de Neufchàtel. 

(7) Hermeville, arrondissement du Havre, canton de Criquetot. 

(8) Bois-Guillaume, arrondissement de Rouen, canton de Dametol. 

(9) Crilectot, aujourd’hui Criquetot, canton. 

1 10) Eurville, arrondissement de Dieppe, canton de Tôtes. — Robertot, 
arrondissement d’Yvetot, canton d’Ourville. 


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20 


Cartulaire de La Charité . 


Apud Brametot (i) très homines de dono Aldulfi de Broti. 
Apud Q. Sommesnil quidquid Jordanus de Sansevilla ibi 
babebat in terra et pratis. Apud Ricomvillam totam terram 
quam ibi Vuillelmus de Maucuble. Apud Triri duos horai- 
nes de dono Thome et decimam molendini Hugonis de dono 
ejusdem. In molendino de Apevilla (2) unum modium fru- 
menti de dono Antelini. Totam tertiam partem molendini 
Stabularum ( 3 ). In molendino deNigella dimidium modium 
frumenti vel decimam. Apud sanctum Audoenum super 
Elnam (4) decimam Gualterii solidatam de dono ipsius. 
Apud Rimvillam ( 5 ) decimam totius terre Vuillelmi 
Avenel. Duas Garbas de tota terra quam Robertus filius 
Hugonis tenuit de feodo Gualterii Giffardi. Apud Gunde- 
villam terram quam ibi habebat Gualterius filius Baldrici. 
Et ibidem decimam terre quam Gilebertus de Guinde- 
villa (6) dédit. Apud Hamet quatuor minas ordei, et duos 
solidos de dono Reinerii de Evermon (7) Apud Flein- 
villam (8) dimidiam mansuram terre de dono Gaufredi. 
Apud Crovillam (9) de décima molendini XX solidos et 
quinque solidos de redditu Radulfi de Trablevilla. Apud 
Bascheinvillam (10) unum hominem de dono Antelmi. Apud 
Longamvillam terram Hugonis. Apud Accas (1 1) terram 

(1) Brametot, arrondissement d’Yvetot, canton de Fontaine-le-Dun. 

( 2 ) Appeville, arrondissement de Dieppe, canton d’Offranville, com- 
mune de Hautot. 

( 3 ) Saint-Germain-l’Étable, arrondissement de Dieppe, canton de 
Longueville. 

(4) Saint-Oueni. L’Eaulne, rivière dans le canton de Neufchàtel. 

( 5 ) Ri ville, église visitée par Eudes Rigaud en 1269. 

(6) Gonneville (Seine-Inférieure). 

(7) Envermeu, arrondissement de Dieppe. 

(8) Flainville, arrondissement de Dieppe, canton d’Oflfranville, 
commune de Bourg-Dun. 

(9) Crosville, arrondissement de Dieppe, canton de Longueville. 

(10) Bacqueville, canton, arrondissement de Dieppe. 

(11) Arques, arrondissement de Dieppe, canton d’Offranville. 


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Prieuré de Longueville . 


21 


Apud Bermescal ( i ) unam acram terre. Apud Acar 
unam mansuram. Apud Parvamvillam quatuor mansuras 
de dono Radulfi. Apud Frainet[um] (2) duas. Apud 
Drosei ( 3 ) mansuram de dono predicti Radulfi. Apud Bar- 
villam (4) unam mansuram. Apud Estrevillam unam 
mansuram. Apud Gunevillam unam mansuram. Apud 
Bretvillam ( 5 ) unum hominem reddentem quatuor libras 
in foresta de Hermont. Capellam sancti Remigii cum 
heremitario adjacente. Apud Lesbanum comitis unum 
hominem de dono Vuidonis de Beco. Apud Dunum 

decimam molendini Gileberti Ridel. Apud Her quatuor 

solidos et VI denarios in uno hominede dono Eustarchii. In 
Anglia de dono Gualterii Giffardi Horrewoe cum omnibus 
pertinentiis suis, excepto feodo Durandi. Niventruam totam 
excepto feodo Odonis. Apud West..... quidquid Giffardus 
habebat cum ecclesia et pertinentiis suis. Similiter quidquid 
habebat in dominio apud Wichingeham excepto feodo Wuil- 
lelmi et Radulfi de Leonibus et Boterici. Ita quod monachi 
quieti sint de Courero quod ibidem retinuerat Gualterius 
Giffardus et ecclesias de Vichingeham cum omnibus perti- 
nentiis suis et terram de Roteleswage et decimam de domino 
de Swanebarensi et de Merstelai et Sambesberga et Bade- 
lesdon, et Brithella, et Blechelai, Molesho, Lantona, 
Liteota, Buchim, Zaham, Morton, Lauport, Lilingeshim, 
Acelera, Bechaintona, Bradevilla, Febreswnode, policota, 
Miltona, Dorton, Vultona, Wucahendon, Lechamsda, 

Kamelton, Chikesauda, Achecota, Es Rudigrana, 

Bodinicham cum uno hospite quem ibi habent. Ecclesiam 

(1) Probablement Berneval, arrondissement de Dieppe, canton 
d’Offranville. 

(2) Probablement Frainay. 

( 3 ) Drosay, arrondissement d’Yvetot, canton de Saint-Valéry. 

(4) Barville, arrondissement d’Yvetot, canton et commune de Cany 
(Seine-Inférieure). 

( 5 ) Bretteville-sous-Tôtes, arrondissement de Dieppe, commune de 
Varneville. — Gonneville, id. 


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22 


Cartulaire de La Charité . 


de Herleton et decimam dominii cum hospite. Apud Meldon 
decimam de dominio cum uno hospite de dono Gualterii 
Giffardi. Ecclesiam de Strederon ad opus hostellariæ. Capel- 
lam sanctæ trinitatis de Norvuico. Decimam de dominio de 
Hauves. Ecclesiam de Hauneia cum pertinentiis suis et 
decimam de dominio et eamdem villam dimidiam. Et in 
altéra Hamusia viginti solidos de dono Gualterii Guiffardi. 
Terram de Reppis quæ reddit decem millia alecum (i). 
Acleam cum omnibus pertinentiis suis. Decimam terra apud 
Damawe de dominio Hugonis Mescrelli. Hospitale de Lon- 
gavilla cum omnibus pertinentiis suis, scilicet cum una 
carucata terra apud Longamviilam, molendinum de Valdre- 
villa et boscum juxta hospitale a svia Gobin usque ad viam 
quæ vadit de Vaudrevilla (2) in Wai. Decimam quoqae 
alecum comitis et piscium de aquis suis de Brugolio ( 3 ) 
et de Novavilla et de Puteis. Apud Novamvillam très 
modios salis. Juxta monasterium Villare (4) dimidium 
molendini quod Paganus de Taufrevilla tenuit. Decimam 
molendini de Hareflueta ( 5 ). In Anglia ecclesiam de Strotebi 
cum omnibus pertinentiis suis. Decimam de dominio quæ 
omnia pertinent ad prædictum hospitale et ecclesiam de 
Valdrevilla. Terram Isabellæ apud Grincevillam (6). Deci- 
mam terra de Anglekevilla (7) quam Jordanus dédit filiæ suæ. 
Ecclesiam de Vuitteham cum pertinentiis ad infirmarium 
monachorum et decimam de dominio et unam feriam apud 
Longamvillam in die Ascensionis Domini. Sane novalium 
vestrorum quæ propriis manibus aut sumptibus colitis, sive 
de nutrimentis animalium vestrorum décimas a vobis nullus 

(1) Anchois. 

(2) Vaudreville, commune de Longueville (Seine-Inférieure). 

( 3 ) Le Breuil, arrondissement de Dieppe, canton de Tôtes, commune 
de Saint-Maclou-de-FoIlevîlle. 

(4) Montivilliers, ut supra . 

( 5 ) Harfleur, canton de Montivilliers. 

(6) Grainville, commune de Brametot. 

(7) Anglesqueville (Seine-Inférieure). 


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Prieuré de Longueville . 


23 


présumât exigere. Liceat quoque vobis clericos vel laïcos e 
seculo fugientes liberos et absolutos ad conversionem ves- 
tram recipere, et eos sine contradictione aliqua retinere. In 
parrochialibus autem ecclesiis quas habetis liceat vobis sacer- 
dotes eligere et diocesano episcopo præsentare, quibus si 
idonei fuerint episcopus curam animarum comittat et ei de 
spiritualibus, vobis vero de temporal ibu$ debeant res pondéré. 
Sepulturam quoque ipsius loci liberam esse concedimus ut 
eorum devotioni et extremæ voluntati qui se illic sepeliri 
deliberaverint, nisi forte excommunicati sint vel interdicti, 
nullus obsistat, salva tamen justitia illarum ecclesiarum a 
quibus mortuorum corpora assumuntur. Decernimus ergo 
ut nullus omni no hominum liceat præfatam ecclesiam temere 
perturbare, aut possessiones ejus auferre, vel ablatas reti- 
nere, minuere, aut aliquibus vexationibus fatigare. Sed 
omnia integra conserventur eorum pro quorum gubernatione 
et sustentatione concessa sunt usibus omnibus profutura, 
salva apostolicæ sedis authoritate et diocesanorum episco- 
porum in supradictis ecclesiis canonica justitia. Si quaigitur 
in futurum ecclesiastica sæcularisve persona hanc nostræ 
constitutionis paginam sciens contra eam venire tentaverit, 
secundo tertiove commonita si non satisfactione congrua 
emendaverit, potestatis honorisque sui careat dignitate, 
reamque se divino judicio existere de perpetrata iniquitate 
cognoscat et a sacratissimo corpore Dei et Domini redemp^ 
toris nostri Jesu Christi aliéna in extremo examine divinæ 
ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco sua jura servan- 
tibus sit pax Domini Nostri Jesu Christi, quatenus et hic 
fructum bonæ actionis percipiant, et apud districtum judicem 
præmia æternæ pacis inveniant. Amen. Amen. Amen. 

Ego Alexander Catholice ecclesie episcopus S. 

Ego Ubaldus (i) Hostiensis episcopus S. 

(i) Hubault Allucingoli, en 1140 cardinal-prêtre du titre de Sainte- 
Praxède, puis évêque d’Ostie. Élu pape, sous le nom de Luce III, 
ii8i-ii85. 


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24 


Cartulaire de La Charité . 


Ego Joannes (i) presbyter cardinalis Sanctorum Joannis 
et Pauli tituli Parmachii. 

Ego Boso (2), presbyter cardinalis Sancte Pudentiane 
tituli pastoris S. 

Ego Petrus, presbyter cardinalis titulo sancte Cecilie S. 

Ego Jacintus (3), diaconus cardinalis sancte Marie in 
Cosmedin S. 

Ego Ardicino (4), diaconus cardinalis sancti Theodori S. 

Ego Hugo (5), diaconus cardinalis sancti Angeli S. 

Datum Laterani per manum Alberti (6) , sancte Romane 
ecclesie presbiteri cardinalis, cancellarii, VI III Kalend. Junii 
Indict. XI Incarnationis Dominice anno millesimo centesimo 
septuagesimo octavo. Pontificatus vero domini Alexandri 
pape III anno decimo octavo. 


(1) Jean de Sutri, en 1 i 5 o cardinal, légat en Allemagne et en Orient. 

(2) Boson, Anglais, en 1 1 55 cardinal- diacre, neveu du pape 
Adrien IV, du titre des Saints-Côme-et-Damicn, puis prêtre du titre 
de Sainte-Pudentienne, légat en Portugal. 

( 3 ) Hyacinthe Orsini , en 1144 cardinal-diacre. Élu pape en 1191, 
sous le nom de Célestin III, mort en 1198. 

(4) Ardice Rivoltella, en u 55 cardinal-diacre, légat à Constanti- 
nople, mort en 1186. 

( 5 ) Hugues, cardinal jusqu’en 1178. 

(6) Albert de Mora, en 1 1 55 cardinal-diacre du titre de Saint- 
Adrien, cardinal-prêtre du titre de Sancta Maria in Lucina ; chance- 
lier de l’Eglise sous Alexandre III ; légat en Espagne et en Angleterre. 
Élu pape en 1187, sous le nom de Grégoire VIII, mort la même 
année ; son règne n’a duré que du 20 octobre au 16 décembre. 


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Prieuré de Sé\anne . 


25 


VI. 

BULLA DOMINI ANASTASII PAPÆ IIII PRO SANCTO 
JULLANO DE SEZANNA. 


1 1 53 Mars 21 . — Latran. 

Le pape Anastase IV met sous la protection apostolique et 
confirme les biens possédés par le prieuré de Séqatme , 
dans les diocèses de Troyes , Reims et Soissons ; les 
droits de présentation de prêtres à V évêque pour les 
églises et chapelles soumises au prieuré ; V exemption de 
la juridiction épiscopale , sauf dans les cas réservés . 

Anastasius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis 
nostris priori sancti Juliani de Sezanna (1), ejusque fra- 
tribus, tam præsentibus quam futuris, regularem vitam 
professis imperpetuum. Quoniam sine veræ cultu religionis 
nec charitatis unitas potest subsistere, nec Deo gratum 
exhibere servitium expedit apostolica authoritate religiosas 
personas diligere et earum quieti et utilitati, auxiliante 
domino, salubriter providere. Ea propter, dilecti in domino 
filii, vestris postulationibus clementer annuimus, et prædic- 
tam ecclesiam sancti Juliani de Sezanna, in quo divino 
mancipati estis obsequio, sub beati Pétri et nostra protec- 
tione suscipimus, et præsentis scripti privilegio commu- 
nimus, statuentes ut quascunque possessiones, quæcunque 
bona eadem ecclesia impræsentiarum juste et canon ice 
possidet aut in futurum concessione pontificum, largitione 

( 1 ) Sézanne, canton, arrondissement d’Épernay (Marne). Voyez 
ci-dessous, charte LXXXVI, la curieuse fondation de ce monastère et 
la donation qui en fut faite à saint Gérard , prieur de La Charité , 
en io85. 

4 


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26 


Cartulaire de La Charité. 


regum vel principum, oblatione fidelium seu aliis jusiis 
modis, Deo propitio, poterit adipisci, firma vobis vestrisque 
successoribus et illibata permaneant. In quibus hæc propriis 
duximus exprimenda vocabulis : 

In Castro eodem, ecclesiam Sanctæ Mariæ, ecclesiam Sancti 
Pétri et ecclesiam Sancti Nicolaï cum pertinentiis suis, et 
decimam ipsius castri. Quidquid habetis ex dono Stephani 
comitis(i) et Adilæ comitissæ uxoris ipsius. Ecclesiam de 
Vualer comitis (2) cum appenditiis suis. Totam decimam 
campi Guidonis ( 3 ). Ecclesiam de Sclavella (4) cum appen- 
ditiis suis, et medietatem decimæ ipsius villæ et censum 
Atrii. Decimam de sancto Martino de Bucenciaco ( 5 ). Deci- 
mam de sancto Remigio (6). Decimam de Angleura (7) et 
censum Atrii. Decimam de Soogne (8) totam et censum 
Atrii (g). Medietatem decimæ de Tachis (10). Decimam de 
Trefex (11). Decimam de Verseio (12). Decimam de Castel* 
lione (i 3 ). Totam piscationem aquæ de Marenciaco (14) 
Censum quem habetis Provini (i 5 ) et medietatem furoi. 


(1) Étienne VI, comte de Blois, 1089-1102, épouse en 1081 Alix ou 
Adèle, fille de Guillaume I* r , roi d’Angleterre. 

(2 j Villiers-aux-Corneilles, canton d’Anglure (Marne). 

(3) Champguyon, arrondissement d’Épernay (Marne). 

^4) Esclavolles, canton d’Anglure (Marne). 

(b) Buzency, arrondissement de Soissons, canton d’Oulchy (Aisne). 

(6) Saint-Remy-Blanzy, id. 

(7) Anglure, canton (Marnej. 

(8) Soigny, canton de Montmirail, arrondissement d’Épernay (Marne). 

(9) Ce mot atrii , qui revient plusieurs fois, est probablement un 
nom de choses, une forme de cens plutôt qu’un nom de lieu. 

(10) Le manuscrit porte en note : Lachy, Heu situé dans l’arron- 
dissement d’Épernay, canton de Sézanne. 

v ii) Trefols, arrondissement d’Épernay, canton de Montmirail. 

(12) Verzy, canton, arrondissement de Reims (Marne). 

(13) Châtillon-sur-Morin, arrondissement d’Épernay, canton d*E$- 
ternay. 

(14) Marency(?) ou Marsangis, canton d’Anglure. 

(15) Provins (Seine-et-Marne). 


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Prieuré de Séqçinne. 


2 7 


Vitlam de Saulz (i) cum appenditiis suis. Domum de 
Grangiis (2) cum pertinentiis. Alodium de Maesueio(3). 
Molendinum sancti Juliani. Moleudinum de Bernardo. 
Molendinum de Pratp. Molendinum de Cleto (4). Molen- 
dinum de Chesia. Molendina de Varciaco. Triginta sextaria 
frumenti molendini Longuiardi et piscaturam. Molendinum 
de Crosleriis. Præterea liceat vobis in ecclesiis quas tenetis 
secundum decretum prædecessoris nostri bonæ memoriæ 
Urbani papæ secundi (5), sacerdotes eligere et episcopis in 
quorum parrochiis sitæsunt præsentare, qui si idonei fuerint 
animarum curam ab ipsis suscipiant eisque de plebis cura 
respondeant ; vobis vero pro rebus temporalibus ad ipsum 
monasterium pertinentibus debitam subjectionem exhibeant. 
Ad hæc adjicientes statuimus , ut ecclesiæ vestræ et cimiteria 
ab omni episcoporum exactione sint libéra præter consuetam 

episcopi et justitiam in presbyteros qui adversus sui 

ordinis dignitatem offenderint. Decernimus ergo ut nulli 
omnino hominum liceat præfatam ecclesiam temere pertur- 
bare, aut ejus possessiones auferre vel ablatas retinere, 
minuere, seu quibuslibet vexationibus fatigare. Sed omnia 
integra conserventur eorum pro quorum gubernatione ac 
sustentatione concessa sunt usibus omnimodis profutura, 
salva sedis apostolicæ aucthoritate et diocesanorum episco- 
porum canonica justitia. Si quæ igitur in futurum ecclesias- 
tica sæcularisve persona hanc nostræ constitutionis paginam 
sciens contra eam temere venire tentaverit, secundo tertiove 
commonita, si non satisfactione congrua emendaverit, potes- 
tatis honorisve sui dignitate careat, reamque se diyino 
judicio existere de perpetrata iniquitate cognoscat, et a sacra- 
tissimo corpore ac sanguine Dei et Domini redemptoris 

(1) Sceu, commune de Châtillon-sur-Morin. 

(2) Granges-sur-Aube, canton d’Anglure. 

( 3 ) Les autres localités inconnues. 

(4) Claye, canton, arrondissement de Meaux (Seine-et-Marne). 

( 3 ) Urbain II, pape de 1088 à 1099. 


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28 


Cartulaire de La Charité . 


nostri Jesu Christi aliéna fiat, atque in extremo examine 
districtæ ultioni subjaceat. Cunctis autem eidem loco justa 
servantibus sit pax Domini nostri Jesu Christi, quatenus et 
hic fructum bonæ actionis percipiant et apud districtum 
judicem præmia æternæ pacis inveniant. Amen. Datum 
Laterani per manum Rolandi (i), sanctæ Romanæ eccleslæ 
presbyteri, cardinalis et cancellarii. XII Kalendarum aprilis, 
indictione secunda, I ncarnationis Dominicæ anno M. C. LI 1 1° 
pontificatus vero domini Anastasii papæ quarti primo anno. 


VIL 

BULLA DOMINI PAPE ALEXANDRI III ITEM 
PRO SEZANNA. 


1179 Avril 24. — Latran. 

Le Pape confirme les donations faites au prieuré de Saint- 
Julien de Sé^anne ; entre autres les prébendes et dîmes 
des églises d’Esclavolles, Busency , Saint-Rémi, ainsi que 
les droits sur V église Saint-Nicolas de S énorme , suivant 
l'accord passé entre les chanoines de Saint-Nicolas et le 
prieur de La Charité , suzerain de Sé\anne, en présence 
de Vévêque de Tropes et du comte de Champagne . 

Alexander episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis 
nostris, priori Sancti Juliani de Sezanna ejusque fratribus 
regularem vitam professis imperpetuum. Religiosam vitam 

(1) Roland Bandinelli, en 1145 cardinal-diacre du titre des Saints- 
Côme-et-Damien, puis cardinal-prêtre du titre de Saint-Marc, chance- 
lier de l’Église romaine. Élu pape en iiSçsousle nom d'Alexandre III, 
auteur de la charte qui suit. 


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Prieuré de Sé\anne. 


2 9 


eligentibus apostolicum convenit adesse présidium, ne forte 
cujuslibet temeritatis incursus, aut eos a proposito revocet, 
aut robur, quod absit, sacre religionis infringat. Ea propter, 
dilecti in Domino filii, vestris justis postulation i bus clemen- 
ter annuimus, et prefatum monasterium, in quo divino 
mancipati estis obsequio , sub beati Pétri et nostra protec- 
tione suscipimus. et presentis scripti privilegio communimus 
statuentes ut quascunque possessiones, quecunque bona idem 
monasterium impresentiarum juste et canonice possidet, aut 
in futurum, concessione pontificum, largitione regum vel 
principum, oblatione fidelium, seu aliis justis modis, pres- 
tante Domino , poterit adipisci , firma vobis vestrisque 
successoribus et illibata permaneant. In qui bus hec propriis 
duximus exprimenda vocabulis : 

Ecclesiam de Sciavelia quam Philippus Trecensis epis- 
copus (i), presentibus et laudantibus ecclesie sue clericis, 
eidem monasterio contulit. Ita tamen quod ipsi monachi 
mediam partem offerende que offertur in ipsa ecclesia acci- 
piant, tam in denariis quam in panibus, et in cera et in 
candelis, et in aliis quibuslibet rebus ; et in carruca (2) sua 
propria habeant monachi totam decimam. Si quando mona- 
chus missam cantare voluerit, post missam presbyteri can- 
tabit, et si quid ei delatum fuerit, suum erit. Ecclesiam 
quoque de Gaux (3) cum appenditiis suis. Décimas quoque 
quas Paganus de Aula et Bazo, milites, de Sezanna, Hatoni, 
Trecensis ecclesie episcopo (4), bone memorie viro reddide- 
runt, et episcopus eidem monasterio, pie devotionis titulo, 
contulit et confirmavit. Quidquid Paganus de Aula in majori 
décima de Bucinciaco habuerat. Similiter quidquid Bazo in 

(1) Philippe ou Milon, évêque de Troyes de io83 à 1121; partageait 
avec les moines les revenus de l’église d’Esclavolles. 

(2) Carruca , étendue d’un domaine pour une charrue. 

(3) Legault, canton de Montmirail (Marne). 

(4) Haton, évêque de Troyes de 1122 à 1145. 


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3o 


Cartulaire de La Charité . 


majori seu minori décima de Sancto Remigio detinebat 
raiionabUiter monasterio vestro collatum. Preterea composi- 
tionem quam cum canonicis ecclesie Sancti Nicoiaï super 
querelis que inter vos et eos vertebantur, mcdiante bone 
memorie Trecensi episcopo et nobili viro comité Henricoet 
Odone, decano Sancti Nicoiaï, fecistis, sicut absque pravitate 
de assensu utriusque partis facta est, et hinc inde suscepta, 
authoritate apostolica confirmait! us , quam de verbo ad 
verbum, sicut visum est, expedire duximus ad notandum : 

Hato Dei gratia Trecensis ecclesie' humilis minister, et 
Henricus Trecensis cornes Palatinus (i) et Odo decanus 
ecclesie Sancti Nicoiaï, totusque ejusdem ecclesie conventus, 
Savarico priori de Charitate ( 2 ) omnique ejusdem ecclesie 
conventui, in Domino salutem. Notum fieri volumus tam 
presentibus quam tuturis quod querelam que inter vos et 
canonicos ecclesie Sancti Nicoiaï Sezan nie super eadem ecdesia 
habebatur, hac compositione utrique parti placuit terminari : 
duplicis prebende beneficium ex integro, et absque ulla 
imposterum diminutione , fratres vestri in ecclesia Sancti 
Juliani Deo servientes ac successorcs eorum ab ipsis cano- 
nicis et successoribus eorum omni anno, quibus et ceteri 
canonici temporibus, récipient. Ita tamen quod in ecclesia , 
Sancti Nicoiaï duas hebdomadas in missa tantum facientet * 
computationibus intererit prior, aut cui ex parte ejus id | 
jussum fuerit, et quocunque modo cujuscunque canonici 
persona mutetur in prefata ecclesia Sancti Nicoiaï, ejus 
prebendam per annum ex integro monachi habebunt, et pro 
eo in eadem ecclesia prebendam facient in missa tantum ; 
jus quoque parrochiale, exclusis ab omni parte ab eo cano- 
nicis, monachis tantum et eorum parrochialibus presby- 

(1) Henri t* r , comte de Champagne de n 52 à 1180 ou 1181. 

(2) La liste des prieurs de La Charité ne porte Savary qu'au quator- 
zième rang, de 1192 à 1198. Cette charte de 1179 permettra de recti- 
fier son état. 


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Prieuré de Sé\annc 3i 


teris, totum ut antiquitus remanebit ; statutum en ans 
quod canonici nihil de propriis monachorum vel hominum 
eorum, dono vel emptione, vel liberalitate ab aliquo datum 
récipient, quod damnosum monaclvis probetur. Hoc etiam 
monachi erga canonicos observabunt. Nec licebit canonicts 
res ecclésie Sancti Nicolaï vendere vel dilapidare absque scittt 
et concilio prioris. Si autem aliquis canonicoriim, in habitu 
clericali Sezannie obierit, in cimeterio sancti Juliani sepe- 
lietur. Scolas quoque infra terminum parrochie nemo regere 
presumet, nisi prius a priore licentia fuerit expetita. Porro 
neque absque ejusdem prioris consensu aliquis parrochialium 
presbyterorum in canonicum recipietur. Quod si forte aliurn 
statum ordo qui nunc est canonicorum transierit, omnes 
ecclesie Sancti Nicolaï possessions monachi de Charitate 
gratis et absque ulla contradictione récipient, et ex integro 
possidebunt (i). Decemimus ergo ut nulli omnino hominum 
liceat prefatum monasterium temere perturbare, aut ejus pos- 
sessiones auferre, vel ablatas retinere, minuere, seu quibus- 
libet molestiis fatigare, sed omnia integra conserventur 
eorum pro quorum gubernatione et sustentatione concessa 
sunt usibus omnimodis profuiura, salva sedis apostolice 
authoritate et diocesani episcopi justitia. Si qua igitur in 
futurum ecclesiastica secularisve persona, hanc nostre consti- 
tutionis paginam sciens, contra eam temere venire tentaverit, 
secundo tertiove commonita, si non satisfactione congrua 
emendaverit, potestatis honorisque sui dignitate careat, 
reamque se divino judicio existere de perpetrata iniquitate 
cognoscat, et a sacratissimo corpore et sanguine Dei et 
Domini redemptoris nostri Jesu Christi aliéna fiat, atque in 
extremo examine districte ultioni subjaceat ; cunctis autem 
eidem loco justa servantibus, sit pax Domini nostri Jesu 


(i) Ces mots sont vraisemblablement les derniers du vidimus com- 
mencé un peu plus haut; la date manque, elle doit être de fort peu 
antérieure à 1179. 


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32 


Cartulaire de La Charité . 


Christi, quatenus et hic fructum bone actionis percipiant, et, 
apud districtum judicem, premia eterne pacis inveniant, 
amen. Datum Laterani per manum Alberti (i) Romane 
ecclesie cardinalis et cancellarii, VIII kalendas maii, indic- 
tione XII, Incarnationis Dominice annoM 0 C° LXX° VIIII 0 
pontificatus vero Domini Alexandri (2) pape III anno XX. 


VIII. 

RESCRIPTUM DOMINI PAPE CŒLESTINI AD ARCHI— 
EPISCOPUM SENONENSEM ET AD ABBATEM SANCTE 
COLUMBE, PRO DOMO DE COLONGIIS , AD PRIO- 
RATUM DE CHARITATE SPECTANTE. 


1192 Août 6. — Latran. 

A l'occasion de la croisade de Philippe-Auguste , le prieuré 
de La Charité , pour s'acquitter envers le roi, ayant 
vendu la maison de Coulanges-sur-Yonne , moyennant 
treize mille sous nivemois , au comte de Nevers et à 
Pierre de Courson, son chevalier, avec engagement de la 
restituer plus tard contre remboursement de la somme 
versée , le pape Célestin III mande à V archevêque de 
Sens et à l'abbé de Sainte-Colombe de contraindre les 
acquéreurs à remplir les conditions de la vente. 

Cœlestinus episcopus servus servorum Dei, venerabili 
fratri, Senonensi archiepiscopo et dilecto filio abbati sancte 

(1) Albert de Mora. (Voyez ci-dessus, ch. V, p. 24, note 6.) 

(2) Alexandre III fut élu pape en 1159 et mourut le 27 août 1x81 1 
après avoir gouverné saintement l’Eglise pendant vingt-deux ans. 


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Coulanges-sur - Yonne. 


33 


Columbe (i), in Senonensi diocesi constituto, salutem et 
apostolicam benedictionem. Ex insinuationedilectorum filio- 
rum abbatis et conventus Cluniacensis nos accepisse nove- 
ritis, quod cum prioratus eorum de Charitate, tempore quo 
carissimus in Christo filius noster Philippus, illustris Fran- 
corum rex Hierosolymam profectus est (2), Dei provident ia 
et peccatis habitantium exigentibus nimio fuisset debitorum, 
onere aggravatus , et Petrus de Corzon (3), ser viens nobilis 
viri comitis Nivernensis nimium ipsum affligeret et gravaret, 
prior et fratres ejusdem loci domum de Coulongiis (4), ad 
ipsum prioratum spectantem, pro tredecim mille solidorum 
Nivernensium ipsi Petro venditioni exponere sunt coacti. 
Unde prioratus de Charitate damnificatus est plurimum et 
gravatus. Et licet ipse Petrus, ad instantiampredicti Clunia- 
censis abbatis, postmodum in præsentia venerabilis fratris 
nostri Wuidonis (5) Rhemensis archiepiscopi , sancte Sabine 
cardinalis, apostolice sedis legati, tune curam et solicitudinem 
regni Francie simul cum carissima in Christo filia nostra 
illustri Regina Francorum, matre Regis (6), ipsius gerentis, 
tactis sacrosanctis evangeliis, juramento firmaverit quod 


(1) Guy de Noyers, archevêque de 1176 à 1193. — Radulphe, abbé 
de Sainte-Colombe de 1 186 à 1193. 

(2) Philippe II Auguste partit pour la croisade en juillet 1190. 

(3) Pierre de Courson, un des chevaliers du comte d’Auxerre, a 
signé de nombreux actes , entre autres la vente du fief de La Cha- 
rité par le comte Gui, aux prieur et religieux en 1 174. On le trouve 
ensuite avec le titre de vicomte d’Auxerre sous Pierre de Courtenay. 
Destitué en 1199, il fut arrêté par l’évêque Hugues, chargé de fers et 
traîné tête nue dans une voiture par les rues de la ville. Pendant sa 
vie il avait poussé le comte au pillage des églises et à la persécution 
des religieux. (Lebeuf, Histoire d'Auxerre, III, p. 1 3a.) 

(4) Coulanges-sur-Yonne. (Lebeuf, Histoire d’Auxerre , I, 335.) 

(5) Gui Paré, Français, cardinal-diacre en 1188, successivement 
légat dans plusieurs royaumes, mort en 1206. 

(6) Alix, fille de Thibaut, comte de Champagne, seconde femme de 
Louis VII en 1160, donna le jour à Philippe-Auguste en 1164. 

5 


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H 


Cartulaire de La Charité. 


priori et fratribus de Charitate, recepta pecunia sua, domum 
pretaxatam cum omnibus pertinentiis redderet pacifice possi- 
dendam, nunquam postmodum quamvis ipsi fratres, ut dici- 
tur, pecuniam illam ei vellent restituere, illudquod juraverat 
noluit adimplere. Cum igitur cura et solicitudo omnium eccle- 
siarum sit nobis commissa , volentes indemnitati ipsius 
prioratus de Charitate , prout debemus , paterno affectu soli- 
cite providere, discretioni vestre per apostolica scripta 
mandamus , firmiter injungentes quatenus supradictum 
comitem Nivernensem qui eamdem domum de Coionges 
servientis nomine, sicut dicitur, occupavit, et in proprios 
usus convertit , vel ipsum servientem , si predicta domus ei 
fuerit restituta, authoritate nostra monere et induere effica- 
citer laboretis, ut domum ipsam prioratui supradicto, recepta 
ab ipsis pecunia pretaxata , sine difficultate qualibet resti- 
tuere non omittant, et si quid in ipsa domo ab ipso comité 
vel predicto serviente superedificatum est, non computetur 
ipsis fratribus, sed de redditibus domus ipsius intérim 
receptis illud fiat ; si vero idem cornes vel ipsius serviens 
duxerint resistendum, vos nostra freti authoritate, tam ipsum 
comitem quam quoslibet alios, domum ipsam tenentes ad 
eamdem domum cum pertinentiis prefatis fratribus resignan- 
dam, per excommunicationis et interdicti sententias, sublato 
contradictionis et appellationis obstaculo compeliatis facientes 
utramque sententiam usque ad condignam satisfactionem 
inviolabiiiter observari, nullis litteris obstantibus, harum 
tenore tacito, a#ede apostolica impetratis. Quod si ambo iis 
exequendis nequiveritis interesse, tu, frater archiepiscope, ea 
nihilhominus exequaris. Datum Laterani , VIII idus 
augusti, pontificatus nostri (i) anno secundo. 


(i) Le manuscrit porte en marge de la suscription : Probabiliter 
anno i ig 3 . Clément III mourut le 25 mars 1191 etCélestin III fut élu 
peu de temps après; sa seconde année de pontificat commença en avril 
1192. La date de cette charte répond au 6 août 1192. 


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Actes des papes . 


35 


IX. 

APPROBATIO A DOMINO INNOCENTIO PAPA III CUJUS- 
DAM MORIS PRO PERSECUTORIBUS EXORANDI. 


1204 Mars 3 i. — Latran. 

Le Pape engage les moines de La Charité à suivre V exemple 
du Sauveur dans les cas de violences et de pillage sur 
leur couvent , et de se mettre en prière pour obtenir le 
salut de leurs persécuteurs . 

Innocentius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis 
priori et conventui de Charitate, salutem et apostolicam 
benedictionem. Si justa filii hominum judicarent et animad- 
verterent diligenter impensam sibi gratiam redemptoris, qui 
pro nobis tradidit semetipsum, usque ad mortem factus 
obediens, ut nos de inimici faucibus liberaret, sanctam eccle- 
siam sponsam ejus, quam ipse proprio sanguine dedicavit,et 
in ea domino famulantes studerent propensius honorare, 
atque a lesione ipsorum suas retraherent penitus voluntates. 
Verum quod dolentes referimus, tanta est peccatis exigen- 
tibus nunc malitia hominum super terram, et in tantum 
excrevit audacia malignantium , quod non solum ad res 
ecclesiasticas avidas manus extendunt, et pro suo diripiunt 
arbitrio voluntatis, imo etiam ecclesias et possessiones earum, 
quasi signum ad sagittam ponentes, viros religiosos odio 
execrabili prosequuntur, sanctum eorum otium nequiter 
perturbantes. Et quoniam hujusmodi homines, licet cen- 
seantur nomine Christiani, a Christi tamen operibus sunt 
alieni, letantes cum malefecerint et in rebus pessimis exul- 
tantes, et admoniti sepius a sua nolunt desistere pravitate, 
nolentes intelligere ut bene agant, sed iniquitatem in suis 


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36 


Cartulaire de La Charité. 


cubilibus méditantes, cum malefactoribus ipsis, sicut vestra 
relatione didicimus per vos resistere non possitis, mos in 
vestra ecclesia inolevit ut, cum aliquis malefactor resmonas- 
terii vestri occupât per violentiam, vel diripit per rapinam, 
et monitus vobis satisfacere non procurât, vos in missarum 
solemniis, cum patri filius pro mundi reatibus immo- 
latur ecclesie pavimento prosternitis, et pro persequen- 
tibus exoratis, oculos levantes ad Dominum et humiliter 
supplicantes ut vestri misereri dignetur, qui prope est invo- 
cantibus ipsum in veritate, timentium se peragit voluntates 
et orationes exaudit eorum, faciens eos salvos. Cum igitur 
orare pro persequentibus, non solum precepto, verum etiam 
exemplo dominico instruamur, nos premissam consuetu- 
dinem piam esse credentes presentium vobis authoritate 
concedimus, quatenus eam minime deseratis, sed ipsam 
humiliter ac devote servetis, ita quod orationibus vestris a 
malo revocentur iniqui, vosque optata pace fruamini ac 
quiete. Datum Laterani II idus aprilis, pontificatus nostri 
anno septimo. 


X. 

PRECEPTUM ALEXANDRI PAPE IIII DE NON AMO— 
VENDO PRIORE CHARITATIS SINE LEGITIMA 
CAUSA. 


n55 Mars 18 . — Naples. 

Sur la requête du prieur et des moines de La Charité , le 
pape Alexandre IV, considérant comme nuisible le chan- 
gement des prieurs quand ils s'acquittent bien de V admi- 
nistration spirituelle et temporelle , déclare que les 
prieurs de La Charité ne pourront être révoqués sans 


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Droits des prieurs . 


37 


cause légitime insérée dans les statuts de Cluny ; il les 
engage y en cas d'injustice , à s'adresser directement à 
Rome. 

Alexander, episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis 
priori et conventui monasterii de Charitate, Cluniacensis 
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam 
benedictionem. Religionis vestre meretur honestas ut nos 
favore apostolico prosequentes petitiones vestras, quantum 
cum Deo possumus , ad exauditionis gratiam admittamus. 
Sane petitio vestra nobis exhibita continebat quod felicis 
recordationis Gregorius papa (1), predecessor noster, olim 
diligenter considerans quod si a monasteriis Cluniacensis 
ordinis passim et absque rationabili causa contingeret amoveri 
priores, magnum poterat monasteriis ipsisparari dispendium. 
Cum novitates interdum pariant detrimentum, duxit salu- 
briter statuendum , quod quandiu priores ipsius ordinis tam 
in spiritualibus quam in temporalibus bene administrare 
constiterit, non nisi ex certis causis in eodem statuto expressis 
possint vel debeant a suis monasteriis amoveri. Cum igitur, 
sicut asseritis, prioratus vester de Charitate, inter alios pre- 
dicti ordinis prioratus, unus de majoribus et honorabilio- 
ribus habeatur, supplicastis nobis ut te, fili prior (2), et alios 
qui tibi successerint, ab eodem prioratu, contra prefati pre- 
decessoris nostri statuta, nulli liceat amovere. Nos itaque 
attendentes quod ea que per predecessorem eumdem provide 
statuta esse noscuntur non sunt temeritate cujuspiam infrin- 
genda, vestris justis supplicationibus mclinati , authoritate 
vobis presentium indulgemus ut tu , fili prior, et successores 
tui non nisi ex causis in eisdem statutis contenus, coram 
definitoribus generalis capituli Clurliacensis rite secundum 

(1) Grégoire IX, d’Agnani, pape de 1227 à 1241, oncle d’Alexandre IV. 

(2) Le prieur d’alors (le 25 *) était un religieux nommé Jean , élu en 
1244, et recommandable par sa piété et son dévouement. 


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38 


Cartulaire de La Charité . 


eadem statu ta lectis, proposais et probatis légitimé, ab abbate 
Cluniacensi seu quocunque alio ab administratione prioratus 
ipsius possitis aliquatenus amoveri. Et si forsan vos super 
iis contra justitiam gravari contigerit, licitum sit vobis 
propter hoc sedem apostolicam appellare, non obstante si in 
eisdem statutis est cujuslibet appellationis remedium inter- 
dictum. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam 
nostre concessionis infringere, aut aliquo ausu temerario 
contra ire. Si quis autem hoc attentare presumpserit indi- 
gnationem omnipotentis Dei et beatorum Pétri et Pauli 
apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Neapoli XV 
kalendas aprilis, pontificatus nostri (ij anno primo. 


XI. 

CONCESSIO NOVALIUM AB ALEXANDRO PAPA QUARTO. 


1255 Avril i ,r — Naples. 

Le pape Alexandre IV fait abandon , au profit des moines 
de La Charité , de toutes les dîmes à payer sur les novales 
ou terres et forêts récemment cultivées par eux ou à 
leurs frais. 

Alexander episcopus , servus servorum Dei , dilectis filiis 
priori (2) et conventui monasterii deCharitate, Cluniacensis 
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam 

(1) Alexandre IV, des comtes de Segni, neveu de Grégoire IX et 
d’innocent III, élu pape le 12 décembre 1254; la date de cette charte 
doit donc être portée au 18 mars 1255. 

(2) Jean, vingt-cinquième prieur de La Charité, remplaça Guillaume 
de Pontoise vers 1244 et administra sagement le monastère jus- 
qu’en 1262. 


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Actes des papes . 


39 


benedictionem. Solet annuere sedes apostolica piis votis et 
honestis petentium precibus favorem benevolum impertiri. 
Eapropter dilecti in domino filii, vestris justis postulatio- 
nibus grato concurrentes assensu, ut non de terris quas 
propriis laboribus excolitis aut sumptibus nulli décimas 
solvere teneamini, vobis seu ordini vestro a sede apostolica 
sit concessum. Ita quoque, de nemoribus vestris vel aliis, 
que a tempore eu jus non extat memona culta non fuerunt 
que ad cultum redigetis propriis sumptibus et coletis, sol- 
vere non teneamini, authorilate vobis presentium indul- 
gemus. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam 
nostre concessionis infringere, vel ei ausu temerario contra 
ire. Si quis autem hoc attentare presumpserit indignationem 
omnipotentis Dei , et beatorum Pétri et Pauli apostolorum 
ejus se noverit incursurum. Datum Neapoli V nonas 
aprilis (1), pontificalus nostri anno primo. 


XII. 

DISPENSATIO EJUSDEM PAPE SUPER OBSE RVATIONE 
STATUTORUM. 


1255 Mars 18. — Naples. 

Le pape Alexandre IV accorde au prieur et au sous-prieur 
de La Charité le droit de dispense pour tout ce qui 
concerne V observation des statuts de V ordre de Cluny . 

Alexander episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio 
priori de Charitate, ordinis Cluniacensis , Autissiodo- 

(1) Alexandre IV ayant été élu pape le 12 décembre 1254, cette 
charte doit être datée du i ,r avril 1255 , nouveau style, comme les 
chartes X et XII, du 18 mars. 


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40 


Cartulaire de La Charité . 


rensis diocesis, salutem et apostolicam benedictionera. Ex 
parte tua fuit nobis humiliter supplicatum, ut cum obser- 
vantia tui ordinis ab ipsa sui institutione multum sit rigida, 
difficilis atque gravis, fueritque postmodum per felicis 
recordationis Gregorium papam, predecessorem nostrum, et 
quosdam alios tam authoritate sedis apostolice quam lcga- 
torum ipsis super addita instituta gravia diversarum pena- 
rum adjectione vallata contingat sub tantis oneribus deficere 
oneratos, providere super hoc paterna sollicitudine curatio- 
nem, attendentes igitur quod expedit calamum quassatum non 
conteri, et cum evasione eruginis vas non frangi devotionis 
tue precibus inclinati, presentium tibi authoritate conce- 
dimus, ut super observatione statutorum ipso rum que de 
tue substantia régulé non existunt, tu et successores tui 
monasterii tui ejusque membrorum monachis presentibus et 
futuris libéré dispensare possis, his casibus dumtaxat exceptis, 
super quibus in eadem régula est dispensatio interdicta, in 
quibus casibus dispensandi super pœnis adjectis et irregula- 
ritatibus quas tui subditi incurrerunt vel incurrent de cætero, 
eosque absolvendi ab interdicto suspensionis seu excommu- 
nicationis vinculoquo ipsos, ob'transgressionempremissorura 
statutorum, involvi contigit vel contingit, injuncta sibi 
absolutionis penitentia salutari, libéra sit tibi et eisdem 
successoribus de nostra permissione facultas. Suppriori 
nihilominus monasterii tui et ipsius successoribus conce- 
dendi tibi tuisque successoribus hujusmodi dispensationis et 
absolutionis beneficium, si fuerit opportunum, indulgentes 
authoritate presentium potestatem, non obstantibus aliquibus 
literis ad venerabiles fratres nostros, Senonensem archiepis- 
copum et ejus suffraganeos vel ad dilectum filium magistrum 
Albertum (i), notarium nostrum, apostolice sedis legatum, 
seu quoscunque alios, ab apostolica sede sub quocunque 
tenore directis et processibus habitis, per eosdem de quibus 

(i) Albert de Mora, voyez ci-dessus charte V. 


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Actes des papes . 


4» 


scriptam opporteat fieri mentionem. Nulli ergo omnino 
hominum liccat hanc paginam nostre concessionis infringere, 
vel ei ausu temerario contra ire. Si quis autem hoc attentar 
presumpserit indignationem omnipotentis Dei et beatorum 
Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurume 
Datum Neapoli, XV kalendas aprilis, pontificatus nostri 
anno primo. 


XIII. 

PRECEPTUM EJUSDEM PAPE SUPER JURAMENTO A 
PRIORIBUS PRESTANDO INFRA TRES DIES POST 
EORUM RECEPTIONEM. 


1255 Avril 6. — Naple». 

Sur une demande des moines relative aux mesures à 
prendre contre la négligence des prieurs , le pape 
Alexandre IV ordonne que les prieurs nouvellement 
institués devront prêter serment en personne dans le 
chapitre du couvent, trois jours après leur réception . 

Alexander episcopus , servus servorum Dei, dilectis filiis 
priori et conventui monasterii de Charitate, Cluniacensis 
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam 
benedictionem. Religionis vestre meretur honestas, ut que 
juste petitis, ad exauditionis gratiam admittamus. Sane 
porrecta nobis ex parte vestra petitio continebat , quod cum 
monasterium vestrum per priorum, qui pro tempore fuerint 
ibidem, incuriam in spiritualibus et temporalibus non mo- 
dicam incurrerit lesionem, a nobis humiliter supplicastis 
super hoc eidem monasterio salubri remedio provideri. 
Vestris igitur devotis precibus inclinati, ut illi qui in eodem 
monasterio priores pro tempore fuerint canonice instituti, de 

6 


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42 


Cartulaire de La Charité . 


conservandis juribus, jurisdictionibus, libertatibus et hono- 
ribus ipsius monasterii, infra très dies postquam ibidem 
recepti fuerint in priores, prestare corporaliter juramentum 
in communi capitulo teneantur, authoritate vobis presentium 
duximus concedendum, decernentes irritum et inane, si 
contra concessionem hujusmodi aliquid per quemcunque 
fuerit attentatum. Datum Neapoli VIII idus aprilis, pontifi- 
catus nostri anno primo. 


XIV. 

RESCRIPTUM ALEXANDRI PAPE IIII AD ABBATES 
SANCTE COLUMBE ET SANCTi SATIRI CONTRA 
ARCHIEPISCOPUM SENONENSEM ET EJUS SUFFRA— 
GANEOS QUI MONACHOS CHARITATENSES MOLES- 
TABANT. 


1255 Juillet i5. — Anagni. 

A rencontre des prescriptions des papes et des statuts de 
V ordre de Saint-Benoît , P archevêque de Sens et ses 
suffragants ont prononcé V excommunication contre les 
moines de La Charité et V interdit sur leurs églises; le 
pape Alexandre IV désire les voir cesser de pareilles 
poursuites et se montrer plus bienveillants ; il commande 
aux abbés de Sainte-Colombe et de Saint-Satur de 
vérifier si ses ordres sont exécutés . 

Alexander episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis 
sancte Columbe (i) Senonensis et sancti Satiri (2) Bituri- 

(1 ) Sainte-Colombe de Sens, abbaye de Bénédictins. Henri l OT , 
moine de Fleury, abbé de 1233 à 1258. ( Gall . Christ ., XII, col. 1 5 1 .) 

(2) Saint-Satur, canton de Sancerre. Le nom de l’abbé, de 1221 à 
1264, est désigné seulement par la lettre A. (Gall. Christ., t. II, col. 188.) 


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Actes des papes . 


43 


censis diocesis abbatibus, salutem et apostolicam benedio 
tionem. Olim pie memorie Innocentius papa, predecessor 
noster (1), cuilibet venerabilium fratrum nostrorum archi- 
episcopi Senonensis ejusque suffraganeorum sigillatim sub 
certa forma suis dédit literis in preceptis, ut statuta pro 
reformatione ordinis saucti Benedicti a felicis rccordationis 
Gregorio papa predecessore nostro (2) édita facerent ab 
universis personis ejusdem ordinis suarum diocesium exacta 
diligentia observari. Quarum litterarum authoritate, quidam 
ipsorum super hoc diligenter preceptum apostolicum exe- 
quentes , in membra monasterii de Charitate , Cluniacensis 
ordinis, Autissiodorensis diocesis, ut dicitur, processerunt, 
in priores et monachos membrorum ipsius excommunica- 
tionis et in eorum ecclesiis interdicti sententiis promulgatis. 
Quia vero, dilecti filii, prior et conventus ipsius monasterii 
super iis ad apostolice sedis providentiam recurrerunt eosdem 
archiepiscopum et suffraganeos rogandos duximus et mo- 
nendos eis universis et singulis nostris dantes literis in 
mandalis, ut processum ipsorum super hoc contra priores et 
monachos predictos eorumdem membrorum dictarum dio- 
cesium habitum, revocantes per seipsos et hujusmodisenten- 
tias sine difficultate qualibet relaxantes dispensent cum 
prioribus et monachis predictis super irregularitate, si quam 
exinde contraxerunt, ac eos predictarum literarum authori- 
tate ulterius non molestent, sed eis quantum in ipsis fuerit, 
exhibeant se favorabiles et benignos. Ita quod eorum devotio 
possit exinde merito commendari. Quocirca discrétion i 
vestre, per apostolica scripta mandamus, quatenus si dicti 
archiepiscopus et suffraganei mandatum nostrum neglexerint, 


(1) Innocent IV, pape de 1243 à 1264, vint en France, où il tint à 
Lyon un concile général en i25o, et de là se rendit à Cluny. 

(2) Il s’agit vraisemblablement de Grégoire VII, Hildebrand , pape 
de 1073 à io85, qui s’occupa de réformes ecclésiastiques et monas- 
tiques. 


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44 


Cartulaire de La Charité. 


adimplere vos, vel alter vestrum, per vos, vel per alium, aut 
alios super hoc mandatum apostolicum exequi procuretis, 
contradictores authoritate nostra appellatione postposita, 
compescendo, non obstante si aliquibus a sede sit indultum 
eadem quod interdici, suspendi, vel excommunicari , aut 
extra suam civitatem vel diocesim in causam trahi non 
possint per literas ajx>stolicas, non facientes plenam et 
expressam ac de verbo ad verbum de indulto hujusmodi 
mentionem, et qualibet alia ipsius sedis indulgentia eis aut 
alicui eorum, aut aliis quibuscumque personis , sub qua- 
cumque forma verborum vel expressione concessa , per quam 
non expressam nostris literis vel totalîter non insertam 
adimpleri valeat vel differri et constitutione de duabus dietis 
édita in concilio generali. Datum Anagnie, idibus julii pon- 
tificatus nostri anno primo. 


XV. 

EJUSDEM PAPE DIPLOMA DE CONFIRMATIONE PRIVI 
LEGIORUM LIBERTATUM ET EXEMPTIONUM. 


1256 Octobre i3. — Anagni. 

Confirmation par Alexandre IV des privilèges , libertés , 
exemptions et droits divers possédés jusqu'alors par les 
moines de La Charité . 

Alexander episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis 
priori et conventui beate Marie de Charitate, Cluniacensis 
ordinis, Autissiodorensis diocesis, salutem et apostolicam 
benedictionem. Solet annuere sedes apostolica piis votis et 
justis petentium precibus favorem benevolum impertiri. 
Eapropter dilecti in Domino filii, vestris justis precibus 


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La Marche. 


45 


inclinati, omnes libertates et immunitates a predecessoribus 
nostris Romanis pontificibus, sive per privilégia, sive per 
indulgentias ordini seu monasterio aut loris vestris specia- 
liter concessis, nec non libertates et exemptiones secularium 
exactionum a regibus et principibus vel aliis Christi fidelibus 
rationabiliter vobis indultas, consuetudines quoque lauda- 
biles et antiquas et hactenus pacifice observatas , sicut eas 
rationabiliter obtinetis, authoritate apostolica confirmamur 
et presentis scripti patrocinio communimus. Nulli ergo 
omnino hominum liceat hanc paginam nostre confirmationis 
infringere vel ei ausu temerario contra ire. Si quis autem 
hoc attentare presumpserit, indignationem omnipotentis Dei 
et beatorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit 
incursurum. Datum Anagnie, III idus octobris, pontificatus 
nostri anno secundo. 


XVI. 

RESCRIPTUM DOMINI EUGENII PAPE III AD SENO- 
NENSEM ARCHIEPISCOPUM ET AUTISSIODORENSEM 
EPISCOPUM CONTRA ADAM DE MARCHIA. 


ii 53 Mai i5. — Rome. 

Le pape Eugène III mande à l'archevêque de Sens et à 
l'évêque d'Auxerre de se rendre à La Marche , dépen- 
dance du prieuré de La Charité , et cT interdire à Adam 
de La Marche , sous les censures ecclésiastiques , la conti- 
nuation des travaux d'un château-fort qu'il construisait 
sans le gré des moines. 

Eugenius episcopus, servus servorum Dei, venerabilibus 
fratribus Hugoni Senonensi archiepiscopo et Alano Autissio- 


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4 6 


Cartulaire de La Charité . 


dorensi episcopo (i), salutem et apostolicam benedictionem. 
Rerum exitus discretus sapiensque metitur, longe ante ven- 
turis malis nititur obviare, Salomonis instructus verbo, qui 
ait : Sapiens videns malum déclinât, stultus autem transilit 
confidenter. Dilectorum filiorum nostrorum Guillelmi 
prioris (2) et fratrum de Charitate transmissa nuper ad nos 
suggestione, pervenit quod Adam de Marchia (3) in burgo 
ipso infra terminos a sancte recordationis Paschali , prede- 
cessore nostro, statutos (4), grandem munitionem contra 
voluntatem ipsorum construere nititur, de qua ipsi monas- 
terio maximum damnum potest processu temporis provenire. 
Quoniam igitur, cum ad jus monasterii locus ille pertinet, 
equitatis vigor, suspectam ibi munitionem ab aliquo 
construi, ipsis fratribus inhibentibus non permittit, et quod 
ad damnum ecclcsie Dei et superbiam vite pertinere videtur, 
pontificali debetur studio inhiberi. Per presentia vobis scripta 
mandamus, quatenus quam citius in unum convenientes, 
ad locum ipsum pari ter accedatis, et antedictum Adam ne 
munitionem aut castellum ibi faciat districtius moneatis. Si 
summo superbie vento inflatus, aut aliqua, quam forte in 
animo suo concepit, malitia instigatus, in suo cæpto duxerit 
persistendum , ita eum censura ecclesiastica compescatis, ut 
saltem invitus ab eo quod superbe molitur abstinere cogatur. 
Datum Rome , apud sanctum Petrum (5), idibus maii. 

(1) Hugues de Toucy, archevêque de Sens, 1142-1168. — Alain, 
évêque d’Auxerre, 1152-1167. 

(2) Gui ou Guillaume, sixième prieur de La Charité, porté dan»* la 
liste des prieurs de 1143 à ii 5 o . Sa vie doit être prolongée jusqu’en 
11 53 ; il fut remplacé par Théodart pendant quelques mois, puis par 
Raynaud. 

( 3 ) Parmi les seigneurs de La Marche, nous voyons Rainaud . 
en 1059 (ci-dessus, charte n*I); Adam, en 1127, 1 1 36 et 1148; 
Regnaud, en 1173. (Cart. de V Yonne, I, 3 13-440; II, 50-245.) 

('4/ Privilège de Pascal II ; voyez ci-dessus, charte n* II. 

?5j Eugène lll fut pape de 1 145 au 8 juillet 1 1 53 . date d sa mort. 
JVautrc part, Alain, élu évêque d’Auxerre, ne fut promu définit! ve- 


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Prieuré de Biches. 


47 


XVII. 

BULLA CLE MENTIS PAPE VI DE UNIONE PRIORATUS 
DE BISCHIIS CUM OFFICIO CLAUSTRAU CAME- 
RARIE CHARITATENSIS. 


i 35 o Juin 26. — Avignon. 

Confirmation en forme de vidimus , par le pape 
Clément Vf d'un accord passé en mars i33g entre le 
prieur et les moines de La Charité , aux termes duquel il 
est décidé que , en raison de V insuffisance de ressources 
pour assurer les divers services de la chambrerie , les 
revenus du prieuré de Bisches , sans toutefois réduire le 
nombre des moines , seront réunis à l'office de chambrier 
de La Charité . 

Clemens episcopus servus servorum Dei, ad perpetuam rei 
memoriam. Ex suscepto servitutis officio quo sumus universis 
ecclesiis et beneficiis ecclesiasticis obligati , ipsorum tenemur 
invigilare, profectibus et dispendiisobviare, acea, proincum- 
bentibus eis oneribus levius supportandis matura délibéra- 
tione suât facta, presidii apostolici munimine roborare. Sane 
pro parte dilecti filii Hugonis Polosardi, camerarii prioratus 
conventualis de Charitate, Cluniacensis ordinis, Autissio- 
dorensis diœcesis, supplicatio nobis nuper exhibita conti- 
nebat quod dudum dilectus filius Guillelmus de Pictavia (1), 

ment qu'à la fin de l’année ii 52 . (Lebeuf, Hist. d’Auxerre, 1 , p. 3 18.) 
Il faut donc porter cette charte au i 5 mai 1253 . Adam de La Marche 
paraît en 1127 et 1148; il est remplacé en 1173 par Régna ud de La 
Marche. Les événements rapportés ici s’accordent bien avec l’époque 
de sa vie. 

(1) Guillaume de Poitiers, trentième prieur, de 1 336 à 1341. 


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4 8 


Cartulaire de La Charité. 


prior ipsius prioratus, attendens quod fructus redditus et 
proventus officii camerarie dicti prioratus ad supportanda 
onera incumbentia eidem officio sufficere non valebant, cum 
dilectis filiis conventu ipsius prioratus, deliberatione matura 
et diligenti tractatu super hoc sepius habitis, de consensu 
dicti conventus et ad eorum supplicationem, prioratum de 
Bischiis (i), dicti ordinis, Nivernensis diœcesis , predicto 
prioratui de Charitate immédiate subjectum et per ipsos 
monachos solitum gubernari, cum omnibus juribus et perti- 
nentiis suis prefato officio authoritate ord inaria in perpe- 
tuum univit et decrevit adjunctum, fructusque ipsius prio- 
ratus de Bischiis et exitus in utilitatum opus et revelationem 
officii memorati existere convertendos , ita quod quam 
primum dictum prioratum de Bischiis vacare contingeret, 
liceret eidem camerario per se vel per alium seu alios corpo- 
ralem possessionem ejusdem prioratus de Bischiis ac jurium 
etpertinentiarum ipsius, authoritate propria intrareet retinere 
ejusdem prioris seu cujuslibet alterius licentia vel assensu 
minime requisitis, prout in quibusdam patentibus litteris 
eorumdem prioris et conventus, sigillis munitis, quorum 
tenorem de verbo ad verbum presentibus inseri fecimus 
plenius continetur. Quare pro parte dicti camerarii fuit nobis 
humiliter supplicatum, ut unioni hujusmodi confirmationis 
nostre robur adjicere de spécial i gratia dignaremur. Nos 
igitur hujusmodi ipsius camerarii supplicationibus inclinati, 
unionem predictam ratam et gratam habentes , illam autho- 
ritate apostolica ex certa scientia contirmamus et presentis 
scripti patrocinio communimus, supplentes omnem defectum, 
si quis forsan intervenerit in premissis de Apostolice pleni- 
tudine potestatis, proviso quod prioratus ipse debitis non 
fraudetur obsequiis, et solitus numerus monachorum in eo 
nullatenus minuatur. 


(i) Biches, canton de Châtillon-en-Bazois (Nièvre). 


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Prieuré de Biches . 


49 


Ténor vero dictarum literarum talis est : 

Universis présentes litteras inspecturis, nos frater Guil- 
lelmus de Pictavia, humiiis prior beate Marie de Charitate, 
ad quem de consensu et assensu venerabilis conventus nostri 
Charitatensis spectat potestas uniendi ac dividendi bénéficia 
nobis subjecta, causa légitima existente, salutem in Domino 
sempiternam. 'Ad supplicationem conventus nostri Charita- 
tensis asserentis minus bene seu tenue in vestibus et aliis ad 
officium camerarie Charitatensis exti tisse provisum, propter 
que multas miserias infirmitates et débilitâtes sustinuerunt 
et sustinent incessantes et exinde subsecuta sunt, ac etiam 
subsequi possunt inconvenientia quam plurima, dictumque 
officium quoad supportationem solitorum onerum non 
sufficit, ut experientia magistra rerum efficax manifestât. 
Nosque volentes huic morbo adhibere medelam, et in hoc 
negotio mature procedere, deliberavimus diligenter pluribus 
et interpaulatis diebus nobiscum et cum aliis probis et reli- 
giosis viris, tam de gremio ecclesie nostre Charitatensis 
predicte quam de membris prioratui Charitatensi subjectis, 
in capitulo nostro generali Charitatensi existentibus, capitu- 
lantibus, ac generale capitulum facientibus, super jnveniendo 
ac adhibendo remedio seu ope ipsi officio camerarie ac 
conventus necessitatibus supradictis ; et ob hoc plures reli- 
giosos, magneque discretionis viros, de conventu nostro 
Charitatensi predicto, ac de prioratibus nobis subjectis et de 
membris ejusdem prioratus nostri de Charitate fecimus ad 
nostram presentiam personaliter evocari. Qui jurati , ad 
sancta Dei evangelia corporaliter manu tacta, deposuerunt 
quod redditus officii camerarie predicti non sufficiant ad 
onera consueta supportanda, licet ilia consueta onera non 
sufficiant pro conventu, quodque dictus conventus, videlicet 
singulares persone ipsius multa incommoda, penurias et 
infirmitates, ob tenuitatem et exilitatem reddituum officii 
camerarie supradicti non valentis consueta onera supportare, 
sustinent ac sustinuerunt temporibus retroactis. Requisiti 

7 


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5o 


Cartulaire de La Charité. 


etiam per nos si redditus camerarie noscebant, et per quant 
viam posset subveniri commodius inopie officii ac necessi- 
tati conventus nostri predicti, deposuerunt per juramenta sua 
data, ut prefertur, quod ipsi habebant notitiam reddituum 
officii camerarie et onerum eidem incumbentium, ac quasi 
omnium membrorum vicinorum ipsiusprioratusdeCharitate, 
non vidcbant nec sciebant aliquod remedium ita competens 
seu utile, nisi quod fieret aliqua unio de aliquo prioratu 
vicino officio camerarie supradicto, asserentes quod de 
communi contributione solvenda per caput et singula 
membra prioratus nostri de Charitate non posset commodo 
predictis defectibus subveniri, cum plurimi dictorum mem- 
brorum vix sufficiant ad eorumdem consueta onera suppor- 
tanda. Requisiti etiam de quo prioratu seu membro magis 
expediret fieri unio. Responderunt quod de prioratu de 
Bischiis, Nivernensis diœcesis, membro predicti prioratus 
nostri de Charitate, et per cujus unionem sufficeret et sine 
superfluitate poterit medere commodius necessitatibus supra- 
dictis. Nos igitur predicta attendentes per inquisitionem 
solertem, ut premittitur, per nos judiciali ter factam, prout 
etiam in instrumentis super hoc confectis plenius continetur, 
premissaque dicuntur de tenuitate reddituum officii ac 
necessitatibus conventus nostri memorati fore vera. Volentes 
nihilominus rem perspicacius perscrutari accessimus ad 
conventum nostrum de Charitate, in capitulo nostro, ad 
sonum campane congregatum, ut moris est, cum quo tracta- 
vimus diligentius super predictis, et tandem charissimi 
fratres nostri , Gerardus supprior, Guillermus secundus, 
Ludovicus tertius, Theobaldus quartus domini in ordine, 
Joannes prior de Narenthona, Hugo cellerarius, Robertus 
eleemosynarius, Petrus infirmarius, Guillermus bursarius, 
Dionysius sacrista, Hugo prior de Mon teboy (i), Joannes 

(i) L’auteur du Cartulaire mentionne ces deux localités « Narcnton 
et Monthumben > comme situées en Angleterre. ( Prieuré de La 


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Prieuré de Biches. 


5 


Granetarius, Stepbanus Coquinarius, Stephanus magister 
novitiorum, Guillermus subsacrista, Philippus de Longa- 
villa et plures alii, ea que superius premittuntur de exigui- 
tate reddituum offieii ac tenuitate vestiarii fore vera ; ac 
tandem totus conventus et singuli ibidem présentes suppli- 
caverunt et consenserunt quod per unionem dicti prioratus 
de Bischiis, Nivernensis diœcesis, dictorum camerarie officio 
ac conventus necessitatibus medeatur. Attendentes insuper 
non superesse aliquod membrum prioratus nostri Charita- 
tensis per cujus unionem possint ita commode relevari 
defectus predicti, sicut per unionem prioratus sepedicti, tum 
propter vicinitatem ejusdem ipsi prioratui de Charitatd, et 
sic utrumque, scilicet officium camerarie et ipsius prioratus 
per unum ministrum poterunt gubernari, tum quia ceteri 
prioratus vicini ecclesie de Charitate sunt nobiliores, ex 
quorum unione posset forte aliquod scandalum generari ; 
alii autem sunt adeo tenues et exiles quod duo vel très vix 
sufficerent ad predicta incommoda relevanda. Attendentes 
insuper dictum beati Benedicti, monachorum armificis 
preceptoris, et in sua régula statuentisquod necessaria mona- 
chis ministrentur ne, quod absit, in detrimentum animarum 
suarum occasione habeant proprium congregandi. Quam 
sententiam prudenter attendens sanctissimus pater et dominus 
noster, Dominus Benedictus papa duodecimus, in suis sacris 
constitutionibus super Teformatione ordinis monachorum 
nigrorum sancti Benedicti editis, eamdem sententiam posuit, 
statuendo ut per unionem beneficiorum aut alias viis licitis 
monachis necessaria ministrentur. Insuper ob plurimas 
justas alias causas que ad hoc nostrum animum induxerunt 
propter nécessita tem ecclesie evidentem et utilitatem, pro- 
nunciavimuset decrevimus, de consensu et assensu venerabilis 
conventus nostri de Çharitate, dictum prioratum de Bischiis, 

Charité j histoire, folio 166.) Elles ne sont pas citées dans la charte du 
prieuré de Longueville en Normandie. Voyez ci-dessus, charte V. 


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52 


Cartulaire de La Charité. 


Nivernensis diœcesis, dicto officio camerarie uniendum, 
ipsumque prioratum eidem officio unimus, decernimus 
unitum et adjunctum, fructusque ipsius prioratus et exitus 
decernimus convertendos in utilitatem , opus ac relevatio- 
nem officii camerarie supradicti ac emendationem vestiarii 
conventus de Charitate sepedicti, quamprimum ipsum prio- 
ratum de Bischiis vacare contigerit quovis modo, salvo jure 
prioris moderni, quantum ad perceptionem fructuum prio- 
ratus de Bischiis supradicti. Ordinamus insuper ut came- 
rario, qui est vel fuerit pro tempore, damus litteris presentibus 
licentiam et mandatum spéciale ut ipse camerarius per se vel 
per alium, quotiescunque deinceps prioratum vacare conti- 
gerit, possessionem ipsius prioratus reddituumque ac emolu- 
mentorum ipsius intrare et retinere valeat, nulla alialicentia 
seu jussione a nobis habita, seu alia quomodolibet expectata, 
inducentes charissimum fratrem nostrum Hugonem (i), 
camerarium charitatensem pro se ac suis successoribus in 
possessionem dicti prioratus de Bischiis per traditionem sex 
denariorum qui nobis priori Charitatensi pretato debebantur 
annuatim a dicto priore. Firmiter statuentes ea que in dictis 
litteris continentur inviolabiliter futuris perpetuis tempo- 
ribus observanda ; omnibus autem subditis nostris preci- 
pimus et mandamus ut ipsi et eorum quilibet prefato came- 
rario in premissis débité pareant et ^tendant. In cujus rei 
testimonium sigillum nostrum presentibus litteris duximus 
apponendum et ad majorem roborationcm omnium prenais- 
sorum conventus noster Charitatensis sigillum suum iis 
presentibus literis duxit apponendum in testimonium pre- 
missorum. Acta fuerunt supradicta in capitulo nostro 
Charitatensi, hora consueta, ad sonum campane, ut moris 
est, congregato conventu, die martis post dominicain qua 


(i) Hugues Polosard, désigné en tôte de cette charte comme cham- 
brier de La Charité. 


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Confrérie du saint Nom de Jésus. 


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cantatur Lætare in ecclesia, anno Domini millesimo trecen- 
tesimo tngesimo nono. 

Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre 
confirmationis et suppletionis infringere, vel ei ausu teme- 
rario contra ire. Si quis autem hoc attentare presumpserit 
indignationem omnipotentis Dei et beatorum apostolorum 
ejus se noverit incursurum. Datum Avenioni , decimo sexto 
kalendas julii (r), pontificatus nostri anno octavo. 

Firminus Joannes de Angicuria. 


XVIII. 

BULLA PAULI PAPÆ QUINTI PRO ERECTIONE CONFRA- 
TERNITATIS SANCTISSIMI NOMINIS JESU IN ECCLESIA 
BEATÆ MARIÆ DE CHARITATE. 


1607 Décembre i3. — Rome. 

Bulle du pape Paul V pour Vérection d'une confrérie du 
saint Nom de Jésus , accordant des indulgences : i° plé- 
nière aux membres qui prieront , dans l'église du prieuré , 
aux intentions de la sainte Église et de la concorde des 
princes chrétiens , le jour de la fête du saint Nom de 
Jésus , le 14 janvier de chaque année ; 2 0 de sept ans 
et sept quarantaines pour les fêtes de l'Assomption, 
Nativité , Conception et Annonciation de la sainte 
Vierge ; 3* de soixante jours pour assister aux offices et 

(1) 16 juin i35o. Pierre Roger, archevêque de Sens, puis cardinal , 
fut élu pape à Avignon, sous le nom de Clément VI, le 7 mai 1342, 
et mourut le 6 décembre i 352. 


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54 


Cartulaire de La Charité . 


enterrements , accompagner le bon Dieu porté aux 

malades , convertir ou enseigner les ignorants. 

Paulus episcopus ( i) servus servorum Dei, universis Christi 
fidelibus présentes literas inspecturis, salutem et apostolicam 
benedictionem. Salvatoris æterni qui pro humano redimendo 
generc in ara crucis immolari non abnuit vices licet immeriti 
gerentes in terris, ad id nostri vota cordis desideranter expo- 
nimus, ut quos ipse pretiosissimi sanguinis aspersione recon- 
ciliare Deo curavit, quorumquc regimen et gubernationem 
nobis commisit ad pietatis, charitatis et misericordiæ continuo 
exercenda, aliaque salubria et meritoria opéra quibus de 
terrenis immarcessibiles thesauros recondere, nec non patriæ 
cœlestis possessores effici possint fréquenter excitemus. Cum 
itaque sicut accepimus in Ecclesia prioratus conventualis et 
vere electivi Beatæ Mariæde Charitate supra Ligerim, ordinis 
sancti Benedicti, Autissiodorensis diœcesis, una pia utrius- 
que sexus Christi fidelium confratemitas, sub invocatione 
sanctissimi nominis Jesu, ad Dei omnipotentis laudem et 
animarum salutem proximique subventionem, non tamen 
pro hominibus unius specialis artis canonice instituta 
existât, cujus dilecti filii confratres quam plurima pietatis, 
charitatis et misericordiæ opéra exercere consueverunt. Nos 
cupientes ut prædicti ac pro tempore existentes ejusdem 
confraternitatis confratres in hujusmodi piorum operura 
exercitio confoveantur ac magis ad ea imposterum exercenda, 
nec non alii Christi fideles ad dictam confraternitatem ingre- 
diendam per amplius invitentur, dictaque ecclesia et in ea 
situm altare ipsius confraternitatis in débita veneratione 
habeantur et ab ipsis Christi fidelibus congruis frequen- 
tentur honoribus, illique vero libentius ad ecclesiam et altare 
hujusmodi devotionis causa confluant, quo ex hoc dono 

(i) Camille Borghèse, élu pape sous le nom de Paul V, de iôo 5 
à 1621. 


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Confrérie du saint Nom de Jésus. 


55 


cœlestis gratiæ uberius conspexerint se esse refectos de omni- 
potentis Dei misericordia , ac beatorum Pétri et Pauli apos- 
tolorum ejus authoritate confisi , omnibus et singulis 
utriusque sexus Christi fidelibus vere pœnitentibus et 
confessis qui dictam confraternitatem decætero ingredientur, 
die primi illorum ingressus, si sanctissimum Eucharistiæ 
sacramenlum sumpserint, nec non tam ipsis quam ad 
presens et pro tempore existentibus dictæ confraternitatis 
confratribus et vere pœnitentibus et si fieri poterit confessis, 
ac sacra communione refectis, alias saltem contritis incorum 
mortis articulo nomen Jesu, corde si ore nequiverint, invo- 
cantibus, indulgentiam plenariam, ipsisque confratribus 
similiter vere pœnitentibus et confessis, sacraque commu- 
nione refectis, qui ecclesiam predictam in die festo ejusdem 
sanctissimi nominis Jesu die quarta décima januarii(i) a 
primis vesperis usque ad occasum solis diei hujusmodi sin- 
gulis annis devote visitaverint et inibi pro hæresium 
extirpatione et salute Romani pontificis, ac hæreticorum 
conversione sanctæque matris Ecclesiæ exaltatione et inter 
principes Christianos servanda pace, concordia et unione, 


(i) Le premier promoteur de la fôte du saint Nom de Jésus fut, au 
quinzième siècle, saint Bernardin de Sienne, qui propagea l’usage de 
représenter, entouré de rayons, le saint Nom de Jésus réduit à ses 
trois premières lettres IHS, en forme de monogramme. Cette dévo- 
tion se répandit rapidement en Italie et fut soutenue par l’illustre 
saint Jean de Capistran, également de l’ordre des Frères-Mineurs. Le 
Siège apostolique approuva solennellement cet hommage au nom du 
Sauveur des hommes, et dans les premières années du seizième siècle 
Clément VII, après de longues instances, accorda à tout l’ordre de 
Saint-François le privilège de célébrer une fête spéciale en l’honneur 
du très-saint Nom de Jésus. Rome étendit successivement cette faveur 
à diverses églises. Ce fut en 1721, sur la demande de Charles VI, 
empereur d’Allemagne, que le pape Innocent XIII décréta que la fête 
du très-saint Nom de Jésus serait célébrée dans l’Église entière, et il 
la fixa au deuxième dimanche après l’Épiphanie. (Dom Guéranger, 
Année liturgique, tome II, page 290.) 


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56 


Cartulaire de La Charité . 


pias ad Deum preces effuderint, quo die prædicto id fecerint 
et plenariam indulgentiam et omnium peccatorum suorum 
remissionem apostolica authoritate tenore presentium miseri- 
corditer in Domino concedimus et elargimur. Præterea 
eisdem confratribus qui similiter vere pœnitentes et confessi, 
ac sumpto eodem sanctissimo Eucharistiæ sacramento eccle- 
siam predictam in Assumptionis Nativitatis ac conceptions 
et Annunciationis Beatæ Mariæ virginis festivitatibus etiam 
a primis vesperis usque ad occasum solis singularium festivi- 
tatum hujusmodi visitaverint septem annos et totidem 
quadragenas. Quoties vero divinis officiis in eadem ecclesia 
celebrandis aut congregationibus publicis vel secretis pro 
quocumque pio opéré exercendo, aut procession ibus ordina- 
riis et extraordinariis tam predictæ confraternitatis quam 
aliis quibuscumque de licentia ordinarii celebrandis aut 
sepeliendis mortuis officiose interfuerint, vel dictum sanc- 
tissimum Eucharistiæ sacramentum dum ad aliquem 
infirmum defertur associaverint , aut qui facere impediti 
campanæ ad id signo dato genibus flexis semel orationem 
dominicam et salutationem angelicam pro dicto infirmo 
recitaverint; seu devium aliquem ad viam salutis reduxerint, 
et ignorantes Dei præcepta et alia quæ ad salutem suât 
docuerint, et ex hujusmodi piis operibus aliquod egerint, 
toties sexaginta dies de injunctis eis aut alias quomodolibet 
debitis pœnitentiis authoritate et tenore præsentium etiam 
misericorditer in Domino relaxamus, præsentibus perpetuis 
futuris temporibus duraturis. Volumus autem quod si dicta 
confraternitas alicui archiconfraternitati aggregata sit, vel in 
futurum aggregetur seu quavis ratione pro illius indul- 
gentiis consequendis aut de illis participandis uniatur vel 
alias quomodolibet instituatur, priores seu quævis aliæ liters 
præter præsentes nullatenus suffragentur, sed ex tune prorsus 
nullæ sint eo ipso. Quod si supradictæ ecclesiæ aliqua alia 
indulgentia perpetuo, vel ad tempus nondum elapsum dura- 
tura per nos concessa fuerit , eædem présentes nullius sint 


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Le prieur Godefroi. 


57 


roboris vel momenti. Datum Romæ apad sanctum Petrum 
anno Incarnationis Dominicæ millésime sexcentesimo sep- 
timo, idibus decembris, ponttficatus nos tri anno tertio. 


XIX. 

ÈPISTOLA IÔ2 INNOCENTII PAPE TERTII (i). 
EXCOMMUNICATIONIS ET PRIVATIONIS SENTENTIÀM 
LATAM IN GAUFRIDUM PRIOREM MONASTERII DE 
CHARITATE OB EJUS IN ABBATEM CLUNIACENSEM 
PROTERVTAM, RAT AM ESSE JUBET. TRECENSI ET 
MELDENSI EPISCOPIS ET ABBATI LATINIACENSI 
PARISIENSIS DIŒCESIS ( 2 ). 


1212 Juin 28. — Segni. 

Lettre du pape Innocent III prescrivant aux évêques de 
Troyes et de Meaux et à Vabbé de Lagny de faire 
exécuter la sentence <T excommunication lancée contre le 
prieur Godefroi , à r occasion des nombreux crimes qui 
lui étaient imputés : révolte contre les ordres de Vabbé 
de Cluny ; refus de lui ouvrir les portes de son monas- 
tère; résistance offensive dans V enceinte du couvent ; 
blessures, vols et pillages de la part des partisans du 
prieur contre Vabbé lui-même et les gens de sa suite; 
usurpation de pouvoirs au civil et au religieux . Le 

(1) Les trois pièces XIX, XX et XXI ont été imprimées par Baluze, 
Innocenta III epistolœ , 2 vol. in-folio, 1682. La conformité complète 
des deux textes nous donnerait à croire que Fauteur du Cartulaire , 
qui a d’ailleurs fait des emprunts à diverses publications, a copié les 
lettres d’innocent III sur l’édition de Baluze et non sur des pièces 
conservées au trésor des chartes de La Charité. 

(2) Baluze, Lettres cTInnocent III , tome II, p. 665 (ep. 144, lib. XV;. 

8 


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58 


Car tul aire de La Charité. 


chapitre^ général de Cluny se réunit extraordinairement 
à La Marche , près La Charité , dépose Gode/roi et 
nomme à sa place Guillaume , prieur de Cluny. 

Ex parte dilecti filii Guillelmi, Cluniacensis abbatis, fuit 
propositum coram nobis quod cum ipse ad probandam 
coram dilectis filiis abbate sancte Genovefe Parisiensis ac 
conjudicibus suis monasterii de Charitate lesionem enormem 
quam in alienatione possession um suarum incurrerat, et 
inveniendam pecuniam Templariis refundendam diligenter 
ac sollicite laboraret, jamque magnam partem pecunie sine 
ipsius monasterii gravamine invenisset, ac spem concepisset 
de inveniendo residuo meliorem. Gaufridus tune prior 
ejusdem monasterii, Autissiodorensis diœcesis, ne ipsius 
abbatis studium supra hoc sortiretur effectum nequiter stu- 
duit impedire. Nam cum abbas precepisset eidem ut de his 
et aliis que ad ordinem pertinent tractaturus ad capitulum 
generale accederet, quod instabat, ipse quemdam clericum 
alienigenum et ignotum post eumdem abbatem apud Sezan- 
niam ad appellandum transmisit, sicut idem clericus 
asserebat. Tune abbas predictus, per hujusmodi machina- 
tiones et studia, videns super probatione lesionis enormis et 
solutione Templariis facienda, neenon et aliis utilibus 
procurandis impediri processum, disciplinamque monasticam 
dissolvi penitus et elidi, versus idem monasterium, licet 
jam instaret dies celebrandi capituli generalis, duxit celerius 
festinandum, volens supra hoc cum ejusdem loci conventu 
habere tractatum, ac de mandato nostro corrigenda corri- 
gere, ac statuere statuenda, presertim cum de novo nostris 
fuisset literis redargutus, quod se in corrigendis excessibus 
subditorum in abbatiis et prioratibus sibi subjectis exhiberet 
tepidum et remissum ac nos mandassent us eidem ut, appella- 
tione remota, corrigeret et reformaret in illis que correctionis 
et reformationis officio cerneret indigere. Verum Gaulridus 
predictus, captato favore servientium nobilis viri Comitis 


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Le prieur Godefroi. 


59 


Nivernensis (1), prevenit abbatcm, et conventum suis 
mendaciis circumvenit, in capitulo [asserens quod abbas de 
monasterio ipso omnes proponebat ejicere, et de Ciuniaco 
inducere alios numéro pauciores. Cum ergo abbas predictus 
per servientem, quem premiserat, suum ipsis annunciasset 
adventum, iidem servientem ipsum cum injuria expellentes, 
ville et claustri portas fîrmiter obserarunt. Et cum illic abbas 
postmodum advenisset ipsis et aliis viris religiosis qui comi- 
tabantur eumdem, ville impudenter et claustri denegarunt 
ingressum. Verumtamen quidam de monachis monasterii 
antedicti, zelo dévotion is accensus, quamdam portam ville, 
postquam abbas et socii ipsum et alios circumierant, reve- 
renter reseravit eidem, quam iidem ingressi primam portam 
claustri quam quidam monachi eodem zelo ducti aperire 
curarunt, secundumconsuetudinem ordinis intraverunt. Hoc 
comperto Gaufridus et monachi ac servientes armati, quos 
idem Gaufridus ad hanc preparaverat victimam, de campa- 
nilibus et eminentioribus locis in abbatem et socios lapides 
grandes et densos crudeliter projecerunt. Verumtamen mise- 
ricors dominus miraculose abbatem servavit illesum, licet in 
equum ejusdem plures magni ponderis projecti lapides exti- 
tissent adeo quod idem equus in quatuor locis apparuit 
vulneratus. Tune abbas tam atrocibus affectus injuriis, cum 
illi projicere lapides non cessarent censuit furori cedendum, 
et equo laxato fugam petiit et se recepit in villam. Quem 
quidam burgensis errantem inveniens, et quasi de mortis 
periculoerutum, trementem totis artubus et pallentem, mise- 
ricordia motus, duxit in domum suam et curam ejus egit 
filialiter et devote. In illo autem conflictu, quando abbatem 


(1) Hervé de Donzy, comte de Nevers (1199-1222), frère aîné de 
Godefroi, prieur de La Charité. Il le soutint très-longtemps de ses 
conseils et de son appui dans cette lutte contre l’abbé de Cluny. — 
Voyez notre notice sur Hervé de Donzy. (Bulletin de la Société 
nivemaise, a 4 série, t. III, p. i 3 a.) 


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6q Cartulaire de La Charité . 


çtsocios lapidi^us voluerunt obrucre, quidam servientes et 
monachi majorera portam cura gladiis et fustibus exeuntes 
sarcinulis oneratos retinuere très equos , uno de abbatis 
servientibus vulnerato. Sed et eis Gaufridus et ej us complices: 
non contenti, quinimo raalis adjicientes pçjora, baiivos 
comitis memorati in grave prejudiciura raonasterii atque 
ville ad suorum defensionem facinorum et juris oppres- 
sa pnem necnon abbatis et ordinis advocarunt, quorum 
prçsentia et favore, carapanilia et alia loca editiora armis, 
arcubus, balistis et lapidibus munierunt de nocte, ita célé- 
brantes excubias cornibus, cautelenis, fistulis et clamore, ac 
si castrum obsessum ab bostibus custodirent, quanquam 
abbas per violentiam irrumpere claustrum, etsi posset, nulia- 
tenus voluisset, sed nobis vindictam potius reservare. Atten- 
dens igitur idem abbas y quod Gaufridus et, sui nullam 
admonitionem admitterent, seraper claustri, curie ac majoris 
eçclesie necnon omnibus aditibus observatk per quos ad eos, 
atiiri posset accessus, habito religiosorum virorura concilio 
ipsius Gaufridi et complicura ejus culpis claresceatibus 
evidenter, ipsum, tanquam inobedientera , rebellera contu- 
raaçem et dilapidaiorem sententialiter araovit a regimine 
prioratus et tara ipsum quam omnes sibi taliter adhérentes, 
vjnculo excommun ica tionis ianodans, ecclesiam supposuit 
interdicto, donec redeuntes ad cor, undique satisfacerent de 
tam enormibus excessibus et offensis, Ipsi vero seraper 
proniores ad pejus sententias in eos siç lafas rationabiliter 
non servantes, pulsatis campanis divina presumunt solem- 
njter celebrare. Coeterum, cura equi abbatis ducerentur ad 
aquanx, ab hominibus comitis antedicti, quos introduxerum 
in villam contra ipsius et monasterii libertatem, septem ex 
eis capti fuerunt, reliquis effugatis; iidem etiara ceperunt 
servientes abbatis in villa, in qua cornes prefatus nullam 
habet justitiam, licet in nullo prefati excesserint servientes 
opines; preterea ville portas et aditus per quos intratur ineara 
postmodum obstruxerunt, non patientes, intrare qoempianv 


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Le prieur Godefroi : 


6t 


peditem vel equitem ad abbatem, quos si quisquam portam 
ingrederetur ignotus, custodes perquirebant ipsum, ne ferret 
Hteras vel mandatum. Abbas igitur taliter impeditus et 
affectus tedio et langore, quoniam Cluniaci capitulum 
annuum non poterat celebrare in quo de sepedicti monas- 
terii reformatione potissimum et pecunia Templariis refun- 
denda tractare ac ordinare cum abbatibus et prioribus dispo- 
suerat. Ne tune abbates et priores inaniter laborassent, ne ve 
propositura ejus circa relevationem ejusdem monasterii suo 
privaretur effectu, vocatis ad se abbatibus et prioribus, idem 
capitulum apud Charitatem celebrare decrevit, credens 
authoritate et presentia tantorum virorum posse prefatôs 
rebelles a sua pertinacia revocari. Venerabilis quoque frater 
noster Gebennensis episcopus, et H. Rhemensis archidia- 
conus, sicut suis nobis literis intimarunt, accesserunt 
Giuniacum ad capitulum generale, sed cum abbas se per 
suas literas excusasset quod illuc ire nequiverat, a priore ac 
monachis de Charitate quos inobedientes et rebelles invenerat 
graviter impeditus, et diffinitores capituli ad Caritatem cum 
congregatis ibidem prioribus evocasset, ut ibi tam de rebel* 
lione prioris et monachorum quam de aliis agendis commu- 
niter tracteretur, iidem diffinitores cum prioribus ad 
mandatum abbatis, et episcopus et archidiaconus ad preces 
ipsorum, cum ipsis usque ad castrum quod Marchia dicitur 
accesserunt, ibidem diffinitoribus et prioribus remanentibus, 
iidem episcopus et archidiaconus ad prefaiam villam iverunt 
de pace cum sepedicto abbate et priore ac monachis ipsius 
monasterii locuturi, sed inyenerunt januas obseratas, roga- 
verunt autem eos quos viderant supra muros, ut ipsos 
permitterent introire; qui responderuQt eisdem quod sine 
prioris mandato, nullatenus ipsis pateret ingressus. Cum 
ergo quidam serviens comitis memorati interrogasset qui 
essent, et ipsis respondentibus didicisset , rogatus ab eis ad 
priorem accessit, ut ipsis ingrediendi licentiam impetratet, 
quo moram diutiu& protrahente, idem archidiaconus- divertit 


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62 


Cartulaire de La Charité. 


ad aliam ville portam, tentans si alium ingressum possent 
habere, sed nihil omnino profecit. Ad ultimum vero , post 
expectationem non modicam, serviens comitis responsum 
hujusmodi reporta vit, quod non ingrederentur ullo modo, 
eo quod ad capitulum accesserant generale; sic ergo passi 
repulsam ad Marchiam redierunt. Die vero sequenti prefatus 
episcopus magistrum Philippum, officialem Nivernensem, 
rogavit ut priorem adiret et sibi et archidiacono impetraret 
ingressum quia loqui de pace cum eo et suis fratribus affec- 
tabant. Ipse vero cum priore locutus sic respondit eisdem 
quod prior ipsos nullo modo intrare permitteret, nec ipse ad 
episcopum iret, neque loqueretur cum eo. Tertia quoque die 
cum diffinitores et priores ad sepedictam villam simul 
proposuissent accedere, tentaturi si cum priore ac monachis 
possent loqui et habere ad abbatem accessum, servientes 
sepedicti comitis advenerunt inhibentes eisdem ne ad villam 
accederent sepedictam in personis et equis eorum gravia 
pericula in tentando, adjecerunt etiam quod si possent eosdem 
episcopum et archidiaconum introducerent, sed si cum ditfi- 
nitoribus et prioribus irent nullo modo permitterentur 
introire. Ipsis igitur illuc venientibus occurrit thesaurarius 
Turonensis et ad quamdam portam duxit eosdem, ad quam 
post expectationem non modicam cum difficultate maxiraa 
stipatus militibus et servientibus equis armatis et monachis 
magnos ferentibus baculos venit prior, cui proposuerunt 
presentibus thesaurario supradicto , Bituricensi cantore , 
Autissiodorensi archidiacono et aliis pluribus verbum pacis 
ostendentes, damna que poterant ex hac discordia provenire, 
et quam gravis infamia occasione dissentionis ipsius, non 
solum eis, sed et religiosis aliis imminebat. Ad hec obtu- 
lerunt eidem ex parte diffinitorum ipsorum quod parati 
erant corrigere si qua essent tam circa ipsum abbatem, 
quam eosdem priorem et monachos corrigenda cum autho- 
ritate capituli generalis per sedem apostolicam approbati 
potestatem haberent corrigendi excessus, tam in capite quam 


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Le prieur Godefroi. 


63 


in membris. Ipse vero respondit quod de diffinitorum cor- 
rectione vel generalis capituli non curabat, cum non nisi 
coram nobis ad quem appellaverat, ut dicebat de spiritua- 
libus responderet , et de temporalibus non nisi coram comité 
memorato in cujus erat custodia constitutus, nec aliquod 
verbum pacis aut compositionis alicujus admitteret, quamdiu 
abbas in eadem villa maneret. Asseruit enim quod monas- 
terium Cluniacense aliquando gravarat eosdém et ipsi priori 
extiterat nunciatum quod abbas ilium a prioratu propo- 
suerat amovere et monachos in domibus aliis collocare, 
propter quod ipsum illic noluerunt recipere venientem. Ad 
hec autem rogaverunt eumdem ut ipsos loqui permitteret 
cum abbate qui post multa concilia dixit eis quod ipsum 
episcopum solum loqui cum eo presentibus suis et comitis 
servientibus pateretur, ita quod quandocunque ipsi vellent 
exiret. Porro extra villam prefato archidiacono rémanente 
ad abbatem episcopus solus accessit, proponens eidem que 
sibi videbantur in facto hujusmodi expedire; abbas vero 
respondit quod monachos ejusdem monasterii tanquam 
bonus pater in spiritu mansuetudinis paratus erat recipere, 
si tanquam boni filii venirent ad ipsum, et cum eis quantum 
secundum Deum posset cum religiosorum virorum concilio 
dispensait, atroces injurias quas eidem intulerant remis- 
surus, cum enim pro ipsorum utilitate ad eorum accessisset 
monasterium, portas ville sibi clauserunt, quibus per 
quosdam ex fratribus reseratis, cum monasterium sicut 
pastor ecclesie ac ville dominus ingredi voluisset, violenter 
a monachis est repulsus qui equos capientes ipsius et a 
turribus monasterii in eum ingentes lapides jacientes equum 
suum graviter vulnerarunt, ipsum divina misericordia pro- 
tegente, ac très servientes capti a servientibus comitis villam 
cum monachis observantibus extiterunt ; unde ad domum 
cujusdam burgensis in qua manebat déclina verat necessitate 
compulsus. Preterea asseruit plurimum se dolere quod 
executio mandati apostolici de alienatis possessionibus revo- 


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Cartulaire de La Charité . 


candis extiterat impfedita , cum propter hoc ad delibenndimi 
et tractandum cum ipsis specialiter accessisset, proponensse 
jam magnam partem pecunie, nisi staret per tas, sine damoo 
monasterii et difficultate invenisse. Audito igitur responso 
ad priorem et monachos rediit in curia monachorum, et 
verbum pacis illis proposuit diligenter dicens quod béni- 
gnum responsum receperat ab abbate ac ex parte général» 
capituli dixit eis quod libenter corrigèrent circa eumdem 
abbatem, vel ipsos si esset aliquid corrigendum. Monachi 
vero dixerunt quod de abbate vel difünitoribus seu generali 
capitulo non curabant, nec pacem ipsorum vel per eos etiam 
requirebant. Prior vero addidit sicut prius, quod quandhi 
abbas esset in villa, sive in prioratus officio remaneret, sivt 
removeretur ab illo, nullum admitteret verbum pacis. Cum 
igitur aüud a priore ac monachis responsum habere dlctns 
episcopus nequivisset, priorem interrogavit eumdem, si ib 
ipso et suis essent securi ad suum abbatem monachi 
venientes. Ipse vero responditquod guerram nemini faciebat ; 
et cum idem episcopus institisset ut sibi plenius responderet, 
sic ait quod securitatem alicui non prestabat. Et statim 
Lethericus, serviens Comitis antedicti , ipso priore présente 
nec contradicente subjunxit, quod si Cluniacenses monachi 
de cetero tangerent ville portas et eqnos amitterint et per- 
sonis periculum immineret, prohibens nihilominus oe 
amplius apud Marchiam, ejusdem comitis castrum, in quo 
prius hospitati fuerant, remanerent. Egressus igitur villim 
episcopus antedictus ad diffinitores et priores rediit cum 
archidiacono memorato, a quibus intèrrogati si boni aliquid 
invenissent aut profecissent in aliquo commonendo expo- 
suerunt eisdem quod fecerant diligenter. Ipsi vero juxti 
muros ville sedentes suum capitulum ordinarunt et habite 
diligenti tractatu suam sententiam formaverunt, quam diffi- 
nitores redactam in scriptis, prefatis episcopo et archidiacono 
cOnvocatis et audientibus, promulgarunt Gaufridum priorem 
ejusdem monasterii quia vocatus ad generale capitulum 


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Le prieur Gode/roi. 


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venire contempsit et abbatem suum accedentem ad idem 
monasterium non admisit, sed eum armis violenter rejecit et 
eosdem illuc correctionis gratia properantes, portis turpiter 
repulit obseratis, authoritate Dei et sua, necnon et generalis 
capituli propter inobedientiam, rebellionem et contumaciam 
manifestam, ac causas alias, excommunicationis vinculo 
innodantes, et déponentes a regimine prioratus, sigilla 
ejusdem Gaufridi pariter et conventus ejusdem monasterii, 
condemnando et omnes complices suos pari excommunica- 
tionis sententia involvendo, nisi infra septem dies a 
presumptione hujusmodi resipiscerent et regulariter emen- 
darent ; et ne ipsius monasterii negotia deperirent, dilectum 
filium W. Gluniacensem priorem (i) prefecerunt eidem, 
ipsius sibi administratione concessa. Ne igitur tante pre- 
sumptionis excessus remaneant incorrecti, discretioni vestre 
per apostolica scripta precipiendo mandamus, quatenus ad 
locum ipsum personaliter accedentes, et inquisita super iis 
plenius et cognita veritate, si rem inveneritis ita esse prola- 
tam in sepedictum Gaufridum depositionis sententiam a 
regimine prioratus authoritate apostolica confirmantes et 
approbantes nihilominus quod de substitutione prioris , et 
sigillorum damnatione per prefatos diffinitores est factum, 
excommunicationis sententiam in prefatum Gaufridum ac 
ejus complices promulgatam faciatis, appellatione postposita 
usque ad satisfactionem condignam firmiter observari contra- 
dictores quoslibet aut rebelles, sive monachi vel clerici 
fùerint sive laïci , per censuram ecclesiasticam , sublato 
cujusiibet contradictionis et appellationis obstaculo, compes- 
cendo et quoniam audivimus prefatum Gaufridum multas 
sibi pecunias congregasse, volumus nihilominus et manda- 
mus quatenus ad resignationem earum, per districtionem 
ecclesiasticam , appellatione remota compellatis eumdem , 
facientes ipsas pecunias in solutionem debitorum converti , 


(i) Guillaume, prieur de Cluny. 


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Cartulaire de La Charité . 


vel in aliam utilitatem monasterii memorati. Eos vero quos 
excommunicatos constiterit temere célébrasse divina, pœna 
canonica percellatis. Testes autetn qui fuerint nominati etc... 
usque substraxerint per censuram eamdem appellatione 
cessante cogatis veritati testimonium perhibere, nullis literis 
veritati et justitie prejudicantibus a sede apostolica impe- 
tratis. Quod si omnes etc. duo vestrum etc. Datum Signiæ, 
quarto kalendas julii, pontificatus nostri anno decimo 
quinto. 


XX. 

EPISTOLA I93 INNOCENTII PAPE III (i). 
SENTENTIAM SUPER LITE INTER CLUNIACENSEM 
ABBATEM ET MONACHOS DE CHARITATE EXE- 
QUENDAM COMMITTIT INNOCENTIUS TERTIUS 
PRULIACENSI ( 2 ) CISTERCIENSIS ORDINIS ET 
SANCTE COLUMBE ET SANCTI SATYRI ABBATIBUS 
SENONENSIS ET BITURICENSIS DIŒCESUM. 


1212 Décembre 19. — Latran. 

Autre lettre d'innocent III relatant la suite des troubles 
survenus à La Charité à ! instigation du comte de Nevers 
et du prieur Godefroi , V intervention armée du roi de 
France , les procès instruits à la suite entre les parties, 
la confirmation apostolique de la déposition de Godefroi 
et de son remplacement par le prieur de Cluny . Enfin le 

(1) Baluze, Lettres d’innocent III , tome II, page 697. 

(2) Preuilly, arrondissement de Provins, canton de Donnemarie, 
commune d’Égligny, abbaye cistercienne. 


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Le prieur Gode/roi. 


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Pape enjoint formellement à Vabbé de Cluny de réprimer 
les désordres et les violences qui viendraient à se 
commettre. 

Cum olim grandes et graves, déformés et énormes injurie 
quas Gaufridus, tune prior, et conventus monasterii de 
Caritate dilecto filio Cluniacensi abbati dicebantur temere 
irrogasse, seriatim fuissent exposite coram nobis, nos eisdem 
in apostolicis literis per ordinem comprehensis, venerabilibus 
fratribus nostris Trecensi et Meldensi episcopis ac dilecto 
filio Latiniacensi abbati, per ipsas dedimus literas in pre- 
ceptis, ut ad locum ipsum personaliter accedentes et inqui- 
rentes super iis plenius veritatem, si rem invenire taliter se 
habere, latam propter hoc in dictum Gaufridum depositionis 
a regimine prioratus sententiam, authoritate apostolica 
confirmantes, et approbantes nihilhominus substitutionem 
de Vuillelmo in ipsius loci priorem et damnationem sigil- 
lorum eorumdem Gaufridi ac conventus per diffinitores 
generalis capituli factam excommunicationis sententiam, in 
jamdictum Gaufridum ac ejus complices promulgatam ab 
ipsis, facerent usque ad satisfactionem condignam firmiier 
observari. Contradictores quoslibet aut rebelles, sivemonachi 
sive clerici, seu laici essent, per censuram ecclesiasticam 
appellatione post posita compescendo. Cum igitur iidem 
judices ad predictum monasterium accessissent, mandatum 
apostolicum impleturi, monachi loci ejusdem, sicut nuper 
Elias monachus et magister Guido, procuratores Clunia- 
censes, in nostro auditorio citarunt, ipsis januas monas- 
terii, quemadmodum abbati Cluniacensi fecerant, obserantes, 
eosdem ingredi nullatenus permiserunt. I psi vero mandatum 
nostrum exequi cupientes, in villa ipsius loci curaverunt 
super propositis inquirere solicite veritatem ; et cum piene 
constitisset eisdem prefatos monachos ea, que de ipsis nobis 
insinuata fuerant, et graviora etiam commisisse, dictam 
depositionis sententiam ac substitutionem prioris, damna- 


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Cartulaire de La Charité. 


tionem etiam sigillorum, appellatione cujusdam qui se pro 
conventus procuratore gerebat reputata frivola, confirmarunt, 
excommunicationis sententiam in sepedictum Gaufridum 
ac ejus complices promulgatam precipientes firmiter obser- 
vari. Sed ipsis divina nihilominus officia celebrantibus, 
iidem judices attendentes quod per districtionem canonicam 
eorum emollire duritiam non valebant, carissimum in 
Christo filium nostrum Philippum, regem Francorum 
illustrem, per suas literas rogaverunt ut nobilem virum 
comitem Nivernensem, qui dictos monachos in hujusmodi 
fovere malitia videbatur, ab ipsorum injusto favore com- 
pescens regali potentia insolentiam comprimeret eorumdem. 
Cum ergo idem rex prefato comiti precepisset ut substituto 
priori temporalia faciens assignari dictos monachos in sua 
ulterius malitia non foveret, ac idem mandatum differret 
regium adimplere, Rex, zelo justitie ac fervore nostre devo- 
tionis accensus, contra dictum comitem cujus fulti potentia 
monachi memorati latis authoritate nostra sententiis temerc 
obviabant, precepit exercitum congregari, cujus metu licet 
temporalia dicto priori per prefatum comitem fuerint assi- 
gnata, monachi tamen in sua nihilominus contumacia 
persistentes , tam ipsi priori quam Cluniacensi abbati 
debitam exhibere obedientiam contradicunt ; unde nobis 
humiliter est supplicatum, ut ad rebellionem hujusmodi 
edomandam, apostolicam manum apponere dignaremur. 
Pro monachis vero de Caritate fuit a Joanne et Nicolao 
monachis, procuratoribus eorumdem, ex adverso responsum 
quod jamdictis sententiis in eorum priorem et ipsos post 
appellationem ad nos légitimé interpositam promulgatis 
Cluniacenses nuntii prevenientes terminum, qui fuerat ad 
persequendam appellationem prefixus, nostras ad prefatos 
judices literas impetrarunt multis expressis mendaciis, et 
suppresso quod ipsi episcopi nostro non expectato mandato 
quod in literis continebatur, eisdem jamdudum authoritate 
propria fuerant executif licet autem dicti prior et monachi 


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Le prieur Gode/roi . 


69 


non solum suspectos haberent judices memoratos, verum 
ctiam manifestos adversarios reputarent ; pro reverentia 
taraen apostolice scdis ipsos in monasterio cum moderato 
numéro sociorum benigne ac devote recipere voluerunt. Sed 
quia ipsis et piuribus fuerat nuntiatum quod abbas et 
monachi Cluniacenses, qui non parva multitudine stipati 
advenerant, monasterium per vioientiam decreverant occu- 
pare, iidem volentes hujusmodi obviare periculo, prefatis 
judicibus humiliter supplicarunt et obtinuerunt ab eis t ut in 
eorum ecclesia sancti Pétri (1) sita juxta idem monasterium 
convenirent. Partibus igitur ibidem in eorum presentia 
constitutis, monachorum proposuit procurator quod dicti 
judices literarum nostrarum authoritate procedere non 
debebant, quia si nobis reseratum fuisset, eosdem quod 
mandabamus in ipsis authoritate jam esse propria executos, 
causam nuilatenus commisissemus eisdem. Unde cum 
impetratores ipsarum talem suppresserint veritatem , qua 
expressa jamdictas literas ad ipsos minime impetrassent , eis 
non erat authoritate illarum ullatenus procedendum , 
presertim cum ejusdem monasterii nuntii propter hoc dudum 
ad apostolicam sedem accessissent, opponens nihilominus 
alias exceptiones légitimas et multiplices contra eos causas 
suspicionis allegans, ad quas probandas arbitros postulavit 
instanter, quibus contempto jure canonico, pariter et civili, 
sibi penitus denegatis, nostram audientiam appellavit, 
personas et bona monasterii sepedicti apostolice protectioni 
supponens. Sed iidem, nihilominus uno eodemque die, ad 
receptionem et publicationem testium, deliberationem concilii 
et decisionem negocii temere properantes, quod per abbatem 
et diffinitores predictos factum extiterat pro sue voluntatis 
libito confirmarunt, ad hec apostolici mandati finibus non 

(1) L'église Saint-Pierre, située dans le haut de la ville, était une 
paroisse. On en voit encore la façade et la voûte engagées dans les 
maisons. 


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7 o 


Cartulaire de La Charité . 


contenti cum comitem supradictum ad oppressionem monas- 
terii, utpote qui processus iniquitatem noverat, inculcatis 
precibus et preceptis inducere nequivissenl, ad regem se 
convertere predictum et regiam puritatem circunvenire 
multipliciter presumpserunt , suggerentes eidem veritati 
contraria, et ipsum quasi ex parte nostra precibus onerantes, 
qui credens eosdem accensus zelo justitie sic instare, comiti 
memorato precepit, ut substituto Vuillelmo predicta tempo- 
ralia faceret assignari. Sed viris peritis, quorum concilium 
idem cornes accedens Parisius solicite requisivit , processum 
judicum predictorum extitisse iniquum concorditer respon- 
dentibus, eodemque comité propter hoc mandatum regium 
exequi differente, Rex ipsorum judicum et Cluniacensis 
abbatis suggestion i bus item circunventus, contra comitem 
sepedictum precepit exercitum congregari ; et sic cornes, vi 
metuque compulsus, ad monasterium accessit cum regio 
marescallo, circa mandatum Regis quam propriam volun- 
tatem et conscientiam expleturus. Monachi vero, visa multi- 
tudine armatorum, conterriti , se vestibus ecclesiasticis 
induerunt et, sic induti, occurerunt ad monasterii portas, 
opponentes armatis imagines crucifixi et reverendas sanc- 
torum reliquias ac ipsum Christi corpus sanctissimum 
obtendentes ; ac ex parte Dei et nostra prohibentes eisdem 
ne monasterium apostolice protectioni suppositum présu- 
mèrent violare. Qui licet primo facinus abhorruerint, postea 
tamen per alium competiorem aditum, cecata reverentia, 
irruentes, sacras ecclesie valvas ausu nefario confregerunt et 
insano tumultu singula perscrutantes, prefato Vuillelmo 
assignaverunt granarium, cellarium, dormitorium et offi- 
cinas monasterii universas, fratres loci ejusdem vix in 
oratorio claustri, quo stupefacti confugerant, relinquentes, 
ubi necessariis nova eis inhumanitate substractis et prohibito 
ne quisquam ipsis audeat aliquid ministrare , in tante sunt 
necessitatis articulo constituti , ut ad vite sustentamenium 
non habeant, nisi quod quidam viri boni eisdem miseri- 


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Le prieur . Gode/roi. 


7 1 


cordia moti furtim porrigunt per fenestras ; unde nobis fuit 
ex parte ipsorum humiliter supplicatum, ut tam gravi cala- 
mitati et calamitoso gravamini secundum apostolice sedis 
clementiam succurrere dignaremur. Nos igitur iis et aliis 
que a partibus fuere proposita plenius intellectis, quia 
manifeste cognovimus predictos judices perperam processisse, 
cum ut exceptiones alias faciamus , causam nullatenus 
commisissemuç eisdem, si nobis revelatum fuisset, quod ea 
que per ipsos exequenda mandavimus , authoritate propria 
publiée denuntiaverant per diocèses suas, et districte manda- 
verant observari. Unde occasione rescripti, per talem subrep- 
tionemobtenti, nequaquam procedere debuissent, quia etiam 
fines nostri excedentes mandati , brachii secularis auxilium 
invocarunt, dum eorum ad nos, appellatione pendente, partes 
super ipsorum processu in nostro auditorio litigabant. Cum 
etiam graviter posset impediri ecclesiastica utilitas et libertas, 
si quolibet judice imperito forsan , aut etiam malitioso 
temere jaculante sententiam, Rex seu quicunque alius prin- 
ceps ad ecclesiastica bona manum extenderet, quasi eorumdem 
executioni sententiam mandaturus ac etiam et hoc grave 
inter sacerdotium atque regium scandalum generari. Quid- 
quid ab eisdem judicibus taliter factum est, vel ab aliis 
per studium eorumdem, de fratrum nostrorum consilio 
irritum decrevimus et inane, verum quia, per expressam 
confessionem monachorum de Charitate nobis constitit 
evidenter Cluniacensem abbatem possessionem instituendi 
ac destituendi pro sue libito voluntatis in monasterio de 
Charitate priores, et corrigendi ac ordinandi que corrigenda 
vel ordinanda vidisset per viginti annos, licet ipsi monachi 
de Charitate eamdem usurpatam asserant, habuisse, nos 
exigente justitia sibi ejusdem possession^ commodum 
conservantes, tam destitutionem dicti Gaùfridi a regimine 
prioratus, quam substitutionem prefati Vuillelmi et sigil- 
lorum damnationem jamdictam, excommunicationis quoque 
sententiam, quam in eumdem Gaufridum et ejus complices 


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72 


Cartulaire de La Charité. 


idem abbas, propter rebellionem hujusmodi , promulgavit, 
authoritate apostolica duximus confirmandas ; ideoque 
monemus quatenus destitutionis et institutionis ac damna- 
tionis sigillorum sententias, facientes per censuram eccle- 
sjasticam, sublato appellationis obstaculo, firmiter observari 
ac thesaurum, privilégia, libros, chartas, et universa eccle- 
siastica ornamenta, a quibuscunque alienata fuerant vel 
substracta, monasterio restitui memorato ; dicto abbati 
ex parte nostra firmiter injungatis ut possession i bus et aliis 
quibus monachi memorati predictos comitem et mares- 
callum, seu quoscunque alios spoliati fuerint eorum priori 
ac ipsis plenarie restitutis, eisdem beneficium absolutionis 
impendat, et paterna ipsos benignitate pertractet, ac posses- 
siones alienatas in enormem ejusdem monasterii lesionem ad 
jus et proprietatem ipsius secundum formam in nostris literis 
comprehensam, juxta quod in nostra presentia ejus monachi 
anno preterito promiserunt studeat revocare. Ceterum si 
dicti prior et monachi de Charitate omnes, vel major aut 
sanior pars eorum, super libertate monasterii sui de jura 
voluerint experiri, nos eos benigne cum requisiti fuerimus, 
audiemus, sicut videbimus expedire. Taliter autem satagat 
ipse abbas pacificare ac reformare statum monasterii memo- 
rati, conservando rationes et . immunitates ipsius, ne nos 
propter ejus negligentiam aut insolentiam compellamus de 
ipso monasterio aliud ordinare. Quod si non omnes etc... 
Duo vestrum, etc. Vos denique filii abbates, etc. Datum 
Laterani XIV kalendas januarii, pontificatus nostri anno 
quinto decimo. 


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Actes des papes. 


7 3 


XXI. 

EPISTOLA INNOCENTII PAPE TERTII, UT AD MELIO- 
REM FRUGEM ET DECESSORUM SUORUM EXEMPLA 
REVERTANTUR (i). 


i2i3 Mars i5. — Latran. 


Lettre du pape Innocent III exhortant les membres du 
chapitre général de Cluny à veiller à la bonne adminis- 
tration de leurs couvents , et principalement de celui de 
La Charité , où la règle religieuse et la situation maté- 
rielle ont subi de graves atteintes. 

Universis abbatibus et prioribus Cluniacensis ordinis ad 
generale capitulum convenientibus. Si diligenter meditatione 
pensabitis qualiter vita monastica sub primis ordinis patri- 
bus pullulavit, et palmites longe lateque producens ad 
mortifera circumquaque venena pellenda flores bonorum 
operum protulit, et boni nominis effudit odores, pervigili 
cura studebitis eorum inherere vestigiis, per quos in deserto 
mundi hujus plantata est et fructificavit in pluribus vitis 
monastice honestatis. Si nimirum frugalitate monastica 
contenti et optimum ponentes in paupertate principium 
assecuti sunt in dominio totius sufficientie complementum 
ecclesiarum prelati accepti ante reges et présidés, vita et 
merito gloriosi. Nunc autem quod mœrentes dicimus, et si 
non a cunctis in omnibus a plerisque tamen ex vobis in 
pluribus dicitur declinatum, in tantum quod contra vestri 
ordinis regulam manu nimis avida colligentes, ubi forsitan 

(i) Baluze , Innocenta III epistola? , t. II, p. 738, epistola vi, 
liber XVI. 

10 


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74 


Cartulaire de La Charité. 


non sparsistis, dum loculos proprios replere nitimini vacua- 
tis, sic ambitioni vacantes quod in locis quibus preestis 
terrene paupertatis opes queritis , non opem impenditis 
consilii salutaris. Ecce inter alia loca vestra presidentium 
culpa depressa, prioratus de Caritate, qui olim in spiritua- 
libus florens, in temporalibus abundabat, tanta corruptela 
marcescit, et tam arida deprimitur paupertate quod nisi 
aliorum relevetur auxilio , vix adjicere poterit ut resurgat. 
Alias autem, sicut accepimus, tam in vobis quam aliis cure 
vestre commissis, adeo perniciosi facti estis exemplo, quod 
antiquis patribus loco tantum et habitu, non prerogativa 
virtutum videmini successisse. Sed eo plures contagio corrup- 
tionis inficitis quo pluribus illi quorum loca tenetis corrup- 
tionis exemplo, vite magisterio exhibeant. Ne vero indeque 
illorum privilegiis gaudeatis, quorum non servatis in 
moribus disciplinant, per apostolica vobis scripta mandamus 
quatenus incipientes facere quod possitis liberius edocere in 
vobis et subditis, hec et iis similia corrigatis, tantoque plus 
luceant opéra vestra bona coram hominibus ut glorificent 
patrem vestrum qui est in celis, quanto magis mala preterita 
facti evidentia publicavit, et ubi major ruina precessit, ibi 
majoris reparationis sollicitudo sequatur, et damnum quod 
divulgata malitia intulit manifeste bonitatis suffragio restau- 
retur. Quia vero integrum consuevit esse judicium quod 
plurimorum sententiis confirmatur, et quod profectum com- 
munem respiciunt , tractari soient melius in communi 
annuatim interesse capitulo generali omni occasione postpo- 
sita studeatis, que ibidem secundum Deumet beati Benedicti 
regulam fuerint instituta firmiter servaturi. Et tam in iis 
quam aliis dilecto filio abbati Cluniacensi tanquam devoti 
lilii patri et membra convenientia capiti obedientiam et 
reverentiam debitam impendentes, circa reformationem prio- 
ratus de Charitate manum auxilii et consilii apponatis, 
tantaque in premissis diligentia vigiletis, quod nec in vobis 
per culpam , nec in subjectis per negligentiam oftendentes 


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Actes des papes . 


75 


corrigatis in posterum quod in preterito commisistis. Vos 
denique fiiii abbates super vobis ipsis, etc. Datum Laterani 
idibus martii pontiticatus nostri anno sexto decimo. 


XXII. 

PRECEPTUM DOMINI INNOCENTII PAPE III QUOD 
PRIORATUS ET ALIA BENEFICIA, AD COLLATIONEM 
PRIORIS DE CHARITATE, NON POSSUNT CONFERRI 
ALICUI PER LITERAS APOSTOLICAS VEL LEGATUM 
APOSTOLICE SE DIS. 


1206 Mars 3 o. — Latran. 

Le pape Innocent III déclare que les nominations aux 
divers bénéfices du prieuré de La Charité ne pourront 
être modifiées par lettres apostoliques et que toute déci- 
sion ou sentence rendue en ce sens ne sera pas valable. 

Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis 
priori et conventui monasterii de Charitate, Cluniacensis 
ordinis, Autissiodorensis diœcesis, salutem et apostolicam 
benedictionem. Paci et tranquillitati vestre ac monasterii 
vestri, obtentu precum dilecti fiiii, magistri Pauli de Sancto 
Helia, canonici Baiocencis , nostri et vestri devoti, paterna 
volentes solicitudine providere, authoritate vobis presentium 
indulgemus , ut per literas apostolicas vel legatum apostolice 
sedis, prioratus, domus, maneria, bénéficia etalia ad vestram 
collationem seu patronatum spectantia, conferri non possint 
alicui ; vosque ad receptionem vel provisionem alicujus 
compelli minime valeatis, etiamsi contineatur in eisdem 
literis ut aliqua indulgentia non obsistat. Nos enim decer- 


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76 


Cartulaire de La Charité. 


nimus irritum et inane , quidquid contra hujusmodi indul- 
gentie nostre tenorem factum fuerit per quemcunque, ac 
excommunicationis, suspensionis et interdicti sententias, 
si quas in vos, vel monasterium vestrum aut aliquos vobis 
subditos fieri, nostra vel quavis authoritate contigerit penitus 
non tenere. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc pagi- 
nam nostre concessionis et constitution is infringere, vel ei 
ausu temerario contra ire ; si quis autem hoc attcntare pre- 
sumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum 
Pétri et Pauli apostolorum, ejus se noverit incursurum. 
Datum Laterani, secundo kalendas aprilis, pontificatus 
nostri anno undecimo. 


XXIII. 

CARTA ROBERTI COMITIS NIVERNENSIS ET EPISCOPI 
AUTISSIODORENSIS PRO CARITATE (i). 


1094. — La Marche. 

Robert , comte de Nevers et évêque d’Auxerre , ratifie les 
donations de tout genre faites à La Charité , dans l’étendue 
de ses deux juridictions , et particulièrement la donation 
de Charly par Hugues de Lurcy; il reçoit en présent un 
beau cheval . 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverit fide- 
lium sacra poster i tas quod domnus Robertus, Vuillertni 
Nivernorum comitis (2) filius, cum utroque e$set, presulatus 


(1) Imprimé dans le Gallia Christiana, t. XII, col. io 3 instr. 

(2) Guillaume I #r , comte de Nevers et d’Auxerre en 1040. 


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Évêques d'Auxerre. 


77 


videlicet atque comitatus, honore sublimatus (i), pro animæ 
suæ remedio antecessorumque suorum perpétua salute , Deo 
et Sanctæ Mariæ de Charitate ad usus et stipendia degentium 
ibidem monachorum, quidquid a fidelibus datum eisdem, de 
rebus tain ecclesiasticis quam etiam militaribus vel mun- 
danis, fuerat in episcopatus comitatusque sui honore, et 
quidquid deinceps dabitur, concessit, annuit atque laudavit, 
ac proinde equum unum optimum a priore domno 
Vilenco ( 2 ) accepit. Concessit autem predictæ ecclesiæ mona- 
chis mansum Charliaci quem Hugo Luperciensis (3) dona- 
verat, et caetera, ut prelibatum est, quecunque de feodo vel 
honore suo, tam episcopali quam comitali, collata et confe- 
renda sunt, ut ea perenni dominio et jure irrefragabili possi- 
deant. Actum publice ad Marchiam castrum , sub presentia 
domni Vilenci prioris, Ludovici quoque et Geraldi monacho- 
rum. Testibus Seguino, milite Nivernensi, Lethericode Cha- 
lento, Vuidone de Chaslone, Rodulfo Martino, et quam plu- 
ribus aliis, anno ab incarnatione Domini M* LXXXX 0 1 1 1 1° 
Philippi autem Francorum septra gerentis tricesimo quarto. 


(1) Robert, deuxième fils de Guillaume I #r , fut évêque d’Auxerre de 
1076 à 1084; il administra le comté de Nevers de concert avec son 
frère aîné, Renaud II, après l’abdication de leur père. 

(2) Vilencus, deuxième prieur, environ io85 à 1107. 

(3) Voyez ci-dessous, charte XXXIV, la donation de Charly (le 
Petit-Charly, commune de Chaulgnes) aux moines de La Charité par 
Hugues, seigneur de Lurcy, en 1088, à l’occasion de son départ 
pour la croisade. 


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78 


Cartulaire de La Charité. 


XXIV. 

CONCESSIO HUGONIS DE SINEMURO AUTISSIODO- 
RENSIS EPISCOPI. 


hi5-ii3o. — Auxerre. 

L'évêque Hugues de Montaigu , en présence des chanoines 
de Saint-Étienne et du prieur Eudes Arpin , confirme 
tous les biens possédés par le prieuré de La Charité dans 
le diocèse d'Auxerre. 

Ex antiqua sanctorum patrum institutione processisse 
dignoscitur ut cum a fidelibus aliquid dignum memoria 
geritur, literarum apicibus annotetur. Per has namque 
gestorum veritas inconcussa custoditur et quæ per fraudem 
seu per oblivionem obrepere poterat falsitas repeliitur. Nos 
itaque religiosorum virorum instituta servantes, eorumque 
vestigia hac in parte imitantes, scribendo ad posteros trans- 
mittimus quod nostro in tempore fecimus. Sciât igitur 
universa fidelium multitudo, quod ego Hugo, Dei gratia 
Autissiodorensis episcopus (i), Sanctæ Mariæ de Charitate et 
fratribus ibidem Domino servientibus, omnia quæ nunc in 
episcopatu Autissiodorensi, vel quæ in eodem usque in 6nem 
sæculi poterunt adipisci jure perpetuo possidenda, laudo 
atque concedo et hujus sigilli mei munitione confirmo. Hæc 
autem confirmatio atque laudatio facta est Autissiodori , in 
capitulo Sancti Stephani , consensu atque voluntate omnium 
canonicorum ibi assistentium , ad ipsum volentium atque 
laudantium, quorum aliqua hic subscribuntur nomina 

(i) Hugues de Montaigu ou de Semur, évêque d’Auxerre, de 1 1 1 5 
à ii 36 . {Lebeuf, I, p. 287.} Son avènement fixe la date extrême de 
cette charte. 


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Évêques d'Auxerre . 


79 


scilicet Benedicti decani, Ulgerii præpositi (i), Attonis, 
Raffardi, Jonæ cancellarii ; fuerunt etiam plures alii quorum 
hic non scribimus nomina. Prior vero de Charitate, domnus 
videlicet Odo ( 2 ), fuit in illo capitulo et cum eo plures 
monachi atque laïci, in quo confirmatio atque laudatio facta 
est, Christianus scilicet monachus, Stephanus Morinus 
monachus, Petrus Morandus monachus, Morinus capellanus 
de Domnopetro, Hugo de Bonneia, Anfridus et multi alii 
quos memorare non est necesse 


XXV. 

CARTA ALANI , AUTISSIODORENSIS EPISCOPI , DE 
ECCLESIIS AD PRIORATUM DE CHARITATE SPEC- 
TANTIBUS. 


1 1 55 ^ circa. 

Alain , évêque d'Auxerre , confirme au prieuré de La 

Charité la possession des églises situées dans son 

diocèse . 

Alanus , Dei gratia Autissiodorensis episcopus , venerabili 
fratri Rainaldo (3), priori de Charitate et fratribus ibidem 
sub patrocinio sanctæ Dei genitricis Mariæ degentibus, 

(1) Ulger, aujourd’hui Fulger, neveu de l’évêque Humbaud et prévôt 
du chapitre, de 1 1 1 3 à environ ii 3 o. — Benoît, doyen, manque à la 
liste donnée par Lebeuf, t. II, p. 413. 

(2) Eudes Arpin, vicomte de Bourges, puis prieur de La Charité, de 
1107 à ii 3 o, suivant la charte datée de 1107 (ci-dessous charte 
n* XLVII). Ici son surnom laïque, Arpin, a disparu parce qu’il était 
prieur depuis huit ans. 

(3) Alain, 55* évêque d’Auxerre, de ii 32 à 1167. — Raynaud, 
huitième prieur, depuis environ 1164 jusqu’en 1 179. Cette confirmation 
a dû avoir lieu dans leurs premières années. 


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8o 


Cartulaire de La Charité . 


salutem in domino et benedictionem. Omni studio tranquil- 
litatis vestræ et pacis curam gerentes, nec minus futuris 
quam presentibus providentes opportune in nulloque dilec- 
tionem vestram cujusquam violenta exactio perturbare et 
inquietare présumât, in quantum (domino miserante) vale- 
mus, tam vos quam vestros presentis decreti authoritate 
munire curamus. Confirmamus igitur vobis quæcunque de 
beneficio nostro, hoc est, ecclesia Sancti Stephani Autissiodo- 
rensis, temporibus predecessorum nostrorum, ecclesiam ves- 
tram adeptam fuisse et possidere tempus nostræ ordinationis 
invenit. Ecclesias videlicet cum appenditiis suis quæ in 
nostra parrochia existunt, seu terras, seu décimas ecclesiarum, 
ut omnia firma et intemerata vobis vestrisque successoribus 
in ætemum permaneant. Similiter et illas ecclesias quas 
nostro tempore, Domino inspirante, vobis per nos dari conti- 
git ; et quoniam tam gloriosæ virginis amore rapimur, cui 
vos attentius deservire vovistis, superaddimus ut ecclesiarum 
décimas, de jure similiter Sancti Stephani, quas licet injuste 
laïci tenent, ab ipsis vobis relinqui contigerit, nostræ dona- 
tionis assensus vobis non desit , quatenus cum reliquis quas 
possidetis, liceat vobis in pace possidere (i). Ecclesiarum 
vero nomina quibus vos investitos reperimus, hæc sunt : 
apud Bonniacum (2), Sancti Pétri et Sancti Aniani. Apud 
donnam Mariam (3), Sanctæ Mariæ et Sancti Amatoris. Apud 
Balbiniacum (4), Sancti Stephani. Apud Septem Fontes (5), 

( 1 ) Lebeuf ( Hisi . d'Auxerre , I, p. 32 1 ) dit au sujet de cette charte: 

« Alain confirma aux religieux de ce prieuré le don d'un grand nombre 
d’églises du diocèse , et il consentit qu’ils jouissent des dîmes que les 
laïcs leur laisseroient des églises soustraites autrefois à celle de Saint- 
Étienne d'Auxerre, n 

( 2 ) Bonny, canton de Briare (Loiret). 

(3) Dammemarie, canton de Briare (Loiret). 

(4) Peut-être Bouy-le-Tertre, près Entrains. 

(3) Septfons, arrondissement de Joigny, canton de Saint-Fargeau 
(Yonne). 


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Évêques d’ Auxerre. 81 


Sancti Pétri. Apud Conam, Sancti Aniani. Apud Poliacum, 
Sancti Pétri. Apud Mevam, Sancti Juliani. Apud Belucia- 
cum (i) Sancti Martini. Apud Narciacum Sancti Marcelli. 
Apud Varennam (2) Sancti Martini. Juxta Varennam Sancti 
Sylvani. Apud Domnumpetrum ( 3 ), Sancti Pétri. Apud 
Murliacum (4) Sancti Martini. In bosco Britanniæ, Sancti 
Vincentii (5). Apud Castrum novum (6) Sancti Sympho- 
riani. Apud Suliacum (7) Sancti Symphoriani. Juxta 
Suliacum apud Virgultam (8) Sancti Germani et Sancti 
Aniani. Apud Manniacum(9) Sancti Pétri. ApudAonam(io) 
Sanctæ Mariæ. Apud Colongias super Ioniam(n) Sanctæ 
Mariæ. Apud Parrer(i2) Sanctæ Mariæ. Apud Nanvinam (1 3 ) 
Sancti Symeonis. Apud Aliniacum {14) Sancti Saturnini. 
Apud Festiniacum (15), Sancti Cyrici. Apud Cren (16), 
Sancti Stephani. Ecclesiam de Vi (17) Sancti Stephani. Apud 

(1) Bulcy, Mêves, Pouilly, arrondissement de Cosne. 

(2) Varenne-lez-Narcy, arrondissement de Cosne. 

(3) Dompierre-sur-Nièvre, canton de Prémery. 

(4) Murlin, canton de La Charité. 

(b) Saint-Vincent-dans-Ia-Bertrange, commune de Murlin. 

(6) Châteauneuf-val-de-Bargis. 

(7) Sully-la-Tour, canton de Pouilly. 

(8) Vergers, commune de Sully. 

(9) Vielmanay, canton de Pouilly. 

(10) Aonam pour Oanam , Ouanne, canton de Courson, arrondisse- 
ment d’Auxerre. On trouve un Guillaume d’Oanne en 1 1 53 . (Quantin, 
Cart. de V Yonne , II, p. 71.) Le Nécrologe de La Charité et V Histoire 
du Prieuré (f* 5o du ms.) portent que le prieuré de Ouanne , près 
Auxerre, fut donné au prieur Gérard par Geoffroi de Ouanne, et cette 
donation confirmée par Henri Vuasteblé. U ne s’agit pas ici de Ouagne, 
canton de Clamecy. 

(11) Coulanges-sur-Yonne (Yonne). 

(12) Parrer, Perroy, canton de Donzy. 

( 1 3) Nanvigne, aujourd’hui Menou, canton de Varzy. 

(14) Alligny, canton de Cosne. 

(15) Festigny, canton de Coulanges-sur-Yonne. 

(16) Crain, canton de Coulanges-sur-Yonne. 

f 1 7) Peut-être Neuvy-sur-Loire , canton de Cosne. 

1 1 


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82 


Cartulaire de La Charité. 


Megnas (i) Sancti Martini. Apud Cellam (2) Sancti Juliani. 
Apud Rocam fortem ( 3 ). Item decimam de Lorento (4) 
quæ tempore episcopatus nostri vobis, me concedente, donata 
est, jure perpetuo vobis confirme) possidendam ( 5 ). 


XXVI. 

DECLARATIO PETRI, AUTISSIODORENSI EPISCOPI 
DE EXEMPTIONE NOSTRE ECCLESIE. 


i 325 Juillet i3. — La Charité. 

L'évêque d'Auxerre s'étant rendu à La Charité pour faire 
la réconciliation de l'église souillée par un meurtre (6), 
reconnaît que cette démarche ne peut en aucune façon 
porter atteinte aux privilèges et immunités apostoliques 
du couvent de La Charité. 

Petrus, miseratione divina Autissiodorensis episcopus (7), 

(1) Myennes, canton de Cosne. 

(2) La Celle-sur-Nièvre , canton de La Charité. 

(3) Rochefort, commune de Narcy; le vocable de Téglise manque. 

(4) Saint-Laurent , ancienne abbaye , canton de Pouilly, et Saint- 
Laurent, chapelle détruite, commune de Vielmanay. 

(5) Cette charte se termine ainsi ; les formules et la date font 
défaut. A cette liste on doit ajouter l-église de Sainte-Croix ou grande 
église, qui n’en fait pas partie, comme étant dans l’enceinte du cou- 
vent indépendant de La Charité. Les paroisses de Saint-Jacques et 
Saint-Pierre furent établies dans la ville postérieurement à cette charte. 
Quant aux églises de Garchy, Chasnay, Nannay, Sainte-Colombe 
d’Arbourse et Raveau , elles sont omises vraisemblablement à cause 
d’une acquisition ou d’une érection postérieure. (Note de V Histoire 
du Prieuré, P 91.) 

(6) Réconcilier se dit d’une église quand on la rebénit pour quelque 
pollution ou effusion de sang, ou quand elle est reconquise sur les 
hérétiques. ( Dictionnaire de Trévoux.) 

(7) Pierre de Grez, i3o8 à i325. 


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Évêques d'Auxerre. 


83 


universis presentibus et futuris présentes litteras inspecturis, 
salutem in domino seropiternam. Cum parrochialis ecclesia 
beate Marie de Charitate, nostre diœcesis, polluta propter 
violentam sanguinis effusionem factam a Joanna, uxore 
Joannis dicti Borbon, in persona Benevente uxoris Hugonis 
dicti Le Gras, reconciliatione indigeret, et ad requisitionem 
curati dicte ecclesie et amicorum delinquentis predicte, per- 
mittentibus religiosis dicti loci, nosque ad hoc specialiter 
invitantibus, et nobis aditum ipsius ecclesie prestantibus 
graciose et accessum ad dictant ecclesiam causa reconcilia- 
tionis predicte declinavimus. Notum vobis facimus quod 
propter actum hujusmodi reconciliationis non intendimus, 
sicut nec debemus, privilegiis, immunitatibus, libertatibus et 
exemptionibus dictorum religiosorum in aliquo derogare, 
nec aliquod jus possessoriupi vel petitorium in ipsos reü- 
giosos seu ecclesiam predictam propter hoc acquirere, nec 
intendimus apostolicis privilegiis eorumdem in aliquo contra 
ire. Immo quantum in nobis est privilégia, immunitates, 
libertates et exemptiones eorumdem inviolata, illibata et 
incorrupta perpetuo volumus remanere. Et hec omnibus 
quorum interest vel intererit quomodolibet in futurum, 
tenore presentium literarum , nostro communitarum sigillo, 
intimamus ( i ). Datum et actum in villa de Charitate pre- 
dicta, die décima tertia mensis julii, anno Domini millesimo 
trecentesimo vicesimo quinto. 


(i) Un de ses derniers actes, dit Lebeuf, d’après dom Viole ( Histoire 
d'Auxerre , 1, p. 498), est la réconciliation qu’il fit de l’église de Notre- 
Dame de La Charité-sur-Loire, le i3 juillet i 325. On en a eu 
connaissance par l’acte qu’il donna aux religieux du prieuré comme 
il n’avait point entendu préjudicier aux droits de cette maison. 


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8 4 


Cartulaire de La Charité. 


XXVII. 

INSTRUMENTUM PHILIPPI, EPISCOPI AUTISSIODORENSIS, 
DE IMMUNITATIBUS ECCLESIÆ BEATÆ MARIÆ DE 
CHARITATE. 


1426 Mai 10. — La Charité. 

L'évêque (TAuxerre reconnaît les privilèges du couvent, 
dans les mêmes circonstances , à la suite <Tun meurtre 
commis à V intérieur de l'église . 

Philippus, miseratione divina Autissiodorensis episco- 
pus (1), universis presentibus et futuris présentes litteras 
inspecturis, salutem in Domino sempiternam. Cum parro- 
chialis ecclesia beate Marie de Charitate, nostre dioecesis, 
polluta propter violentam sanguiniS effusionem factam et 
perpetratam a Guillermo Loyseau et Joanne deNovo-Castro, 
in persona Pétri Guibellini, in dicta parrochiaii ecclesia, 
reconciliatione indigeret, et ad supplicationem procuratorum 
et parrochianorum dicte parrochialis ecclesie, necnon pre- 
dictorum delinquentium, permittentibus religiosis dicti loci, 
nosque ad hoc specialiter invitantibus et nobis aditum ipsius 
ecclesie prestantibus gratiose et accessum , ad dictam ecclesiam 

causa réconciliation^ predicte declinavimus (2). Datum 

et actum in villa de Charitate predicta, die décima mensis 
mai, anno Domini millesimo quadringentesimo vicesimo 
sexto. Sic signatum : G. Biteau. 

(1) Philippe des Essarts, 1410-1426. Ce fait est rapporté par Lebeuf 
(t. II, p. 46), d’après notre Cartulaire de La Charité , folio 59, qui est 
celui de cette charte. 

(2) Le reste comme à la charte précédente , pour les formules 
d’immunité de l’église. 


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Évêques d' Auxerre. 


85 


XXVIII. 

ALIUD INSTRUMENTUM QUALITE R LAURENTIUS , AU- 
TISSIODORENSIS EPISCOPUS, CONFITETUR NULLAM 
HABERE JURISDICTIONEM INTRA MONASTERIUM 
CHARITATIS. 


1439 Janvier 27. 

L'évêque d'Auxerre , assisté de deux chanoines , notaires 
publics, fait , en présence du prieur et des religieux , une 
déclaration solennelle des droits et immunités du prieuré 
de La Charité , qu'il considère comme indépendant de son 
autorité diocésaine. 

In nomine Domini amen. Per hoc presens instrumentum 
publicum cunctis pateat evidenter et sit manifestum , quod 
anno ejusdem Domini millesimo quadringentesimo tricesimo 
octavo, more gallicano sumpto (1), die vero mensis januarii 
vicesima septima, hora nona , vel quasi ante meridiem , in 
ecclesia beate Marie de Charitate supra Ligerim, Autissio- 
dorensis diœcesis, juxta altare rétro magnum altare dicte 
ecclesie existens , et super quo missa matutinalis consuevit 
ab antiquo celebrari , in nostrorum notariorum a c testium 
infrascriptorum presentia constitutus, reverendus in Christo 
pater et dominus Laurentius (2), divina permittente clemen- 


(1) Ducange cite quelques chartes où Ton fait, comme ici, allusion 
à la manière française de commencer Tannée à Pâques, contrairement 
à Pu sage adopté à Rome par les papes de dater des calendes de janvier. 
Notre charte du 27 janvier 1438 doit donc être remise au 27 janvier 
1439. On se rappelle que ce fut seulement dans l’édit de 1564 que 
Charles IX ordonna de dater du i* r janvier, et non de Pâques, tous 
les actes publics et privés passés en France. 

(2) Laurent Pi non, 1433-1449. (Lebbuf, t. II, p. 35.) 


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86 


Cartulaire de La Charité. 


tia Autissiodorensis episcopus, quiquis sua merasponteet 
voluniate, religioso viroet honesto domno Petro Ducis, dicte 
ecclesie et dicti monasterii suppriori, vicarioque generali 
reverendi in Christo patris, domni Theobaldi Doeti dicti (i), 
de Charitate prioris, ac pluribus aliis personis, tam religiosis 
quam non religiosis hue assistentibus, loquendo et verba sua 
dirigendo dixit, protulit, cognovit et veraciter affirmavit in 
hune modum : Domini et amici mei, ecce ego presentialiter 
ibidem^, ac in isto loco de sacris equa ordinibus celebravi, 
veluti equos tam religiosos istius monasterii quam alios in 
accolytatu ordine ordinando, et quia monasterium istud et 
ecclesia ista sunt exempte a lege nostra diocesana et juris- 
dictione, non possimus nec debemus in ipsa sacros ordines 
celebrare, nisi de voluntate et assensu religiosorum ipsius 
monasterii et ecclesie ; nos vobis intimamus et certificamus 
quod nos omnia et singula que nunc in ipsa ecclesia in iis et 
cetera, hec fecimus et egimus , nos ipsa fecimus de libertate, 
voluntate et licentia vicarii prioris ante dicti monasterii 
istius, qui ad hoc faciendum, favore antiquorum ipsius monas- 
terii religiosorum qui ad dictum ordinem sunt promoti, istud 
altare et locum istum pro vice ista solummodo et dumtaxat 
nobis concessit, nec est nostre intentionis propter istud ali- 
quod jus, vel aliquam possessionem contra religiosos istius 
antedicti monasterii , nec contra eorum privilégia, jura et 
libertates aliquid acquirere, sed volumus et concedimus dictos 
religiosos in suis privilegiis, juribus et exemptionibus pre- 
dictis non obstante illibatos remanere, ac si dictos ordines in 
hoc loco nullatenus fecissemus et ordinassemus. De quibus 
omnibus et singuüs supradictis dictus vicarius, pro dicta 
ecclesia et ipsius prioris nomine, petiit a nobis notariis ins- 
trumentum sibi super hec fieri et confici , quod sibi conces- 


(i) Pierre le Duc ou Ducis, sous-prieur ou prieur claustral. Thibaut 
Doet, trente-septième prieur commendataire, mourut peu de temps 
après ; sa donation pour anniversaire est datée de 1439. 


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Evêques d'Auxerre. 


87 


sum fuit sub hac forma , presentibus ibidem et assistantibus 
venerabilibus et circumspectis viris et magistris Jocelino 
Couriarret, in legibus licenciato, Joanne Araby, Joanne 
Charieu presbyteris, Joanne de Dijon, Joanne Douvanne, 
Joanne Gileti et pluribus aliis testibus, ad hoc specialiter 
convocatis et rogatis. 

Et ego Nicolaus Thome, presbÿter, Trecensis diœcesis, 
canonicusque beate Marie in civitate Autissiodorensi, publi- 
cus apostolica ipsiusque reverendi authoritate notarius 
juratus , quia premissis omnibus et singulis dum sicut pre- 
mittitur, agerentur, dicerentur et fièrent una cum notario 
infrascripto et testibus superius nominatis, presens fui, eaque 
sic fieri vidi, dici et audivi, et in publicam formam redegi, ex 
qua hoc presens publicum instrumentum manu mea fideliter 
scriptum extraxi, in fidem et testimonium omnium et singu- 
lorum premissorum. Sic signatum Thome. 

Et ego pariter, Joannes Guinardi , Autissiodorensis cano- 
nicus, publicusque imperiali authoritate notarius, quia 
premissis omnibus et singulis dum sic, ut premittitur, fièrent, 
dicerentur et agerentur una cum notario suprascripto et tes- 
tibus prenominatis, presens fui, eaque sic fieri vidi et audivi, 
ideo hoc presens instrumentum manu aliéna fideliter scrip- 
tum signavi, signumque meum solitum , in talibus fieri 
consuetum , posui in testimonium premissorum , requisitus 
et rogatus. Sic signatum J. Guinardi. 


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88 


Cartulaire de La Charité. 


XXIX. 

ACQUISITIO TERRÆ DE POLLIACO SUPRA LIGERIM 
ET DE CHARENTO. 


iog 5 circa. 

Humbaud Le Blanc y à son départ pour Jérusalem , aban- 
donne au prieuré de La Charité ses terres de Pouilly et 
de Charant, avec faculté pour lui de les racheter , s* il 
revient de la croisade . Les moines lui ont versé treize 
cents sous et un marc d'argent (i). 

In nomine sanctæet individuæ Trinitatis. Noverint et præ- 
sentes et posteri quod ego, Humbaldus Blancus, pro mea et 
antecessorum meorum patrisque mei salute, dedi sanctæ 
Mariæ et sibi servientibus monachis , terram de Polliaco et 
terram de Charento , et planam et nemorosam , et servos et 
ancillas et liberos , aquas et piscarias, et quidquid omnino 
habeo in eadem terra absque retentione ulla , excepto filio 
Guidonis Bernardo ; tali conventione ut si morerer in via 
Hierusalem, monachi ex toto omnia possiderent, si vero 
redirem, si voluntas mea esset, redimerem. Quod si non redi- 
merem, monachi imperpetuum possiderent; quamdiu autem 
quicquam reddendum esset de censu, reciperent monachi 
omnes exitus qui de supradicta prodirent terra. Et hoc in 
eleemosynam dedi , pro salute animæ meæ et antecessorum 
meorum. Hoc laudavit Matheus, filius meus, et Rainaldus et 
Hugo et filia mea Elisabeth. Hujus rei testes sunt, ex parte 

(i) Cette charte non datée est postérieure de quelques années à la 
charte suivante; nous la plaçons en 1096, date de la première croi- 
sade qu’elle indique. Les auteurs de ces deux documents sont les 
quatre fils de Hugues Bonvassal. Humbauld , qui paraît seul, était 
sans doute resté le dernier des quatre. 


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Pouilly. 


89 


mea, Bernardus Bonus- vassald us, patruus meus, Humbertus 
Burellus, Narduinus Chasera, Bernardus de Luisiaco, Hugo 
prepositus Duben(i), Clemens prepositus de sancto Boneto(2). 
Ex parte monachorum Letericus de Chalento, Rodulphus de 
Bosco, Bordinus de Castello Novo, Adelelmus prepositus de 
Charitate, Archimbaldus , Rodulfus de Sulliaco, Boynus 
Aimericus, Rainaldus prepositus de Nivernis, Rodulphus 
Martinus. Sciendum vero est quod inde accepit a monachis 
idem Humbaldus Blancus mille trecentos solidos et unam 
marcham argenti quam uxor ejus habuitde laudc. Acta sunt 
hæc régnante Philippo Francorum rege. 


XXX. 

CONCESSIO JUSTITIÆ DE POLLIACO. 


1084. — La Charité. 

Ancel donne aux religieux de La Charité , avec le consente- 
ment de sa mère et de ses frères, la moitié qui lui revenait 
sur les droits divers de Pouilly et sur plusieurs hommes. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverit fide- 
lium universitas quoniam ego Ancelius, Hugonis cogno- 
mento Bon vassal de Hubento filius, pro anima mea ejus- 
demque patris mei et antecessorum nostrorum salute, Deo et 
sanctæ Mariæ de Charitate, sibique servientibus monachis, 
dimidium potestatis de Polliaco, jure perenni, trado et 
concedo, assentientibus génitrice mea Elisabeth, fratribusque 


(1) Duben, Huben, aujourd’hui Huban, hameau, commune de Gre- 
nois, canton de Brinon. 

(2) Saint-Bonnot, canton de Prémery. 

12 


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90 


Cartulaire de La Charité . 


meis Hugone, Humbaldo, Aganone , sicut hactenus in 
dominio nobis pertinere et adesse videbatur, simulque Valte- 
rium præpositum et Arnulfum, cæterosque omnes, tam viros 
quam mulieres ubicumque habeantur, ut eos per medietatem 
possideant. Concedo quoque eisdem monachis in majoria (i) 
granciam unara cum curte et campartem carrucæ suæ; 
simulque Rainaldum de Nivernis (2) cum iiliis suis, servum 
meum Gaufredum ejusque uxorem, atque uxorem Constantii 
qui est de villa Brocheni cum filiis suis, Gaudebertum etiam 
vasletum, Gosbergiam sororem uxoris Constantii de villa 
Brocheni ; et hæc omnia in dominio extra partem fratrutn 
meorum possideant, laudantibus et assentientibus fratribus 
meis. Hujus rei testes sunt Hugo de Luperciaco ( 3 ), Ber- 
nardus Bonvassal, Adelelmus serviens, Archimbaudus , 
Regondus, Ulricus, Robertus Minvellus, aliique quam 
plures. Actum publice, apud Sanctam Mariam de Charitate, 
anno ab Incarnatione Domini millesimo octuagesimo quarto, 
régnante Francorum rege Philippo (4). 


(1) Majoria, feudum majoris , part de l’aîné. (Voyez Ducangb , à 
Majoria .) Les trois frères qui ont donné leur consentement devaient 
être les cadets de celui-ci. 

(2) Ce même Rainaud, suivant la charte précédente de 1095, serait 
devenu prévôt de Nevers. 

( 3 ) Hugues de Lurcy part pour Jérusalem en 1088 (ci-dessous, 
ch. XXXIV). Sa donation à La Charité est confirmée par l’évêque 
d’Auxerre, en 1094 (ci-dessus, ch. XXIII). 

(4) Les indications de lieu ne sont pas très-précises, mais l’origine 
des donations étant la même, on doit les appliquer au Pouilly niver- 
nais. Quant à la donation de Dalmace de Semur, la proximité des 
diverses localités signalées , leur situation dans l’arrondissement 
d’Autun, le voisinage des montagnes indiquaient sans aucun doute 
un autre endroit du même nom. (Voyez ch. XXXIII.) 


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Pouilly. 


9 1 


XXXI. 

ITEM DE POLLIACO VADIMONIUM. 


1060, ci rca. 

Geoffroi de Talay et ses parents donnent en gage tout ce 
qu'ils possèdent à Pouilly, en hommes , en terres et en 
revenus , aux moines de La Charité , pour la somme de 
soixante-sept livres monnaie d'Orléans. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum fieri 
volumus tam presentibus quam futuris quod Gaufridus de 
Talaio (1) et Atobarengerius et Ascelina uxor ejus, mater su- 
pradicti Gaufridi, miserunt in vadimonio conventui Sanctæ 
Mariæ de Charitate quidquid habebant Polliaco, hommes 
suos scilicet et fœminas, prata et campos, et quidquid in 
ipsa villa et in ejus appenditiis ab eis movet, bona fide et 
absque aliqua retentione, tam in justitia quam etiam in 
cæteris ipsius villæ redditibus. Pro vageria autem ista rece- 
perunt ipse supranominatus Gaufridus de Talaio et Atoba- 
rengerius et Acelina uxor ejus, mater Gaufridi, ab ipsis 
monachis de Charitate, sexaginta et septem libras Aurelia- 
nensis monetæ. Et ut hoc firmius staret, filiis suis, tam 
fœminis quam masculis, laudare et corroborare fecerunt. Ita 
ut si quis supra hanc memoratam vageriam quoquomodo 
aliquid reclamare vellet, ipsi pro posse suo reclamantibus 
obviarent et monachis de hoc absque aliqua fraude totis 
conatibus adjutorium præberent. 

(1) Ce Geoffroi de Talai paraît plusieurs fois comme témoin dans 
des chartes non datées. En 1090, on trouve Hubert; en 1106, Guil- 
laume (chartes XXXVIII et XLII). En 1296, Geoffroi de Talaye rend 
hommage au comte de Nevers {Inv. de Marolles , p. 5 io). 


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92 


Cartulaire de La Charité . 


XXXII. 

CONVENTIO INTER HUMBALDUM BLANCUM ET MONA- 
CHOS DE CHARITATE SUPRA POLLIACO. 


1089. — Dompierre-sur-N ièvre. 

Convention aux termes de laquelle les frères Humhaud 
et Aganon, d'une part , et les moines de La Charité , 
de Vautre , partageront réciproquement par moitié les 
acquisitions de tout genre qu'ils feront sur le territoire 
de Pouilly . S'il y a à payer , chacun payera moitié 
de la somme. A cette occasion Humbaud cède aux 
moines deux familles de serfs. A la mort d' Aganon sa 
part retournera aux moines. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Patris, Filii et 
Spiritus Sancti , amen. Noverit fidelium sacra posteritas 
quoniam conventio hæc ab Humbaldo Blanco ejusque fratre 
Aganone, cum monachis Sanctæ Mariæ de Charitate facta 
est, ut quidquid deinceps in potestate Polliaci acquisierint 
eisdem monachis per medium, tam in casatis quam in terris 
sive redditibus diversis, partiantur. Similiter iidem monachi, 
præter eam partem quam ibidem, retroactis temporibus, ea 
tenus possedisse absque calumnia dignoscuntur, medietatem 
predictis fratribus, Umbaldo scilicet et Aganoni, quidquid 
in eadem potestate acquirere poterunt, divident. Si quid inde 
pecunia comparandum fuerit dimidium illi, dimidium per- 
solvent et monachi. In hujus autem conventionis placito, 
Umbaidus idem, Constantium de villa Brocheni præsentia- 
liter, præfatis sanctæ Mariæ monachis, ipsiusque Constantii 
uxorem cum filiis tradidit et post sui obitum Rainaldum de 
Nivernis cum uxore et filiis, possidendum jure perenni, 
concessit. Ut vero Aganonem Humbaldi fratrem obire conti- 


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Pouilljr. 


93 


gerit, possessionis dimidium quam in eadem potestate Agano 
idem habere videtur, monachorum juri et dominio perenni 
accedere, laudavit Umbaldus atque concessit. Unde testes 
habentur qui affuerunt, Bernardus Bonvassal, Hugo de 
Suliaco, Abo de Domnopetro , Burdinus prepositus Castri- 
novi ejusque frater Gosbertus. Actum publiée apud Domnum 
petrum super Nebram, sub præsentia domni Vuilenci (1), 
prioris de Charitate et Ludovici monachi, anno ab Incarna- 
tione Domini millesimo octuagesimo nono, régnante Phi- 
lippo, anno vicesimo nono. Quod etiam postmodum confir- 
matum est apud Sanctam Mariam de Charitate presentibus 
Artaldo de Moncellis, Herveo Leterici pagani filio, Vual- 
terio Rabustel, Adelelmo et Archimbaldo famulis, Vualterio 
de Poliiaco atque Gaufredo cum aliis. 


XXXIII. 

DALMATIUS DE SINEMURO DAT DOMUM SUAM DE 
POLLIACO, CUM SUIS PERTINENTIIS. 


1168 ci rca. 

Dalmace de Semur donne aux religieux de La Charité une 
maison située à Pouilly [Saône-et-Loire), avec les terres 
qui en dépendent . Il autorise à faire pacager les bestiaux 
sur toutes ses terres non closes , à passer, vendre et acheter 
sans aucune redevance ni réserve , à la condition de dire 
des prières pour lui et ses parents. 

In nomme Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Notum 
sit omnibus tam presentibus quam futuris quod ego, Dalma- 

(1) Vilencus, deuxième prieur, de io85 à 1107. Les auteurs et les 
témoins sont déjà cités pour la plupart dans les chartes précédentes. 


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94 


Cartulaire de La Charité . 


tius de Sinemuro (i), intelligens, sicut ex scripturis sanctis 
docemur, eleemosinarutn largitione peccata dimitti, pro mea, 
parentum meorum, viventium simul et defunctorum absolu- 
tione, domino Deo et beatissime Dei genitrici semperque 
virgini Marie, et monachis ei apud Charitatem servientibus, 
perpetuis temporibus , cutn omni libertate possidendam , 
domum que Poli ( 2 ) vocatur tribuo, ut videlicet nihil mihi, 
sive heredibus meis, vel cuiquam hominum, propter eam vei 
ex ea se prêter orationes habere cognoscant. Dono siquidem 
cam eis, cum omnibus que inibi Petro olim episcopo sociis- 
que ejus assignavi , et quorum ipsi investituram habuisse 
noscuntur, terram videlicet de Magobris (3), que terramJoannis 
Vuaterii , sicut eam montes ab eorum summitatibus conclu- 
dunt, et venientibus de Huchon ( 4 ) semita, que in summo 
colle occurrit, unde et locus ipse primo videtur, distcrminat. 
Terram quoque de Valmarti (5) ex altéra parte vallis magne et 
vie que venit de Montcenis ( 6 ), totum scilicet montem , sicut 


(1) Dalmace de Semur. Son père, Geoffroy de Semur, descendait de 
Geoffroy et Mahaud de Chalon ; cettp famille eut en partage les sei- 
gneuries de Châtel-Censoir et Donzy, dont sa postérité porta le nom. 

(2) Poli. Sur la carte du département de Saône-et-Loire dressée en 
1875 par M. Fournier, ingénieur en chef, à l’ouest du Creusot , entre 
cette localité, celles de Marmagne et de Montcenis, se trouve un hameau 
appelé Pouilly, qui n’est pas mentionné dans le Dictionnaire des Postes. 
D’après les délimitations de cette carte, Pouilly serait de la commune 
de Marmagne, arrondissement d’Autun, canton de Montcenis. 

(3) Mesvres (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun, chef-lieu de 
canton. 

(4) Uchon (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun, canton de 
Mesvres. 

(5) Valmarti. Sur la carte de M. Fournier, entre Pouilly et le Creusot. 
de l’autre côté de la vallée, par rapport à Pouilly, est une petite localité 
nommée Vaumartin qui, d’après la carte, serait de la commune de 
Marmagne, canton de Montcenis. Le Dictionnaire des Postes ne porte 
pas le nom de Vaumartin. 

(6) Montcenis (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun , chef-lieu 
de canton. 


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Pouilly. 


95 


vergunt latera ejus in rivulos circumfluentes extenditur in 
superiori parte, usque ad viam que venit ex certa corrigia 
que a dextra parte ejusdem montis juxta rivulum venientibus 
a predicto loco esse dicitur militum qui Urgioli cognominan- 
tur. Campum quoque Jeromi ad villam que Toisneria (1) 
vulgodicitur. Quicquidetiam in predictisdisterminationibus, 
nemorum, pratorum, fontium, pascuarum, seu quarumlibet 
rerum est, vel in futuro fore potest. Omne etiam quod ego 
vel posteritas mea vel quicumque mihi successuri sunt usque 
in finem, predicto loco dare, Deo inspirante, voluerint, pre- 
dicte ligibus (2) liberalitatis includo. Addo insuper ut bestie 
eorum qui in Polliaco Deo servituri sunt vel serviunt, libéré 
pascantur in nemoribus sive planis et pascuis meis et homi- 
num meorum, in tota terra mea, exceptis pratis clausis. Ven- 
dere etiam et emere eis et eorum hominibus, per totam 
terram meam , absque quacumque consuetudinis , peagii vel 
telonii, sive ut melius intelligatur tonleu ( 3 ), exactione. Ire 
etiam et redire libéré ubi voluerint concedo. Et ut brevi 
cuncta concludaita , eis quecumque potest excogitari liberta- 
tem indulgeo. Et hec omnia sigilli mei munimine roboro ; 
soium mihi posterisque meis illud retineo quod et in capi- 
tulo suo Radulphus (4) prior et totus conventus , quando 
donationem hanc feci et in eorum fraternitate receptus sum, 
concesserunt. Quod si prior, quod absit, se de crimine vel de 
domus dilapidatione notabilem exhibuerit , postquam tertio 

(1) La Tanière (Saône-et-Loire), arrondissement d’Autun, canton de 
de Mesvres. Cette commune, marquée sur la carte de M. Fournier, ne 
se trouve pas dans le Dictionnaire des Postes. 

(2) Ligibus pour le gibus , lois, conventions. 

(3) Dans le principe, le tonlieu signifie un droit de douane sur les 
marchandises transportées par terre ou par eau ; plus tard, on appela 
tonlieu un droit de marché levé sur les bestiaux et autres objets ven- 
dus dans les foires. (Guérard, Saint-Père de Chartes, n° 119). On voit 
que dans nos chartes nivernaises ce mot a bien conservé son sens 
d’impôt de vente. 

(4) Rodolphe de Sully, dixième prieur, de n65 à 1176. 


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9 6 


Cartulaire de La Charité. 


priorem aut conventum ut eum amoveant commonuero,si 
auditus non fuero, ego illo absque injuria remoto, aiiumab 
eis idoneum expectabo. Si quis autem de meo vel aliène 
genere hujus scripti paginam quassare tentaverit , et Dei in 
se commotionem sentiat, et conventui de Charitate ceotum 
auri marchas persolvat. Concedo siquidem prefatis monachis, 
ut si aliquis militum meorum, vel hominum meorum terram 
de teodo meo prefato loco dederit, libéré et sine calumnia 
possideant. Testes vero , coram quibus prefatis Petro (t), 
sociisque ejus Vidone et Roberto monachis de Charitate 
donationem hanc confirmavi, presensque scriptum per eos 
ecclesie de Charitate contradidi , sunt hi : Anselmus Urgeo- 
lus, Gaufridus de Talaio, Valterius prepositus, Bernardusa 
Maugis et multi alii. 


XXXIV. 

DONATIO MANSI DE CHARLIACO AB HUGONE 
LUPERCIACENSI. 


1088 Mars. 

Hugues de Lurçjr , à son départ pour Jérusalem , oyait 
fait donation après sa mort aux religieux de La 
Charité , de ses biens situés à Charly . Il consent à 
leur céder de suite la jouissauce de la moitié , tout en 
leur laissant Vautre moitié après sa mort. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverit fide- 
lium sacra posteritas quoniam ego Hugo Luperciacensis (2), 

( 1 ; Le cinquième prieur de La Charité s’appelait Pierre de Paule 
(11 38 -i 143). C’est peut-être de lui qu’il s'agit ici, bien que plus haut 
il soit qualifié évêque. 

(2) Hugues, seigneur de Lurcy. 


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Charly . 


97 


iturus Hierosolymam, Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate 
sibique servientibus monachis pro animæ meæ, meæque 
conjugis simulque parentum et antecessorum meorum per- 
pétua salutis obtinenda felicitate, perpetuo jure, sicut post 
obitus mei diem, totum ex integro eisdem monachis, longe 
ante, mansum de Charliaco (i) contuleram. Sic ad præsens 
et deinceps præter domum eis me defuncto totius ejusdem 
prædii affuturum, mansi hujus dimidium in vita mea possi- 
dendum concedo, cum cunctis appenditiis suis absque ulla 
retentione, ut etiam post mei decessum ab hac luce aliud 
dimidium mansi ejusdem irrefragabiliter possideant. Actum 
publice in capitulo Sanctæ Mariæ de Charitate, præsentibus 
Iterio de Saxiaco (2) et Adam de Cresno(3), positumque 
super altare ejusdem ecclesiæ, coram istis qui affuerunt, ab 
eodem Hugone, Andrea piscatore, Roberto Minvello, 
Ebrardo de Duno, Constantio Su tore, cum conventu et 
populo. Confirmatum quoque Ni vernis civitate, laudante et 
concedente hoc donum tam vitæ quam obitus, sicut et in hac 
et in alia prions doni carta continetur, ejusdem uxore 
Adelaïsa, in caméra Rainaldi de Saugeto, Nivernensi cano- 
nico, presentibus Gaufredo de Galiaco (4) Galnerio et Rogerio 
de Luperciaci-castro, Abone quoque de Botugla et Rodolfo 
de Bosco aliisque pluribus, tempore sanctæ quadragesimæ 
anno ab IncarnationeDomini millesimooctuagesimooctavo, 
régnante Philippo Francorum rege. 


( 1 ) Cette première donation de Charly n'est pas dans le Cartulaire ; 
elle a pu être faite longtemps auparavant et renouvelée, comme on 
faisait presque toujours, en cette année 1088. Hugues était mort 
en 1094. (Ci-dessus ch. XXIII.) 

(2) Saxy, canton de Saint-Saulge. 

( 3 ) Donations par Adam et Gilbert de Cresne et Rainaud de Druye, 
sous Vilencus, deuxième prieur, c'est-à-dire de io 85 à 1107. (La Cha- 
rité, histoire, folio 56 .) Gilbert de Cresne signa l'acte de fondation du 
prieuré en 1059. 

(4) Jailly, canton de Saint-Saulge, prieuré dépendant de La Charité. 

i 3 


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9 8 


Cartulaire de La Charité . 


XXXV. 

CARTA LANDRICI DE POISSONS, DE CHARUACO. 


1 196. 

Landry de Poisson, avec le consentement de Guiburge , son 
épouse , et de ses quatre fis, accorde aux religieux de 
La Charité le plein usage d'une forêt , pour chauffage et 
construction , pour entretien des vignes et autres objets , 
sans toutefois vendre le bois ni le donner. 

Notum sit omnibus presentibus et futuris quod ego, 
Landricus de Poissinis (1), pro salute anime mee recognovi 
eleemosynam quam antecessores mei donaverant Deo et 
Beate Marie et monachis de Charitate, in puram et perpe- 
tuam eleemosynam, scilicet medietatem quam habebant in 
camparto et in bosco de Cyesny (?). Insuper donavi eis 
mediam relique medietatis, quod meum erat, in eleemosynam 
perpetuam. Tum domui de Charly plénum usagium in 
eodem bosco recognovi et concessi, ita quod in illo possiai 
libéré capere quecumque sibi necessaria erunt ad focum, ad 
edificia, ad vineas et omnia negotia sua, nihil tamen inde 
poterunt vendere vel donare. Habebit etiam predicta domus 
in bosco prefato dimidiam partem panagii (2). Hoc donum 
meum et recognitionem, ego Landricus, feci laudare per 
uxorem meam Guiburgam, et filios meos Ascelinum , Rai- 
naldum, Gaulterinum, Clarembaudum et Hugonem. Et ut 
hoc ratum sit et firmum, et a nullo in posterum possit infir- 


(1) Il y a en Nivernais plusieurs localités du nom de Poissons. 
Celle-ci peut s'appliquer aux deux endroits situés dans les communes 
de Poiseux et de Parigny-les-Vaux. 

( 2 ) Droit de pacage pour les porcs. Voyez charte suivante, note 3 . 


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Charly . 


99 


mari, presentem cartam sigillo domini Gualcherii, Niver- 
nensis episcopi (i), feci confîrmari. Actum anno Domini 
millesimo centesimo nonagesimo sexto. 


XXXVI. 

USAGIUM PRO DOMO DE CHARLIACO. 


1225 Mars. 

Accord passé par •devant la comtesse Mahaut , où il est 
exposé que le prieuré de La Charité ayant reçu des 
ancêtres des frères de Poisson le droit d'usage, la moitié 
sur le panage et le tiers sur le cens de la forêt de Crisot, 
le doyen de Charly , représentant La Charité , conservera 
Vusage sur le tout et les autres droits sur un cinquième 
seulement , et que si ïune des parties demande le partage , 
il sera attribué en toute propriété un cinquième au doyen 
de Charly et quatre cinquièmes aux quatre frères de 
Poisson. Il a été établi un garde commun, et le doyen a 
versé dix livres, monnaie de Nevers. 

EgoMatildis, comitissa Nivernensis, notum facio universis 
quod cum domus de Charliaco, que specialiter spectat ad 
ecclesiam de Charitate, haberet usagium suum plenarium ad 
omnia necessaria dicte domus, tam intra quam extra genera- 
liter ministraada, et haberet medietatem in panagio, et 
haberet tertiam partem in censu nemoris de Crisot (2), prout 

(1) Gauthier, évêque de Nevers en 1196 et suspendu de ses fonc- 
tions en 1201. 

(2) Le bois indiqué ici sous le nom de Crisot est le même que celui 
de la charte précédente. Nous n’avons pas encore pu le retrouver. 


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100 


Cartulaire de La Charité . 


nobis constat ex confessione utriusque partis et super iis 
multoties emersa fuisset questio, inter decanum dicte domus 
de Charliaco ex una parte, et Gualterium de Piscibus , mili- 
tent, et Guidonem et Radulfum, fratres ejus, et Mariant 
relictam Hugonisde Piscibus, militis (i), quondam fratris 
eorumdem et Vuillelmum filium dicti Hugonis ex altéra. 
Tandem mediante bonorum virorum consilio, pro bono 
pacis et pro utilitate utriusque partis, compositio intercessit 
in hune modum : Decanus predicte domus de Charliaco et 
quicumque dictant domum tenuerit, non mutato predicto 
usagio, habebit absque ulla contradictione quintam partent 
totius predicti nemoris in panagio, in censu, in forestagio (2), 
in forifactis et in omnibus aliis expletis cum particibus ante- 
dictis, ita quod ibidem de communi assensu custos appo- 
netur et quod nullus predictorum in dicto memore cum 
dicto decano participantium aliquid vendere sive dare vel 
accensare poterit de ipso nemore, sine assensu prioris de 
Charitate. Et quandocunque prior de Charitate voluerit, 
dicti participes vel eorum heredes tenentur et tenebuntur 
partiri nemus antedictum in quinque partes, et dictus prior 
vel ejus mandatum [quintam partem] acceptabit et illam 
quintam partem dicta domus de Charliaco libéré, quiete et 
pacifice et absque omnimoda contradictione in hereditatem 
perpetuam possidebit. Dictus vero prior de Charitate vel 
decanus de Charliaco in aliis quatuor partibus nemoris pre- 
dicti, nihil omnino poterunt reclamare, sicut nec dicti parti- 
cipes in quinta parte. Hanc etiam partitionem facere poterunt 

(1) Ces quatre personnages étaient vraisemblablement les fils survi- 
vants de Landry de Poisson, auteur de la charte précédente. 

(2) Pasnagium , pastio , droit de panage ou glandée réservé spécia- 
lement pour le pacage des porcs dans les bois. Le cens est un droit 
en argent. Quant au forestage, il paraît avoir la même signification 
que le droit d’usage et consiste à prendre le bois pour chauffage, 
construction et clôtures. (GuémutD, Cart. de Saint-Père de Chartes. 
n* 147.) 


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Lamenay . 


ioi 


dicti participes vel heredes eorum, quandocunque voluerint, 
et dicti prior aut decanus non poterunt partitionem impedire, 
sed percipient iliam de quinque partibus quam optabunt. 
Hanc autem compositionem firmiter et inviolabiliter tenen" 
dam et servandam dicti Galterius, Guido, Radulfus, Maria et 
Vuillelmus, juramento, tactis sacrosantis Evangeliis, coram 
nobis corporaliter prestito firmaverunt. Pro hac autem corn- 
positione decanus dicte domus de Charliaco dédit predictis 
participibus decem libras Nivernensis monete quas eis per- 
solvit. Et sciendum quod domus de Charliaco omnia supra- 
dicta ex dono et eleemosyna antecessorum predictorum parti- 
cipumest assecuta. Nos autem ad petitionem utriusque partis 
presentem paginam sigilli nostri fecimus munimineroborari. 
Anno grade millesimo ducentesimo vicesimo quinto, mense 
mardi. 


XXXVII. 

CARTA DE LAMENIACO. 


1089. 

Archembaud de Lamenay fait don perpétuel au prieuré de 
La Charité : de l'église de Iuimenay, avec les offrandes, 
baptistère , dîmes diverses et sépulture dans le cimetière ; 
d'un champ pour bâtir l'église ; de V usage de pâture, 
d'eau et de bois pour les moines ou leurs gens ; de plu- 
sieurs pièces de terre et vignes et de tout l'espace qu'ils 
pourront mettre en pré ; d'un moulin situé à Mirbault ; 
de la pêche du saumon et autres poissons à son écluse de 
la Loire . 

In nominesanctæ, summæ, et individuæ Trinitatis. Noverit 
fidelium sacra posteritas quoniam miles quidam Archimbal- 


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02 


Cartulaire de La Charité. 


dus nomine, de Laminiaco, ob suæ animæ antecessorumque 
suorum atque progenitorum saiuiem, Deo et SanctæMariæde 
Charitate sibique famulantibus monachis, ecclesiam de Lame- 
niaco ( i) jure perennitatis possidendam tradidit, cum offerendis 
et baptisterio, rerumque diversarum decimationibus et sepul- 
turam cimiterii eidem ecclesiæ pertinentis, quaquaversum 
adjacentis. Campum etiam, qui de Foresto dicitur, his 
addidit, quemadmodum ad ecclesiam extra idem castrum 
construendam, in presentia domni Hugonis, Cluniacensium 
abbatis (2), métis determinari fecit, absque ullius retentione 
consuetudinis, excepto quod hujus conclusionis incolæ 
campi scilicet de Foresto, consuetudinem silvæ, quæ dicitur 
calumnia ( 3 ), sicut et ejus villani sibi persolverint. Isu 
autem absque servitio ejus vel heredum suorum, id est 
usuarium pasturæ, aquæ et boscorum, ipso concedente acci- 
pient. Monachi autem qui inibi habitaverint idem usuarium 
ad omnes propriæ necessitatis usus absque servitio. Insuper 
et quos in dominio habuerint porcis pastionem, quantum 
parti suæ attinet, gratis concessit. His etiam addidit olchiam 
et vineam quam Anscisus ejus frater apud Lameniacum, 
antequam fieret monachus, possidebat absque retentione. 
Campum quoque ad horreum monachis construendum , 
absque consuetudine , qui dicitur de fonte Goosiæ. Insuper 
et dimidium piscariæ quæ Ogia dicitur, excepto ramedarum 
casamento (4). Ramedas tamen quas ibidem Gaufredus pres- 
byter in dominio habuisse dignoscitur eisdem contulit, unum 


(1) Lamcnay, sur la Loire, canton de Oornes, commune limitrophe 
de l'Ailier. Siège d'un prieuré depuis 1089. 

(2) Saint Hugues, fils de Dalmace de Semur et d'Aremberge de 
Vergi, né en 1024, abbé de Cluny pendant près de soixante ans, de 
1049 à 1 108. 

( 3 ) Impôt pour frais de justice; il en est encore question ci-après 
dans cette même charte. 

(4) Une installation de barrages et claies de branchages pour retenir 
le poisson. Ils étaient très-fréquents sur les bords de la Loire. 


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Lamenay. 


io3 


quoque in Ligeris fluvio molendinum et pro anima avi sui 
Attonis dimidium alterius molendini qui dicitur de Mira- 
bel (i). Campum etiam de Chancerano, sicut eum in præ- 
sentia monachorum de Charitate, domni scilicet Vuillelmi 
atque Roberti percalcari fecit , absque servitio et consuetu- 
dine, sicut etiam supradicta, præfatis monachis donavit. 
Concessit etiam ibidem mansuris ruricolis usuarium aquæ, 
pasturæ et sylvæ , absque servitio , excepto calumniæ debito. 
Pratum nihilominus de Montegenou, sicut habebat illud in 
dominio. Necnon et terræ spatium a planta Chartiney usque 
ad pratum de Montegenou situm. Quidquid inde monachi 
sæpefati et omnes, quos ibidem hospitaverint, villani appra- 
tare potuerint, eisdem monachis absque retentione tradidit. 
Vineam quoque Gaufredi presbyteri de Castaneto ( 2 ), simul- 
que reliquas ejusdem territorii vineas, sicut sibi divisas 
tenent, et super additas accipient, cum alodio quam ejus 
frater Anseisus a quibusdam Castaneti villanis sibi pretio 
comparaverat, prædictis monachis contulit, et absque reten- 
tione perpetuo jure possidenda emancipavit. Postremo idem 
Archimbaldus, exceptis fratrum inibi mansurorum beneficiis 
votivis quæ sanctæ Mariæ de Charitate conventui impenderint 
quotannis , plenarium generale piscium (3) jure consuetudi- 
nario , faciendum constituit. Ad quod etiam copiose persol- 
vendum , fratribus ibidem Lameniaci videlicet degentibus 
aquas suas ad piscandum et decimationes salmonum alio- 
rumve piscium vescalium , in exclusa sua de Ligeris fluvio, 
capiendorum perpetuo attribuit. Actum publice anno ab 
incartione Domini millesimo octuagesimo nono, apud sanctam 
Mariam de Charitate, régnante Philippo, anno regni sui 

(1) Mirebeau, commune de Decize, hameau situé près des flaques 
d'eau de la Loire, en amont de Lamenay, où passe aujourd'hui le 
canal du Nivernais. 

(2) Hameau et ancienne paroisse, près Lamenay, aujourd’hui réuni 
à Saint-Gcrmain-Chassenay. 

( 3 ) Phrase incomplète. Il faut ajouter usagium. 


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io4 


Cartulaire de La Charité . 


vigesimo nono. Cujus rei testes habentur : Hugo de Bena. 
Archimbaldus, Bardinus, Ebrardus de Sesma, aliiquequam* 
plures. 


XXXVIII. 

CARTA LETERICI DE CASTELLIONE PRO CHARITATE. 


i ioo ci rca. 

Leteric de Chdtillon ayant donné à La Charité ce qu'il 
possédait 9 lors de son départ pour Jérusalem , et y étant 
mort , il est convenu entre Aremburge sa veuve et lu 
moines , qu'elle jouira par moitié , sa vie durant y du 
revenus des constructions faites par les moines , et du 
siennes en entier , pour le tout revenir aux moines après 
sa mort , Elle concède encore une famille de serjs et 
reçoit quatre marcs d'argent . 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum sii 
omnibus fidelibus quod dominus Letericus , Hierusaleni 
pergens , dédit Deo et sanctæ Mariæ deCharitate terramik 
potestate Charitatis , quidquid habebat in dominio a via de 
Poschiis et rétro. Quando autem mortuus fuit, facta est hnc 
conventio inter monachos et uxorem illius Aremburgim, ut 
in vita ejus quidquid monachi vel hommes eorum in ipw 
terra ædificarent, dimidiam partent reddituum redderent ipsi 
dominæ, alteram ipsi haberent. Ipsa autem domina quidquid 
per se ædificaret sola haberet in vita sua , post mortem vero 
ejus haberent omnia monachi et quidquid ipsa ædificaret et 
quidquid monachi , et omnem supradictam undique terrain 
Dédit etiam idem Letericus uxorem Rainaldi, cognomento 
Godet et infantes ejus. Et inde habuit de Charitate monacbo- 
rum quatuor marcas argenti ; et hoc totum uxor ejus Arem- 


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Bulcjr . 


105 


burgis concessit. Unde sunt testes ex parte eorum, Hieremias 
miles, Rodulfus de Bosco, Hubertus de Talai, Hugo de 
Chasnai, Stephanus de Narcy, Cliens, Robertus de Sancto 
Benito et Raynaldus frater ejus. Ex parte monachorum, 
Adelermus (1) præpositus, Archimbaldus præpositus, Ayme- 
ricus Cliens, Gaufridus filius Rainaudi Gaudet. 


XXXIX. 

CARTA SEGUINI DE OLCHIA, DE BELUCIACO ET 
MOLENDINO MARTINI. 


Onzième siècle. 

Séguin , fils de Humbert d*Ouche, donne aux religieux de 
La Charité un alleu sis à Bulcy et au moulin Martin , 
après jugement rendu par experts contre son cousin 
Séguin de Prye , lequel reçut des moines trente sols pour 
renoncer définitivement à sa réclamation . 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Ego Seguinus 
filius Umberti de Olchia (2), Deo et sanctæ Mariæ de Chari- 
tate, sibiqueservientibus monachis, alodium de Beluciaco( 3 ) 
atque de molendino Martini , quod ex parte consanguinei 
mei Seguini de Pruiaco (4) quasi hæreditario jure reclama- 


(1) Parmi les témoins de cette charte on rencontre Adelermus en 
1084, en 1089 et iog 5 , chartes 29, 3 o et 32 ; Rodulphus de Bosco, en 
1088 et 1107, chartes 34 et 47 ; Hubertus de Talai , en 1 12 1, charte 49; 
ce qui autorise à dater de la fin du onzième siècle. 

(2} Ouche, commune de La Marche. 

( 3 ) Bulcy, canton de Pouilly, fief de la châtellenie de La Marche. 

(4) Prye, commune de La Fermeté. 

H 


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io6 


Cartulaire de La Charité . 


veram, diutiusque calumniaveram, trado, vulpio et perpetuo 
jure, cum omnibus suis appenditiisabsqueretentione, eisdem 
monachis irrefragabiliter possidendum concedo. Factum 
publice apud Ugeium inter Fraxiniacum et Luperciacura (il, 
devicto eodem Seguino per placitum et judicium quorumdam 
jurisperitorum, ex utraque parte assistentium, et eodem culpæ 
suæ reatum rccognoscente de calumnia, ea tenus propredicto 
alodio monachis de Charitate illata , indeque directum in 
manu Harduini monachi faciente. Et ut firma pax de præ- 
dicto alodio inter eumdem Seguinum et monachos sanctæ 
Mariæ permaneret, accepit idem Seguinus a monachis de 
Charitate , per manum Ludovici Cellerarii, qui præsens inter 
erat, trigenta solidos denariorum. Cujus rei testes subnotati 
habentur qui præsentes affuerunt, Landricus. Rainaldus, 
Gilbertus frater Rainaldi monachi. 


XL. 

CARTA HENRICI, PORTUGALIÆ COMITIS, DE PRIORATt* 
SANCTI PETRI DE RATIS. 


iioo Mars. — Coïmbre. 

Henri y comte de Portugal, et Thérèse , son épouse , fille du 
roi Alphonse VI de Castille, font donation testamentaire 
au prieuré de La Charité de l'église de Saint-Pierre de 
Rat\ , fondée par eux , avec pleins pouvoirs sur toutes ses 
dépendances . Ils y ajoutent les dîmes du pain , du vin et 


(i) Ugeium } entre Frasnay et Lurcy, peut-être Eugncs . commune 
de Chaulgnes, ou Usseau, commune de Parigny-les-Vaux. 


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Charte du Portugal . 


107 


du lin sur le territoire situé entre les fleuves du Douro et 
du Mondego (1). 

In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti , amen. Ego 
cornes, Domnus Henricus et uxor mea Domna Theresia, 
Domini Regis Alfonsi filia (2), facimus cartam per hujus 
scripture paginam vobis, priori de Sancta Maria deCharitate 
et vestro conventui, de ilia ecclesia quæ vocitatur Sancti Pétri 
de Ratis( 3 ); in qua ecclesia una cum uxore mea Donna 
Theresia primitus misimus fundamentum, cum a longis 
rétro temporibus esset heremita et derelicta. Nos vero eam 
fecimus populari et sano animo et integra voluntate, pro 
remedio animarum nostrarum et parentum nostrorum offe- 
rimus illam heremitam Sanctæ Mariæ de Charitaje, cum 
omnibus suis terminis, et cum quantum ad jus nostrum 


(1) On remarquera le style et les formules de ces chartes portugaises, 
les expressions de foi religieuse plus accentuées qu’en France, la me- 
nace pénale contre les infracteurs, la date de Verra espagnole et la 
mention de la signature autographe des donateurs. 

(2) Henri, quatrième fils de Henri, duc de Bourgogne, petit-fils de 
Robert-le-Pieux, roi de France, passa en Espagne, vers l’an 1090, et 
conquit sur les Maures le territoire qui forma plus tard le nord du 
royaume de Portugal. Il épousa Thérèse, fille naturelle d’Alphonse VI, 
roi de Castille, gouverna ce pays avec le titre de comte de Portugal et 
mourut vers 1112. Son fils Alphonse I ,r , surnommé Henriquez, fut 
couronné roi de Portugal le 27 juillet n 3 g, après avoir défait cinq 
chefs maures à Ourique, près du fleuve du Tage. Ces princes, issus 
de la maison de France, se sont souvenus de leur origine, par leur 
donation au prieuré de La Charité. 

( 3 ) La situation de celte localité n’a pu être établie exactement; elle 
était comprise dans le diocèse de Braga, province nord d’entre Douro 
et Minho. Dans la liste des prieurés dépendant de La Charité il est 
inscrit : Prioratus bealæ Mariæ de Raiis in Portugalia , Bracharensis 
diœcesis. Notre manuscrit mentionne encore (f° 53 ) la donation de ce 
prieuré, sans transcrire le nom moderne, et il ajoute à ce sujet : 
t Celuy de Portugal s’est soustrait de l’obéissance de sa mère, ou à 
cause des guerres ou bien de l’esloignement. • 


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io8 


Cartulaire de La Charité. 


pertinet, ita ut prior de Charitate et conventus ejusdem 
habeant plenam potestatem faciendi in ea quidquid voluerint. 
Verum quia in orationibus religiosorum virorum ibidem 
habitantium nos plurimum confidimus, et in eorum collegio 
cum omnibus sanctis in die judicii ante tribunal Domini 
cupimus apparere. Idcirco hoc parvulum munusculum Sanctæ 
Mariæ offerimus, quatenus in diem judicii ipsa offerat nos et 
genus nostrum Jesu Christo filio suo, ut ab ipso postmodum 
recipiamus mercedem æternam. Damus siquidem et offerimus 
ecclesiæ Sanctæ Mariæ de Charitate omnes décimas de pane et 
vino et lino omnium regalium quæ habemus et quæ habere 
debemus, ego et uxor mea, donna Theresia, a flumine Dorii 
ad flumen Mundeci (i) quia nunquam eas ante persolveba- 
mus, similiter pro animabus nostris et parentum nostrorum. 
Omnibus autem tam ex progenie nostra quam extranea qui 
hoc nostrum testamentum illæsum conservaverint sit pax et 
veritas, et animæ eorum postmodum a Deo omnipotente 
recipiantur in æterna tabernacula, amen. Si forte aliquis ex 
progenie nostra vel extranea contra hoc nostrum testamentum 
venire voluerit et donationem nostram infringere contingat, 
Deus omnipotens dentes eorum in ore ipsorum et molas 
eorum confringat, et insuper a communione sanguinis et 
corporis Domini imposterum alienus existât, et in infemo 
cum Juda, Domini traditore, perpétuas sustineatpœnas, amen. 
Facta carta testamenti et eleemosynæ hujus, mense martii 


(i) Le Douro prend sa source en Espagne, dans la province de Soria, 
arrose celle de Burgos, Ségovie, Valladolid et Zamora, forme la fron- 
tière entre l’Espagne et le Portugal jusqu'à sa réunion avec l'Agueda, 
traverse le Portugal de l’est à l’ouest et se jette dans l’Océan un peu 
au-dessus d’Oporto, après un cours de 710 kilomètres, très-rapide et 
plein de tourbillons. Le Mondego, rivière du Portugal, sort de la sierra 
d’Estrello, arrose Coïmbre et sc jette dans l’Océan, après un cours de 
180 kilomètres. Elle charrie des paillettes d’or. (Bouillet, Dict. d’hist. 
et de géographie.) La distance entre ces deux fleuves est d'environ 
5 o kilomètres. 


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Charte du Portugal . 


109 


apud Colimbriam (1), erra M a C 1 XXX* VIII* (2). Ego, cornes 
Donnus Henricus cum uxoremea, Donna Theresia, hanc 
cartam manibus nostris propriis roboravimus. Qui præsentes 
fuerunt et viderunt, Regnerius presbyter notavit, Fromarigus 
Goteris testis, Arias judex testis , Artaldus testis, Anno filius 
suus testis. 


XLI. 

CONFIRMAT! O DONATIONIS PER ALFONSUM 
PORTUGALIÆ REGEM. 


1145 Juillet. 

Alphonse I* T , roi de Portugal , et Mahaud , son épouse , 
confirment la donation des biens et dîmes faite au 
prieuré de La Charité par leur père le comte Henri 
de Portugal. 

In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti , amen. 
Quoniam regum est necnon et cujuscunque viri ingenuitatis 
titulo decorati, sicut in legibus votorum invenitur de propriis 
possessionibus, propriam implere voluntatem, ego Alfonsus, 
Portugaliæ rex, comitis Henrici et reginæ Theresiæ filius, 
magni quoque regis Alfonsi nepos, una cum uxore mea 


(1) Coimbre, chef-lieu de la province du Béira (Portugal). 

(2) La manière de compter les années en Espagne , appelée erra t 
commence trente-huit ans avant Père de Jésus-Christ adoptée dans 
les autres nations catholiques, l'erra prit fin en Espagne dès i 35 o, 
sous Pierre IV, roi d’Aragon, et en Portugal sous le règne de Jean l* r , 
en 1415. Nous avons rectifié, suivant notre style, les dates des deux 
chartes portugaises: 1100 au lieu de 1 1 38 , 1145 au lieu de ii 83 . 


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i ro 


Cartulaire de La Charité . 


regina donna Malfada, filia comitis Amedei de Moriana(f ; 
considérantes obitum nostrum et diem districti judicu. 
quando retribuetur unicuique secundum quod gesscrit 
pauperibus Christi, decrevimus de propriis facultatibus et 
redditibus non solum locupletare ecclesiam sancti Pétri de 
Ratis et fratres qui ibi habitant, tam præsentes quam future*, 
in qua ecclesia pater meus Henricus una cum matre mea, 
uxore sua, Donna Theresia, primitus miserunt funda- 
mentum. Verum etiam ut cum tranquillitate et quiete sine 
aliqua perturbatione preces suas Deo fundant, pro nobis et 
pro omni posteritate nostra et omni populo Christiano, 
concedimus et confirmamus ecclesiæ beatæ Mariæ de Cbari- 
tatæ ac priori et monachis ibidem Deo servientibus, omnes 
décimas de pane et vino et lino omnium regalium quæ 
habemus, et quæ debemus habere, ego et uxor mea donna 
Malfada regina, a flumine Dorii usque ad flumen Mundeci, 
prout felicis memoriæ Henricus cornes, pater meus, una cum 
uxore sua, matre mea, nobili muliere Theresia, illustris regis 
Alfonsi filia, eisdem primitus dederunt et concesserunt, ita 
quod si quis imposterum, quod fieri non credimus, de 
nostris propinquis aut de extraneis, hoedonum et beneficium 
quod firmum et roboratum omni tempore esse volumus, ad 
irrupendum seu in aliquo temeraria presumptione contra- 
bandum venerit, quisquis fuerit, quingentos solidos bon* 
monetæ priori Sancti Pétri de Ratis reddere cogatur regia 
potestate, et quart tum damni fecerit quadruplicitercomponat 
et insuper a sanctæ matris ecclesiæ sinu separetur et cum 


(i) Alphonse I #r , roi de Portugal le 27 juillet 1139, fils de Henri de 
Bourgogne, comte de Portugal, et de Thérèse, fille d'Alphonse VI. 
roi de Castille, épousa en 1146, selon Moréri, Malfade ou Mahaud. 
fille d’Amédée III, comte de Maurienne, de la famille de Savoie. 
Alphonse mourut en ii 85 , dans sa 76* année, après avoir régne 
quarante-six ans. D'après la date de cette charte, et en admettant 
que la donation ait été faite à l’occasion de son mariage, on doit le 
reculer d’un an et en porter la célébration à l'année 1143. 


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Argenvières. 


1 1 1 


Juda traditore in inferno perpetuo ardeat et, si fuerit de 
nostra progenie, maledictionem nostram et omnium avorum 
suorum habeat. Facta hujus doni et benefkii firmitudine, 
mense julii, Vuimarensis (i), erra M* O LXXX* III*. Ego 
Alfonsus, Portugalensis rex, una cum uxore mea donna 
Malfada regina, in præsentia testium idoneorum, hocdonum 
et beneficium manibus nostris propriis roboravimus. Ego 
Joannes, archiepiscopus Bracare(2), consignavi, Menendus... 
Burguncia Alterei, Arnaudus Pétri, curiæ dapiter, consi- 
gnavit, R[aimun]dus Monii, cons., Aubertus, cancellarius 
regis, cons. Rondulus Zolennæ cons., Rodericus Platigii, 
alcaïdæ Colimbriæ. testis. Petrus Menondi, economus regis. 
testis. 


XLII. 


CARTA SEGUINI NIVERNENSIS DE ARGENTI-VILLA 
ET CAPELLA MONTIS LEONARDI. * 


1 106. 

Seguin de Nevers donne à Notre-Dame de La Charité sa 
part des dîmes d' Argenvières et de La Chapelle-Montli- 
nard et tout ce qui sera établi en pré. Josbert , son fils , 
donne aussi la moitié de ce qu f il a au-delà de la Loire s 9 il 
meurt sans postérité légitime. 

In nomine Sanctæ Trinitatis. Noverint præsentes et pos- 
teri quod Seguinus Nivernensis dédit Deo et Sanctæ Mariæ 


(1) Guimaraès, petite ville entre Braga et Porto, au nord du Portugal. 

(2) Braga. archevêché dès l’an 92. Joannes Peculiaris, arch. ii 38- 
1173. (Gams, sériés episcoporum, p. 94.) 


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I 12 


Cartulaire de La Charité. 


de Charitate decimam Argenti-villæ (i), partem suam terra- 
gium (2) etiam et decimam Montis Linardi de Capella ( 3 ), 
partemque suam appratamenti quod homines nostri et alii 
fecerunt. Si autem priori de Charitate placuerit ut inde 
appratamentum plus fiat, similiter dédit partem suam. 
Filius autem ejus habebat censum de altéra parte; quod si 
filius ejus Josbertus absque hærede légitimas uxoris more- 
retur, medietatem omnium quæ trans Ligerim habet 
perpetuo habendam jure concessit. H inc testes sunt Vuido 
de Chaslone, Vuillelmus de Talaio, Raimbaldus de Porta, 
Giraldus Chasen, Giraldus de Narciaco. Facta est hæc 
donatio publice anno ab Incarnatione Domini millesimo 
centesimo sexto, indictione décima quinta, régnante Philippo 
Francorum rege, Vuillelmo Nivernensi (4) comité. Ex pane 
nostra testes sunt Girbertus de Beluciaco, Stephanus, 
Aldricus, Bernardus, Petrus. 


(1) Argenvières, canton de Sancergues, arrondissement de Sancerre 
(Cher). 

(2) Une des significations données par Ducange au mot terragium 
est le droit de mutation dû au seigneur pour vente ou acquisition 
de terres ou d’immeubles. Voici un autre texte qui se rapporte très- 
bien à celui de notre charte : « Habebit herbergagium , [cum grangia 
» et omnibus terris ad grangiam pertinentibus, nec solvet inde capi- 
1 tulo seu canonicis decimam vel terragium vel aliquid aliud. » [Cart. 
de N.-D. de Paris, 1 , 392,) 

( 3 ) La Chapelle-MontLinard, canton de Sancergues (Cher;. 

(4) Guillaume II, comte de Nevers, 1101-1148. 


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Argenvières. 


1 1 3 


XLIII. 

CARTA SADONIS DE PATINGIIS ITEM DE ARGENVERIIS. 


1198 Avril i* r . 

Convention d'après laquelle Sadon de Patinges et Agnès, 
son épouse : i° accordent au prieur Guillaume le fief 
d* Argenvières, sur lequel Jean Lepie a emprunté aux 
religieux de La Charité la somme de cinq cents livres ; 
2 Ê cèdent au même , pour cinq ans , leur fief situé dans la 
ville de La Charité , à la condition de le reprendre pen- 
dant cinq autres années s'il est libéré de ses deux cents 
livres de gage et sans pouvoir rengager à d'autres qu'aux 
moines , le tout moyennant cinq mille sous de Gien et 
quinze livres pour son épouse . 

Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod 
dominus Sado de Patingiis (1) et Agnes, uxor ejus, lauda- 
verunt Vuillelmo priori (2) et conventui de Charitate feodum 
de Argenveriis ( 3 ) quod predicti monachi habent in vadi- 
monio a Joanne Pio (4) pro quingentis libris Giemensibus, 

(1) Sado de Patingiis. Patinges, aujourd’hui hameau près Cours- 
les-Barres (Cher), fief dont plusieurs seigneurs ont porté le nom. 
Ce Sado, avec Agnès, sa femme, fait donation, en 1200 et 12 1 5 , au 
chapitre de Nevers d’une dîme située à Germigny. ( Inventaire de 
Marolles, p. 7 66.) 

(2) Guillaume II, prieur de Saint-Julien de Sézanne, puis quinzième 
prieur de La Charité, de 1197 à 1209. 

( 3 ) Argenveriis et Argenti-villa , dans la charte précédente, dési- 
gnent évidemment la même localité d’Argenvières , aujourd’hui com- 
mune du canton de Sancergues. 

(4) Joannes Pius , Jean Lepie, passa d’autres actes avec La Charité 
pour ses biens de La Charnaie, commune de Tronsanges, en 1188 et 
1192. (Ci-dessous chartes LXXVII et LXXVIII.) L’auteur du Cartulaire 

i 5 


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Cartulaire de La Charité . 


m 4 


usque redimatur ab eo vel ab heredibus suis. Feodum autem 
suum proprium quod situm in villa de Charitate tenet 
dominus Sado, de prefatis monachis, quod ipsi habent in 
vadimonio pro ducentis libris Giemensibus tenebunt supra- 
dicti monachi per quinque annos, ita quod in illis quinque 
annis redimi non poterit a prelibato Sadone vel ab alio 
aliquo. Expleto quinquennio dominus Sado si voluerit 
feodum illud redimere poterit, et per aliud quinquennium 
in manu sua illud tenebit, si fuerit ab eo redemptum, et 
invadiare vel vendere nulli poterit, nisi tantum dictis mona- 
chis. Hanc conventionem et laudationem a se fideliter tenen- 
dam juravit memoratus Sado super veram Crucem, in pleno 
capitulo monachorum. Et pro hoc toto faciendo donaverunt 
monachi ipsi Sadoni quinque mille solidos Giemenses et 
uxori sue quindecim libras Giemenses. Huic laudationi et 
conventioni interfuerunt dominus Odo de Montefalconis (i) 
et dominus Gaufridus (2), senescallus Nivernensis, qui ad 
petitionem domini Sadonis et monachorum in hujus facti 
testimonium et securitatem presenti carte sigilla sua appo- 
suerunt et bona fide promiserunt quod hanc conventionem 
et laudationem fideliter tenendam et garantisandam pro posse 
suo fideles erunt coadjutores et consultons. Actum est hoc 
anno verbi incarnati millesimo centesimo nonagesimo 
septimo, kalendas aprilis ( 3 ), in pleno capitulo, videntibus 
et audientibus Hugone de Borbonio suppriore (4), Vuilleimo 

ajoute : < Il y a encore à présent des gentilshommes en Nivernois de 
ce nom de Lepie. » ( Histoire manuscrite du prieuré , folio io 3 .) 

(1) Montfaucon, fief en Berry, près Sancerre, vendu en 1212 par 
Raoul d’Issoudun à Hervé, comte de Nevers ; après Eudes, on trouve 
le fief tenu, lors de cette vente, par Renaud de Montfaucon. ( Notice 
sur Hervé de Don^y, p. 33 .) 

(2) Gcoffroi de Pougues, qui paraîtra à la charte suivante. 

( 3 ) Pâques se trouvant le 6 avril en 1197, cette charte, datée du 
i' r avril, avant Pâques, doit être portée à 1198. 

(4) Hugues de Bourbon, alors sous-prieur, devint, vers 1216, le 
dix-huitième prieur de La Charité. 


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Argenvières. 


1 15 


Besordo, Vuillelmo, Hugone eleemosinario , Radulfo de 
Pogues, Renaudo de Galles, Guidone Garaut, Hugone 
Suavi, preposito de Charitate, Garino et Oberto Marot et 
Gaufridoet Herveo de Lorrioet multis aliis. 


XLIV. 

QUOMODO SADO DE PATINGIIS DEDIT GAUFRIDO DE 
POGIS FEODUM DE ARGENVERIIS. 


1208. 

Sadon de Patinges cède son droit sur le même fief d* Argen- 
vières à Geoffroi de Pougues et à ses héritiers . 

Ego, Sado de Patingiis, notum facio universis presentibus 
et futuris quod terra ilia de Argenveriis et terra ilia, juxta 
Argenverias sita, quam Joannes Pius et heredes sui titulo 
pignoris obligaverunt monachis de Charitate, essent de meo 
feodo. Ego autem feodum terrarum illarum dedi et concessi 
Gaufrido de Pogis, senescallo Nivernensi, et suis heredibus 
imperpetuum possidendum ; et hoc laudavit et concessit 
Agnes uxor mea , et ego et heredes mei predicto Gaufrido et 
suis heredibus donum istud tenemur contra omnes imperpe- 
tuum garantire , sigillo meo teste. Actum anno gratie mille- 
simo ducentesimo octavo. 


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Cartulaire de La Charité. 


1 16 


XLV. 

QUOMODO GAUFRIDUS DE POGIS DEDIT MONACHIS 
DE CHARITATE FEODUM SUPRADICTUM DE ARGEN- 
VERIIS. 


1209. 

Geoffroi de Fougues , sénéchal de Nevers , à son départ 
pour la croisade des Albigeois , abandonne aux religieux 
de La Charité , moyennant quatre cents livres de Gien . 
son droit sur le fief d’Argenvières. 

Notum sit presentibus et futuris quod ego Gaufridus de 
Polga, senescallus Nivernensis, pro salute patris et matris 
meeetmeo, dedi in perpetuam eleemosynam monachisdc 
Charitate, totum feodum de Argenveriis et de rebus illis que 
fuerunt Joannis Pii. Et hoc feci donum laude et assensu 
Elisabeth, uxoris mee, et Radulfi filii mei ; et ego et heredes 
mei tenemur garantire feodum illud ipsis monachis imper- 
petuum erga omnes. Propter istud feodum Gaufridus, prior 
de Charitate (1), et ipsa ecclesia, dederunt mihi crucesignato 
contra provinciales hereticos (2), quadringentas libras gie- 
menses, teste sigillo meo. Actum anno gratie millesimo 
ducentesimo nono. 


(1) Geoffroi II, frère du comte de Nevers, seizième prieur en 1209. 
déposé en 1212. (Voyez ci-dessus ch. XIX et XX.) 

(2) Le comte et l’évêque de Nevers, suivis de nombreux chevaliers, 
se rendirent à Lyon le 24 juin 1209, réunion des seigneurs croisés 
contre les Albigeois. ( Hervé de Don^y, p. 28.) Cette charte doit être, 
comme la suivante, au plus tard des premiers jours de juin. L’auteur 
du Cartulaire ajoute au sujet de la terre d’Argenvières : « Elle est 
encore à présent dépendante du prieuré de La Charité, avec haute, 
moyenne et basse justice. » ( Histoire manuscrite du prieuré , folio J 00.' 


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Argenvières. 


1 17 


XLYI. 

CARTA GUILLELMI EPISCOPI NIVERNENSIS DE EODEM 
FEODO DE ARGENVERIIS. 


1209 Juin. — » Nevers. 

L'évêque de Nevers reconnaît la donation irrévocable du 
fief d' Argenvières par Geoffroi de Pougues aux religieux 
de La Charité . 

Guillelmus Dei patientia Nivernensis episcopus (1) omni- 
bus présentes litteras inspecturis in Domino salutem. 
Noverint omnes quod Gaufridus de Pogua, senescallus 
Nivernensis, in nostra presentia constitutus, recognovit se 
dedisse in perpetuam eleemosynam monachis de Charitate 
totum feodum de Argenveriis et de rebus illis que fuerunt 
Joannis Pii. Protestatus est etiam coram nobis quod hoc 
donum fecit, laude et assensu Elisabeth uxoris sue et Radulfi 
filii sui , et quod ipse Gaufridus et heredes ipsius tenentur 
garantire ipsum feodum dictis monachis imperpetuum erga 
omnes ; ad petitionem autem dicti Gaufridi has sigillo nostro 
litteras confirmamus. Actum apud Nivernenses anno gratie 
millesimo ducentesimo nono, mense junio. 

(1) Guillaume de Saint-Lazare, évéque de Nevers, 1201-1221. 


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Cartulaire de Là Charité . 


1 18 


XLVII. 

CARTA DE QUARTALAGIO SALIS ET ANNONÆ ET 
RERUM OMNIUM QUÆ IN RIVAGIUM CHARITATIS 
ADVENERINT (i). 


1 107. 

Accord entre le prieur Eudes Arpin et Adam Le Meschin ; 
celui-ci renonce à son droit de rivage pour toutes mar- 
chandises et de cartelage pour le blé et le sel ; il approuve 
également les donations diverses faites autrefois par son 
père . 

In nomine sanctæ et individu» Trinitatis. Ad posterorum 
memoriam literarum apicibus dignum est annotari, qualiter 
Adam Meschinus, filius Adam de Cresno, de omnibus que- 
relis quas adversus monachos Sanctæ Mariæ de Charitate 
habebat, inconcordiam et perdonationem venerit. Statucrunt 
igitur diem domnus Odo Arpinus prior et ipse Adam, quode 
eisdem querelis in unam venirent concordiam. Concessit 
igitur ut de quibuscumque rebus quæ in rivagium hujus 
villæ, in terra nostra venerint, nihil accipiat ; totumque 
monachis habendum dereliquit quartalagium salis, per 
totam terram monachorum ; quartalagium (2) vero annonæ 
ubique cujuscunque sit terra, sive sua, sive aliorum de toto 

(1) Cette charte est publiée partiellement en note par Raynal ( His- 
toire du Berry t I, 405 ) à propos de Eudes Arpin, ancien vicomte de 
Bourges et troisième prieur de La Charité, de 1107 à n 3 o. Cette 
donation dut avoir lieu dès le commencement de son administration. 

(2) L’explication de ce mot est empruntée à notre charte : 

< Quartalagium idem quod Cartalagium seu jus percipiendi quartas 
vel certas mensuras ex rebus siccis venalibus vel transeuntibus. 
Chart. an. 1107 ex archivo B. M. de Charitate. Quartalagium salis et 
annonæ in rivagio Charitatis. » (Ducange.) 


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Champfraud , près Bourges. 


U9 


burgo Charitatis. Concessit etiam prædictus Adam terram 
communem mediæ plantationis , furnum scilicet et cætera 
ædificia post obitum suum, sive hæredem habeat, sive non 
habeat, sicut hoc quoque pater ejus vivens concesserat ; 
medietatem etiam exclusæ in quamcunque partem cursus 
Ligeris fluat , sed et omne quod pater ejus vel antecessores 
monachis contulerunt, ipse quoque concessit et laudavit. 
Huic ex parte ejus testes sunt Hugo de Castellione, Gibaudus 
de Sancto Verano, Rainaldus Normannus, Rodolfus de 
Bosco, Hugo de Tronceangiis; ex parte monachorum, Théo- 
doricus de Montefalconis, Hugo de Tüio, Gaufredus Dado, 
Galterius de Pino, Vualterius, Fruinus, Arnulfus Juvenis, 
Odo de Albiniaco et Aicardus Bertrannus, Mainardus Ade- 
linus præpositus, Archimbaldus, Valterius Brito et Letericus 
frater ejus et multi alii. Factum publice apud Sanctam 
Mariam de Charitate, in manu domini Odonisprioris, cogno- 
mento Arpini, anno ab incarnatione Domini millesimo cente- 
simoseptimo, indictione décima quinta, régnante Philippo 
Francorum rege, Vuillelmo (i) Nivernorum comité. 


XLVIII. 

CARTA BARTHOLOMEI DE MURO, DE CAMPO- 
FROALDI ( 2 ). 


un. — La Charité , puis Bourges. 

Barthélemy du Mur fait don à La Charité d'une vigne et 
d'une ouche à Saint-Ou trille, près Bourges , d'un pré 
de deux arpents , de droits en deniers et en avoine sur les 

(1) Guillaume II, de 1101 à 1x48. 

(a) Quelque» extraits de cette charte ont été imprimé» par Raynal. 
(Histoire du Berry , I, p. 409.) 


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120 


Cartulaire de La Charité . 


colons , de l'usage dans le bois de Champfraud. Il y 
ajoute des tonnes et cuves pour contenir environ trois 
cents muids de vin et des coffres pour vingt muids de 
grain , plus, à sa mort, la moitié de ses hardes et de ses 
bestiaux . Peu après , à Bourges , dans le cloître de Mon - 
termoyen , il donne encore , du consentement de ses 
enfants , tout ce qu'il s'était réservé à Champfraud et une 
grande maison à Bourges . 

Barthélemy avait donné ses biens à l'instigation de son fils 
Robert, religieux à La Charité ; il avait espéré faire ses 
vœux lui-même avec Eudes, son plus jeune fils, mais 
celui-ci ne se décidant pas à renoncer au monde , il sup- 
plia le prieur Eudes Arpin de réduire les donations , 
pour ne pas lui faire déshériter entièrement son fils. Le 
prieur garda tout Champfraud et deux arpents de pré à 
Marmagne ; il rendit la maison et la vigne , en réservant 
pour le couvent le droit de retour à défaut de postérité, 
une redevance annuelle d'une charretée de vin , en signe 
d'hommage, et enfin la préférence pour un gage de cent 
livres à verser dans les conditions ordinaires de garantie. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Noverint 
præscntes et posteri quod ego, Bartholomeus deMuro(i), 
pro remedio patris ac matris atque uxoris, omniumque ante- 
cessorum meorum, simulque pro amore filii mei Roberti 
monachi, atque pro remissione peccatorum meorum, trado 
et concedo Deo et Sanctæ Mariæ et monachis de Charitate, 
clausum vineæ meæ, quod extra murum Bituricæ civitatis, 
inter ecclesiam Sancti Austregisili et flumen Aurionis (2), ita 

(1) On trouve un Pierre du Mur rendant hommage au comte de 
Nevers en i 3 io. (Inventaire de Marolles , p. 496 .) 

(2) Saint Outrille, ancienne chapelle, siège d’un chapitre, située au 
bas du château, aujourd’hui la préfecture, et près de la rivière 
d’Auron. (A. de Kersers, Statistique du département du Cher , 
Bourges, p. 206.) 


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Champfraud, près Bourges . 


I 2 I 


videlicet ut idem clausum, quoad vixero, de monachis 
teneam ; post meum vero ab hac luce decessum, erit prorsus 
illorum jure possidendum perpetuo. Olchiam quoque do eis 
quæ est inter clausum et flumen Aurionis, simili modo, et 
aliam planam terram quæ est ultra molendinum Sancti 
Stephani et pertingit usque ad vadum Petræ. Duos etiam 
arpennos pratorum trado illis præsentialiter qui fuerunt 
Stephani Galabide consanguinei mei. Do illis etiam duos 
denarios salvamenti (i) de unoquoque villano et totam 
avenam de habitantibus villanis, quam etiam de habitaturis 
qui eam hoc modo reddunt, ut ii qui cum bobus terram 
colunt unum sextarium avenæ reddant, alii vero dimidium, 
tantumque de bosco Campi-Froaldi ( 2 ) quantum eissufficiat 
ad domos et vineas faciendas, vel ad quæcumque voluerint 
in suo dominio. Trado illis et domum Arberti, archipres- 
byteri de Brierio ( 3 ), in eo in quo nunc est sita loco, aut in 
quo eam postmodum removebo. Tonnas quoque trecentos 
vini modios continentes et cupas quæ ad eamdem mensuram 
vinum continere sufficiant, nec non et areas (4) viginti 
annonæ modios capientes. Præter hoc universorum panno- 
rum meorum omnis generis dimidium eis do, non quidem 
præsentialiter, sed vel ante mortem meam vel in morte. 
Boum quoque ac vaccarum atque porcorum meorum dimi- 
dium. Hujus rei testes sunt Rodulfus Cocus, Arnulfus de 
Monastello-medio , Arnaldus Berillus, Petrus Dalphinus, 
Adelinus præpositus, Archimbaldus, Aymericus servientes. 

(1) Salvamentum , redevance due par les tenanciers à leur seigneur 
pour la protection de leurs personnes et de leurs choses. 

(2) Champfraud, domaine, commune de Saint-Capraix, près Bourges. 
On y voit encore l’écu aux trois bourses , armes du prieuré. 

( 3 ) Bruère et La Celle-Bruère , archiprêtré, puis simple église, près 
Dun-le-Roi. 

(4) Area , arche ou coffre de grande dimension pour contenir des 
grains. Ducange cite à ce mot la phrase de notre charte empruntée 
aux archives de La Charité : Ex archivo B. M . de Charitate. Tonna 
et cupa désignent des futailles pour les vins. 

16 


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122 


Cartulaire de La Charité . 


Vuido de Chaslone, Rodulfus de Bosco, Rodulfus Bodo. 
Actum publice in capitulo beatæ Mariæ de Charitate. 

Post hoc etiam donum, quod apud Sanctam Mariam de 
Charitate factum est, fecit ipse Bartholomeus aliud donum 
apud Bituricas, in claustro beatæ Mariæ de Monastello 
medio (i), totum videlicet quod in eadem terra Campi- 
Froaldi retinuerat, sine ulla retentione post obitum suum 
monachis donavit atque concessit. Hoc donum laudavit 
filius ejus Odo, et Aremgardis filia ejus et maritus i psi us 
Gaufridus, et Robertus eorum filius , et Thomas de cujus 
feodo erat, videntibus Raymundo Bechet, Sulpitio de Con- 
corcialo, Stephano Guissa curta, Odone de Muro, Odone 
Dapifero, Roberto Meschino. Deinde crescente devotione 
donavit dominus Bartholomeus Deo et Sanctæ Mariæ de 
Charitate suam m:^nam domum quæ est intra murum 
Bituricæ civitatis, et totum casale iu quo sita est, cum 
omnibus quæ ad casale pertinent ; quam scilicet donationem 
per manum filii sui domni Roberti monachi misit priori et 
conventui de Charitate. Proposuerat quippe ut, si fieri posset. 
et se et filium suum parvulum Odonem, quem habebat, cum 
omnibus rebus suis Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate tra- 
deret. Postea vero videns supradictum filium suum Odonem 
nolle sæculum relinquere, et quod proposuerat non posse 
adimplere, expetiit domnum Odonem (2) , priorem de 
Charitate, et omnia supradicta dona quæ ante donaverat 
recognoscens, omnium donationem iterum ipse et Odo filius 
ejus in manum prioris miserunt. Ac inde pater obnixe pro 


(1) Notre-Dame de Montermoyen ou Montermain , ancien monas- 
tère de femmes, puis chapitre de chanoines réguliers. La chapelle, 
dont il ne reste que quelques vestiges, était située au nord-ouest 
de la caserne , rue du Vieux-Poirier. ( Statistique du Cher , Bourges, 
p. 216.) 

(2) On se rappelle le prieur Eudes Arpin, vicomte de Bourges aupa- 
ravant. Sa haute situation avait dû provoquer cette donation et 
explique le rôle délicat qui lui fut donné en cette circonstance. 


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Champfraud , près Bourges . 


123 


filio suo, ne ilium exhæredaret, priorem rogavit. Prior vero 
locutus est cum consilio et Bartholomeus similiter cum suo. 
Hanc concordiam et conventionem inter se fecerunt ut 
dominus Bartholomeus totam villam, quæ Campus-Froaldus 
vocatur, cum omnibus quæ inibi habebat Deo et Sanctæ 
Mariæ de Charitate imperpetuum possidendam in præsenti 
traderet; partem scilicet quam antea monachis dederat et 
partem quam in vita sua retinuerat. Addidit etiam huic 
dono quatuor arpennos pratorum apud Marmanniam (i), 
laudante hoc ipsum donum filio suo Odone. Prior vero 
concessit supradicto Odoni filio Bartholomæi suam magnam 
domum et magnum clausum vinearum , tali conditione ut si 
sine legitimo hærede filiorum aut filiarum obierit, simi- 
liter si filii filiorum aut filiarum sine legitimis filiis aut filia- 
bus obierint, et ut totum breviter dicatur, ubicunque légitima 
posteritas filiorum aut filiarum defecerit , omnia quæ 
supra diximus ad locum de Charitate revertantur; nullus 
enim alius hæres hæreditare valebit. Quicunque vero ex 
supradictis hæredibus hoc clausum habuerit, ad cognos- 
cendum quod de monachis illud teneat, per singulos annos 
quoddam plaustrum (2) vino mero onustum illis dabit. 
Sciendum vero quoniam si filius domini Bartholomæi, 
aliqua necessitate compulsus, pecuniam mutuo accipere 
voluerit, usque ad centum libras denariorum medietanæ 
monetæ (3), super prædictam domum et clausum, a mona- 
chis de Charitate accipiet, ita tamen ut securos illos faciat, 
quod nec per se nec per alium quemlibet de isto vadimonio 
aliquam violentiam vel injuriam illis inférât, donec tantam 
pecuniam reddat. Actum publice inter Bituricas et Ayas (4), 
anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo unde- 

(1) Marmagne, canton de Mehun-sur-Yèvre, près Bourges. 

(2) Plaustrum est pris dans le sens de char, charretée. A titre de 
reconnaissance il devait une voiture chargée de vin. 

( 3 ) Probablement monnaie de moyenne valeur. 

(4) Les Aix-d’Angillon, canton à vingt kilomètres de Bourges. 


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124 


Cartulaire de La Charité. 


cimo, indictione quarta, régnante Ludovico rege Franco- 
rum, præsente domno Odone, priore de Charitate, cum 
monachis suis, Henrico filio comitis Stephani (i), Roberto 
monacho filio domini Bartholomei, Stephano capellano 
prioris. Fuerunt et laïci testes, ex parte monachorum, Wal- 
terius, Fruinus, milites, et famuli eorum Stephanus, 
Rodulfus, Bernardus, Alvredus, Hugo. Ex parte domini 
Bartholomei et ejus filii Odonis fuerunt testes : Rainaldus 
Guissa curta, Rainaldus Bechet, Arnulfus de Monastello 
medio, Paganus, Hyreus, Hugo, Senerillus. 


XLIX. 

CARTA HUGONIS DE TILIO PRO EJUS UXORE 
ERMENGARDE, DE NARCIACO. 


1121 Août i 5 . 

Ermengarde, à ses derniers moments , ayant chargé 
Hugues de TU, son mari , d'obtenir sa sépulture dans 
Véglise de La Charité et de faire don aux religieux de 
ce qu'elle possédait à Narcy, celui-ci, après P enterre- 
ment , en présence des évêques de Nevers et d'Auxerre , 
du prieur Eudes et de son chapitre , donne tous ses biens 
de Narcy et de la Bertrange , à l'exception des hommes 
et des tenanciers. A cette occasion , Hugues et sa femme 
sont inscrits pour un anniversaire. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Notum sit 
omnibus quod Ermengardis, uxor Hugonis de Tilio (2), 

(1) Henri, évêque de Vinchester, mort en 1171 , 3 # fils d’Etienne, 
comte de Blois. 

(2) Ce personnage paraît fréquemment dans nos ‘chartes et dans 
celles d’Auxerre. Ce fut sans doute lui qui rendit, de concert avec saint 


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Narcy . 


125 


infirmitate qua et obiit prægravata, rogavit eumdem virum 
suum , ut se ad Sanctam Mariam de Charitate deferri et ibi 
sepeliri faceret, donaret etiam eidem ecclesiæ pro salute 
animæ suæ aliquid de terra sua , videlicet quidquid habebat 
apud Narciacum (1), et in tota potestate Narciaci, quod sci- 
licet de capite ipsius erat. Hanc ejus petitionem viderunt et 
audierunt Hubertus de Talaia, Robertus de Bosco, Rainaldus 
Voce, Rainaldus Morellus. Itaque postquam corpus ejus illuc 
delatum est ibidem sepultum, introiens præfatus Hugo capi- 
tulum monachorum , præsentibus episcopis Hugone Autis- 
siodorensi et Fromundo Nivernensi (2), præsente etiam 
domno Odone totoque conventu, donavit eis pro anima 
uxoris suæ Ermengardis, sicut illam adhuc viventem ab ipso 
petiisse et denominasse supradixit, quidquid omnino in 
dominio suo habebat apud Narciacum et in tota potestate 
Narciaci et in Lasteioet in Britannia ( 3 ). Excepit vero casatos 
suos et homines quosdam, scilicet Rainaldum de Burgonovo 
et Andream fratrem ejus, Josbertum quoque mercatorem, et 
fratrem ejus Paganum et hoc quod in uxore Stephani de 
Narciaco habebat. Hoc viderunt et audierunt, ex parte ejus, 
Vuillelmus, cornes Nivernensis (4), Hugo Mansellus, Vuil- 
lelmus de Monte Nesione (5), Hubertus de Talaia, Robertus 
de Bosco, Rainaldus Voce. Ex parte monachorum, Hugo 
præpositus, Ebrardus, Baraldus, Archimbaldus, Normannus, 

Bernard, une sentence sur le testament de Guillaume II, comte de 
Ncvers, en u5o. (Lebeuf, t. III, p. 83.) 

(1) Narcy, canton de La Charité, fief de la châtellenie de Nevers. 

(2) Fromond, évéque de Nevers, 1 121-1143. Hugues de Montaigu, 
évéque d’Auxerre, 1 1 14-1136. 

(3) La forêt de la Bertrange, entre La Charité et Beaumont-la-Fer- 
rière. Lasteium désigne vraisemblablement Lâché, commune de Vitry- 
Laché, canton de Brinon. Lascheium , Lachay était un fief de la châ- 
tellenie de Montenoison. 

(4) Guillaume II comparaît comme suzerain direct. 

(3) Montenoison, canton de Prémery. Importante châtellenie du 
comté de Nevers, qui comprenait cent trente fiefs dans son ressort. 


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I2Ô 


Cartulaire de La Charité . 


Thomas de Hospitio, Landricus, Petrus films Aymerici, alii- 
que perplures. Factum est hocanno ab Incarnatione Domini 
millesimo centesimo vicesimo primo, indictione décima, 
régnante Ludovico Francorum rege, die Assumptionis beatæ 
Mariæ. 

Præceptum igitur et constitutum est adomno priore Odone 
totoque conventu ut anniversarium ejusdem Ermengardis, 
necnon et Hugonis viri ejus, postquam et ipse obierit, in 
ecclesia beatæ Mariæ de Charitate perpetuo fiat et die eodem 
de redditibus terræ supradictæ con ventus reficiatur ( i ). Igitur 
de omnibus jussit Hugo de Tilio cartam fieri, et ut apud 
posteros rata et firma permaneant, domni Hugonis Autissio- 
dorensis episcopi, qui præsens affuit, sigillo muniri. 


L. 

CARTA ALIA HUGONIS ITEM DE NARCIACO. 


1 146 circa. 

Hugues de Narcy donne aux religieux de La Charité un 
alleu , une maison , la moitié des revenus du four et tous 
ses biens de Narcjr. Itier, son suzerain, reçoit une somme 
de mille sous et sa femme un présent , pour approuver cet 
acte . Quelque temps après Hugues de Narcjr, ayant pris 
la croix, renouvelle sa donation en présence du comte de 
Nevers , et les moines consentent à fournir , à titre de 
secours , trois cents sous à lui et une prébende à sa 
femme, sa vie durant . 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, Patris , Filii et 
Spiritus Sancti. Noverint præsentes et futuri quod Hugo de 


(1) Leur anniversaire est inscrit dans Tobituaire du prieuré de La 
Charité à Tannée 1121. 


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Narçy. 


127 


Narciaco vuerpivit, Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate, me- 
dietatem furni de Narciaco, quam de ipsis monachis de Cha- 
ritate tenebat, et alodium illius et domum et quidquid in 
furno habebat. Hoc autem donum laudavit Iterius, dominus 
ejus, Nivernis, coram domino Vuillelmo, Nivernensi comité. 
Fuerunt hujus rei testes dominus Vuillelmus , Nivernensis 
cornes, et Vuillelmus filius ejus, et Hugo de Tilio, et Adam 
deMarchia, et Robertus-de Bosco, Vuillelmus Garaldus, 
Hubertus de Talai, Hugo de Boannai, et alii plures. Uxor 
autem Iterii similiter hoc donum laudavit et filius ejus et filia 
et omnes infantes illius concesserunt et laudaverunt. Mona- 
chi vero propter hoc Iterio mille solidos dederunt , uxor 
quoque ipsius, similiter a monachis quo et ipsa hoc donum 
laudaret, munus habuit. Post hæc autem, aliquanto transacto 
tempore, sæpedictus Hugo de Narciaco, Hierosolymam adiré 
disponens (1), venit Charitatem et coram domno Petro. 
priore, cognomento de Polo (2) et senioribus Charitatis , 
coram etiam Vuillelmo Nivernensi comité et aliis multis qui 
tune præsentes aderant, iterum sicut ante jam fecerat, vuer- 
pivit Deo et Sanctæ Mariæ de Charitate cum bona voluntate 
sua quidquid in furno de Narciaco habebat in perpetuum. 
Pro hac itaque re monachi dederunt ei , charitatis intuitu, 
trecentos solidos et uxori ejus, quoniam et ipsa hoc bene 
laudavit, unam prebendam quamdiu viveret. Sunt autem 
hujus rei testes dominus Vuillermus, cornes Nivernensis, in 
cujus conspectu hæc omnia gesta sunt, et Adam de Marchia, 
Robertus de Bosco, Vuillelmus Garaldus, Humbertus de 
Talai, Vulgrinus prepositus, Hugo de Boannai, et alii multi 
qui hæc omnia viderunt et audierunt. 

(1) La deuxième croisade, où fut le roi Louis VU, se prépara de 
1145 à 1147, époque du départ du roi. La mention de cet événement 
et la présence des témoins cités permettent de fixer approximative- 
ment la date de cette charte à 1146. 

(2) Pierre de Paule, cinquième prieur de La Charité, 1138-1x47. 


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128 


Cartulaire de La Charité. 


LL 

CARTA LUDOVTCI VII, FRANCORUM REGIS, DE QUA- 
TUORDECIM MODIIS FRUMENTI SINGULIS ANNIS 
SUPER MOLENDINA SUA PERCIPIENDIS APUD BITU- 
RICAS. 


ii 38. « Bourges. 

Louis Vil , roi de France , donne aux religieux de La Cha- 
rité quatorze muids de froment , à prendre sur les profits 
de ses moulins de Bourges , à la condition de célébrer à 
perpétuité et avant tout autre , un anniversaire le jour de 
son décès et du décès de son père le roi Louis VI. 

In nomine Domini, ego Ludovicus, Dei gratia Francorum 
rex et dux Aquitaniæ, notum facimus universis fidelibus, 
tam futuris quam præsentibus, quod nos pro remedio animæ 
patris nostri piissimi Ludovici et antecessorum nostrorum et 
nostræ, sanctissimæ ecclesiæ de tf Charitate nobis charissimæ 
donavimus et in æternum concessimus, de frumento nostro 
apud Bituricas, singulis annis, ad supplendum victum mo- 
nachorum modios quatuordecim. Nos vero ab eisdem mona- 
chis postulavimus et ipsi nobis concesserunt per manum 
domni Pétri prioris (i) ut anniversarium diem obitus patris 
nostri et nostrum (2) similiter in æternum in eadem ecclesia 
faciant, et pro nulla occupatione prætermittant. Quod ut 
perpetuæ stabilitatis obtineat munimentum scripto commen- 
davimus et sigilli nostri authoritate et nominis nostri carac- 
there subter firmamus. Actum publiée apud Bituricas in 

( 1 ) Pierre de Paule, cinquième prieur, environ ii 38 à 1143. 

(2) Louis VI, le Gros, mourut à Paris le i* r août 1137; Louis VII, 
le 18 septembre 1180. Leurs deux anniversaires sont marqués à 
Tannée ii 38 dans le nécrologe de La Charité. 


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Moulins de Bourges . 


12g 


palatio nostro anno Incarnationis Dominicæ millesimo cen- 
tesimo tricesimo octavo, regni nostri secundo, astantibus in 
palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa, 
dapifero nullo. Signum Vuillelmi Buticularii (1), signum 
Mathæi constabularii (2), signum Mathæi camerarii ( 3 ). Data 
per manum Algrini (4) cancellarii. 

(Monogramme.) 


LU. 

CARTA ALLA EJUSDEM REGIS, PRO SEXDECIM MODIIS 
FRUMENTI , SUPRA DICTA MOLENDINA PERCI- 
PIENDIS. 


1146. — Nevers. 

Autre charte de Louis VII exposant que les quatorze muids 
de blé donnés par Louis VI à La Charité , sans désigna- 
tion exacte , avaient bien été attribués , sur la demande du 
prieur Pierre de Paule , aux moulins de Bourges ; mais 
comme on les livrait moitié ras , moitié avec faite , le roi , 
pour éviter toute contestation , prescrit le don de sei$e 
muids ras , mesure de Bourges , à V époque du Carême. 

In nomine sanctæ et individu» Trinitatis, Ludovicus, Dei 
gratia, rex Francorum etdux Aquitanorum. Omnino conve- 

(1) Guillaume de Senlis, surnommé le Loup, fut bouteiller de France 
jusqu’en 1149 environ et mourut en 1187. 

(2) Mathieu I #r de Montmorency venait d’être nommé connétable en 
cette année ii 38 et occupa cette fonction jusqu’à sa mort, en 1160. 
(P. Anselme, Grands officiers de la couronne.) 

(3) Mathieu 1 er , comte de Beaumont-sur-Oise. 

(4) Aigri n, chanoine d’Étampes et chapelain du roi, chancelier, 
d’environ xi35 à 1140. 

»7 


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i3o 


Cartulaire de La Charité. 


niens est ut eleemosynas quas facimus certo alicubi loco 
designemus , ne bat instabile aut vagum , quod expedit esse 
sempiternum , notum proinde facimus universis, et præsen- 
tibus pariter et futuris, quod quatuordecim modios trumenti, 
quos ecclesiæ Sanctæ Mariæ de Charitate felicis memoriæ 
Ludovicus, rex Francorum, genitor noster, apud Bituricas 
in eleemosynam absque tamen certa designatione donaverat, 
in molendinis nostris Bituricensibus, precatu Pétri de Paulo, 
tune temporis ejusdem ecclesiæ prioris dilectissimi nostri, 
rata nimirum et immobili diffinitione imposterum assigna- 
vimus. Etquoniam prænumeratorum medietas erat, ut vulgo 
dicitur, ad rasum, medietas autem ad cumulum (i), pro qua- 
tuordecim modiis frumenti sexdecim modios frumenti ad 
mensuram Bituricensem et ad rasum suppleri statuimus, qui 
ad victum monachorum, singulis in perpetuum annis, de 
molendinis nostris in quadragesimo persolvantur. Quod ut 
stabile semper inconcussum permaneat, scripto commendari, 
sigilli nostri authoritate muniri, nostrique nominis trans- 
cripto caracthere corroborari præcepimus. Actum publice 
Nivernis, anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo 
quadragentesimo sexto, regni vero nostri decimo, astantibus 
in palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa. 
Signum Radulfi, Viromandorum comitis, dapiferi nostri ( 2 ), 
signum Vuillelmi Buticularii, signum Mathei camerarii, 
signum Mathei constabularii. Data per manum Cadurci (3) 
cancellarii. 

(Monogramme.) 


(1) Le boisseau était rez, ad rasum, ou bien grande mesure avec un 
sommet, ad cumulum , enfaîté. 

(2) Raoul, comte de Vermandois, sénéchal, de ii 3 i à 1147. 

( 3 ) Cadurc, chancelier de 1140 à 1147. Pour le connétable et cham- 
brier, voyez charte précédente. 


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Moulins de Bourges. 


3 i 


LUI. 

MANDATUM LUDOVICI VIII REGIS PRO SOLVENDIS 
PREFATIS SEXDECIM MODIIS FRUMENTI. 


1223 Septembre. — Bourges. 

Louis VIII commande à ses officiers d'installer à ses mou - 
lins de Bourges , au Carême , un sergent du prieur de La 
Charité , pour recevoir les sei\e muids de froment. , 

Ludovicus, Dei gratia Francorum rex, omnibus meis 
Bituresii salutem. Mandantes vobis, prccipimus quatenus 
priorem Charitatis, singulis annis in quadragesima, permit- 
tatis ponere unum de servitoribus suis, ad sumptus suos, qui 
recipiet sexdecim modios frumenti , quos percipere debet in 
molendinis nostris Bituricarum , sicut in literis felicis me- 
morie avi nostri Ludovici , quondam regis Francorum 
plenius continetur. Actum Bituricis, anno Domini millesimo 
ducentesimo vicesimo tertio, mense septembri. 


LIV. 

MANDEMENT DU DUC DE BERRY A SON BAILLY DE 
BOURGES POUR LE PAYEMENT DES 'SEIZE MUIDS 
SUSDICTS. 


1 365 Mars 10. — Paris. 

D'ap'ès la requête des religieux de La Charité au duc de 
Berry , ils avaient de temps immémorial le droit de 
mettre , en Carême , un de leurs gens aux moulins le Roi , 
avec une clef du coffre des recettes , jusqu'à parfait paye - 


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i32 


Cartulaire de La Charité. 


ment de sei\e muids de blé. Les profits des moulins venant 
à être perçus directement par le domaine du duché , et les 
officiers s'opposant à 1* accomplissement de cet usage , sans 
mandat spécial , le duc Jean ordonne de laisser les reli- 
gieux jouir de leur rente comme par le passé. 

Jean, filz de Roy de France, duc de Berry et d’Au- 
vergne (i), à nos bailly et receveur de Bourges et à tous nos 
autres officiers ou à leurs lieutenans, salut. Ouye la suppli- 
cacion de nos bien amez les religieux, prieur et couvent de 
La Charité sur Loyre, contenant comme ils ayent accoustumé 
de prendre et avoir chascun an sur les moulins que l’on dit 
les moulins le Roy, à Bourges, seize muids de froumentàla 
mesure du lieu et de mettre, de par eulx , esdiz moulins, le 
premier jour de Caresme, un de leurs gens ou officiers, qui 
aye une des clefs de la huche où l'en met le froument que 
iceux moulins gaignent ( 2 ) , et ne s'en part jusques à ce que 
lesdiz religieux soient payez entièrement desdiz seize muids 
froument ; et de ces choses ayent esté et soient en possession 
et saisine, et en ont joui et usé paisiblement de tel et si long 
temps qu’il n’est mémoire du contraire, et il soit ainsy que 
lesdiz moulins qui d'ancienneté ont esté et sont du domaine 
de nostre duché, lesquelz souloient tenir en sa main le 
Borgne de Levis (3), soient de nouvel venus en nostre main, 

(1) Jean de France, troisième fils du roi Jean, né le 3o novem- 
bre 1340, duc de Berry en i36o, mort à Paris le i5 juin 1416. 

(2) Les meuniers se payaient ordinairement en nature. Le Uvrt 
des métiers et l’ordonnance du roi Jean, de 1 35 1 , disent à ce sujet : 
c Les meusniers prendront, à Paris, de mouldre ung sextierdeblé 
douze deniers parisis et non plus, ou ung boissel rez du blé quilx 
mouldront. > Ces grains constituaient des profits en nature, sur 
lesquels les religieux prélevaient leur compte. 

(3) Les moulins des Quatre-Pclles, construits sur l’Yèvre, près Saint- 
Privé, formaient une censive dont la propriété s’éteignit à défaut 
de mâle dans la famille. Ils furent détruits par les Anglais au 
quinzième siècle. 


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Moulins de Bourges . 


1 33 


ex en ayons à présent les proffitz et emolumens, et pour ce 
soyons tenus de payer ce en quoi ils sont chargez envers 
lesdiz religieux ; et combien que par certain temps que lesdiz 
moulins ont esté en nostre main, par deffault d'homme, et 
en ayant reçeu les proffiz, lesdiz religieux ayent joui et usé 
paisiblement de leur droit, possession et saizine dessusdicte, 
au veu et au sceu de nos gens et officiers et non contredisans, 
neantmoins vous ou aucun de vous, en ceste présente année, 
avez contredit et refusé de laisser lesdiz religieux jouir et 
user de leur droit, possession et saizine, en la maniéré qu’ils 
ont accoustumée , et de leur payer ladicte rente , disans que 
sans avoir mandement de nous sur ce, ne l'ausiez bonne- 
ment faire, si comme lesdiz religieux disent, en nous sup- 
plians comme ladicte rente ils ayent jouy paisiblement par 
le temps dessusdict jusques a ceste année, et ayent moult 
perdu par le faict des guerres, que sur ce leur voulions pour- 
voir de gracieux remede. Nous, considéré ce que dit est, qui 
ne voulons les droicts des églises estre diminués, mais iceulx 
accroistre, vous mandons et a chascun de vous, si comme a 
luy appartiendra estroittement enjoignons, en commettant, 
si mestier est, que s’il vous appert deuement des choses 
dessusdictes, lesdiz religieux et leurs gens vous faites, souf- 
frez et laissez jouir et user paisiblement de leur rente, 
saizine et possession dessusdicte, en leur souffrant et laissant 
prendre et estre payez de leur dicte rente doresnavant, en la 
maniéré et selon qu'il vous apparoistra avoir faict lesdiz 
religieux, avant que lesdiz moulins feussent dernièrement mis 
en nostre main, en ostant tout empeschement qui par vous 
ou aucun de vous y auroit sur ce esté mis, se aucun y en 
avoit, lequel en ce cas nous ostons par ces présentes, nonobs- 
tant nos ordonnances, mandemens ou deffenses faictes ou a 
faire au contraire. Donné à Paris le dixiesme jour de mars, 
l’an de grâce mil trois cent soixante et cinq, sous le scel de 
nostre secret, en l’absence de nostre grand. 

Par monsieur le duc et à la relacion de l’evesque de 


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i34 


Cartulaire de La Charité . 


Nevers (i), signé de Chery, et scellé en cire rouge, aux 
armes du duché de Berry, qui sont semé de France (2). 


LV. 

QUOMODO VUILLELMUS, NIVERNENSIS COMES, OMNES 
POSSESSIONES CHARITATIS IN SUO FEODO SITAS 
CONFIRMA VIT (3). 


1143 et 1223 Février. 

Vidimus par V évêque d'Auxerre d'une charte de Guillaume , 
comte de Nevers , dans laquelle , sur le point d'entrer à la 
Chartreuse , il donne son consentement à toutes les acqui- 
sitions que les religieux de La Charité pourront faire 
dans le comté. Il renonce à tout droit de péage et d'hô- 
tellerie dans leurs habitations et à toute suzeraineté sur 
le monastère et la ville de La Charité. 

Henricus, Dei gratia, Autissiodorensis episcopus (4). uni- 
versis présentes litteras inspecturis, salutem in Domino. 
Noveritis nos verbo ad verbum legisse et inspexisse chartam 

' 1 ) Pierre Aicelin de Montaigu, évêque de Nevers en i36i, avait été 
chancelier du duc de Berry et resta toujours du conseil de ce prince. 
(L. de Saintemarie, Recherches sur Nevers , p. 292.) 

(2) Note du manuscrit. — Il y a deux autres mandemens du susdit 
duc de Berry, dans le trésor de monsieur le prieur de La Charité, dans 
le logis prioral, portant ordre à son grenetier de Bourges de payer la 
susdicte rente auxdits religieux de La Charité, pour les années z 367 
et 1371. 

( 3 ) Cette charte est imprimée dans le Gallia Christiana , t XII, 
col. 114, instrumenta. 

(4) Henri de Villeneuve , cinquante-neuvième évêque d’Auxerre, 
1220-1234. 


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Le comte Guillaume. 


1 3 5 


domini Guillelmi, comitis Nivernensis, spectantem ad eccle- 
siam de Charitate, sub hac forma : 

In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Notum 
sit presentibus et futuris quod ego Vuillermus, Nivernensis 
cornes, ecclesiam beate Marie de Charitate, honestate et reli- 
gione pollentem, ab omni perturbatione quietam meis et 
successorum meorum temporibus desiderans, et particeps 
beneficiorum servorum Dei fieri volens, eo tempore quo 
vitam meam mutarc et Carthusiam pro agenda penitentia 
adiré disponebam, cum duobus filiis meis, Vuillelmo et 
Rainaldo (i) apud dictam Charitatem veni, ibique assisten- 
tibus ipsis filiis meis, clericis quoque, militibus et aliis 
multis, venerabili viro Petro ( 2 ) priori et sacro conventui de 
Charitate supplicavi ut me facere participem beneficiorum 
que fiunt ab eis dignarentur. Quod cum mihi concessissent, 
ego, pro salute tam mea quam parentum meorum, laudavi et 
concessi dictis monachis quidquid de feodo meo, casamento- 
que, quocumque modo acquisierant, vel poterunt acquirere 
imperpetuum, et totum pedagium per totam terram meam. 
Significavi etiam omnibus qui aderant, me seu successores 
meos non habere aliquam herbergariam consuetudinem in 
his villis de Beluciaco, Poliaco, Charentone, Vevra, Mai- 
gniaco, Patingiis, Domnopetro aut in grangia de Roca- 
forti (3), sive in aliqua villa aut grangia ad monachos de 
Charitate spectante. Significavi preterea me seu successores 
meos in ipso monasterio vel in villa de Charitate aut in 
pertinentiis nihil juris habere omnino. Hoc viderunt et lau- 
daverunt nominati filii mei. Hujus rei testes sunt Hugo de 

( 1 ) Guillaume II, comte de Nevers et d’Auxerre en iioi, se fit char- 
treux vers 1143 et fut remplacé par son fils Guillaume III. Son autre 
fils Rainaud fut comte de Tonnerre. 

( 2 ) Pierre de Paule, cinquième prieur, ii38-ii43. 

( 3 ) Bulcy, près Mêves, Pouilly, Charent, Vêvre (?), Magny, com- 
mune .de La Celle; Patinges, commune de Cours-lea-Barres (Cher) ; 
Dompierre-sur-Nièvre; Rochefort, commune de Narcy. 


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1 36 


Cartulaire de La Charité. 


Tilio , Adam de Marchia, Hugo de Patingiis , Seguinus de 
Tornella, Durannus de Fovent, Hugo de Roony et alii. 
Actum publiée anno Dominice Incar nationis millesimo cen- 
tesimo quadragesimo tertio, indictione quinta, Ludovico 
piissimo regni Francorum et Aquitanici primatus habenas 
féliciter gubernante. 

In cujus inspectionis testimonium, ad petitionem B... 
prioris et conventus de Charitate, presenti transcripto, sigil- 
lum nostrum duximus apponendum. Datum apud Charitatem 
anno Domini millesimo ducentesimo vigesimo tertio, mense 
februario. 


LVI. 

VADIMONIUM TERRÆ DE COLLONGIIS MONACHIS DE 
CHARITATE POSITUM A PONTIO DE MONTE PODIO. 


1 148. 

Pons de Montenpuis, ayant pris la croix , engage tous ses 
biens situés à Coulonge pour go livres nivernaises que 
lui payent les religieux de Coulonge et de La Charité. 
Il leur en donne les revenus pour la durée de l'engage- 
ment. Ses quatre frères approuvent sur serment cette 
convention et la font reconnaître par V évêque et le comte 
de Nevers. 

In nomine sanctæ Trinitatis. Notis mémorisé literis poste- 
ritati fidelium assignare decrevimus quod Pontius de Monte 
podio (1) Hierosolymam pergens (2), posuit in vadimonium 

(1) Montenpuis, commune de Saint-Parize-en-Viry. 

(2) La deuxième croisade , commandée par Louis VII , eut lieu 
en 1 147. 


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Coulonge. 


i3j 


monachis de Charitate et monachis de Collongiis (i), pro 
octoginta et decem libris Nivernensis monetæ, partem quam 
in eisdem Colongiis et in omnibus suis appenditiis habebat, 
videlicet in hominibus, in pratis, in vineis, in aquis, in 
bosco et piano et cæteris omnibus quæ in prædictis Colongiis 
sui juris erant. Dédit autem idem Pontius supradictis 
monachis, pro remedio animæ suæ, omnes redditus et exitus 
predictæ villæ quamdiu monachi eam in vadimonio habe- 
rent. Quod ut ratum et inconcussum permaneret, prædictus 
Pontius et fratres ejus, videlicet Guido, Hugo et Gaufridus, 
hoc coram multis in capitulo de Charitate jurejurando con- 
firmaverunt. Guillelmus vero, quia absens erat, egritudine 
cogente, postea apud Colungias, multis videntibus, super 
sacrosanctum altare Dei genitricis eodem pacto jurejurando 
hoc confirmavit. Præfatus autem Pontius et très ejus fratres, 
scilicet Guido, Hugo et Gaufridus, de Charitate revertentes, 
hoc idem in prœsentia domni Gaufridi, Nivernensis episcopi 
et Vuillermi Nivernensium comitis (2) prœdicto pacto con- 
firmaverunt. Hoc laudaverunt et concesserunt uxor supra- 
dicti Pontii et fratres ejus Guido, Vuillelmus, Hugo et 
Gaufridus. Hujus rei testes sunt Drogo, cantor Nivernensis 
ecclesiæ, Eudo sacrista, Hugo de Buxeria et frater ejus 
Guido, Vuillelmus de Pero, Vuillelmus de Marriaco, 
Ulgrinus præpositus, Petrus, Emericus Pino, 


(1) Coulonge, commune de Cercy-la-Tour. 

(2) Geoffroi, évéque de Nevers, de 1146 à 1160; Guillaume III, 
comte de Nevers, 1 147-1161. 


18 


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1 38 


Cartulaire de La Charité. 


LVII. 

CARTA ALLA DE COLONGIIS. 


1148. 

A la suite de l'acte de gage qui précède , et en présence des 
mêmes témoins , Pons de Montenpuis donne au prieuré de 
Coulonge ses droits dans le cimetière de l'église, les deux 
foires se tenant à Pâques et à l'exaltation de la sainte 
Croix , avec les droits de place et de justice dans ces 
foires , le four de Coulonge avec ses usages . Les moines 
célébreront à perpétuité un anniversaire pour lui et ses 
père et mère. 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis. Univcrsis 
sanctæ ecclesiæ fidelibus notum sit quod Pontius, filius 
Theodorici de Montepodio pro sua suorumque salute, 
Hierosolymam pergens, donavit Deo et Sanctæ Mariæ de 
Colongiis, monachisque ibidem Deo servientibus quidquid 
clamabat incimiterio ejusdem ecclesiæ, duasetiam nundinas 
quæ vulgo feriæ dicuntur, unam in octavis Paschæ in vigilia 
et in die, alteram in exaltatione sanctæ Crucis (1), in vigilia 
et in die. Donavit insuper idem Pontius prædictis 
monachis logias feriarum et justitiam earum in omnibus 
locis supradictæ villæ, et quidquid ad ferias pertinet, sine 
ulla retentione, exceptis domibus suis. Dédit quoque præfatis 
monachis furnum supradictæ villæ, et omnes usuarias ejus 


(1) Ces foires devaient se tenir en mars ou avril et en septembre, 
l'exaltation de la sainte Croix tombant le 14 septembre. II sera inté- 
ressant pour l'histoire locale d’en connaître l'existence à une époque 
aussi reculée. L'ancien prieuré de Coulonge n'est plus aujourd'hui 
qu’une maison de campagne près Cercy-la-Tour. 


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Coulonge. 


1 39 


tam in bosco quam in hominibus. Pro hac donatione pepi- 
gerunt ei monachi quod anniversarium illius patris etiam et 
matris ejus singulis annis honorifice facerent. Ut autem hoc 
donum stabile et inconcussum éxisteret, præ:iictus Pontius 
et fratres ejus, videlicet Guido, Hugo et Gaufridus coram 
multis in capitulo de Charitate jurejurando confirmaverunt. 
Vuillelmus vero qui pro infirmitaie corporis absens erat, 
postea apud Colongias multis videntibus super sacrosanctum 
altare Dei genitricis, eodem pacto quo fratres ejus hoc 
donum confirma verant , jurejurando confirmavit. Post- 
modum præfatus Pontius et très fratres ejus, scilicet Guido, 
Hugo et Gaufridus, de Charitate revertentes, hoc idem in 
præsentia domni Gaufridi, Nivernensis episcopiet Vuillermi 
Nivernensium comitis confirmaverunt. Si autem huicdona- 
tioni aliquis resistere vel eam calumniare in futuro voluerit 
Pontius et fratres ejus se, pro viribus suis, monachorum fore 
defensores jurejurando confirmaverunt. Hoc donum lauda- 
verunt et concesserunt uxor supradicti Pontii, et fratres ejus 
Guido videlicet, Vuillelmus, Hugo, Gaufridus. Hujus rei 
testes sunt Drogo, præcentor Nivernensis ecclesiæ, Eudo 
sacrista, Hugo de Buxeria et Guido frater ejus, Vuillelmus 
de Pero, Vuillelmus de Marriaco, Vuillelmus Garaldus, 
Gaufridus de Rumiliaco, Vulgrinus, Petrus, Emericus. 
Actum publice anno ab Incarnatione Domini millesimo 
centesimo quadragesimo octavo, tempore Ludovici Regis 
Francorum et Vuillelmi Nivernensium comitis, et Gaufridi 
Nivernensis episcopi. Drogo præcentor et cancellarius 
Nivernensis ecclesiæ jussit fieri. 


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X 


140 Cartulaire de La Charité. 


LVIII. 

CARTA HUGONIS DE LA FERTÉ QUI DEDIT QUADRA- 
GINTA SOLIDOS ANNUALES PRO ANNIVERSARIO SUO 
SUPER CASTRUM DE UCHIA PERCIPIENDOS. 


1 1 5 x . 

Hugues de La Ferté donne aux religieux de La Charité 
pour son anniversaire une rente de 40 sous établie sur le 
château d’Ouche , appartenant à Geoffroi de Don\y, 
petit-fils par sa mère de Hugues de La Ferté . Geo fi roi 
de Don\y, suivi de ses deux fils Hervé et Geoffroi , 
approuve la donation et revêt la charte de son sceau . 

In nomine sanctœet individuæ Trinitatis. Posteritati fide- 
iium, ne qualibet possit oblivione deleri, præsenti scripto 
commendari decrevimus, quod Hugo de La Ferté cogno- 
mento Blancus, qui, ex parte matris, domini Gaufridi de 
Donziaco avus extitit, donavit Deo et Sanctæ Mariæ de Cha- 
ritate et monachis ibidem Deo servientibus, quadraginta 
solidos apud castrum quod Uchia (1) vocatur annis singulis 
pro anniversario suo. Hanc itaque donationem in communi 
capitulo de Charitate concessit atque laudavit præfatus 
dominus Gaufridus de Donziaco, cui terra ipsa donata est, 
cum duobus fiiiis Herveo et Gaufrido (2) qui similiter hoc lau- 
daverunt et coram multis idem concesserunt. Præsens autem 

(1) On a vu dans la charte XXXIX Humbertus de Oschia. Cette 
localité doit être aujourd'hui le hameau d'Ouche, commune de La 
Marche. 

(2) Geoffroi, quatrième baron de Donzy, 1 120*11 38 . 11 paraît ainsi 
que ses deux mêmes fils Hervé et Geoffroi dans un accord avec l'abbé 
de Saint-Germain d'Auxerre au sujet de Diges, en cette même année 
ii5i. (Quantin, Cart, de V Yonne, l, p. 481.) 


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Châteaurenard. 


141 


hæc carta ob hoc, sigillo sæpedicti Gaufridi de Donziaco 
sigillata est , ne quislibet in futurum huic donationi valeat 
contra ire et ut in perpetuum stabilis ac firma permaneat. 
Hujus rei ex parte domini Gaufridi testes suntVuido de 
Arcuin et Gimo famillus, cæterique quam plures. Ex parte 
autem monachorum Gilo Meschinus de Sancerra (1), Geral- 
dus de Castro Lucio (2), Joannes Pius, Bertolous filius 
Humberti Bertoloi, Varnerius de Boniaco , Alveriaz filius 
Joscelini Jardelli et multi alii qui hoc viderunt et audierunt. 
Hoc autem factum est in commuai capitulo de Charitate 
anno ab incarnatione Domini nostri Jesu Christi, miilesimo 
centesimo quinquagesimo primo. 


LIX. 

COMPOSITIO HABITA INTER MONACHOS DE CHARITATE 
ET CANONICOS DE CASTRO RAINARDI SUPER QUA- 
DAM PREBENDA A MONACHIS PRETENSA IN ECCLE- 
SIA CANONICALI. 


1154. 

Des deux églises de Châteaurenard , l'une , Saint-Étienne, 
dépendait de Vabbaye de Saint-Jean de Sens et était 
tenue par des chanoines , Vautre, Saint-Nicolas, desservie 
par des moines , relevait du prieuré de La Charité . Ces 
derniers réclamaient le revenu (Tune prébende dans 
V église des chanoines ; Vabbé de Saint-Jean et le prieur 

(1) Adam Le Meschin fit en 1107 une donation au prieur Eudes 
Arpin. (Ci-dessus, ch. XLVII.) 

(2) Chatellux (Yonne), canton de Quarré-les-Tombés. La forme 
Castri-lucii ne se rencontre qu’une fois dans le Cartulaire de V Yonne. 
Au douzième siècle apparaît déjà Castelud et Castellux. 


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142 


Cartulaire de La Charité. 


de La Charité soutenaient chacun la cause de leurs tenan- 
ciers. On en vint enfin à l'accord suivant , convenu en 
présence de nombreux témoins , de V archevêque de Sens 
et de V évêque d'Auxerre : les chanoines payeront cent 
sous chaque année et renonceront à toutes les dîmes sur 
les terres des moines , d'autre part les moines abandon- 
neront toute prétention sur ladite prébende et sur 
l'église. 

In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Quoniam 
generatio advenit et generatio prétérit, omnisque Humana 
actio authoris privilegio profitetur defectum , ne in eis que 
militer geruntur sibi locum vindicet mortis cognata oblivio, 
literarum suffragio solet provideri ; nos itaque hanc sequentes 
authoritatem , presenti decrevimus annotare pagina, quod 
facile posse labi timuimus a memoria humana. Noverint 
igitur tam présentes quam posteri quod monachi de Charitate 
habebant quandam prebendam in ecclesia de Castro-Rai- 
nardi (1) et per illam investituram totam querelabant eccle- 
siam. Canonici e contra qui eam tenebant, pro viribus illam 
defendebant ; unde tandem , facta compositione pacis , statu- 
tum est ut canonici annuatim solverent centum solidos ejus- 
dem castri monete, monachis Sancti Nicolaï, quadraginta 
solidos in natale Domini, triginta in nativitate sancti Johan- 
nis et ultimos triginta in festo sancti Remigii ; insuperque 
relinquerent predicti canonici monachis omnem decimatn 
liberam et quietam, quam solebant accipere in vineis et in 
terra monachorum, quas in die compositionis in propria 
dominicatura tenebant. Si quid vero deinceps monachi 
acquisierint in canonicorum decimatione consuetam decimam 
canonicis reddent. Monachi autem et prebendam et totam 

(1) ChÂteaurenard (Loiret), arrondissement de Montargis. L’église 
de Saint-Étienne de ChÂteaurenard dépendait de l’abbaye de Saint- 
Jean de Sens, occupée par des chanoines de l’ordre de Saint-A.ugustin. 


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Châteaurenard. 


ï43 


ecclesie querelam pro pretaxatis centum solidis et acquisitione 
décimé canonicis in perpetuum reliquerunt. Facta est hec 
pacis compositio Senonis, in presentia Hugonis archipre- 
sulis (i) anno ab incarnatione Domini millesimo centesimo 
quinquagesimo quarto. Hujus rei testes extiterunt Herveus 
prepositus, Odo decanus, Vuillelmus archidiaconus, Symon 
thesaurarius, Symon cellerarius, Girardus abbas Sancti Pétri 
vivi, Garnerius abbas Sancti Severini (2). Hanc conventio- 
nem laudavit Fulco abbas totusque conventus, in capitulo 
beati Johannis (3), ibidem assistente Rainaldo priore de 
Charitate et Joël suppriore (4), atque Simone camerario. Hoc 
idem laudaverunt in suo capitulo monachi de Charitate pré- 
sente Vuillelmo priore Sancti Joannis et Rainardo priore de 
Castro Rainardi, atque Radulfo Normanno canonico. Et ut 
hec carta inconcussa perseveret, munivit eam suo sigillo 
Hugo, Senonensis archiepiscopus, Alanus etiam episcopus 
Autissiodorensis (3) per eu jus manum ex precepto apostolico 
prefata causa tractanda erat, sigilli sui authoritate roboravit. 
Monachi denique sigillo suo confirmaverunt cartam canoni- 
corum, et canonici similiter suo sigillo cartam monachorum. 


(1) Hugues de Toucy, archevêque de Sens en 1142. 

( 2 ) Parmi ces témoins, Hervé, prévôt du chapitre de Sens, u 5 o- 
1137; — Eudes, doyen, 1150-1176; — Guillaume, archidiacre, 1149- 
1164; — Simon, trésorier, 1 143-1 163; — Simon, cellerier, 1143-1159; 
— Girard, abbé de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, 1148-1161; — Garnier 
abbé de Saint-Séverin de Château-Landon, 1150-1169. 

( 3 ) Foulques, abbé de Saint-Jean de Sens en 11 52 . 

(4) Raynaud, huitième prieur de La Charité; il paraît dans une 
charte précédente, où l’évêque Alain confirme les églises du prieuré 
dans son diocèse. (Ci-dessus, p. 79.) 

( 5 ) Alain, évêque d’Auxerre, 1152-1169. 


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! 44 


Cartulaire de La Charité. 


L X. 

ALIA COMPOSITIO INTER PREFATOS CANONICOS 
ET MONACHOS. 


1220 Avril. 

Autre convention au sujet des biens des mêmes églises de 
Châteaurenard , arrêtée par plusieurs arbitres et acceptée 
d'avance par les parties , sous la peine de 40 livres. Le 
prieur de La Charité renoncera à la rente de cent sous 
due par Véglise de Saint-Étienne. En retour l’abbé de 
Saint -Jean abandonnera les droits qu’il avait à la 
Bourgognerie, les dîmes sur les vignes de Châteaure- 
nard et sur les terres cultivées par les hommes de Saint- 
Nicolas. Les acquisitions à venir ne seront pas soumises 
à ces conditions. 

Omnibus présentes litteras inspecturis , Henricus de 
Inferneto, canonicus, magister Hugo de Mantarvilla, cano- 
nicus, altaris Sancti Joannis in majori ecclesia Senonensi, et 
magister Thecelinus, presbyter Preneti ( 1 ), salutem in 
Domino. Noverint universi quod cum querela verteretur 
inter venerabiles viros B... ( 2 ) priorem et conventum de 
Charitate, ex una parte, pro ecclesia Sancti Nicolal de 
Castro- Rainaldi, et venerabiles viros abbatem Vuillelmum 
videlicet et conventum Sancti Joannis Senonensis, ex altéra, 
pro ecclesia Sancti Stepbani de Castro-Rainardi (3), super 

(1) Preneti ou Pruneti , Prunoy (Yonne), arrondissement de Joigny. 

(2) Le vingtième prieur ; son nom n'est connu que par cette ini- 
tiale. 

(3) Un privilège d'Eugène III, du 21 juin xi 52, énumère les églises 
dépendant de l'abbaye Saint-Jean de Sens, où figure l'église Saint- 
Etienne de Châteaurenard. (Cartulaire de V Yonne, 1, p. 5o3.) 


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Châteaurenard. 


145 


decimis tam majoribus quam minutis, tam veteribus quam 
novis, tam terrarum quam vinearum, et super centum solidis 
annui redditus quos prior et conventus de Charitate petebant 
proecclesia beati Nicolaï de Castro Rainardi, ab ecclesia 
beati Stephani de eodem Castro, coram abbate et priore 
Castri-Lanthonis (1) a sede apostolica judicibus delegatis. 
Tandem partes in nos sub pœna quadraginta librarum com- 
promiserunt, promittentes firmiter, quod quidquid de predictis 
querelis pace vel judicio statueremus, firmiter observarent. 
Tandem nos inter partes pacem retormare cupientes, de 
assensu et voluntate Hervei, prioris Sancti Nicolaï, et Ber- 
nardi, prioris Sancti Stephani, qui spéciale mandatum in hac 
causa habent agendi, defendendi, transigendi, componendi, 
sicut per literas venerabilium virorum Vuillelmi abbatis et 
conventus Sancti Joannis Senonensis et B... prioris et con- 
ventus de Charitate, nobis constitit manifeste; statuimus 
quod prior et conventus de Charitate quittarent ecclesie beati 
Stephani de Castro-RainarJi dictos centum solidos ; et pro 
illis centum solidis, venerabiles Abbas et conventus Sancti 
Joannis Senonensis quittarent ecclesie beati Nicolaï de 
Castro- Rainardi, quidquid juris habebant, pro ecclesia Sancti 
Stephani de Castro- Rainardi, in decimatione Burgundarie (2) 
et adhuc solverent eis annuatim, in octavis Sancti Andree, 
très sextarios siliginis et très frumenti, de meliori quod 
haberent in grangia sua de Castro- Rainardi, dum tamen 
bladum esset laudabile et de ipso non deteriorando, priori 
Sancti Nicolaï, fidem facient excussores. Quittaverunt etiam 
decimationem vinearum quas in temporecompositionis hujus 
habebant in perpetuo dominio, in parrochia Castri-Rainardi, 
videlicet vinee de Campo-Petroso et de deserto et de Sancto 


(1) Abbaye Saint-Sèverin de Château-Landon (Seine-et-Marne) , 
arrondissement de Fontainebleau. 

(2} Là Bourgognerie , commune de Tournan, arrondissement de 
Melun. 

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146 


Cartulaire de La Charité . 


Homono, et de Chaleram et de Barra et planta Bernardi 
Largot, quondam prioris Sancti Nicolaï, et vinee defuncti 
Hervei. De vinea vero Doine et Renardi de Seau, de quibus 
canonici solebant décimas percipere, monachi dictis cano- 
nicis decimam fideliter persolvent. Si quas vero dicti mona- 
chi vineas in decimatione dictorum canonicorum deinceps 
acquisierint, décimas de illis dictis canonicis, sicut cæteri 
parrochiani, persolvere tenebuntur. Quittaverunt etiam dicti 
canonici eisdem monachis quidquid juris habebant in deci- 
matione , tam veteri quam nova, tam majori quam minuta, 
terrarum quas homines Sancti Nicolaï tenent ab ipsis mona- 
chis ad talliam, salvo tamen jure utriusqueecclesie in vineis, 
tam plantandis quam de novo plantatis, et etiam totam 
decimam Garnerii Theonis, tam majorem quam minutam, 
quantum ad terrarn quam tenet a dictis monachis. In alia 
vero minuta décima, infra fines parrochie Castri-Rainardi, 
extra predictam terram beati Nicolaï, prior et conventus de 
Charitate nihil de cætero reclamabunt. Quod ut ratum et 
inconcussum permaneat, présentes litteras sigillorum nps- 
trorum munimine fecimus roborari. Actum anno grade 
millesimo ducentesimo vicesimo, mense aprili. 


LXI. 

COMPOSITIO INTER RODULFUM DE BOSCO ET MONA- 
CHOS DE CHARITATE RATIONE MOLENDINORUM 
CHARITATIS ET DE MUNETO. 


1161. — La Charité. 

Rodolphe du Bois et ses parents portaient plainte du dom- 
mage causé à leur moulin de Munot par les moulins que 
les moines venaient de construire à La Marche . Il fut 


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Munot. 


1 47 


accepté de part et d'autre qu'ils auraient réciproquement 
la moitié du produit de chaque moulin. En cas d'amélio- 
ration ou de grosses réparations , ils entreront aussi par 
moitié dans les profits comme dans les dépenses. Rodolphe 
devra supporter les travaux d'écluses et de curage. Si 
l'un ou l'autre des moulins cesse de marcher , celui qui 
restera reprendra sa propriété entière. 

In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Notum 
sit omnibus, tam presentibus quam futuris, quod quedam 
discordia erat inter monachos de Charitate et Rodulfum de 
Bosco (i), et patrem et matrem et fratres ejus, pro eo quod 
molendini quos monachi ad porlam de Marchia edifica- 
verant ( 2 ), molendinum Rodulfi de Munot pejorabant. Ad 
hanc ergo pacificandam discordiam ita inter se convenerunt 
quod ex utriusque partis assensu concorditer et monachi 
medietatem molendini Rodulfi per omnia habebunt, et 
Rodulfus in ea parte quam monachi habent in molendinis 
ad portam de Marchia medietatem similiter recipiet ; quod sj 
ipsi monachi vel in molendino Rodulfi vel in suis molen- 
dinis aliquid melioraverint in ipsa melioratione Rodulfus 
similiter medietatem recipiet; quidquid autem inexpensis et 
edificiis molendinorum , sive in superiori, sive in inferio- 
ribus necessarium fuerit, Rodulfus in his que ad corpora 
molendinorum pertinent medietatem mittet. Si quid vero in 
levandis exclusis, vel curando besio (3) qui dicitur cursus 
aque , vel in stagno, vel si forte evenerit in terra emenda 
meliorandum fuerit, hoc monachi absque Rodulfi consilio 


fi) Plusieurs Rodolphe du Bois ont comparu comme témoins, 
entre autres, en 1088 (charte XXXIV), un ancêtre de celui-ci. Il est 
cité (charte LXXXIII) comme vassal de Sadon de Patinges, en 1199. 

(2) Ces moulins ont dû être construits sur le ruisseau qui coule à 
Munot ; ils n’existent plus aujourd’hui. 

( 3 ) On dit aujourd’hui un biez pour désigner le canal qui tient 
Peau en amont de la chute. 


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148 


Cartulaire de La Charité . 


facient, medietatem autem ut diximus in aqua et piscibus, 
vel quacunque melioratione, per totam aquam de Muneto, 
usque ad portam de Marchia, Rodulfus accipiet. Quod si 
cujaslibet rei negligentia monachi moiendinos suos cadere 
vel deteriorari permiserint, Rodulfus molendinum suum 
cum melioratione accipiet; similiter etiam si Rodulfus suum 
molendinum cadere vel deteriorari permiserit, monachi suos 
moiendinos cum melioratione accipient. Hoc itaque publiée 
apud Charitatem factum et a domno Abbate Cluniacensi, a 
domino Alano Autissiodorensi episcopo et Bernardo Niver- 
nensi episcopo et domno Rainaldo priore (1) et universo 
conventu de Charitate laudatum et confirmatum est, cornes 
quoque Nivernensis Vuillelmus et Vuillelmus filiusejus(2„ 
Gaufridus de Donziaco , Rainaldus de Montefalconis, 
Ebraudus de Charentonio, Odo Fraxiniaco et Humbaldus 
Caprellus in manu acceperunt. Quod sicut prescriptum est, 
et monachi erga Rodulfum et heredes ejus, et Rodulfus et 
heredes ejus erga monachos et domum de Charitate tenebunt 
et firmiter observabunt. Testes vero qui hec viderunt et 
audierunt, hi sunt, ex parte monachorum : Hugo de Patingiis, 
Auveriah, prepositus de Charitate, Robertus Normannus, 
Osbertus Chauchemanent, Vuido Chaillo, Hugo Raterius. 
Hugo Caroporci, Gaufridus de Castro-Lucio, Adam Sinapis. 
Robertus Furnerius, Rainaldus de Sancto Ægidio, Robertus 
Chabert, Thomas chambellanus prioris, Bernardus Bricol- 
dus, Joannes Varetus, Odo Aimericus, Thcbaldus Chopin 
et multi alii. Ex parte Rodulfi : Humbertus archidiaconus 
Nivernensis, Rainaldus de Talaio, Humbertus de Talaio, 
Humbertus Bertalais et tilii ejus Bertalais et Chalderonus, 

(1) Alain, évêque d’Auxerre, de ii 5 a à 1167; Bernard de Saint- 
Saulge, évêque de Nevers, de 1160 à 1177; Raynaud, prieur de La 
Charité, 1154-1162. 

(2) Guillaume III, qui mourut cette année même, et son 61 s 
Guillaume IV. Les autres chevaliers comparaissent fréquemman 
dans les chartes ; on les retrouvera dans la table onomastique. 


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Charte d'Angleterre . 


149 


Amelius de Charentonio , Sado Toussebois, I ter i us de Bon - 
villo, Geraldus Brachet, Joannes Pius et alii plures. Anno 
ab incarnatione Domini, millesitno centesimo sexagesimo 
primo, indictione nona, régnante Ludovico piissimo Fran- 
corum rege. 


LXII. 

EPISTOLA PRIORIS ET CONVENTUS SANCTE MILBURGIS 
DE VENELOT IN ANGLIA (i). 


ii 63 circa. 

Le prieur et les frères de Sainte-Milburge de Venlock 
exposent au prieur de La Charité , leur suzerain, les 
détails d'une révolte des serfs suivie de violences contre 
eux et leur couvent . 

Honorabili domino et patri in Christo, charissimo domno 
Humbaldo ( 2 ), priori de Charitate et ejusdem loci sacro 
conventui, frater Humbertus, humilis fratrum de Venelot (3) 
minister, et ejusdem loci humilis conventus, et tam devotam 
quam debitam sancte obedientie reverentiam. Distantia loco- 
rum invidente vobis, sanctissimi patres et domini, loqui 
presentialiter prohibemur ; necesse est tamen ecclesie nostre 
gravamen, dedecus nostrum commune, paulatim vobis plan- 
gere. Justum est quidem ut membrorum infirmitati condoleat 
sanitas. Quod si aliquod verbum minus cautum abundantia 
cordis et vehementia doloris eliciat, dolor enim non multum 

(1) Cette charte a été publiée : i* Annuaire de la Nièvre , 1846, 
p. 101 ; 2* Lebeuf, HisL d * Auxerre, t. IV, p. 49, preuves. 

(2) Humbaud, 9* prieur de La Charité, 1162-1 1 65 . 

( 3 ) Venlock. 


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i5o 


Cartùlaire de La Charité. 


differt ab insania , durn est in impetu sue accessionis , vestrc 
charitatis, si placet, ignoscat devotio. Vestre igitur sanctitatis 
paginam débita qua decuit reverentia suscipientes, ex ejus 
tenore vera et falsa vobis esse intimata perpendimus. Et quid 

mirum si vera falsis misceaniur, in omni ( 1 ) sed vestra 

novit discretio triticum in horrea congregare, zisannium 
vero igni tradere comburendum. Meminimus, sancti patres 
etdomini, nos in natali Domini literas, vestre voluntatis 
interprètes . ex omni consilio capituli nostri , domno priore 
nostro tune temporis in capitulo non residente , nec aliquo, 
novit Dominus, ad literas impetrandas properante, vobis 
destinasse. Hoc ideo ad memoriam reducimus que in literis 
nobis transmissis admiramini, quod , cum tune de domno 
priore nostro , et de melioratione domus nostre per indus- 
triam ejus et de ordinis integritate laudabile et fidele perbi- 
bebamus testimonium, cur de tam predicabili gaudio ad tam 
repentinam subversionem utscribitis perventi, vos testificare 
distulimus. Quamobrem sanctitatem vestram latere nolumus, 
quod erga nos sancte reiigionis florent instituta, pax summa 
et paries integer sine dubietate scientes quod, minus quam 
meruerit, laudes ipsius et fidelitatem erga ecclesiam Charita- 
tensem, et piam ejus ecclesiam Venlocensem solicitudinem 
extulimus. Immo in tantum erga eumdem crevit devotio 
nostra, videntes eum modis omnibus utilitati nostre ecclesie 
intendentem, nec in adversis deprimi, nec in prosperis 
extolli , quod pro eo in carcerem et in mortem ire parati 
sumus. Nocent tamen quedam adversa , quod rustici nostri, 
minus consulte contra nos levaverunt calcanéum suum . 
volentes ad arbitrium suum priorem deponere et alium subro- 
gare, quod avertat Deus. Nos siquidem omnia opéra nostra 
in lapide adjutorii fundamus in quo obstruetur os loquentium 
iniqua. Orta igitur tali dissentione in confusionem ecclesie 
nostre, curiam Regis adierunt, sed a curialibus immisericor- 

(i) Ligne coupée au bas du £ 97. 


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Charte d’Angleterre. 




diter salutati, sine honore ut justum fuit, recesserunt ; literas 
tamen , ut moris est, in curia Regis secum ad vicecomitem 
de Salopeschir portantes, ad vos tandem récurrentes et falsa 
suggerentes, literas quales voluerunt sanctitati vestre premi- 
serunt. Dum vero hec agerentur, dies quam plureseis statui- 
mus, mandantes ut apud Venelot venirent , et si quid fore t 
emendandum, per visum baronum vicecomitisde Salopeschir 
et proborum hominum de nobis libéré tenentium emenda- 
retur. Tandem de errore suo compuncti, super corpus sancte 
Milburge ( i), sacramentum prestiterunt quod de cetero nobis 
et ecclesie nostre fideles in omnibus existèrent. Sed hec omnia 
in crastino in irritum revocantes, erat eis novissimus error 
pejor priore , unde cultros et carrucarum ferramenta nobis 
projecerunt. Ad hec horribile quid et a seculo inauditum, 
unde vestra inconsolabiliter debent concuti corda, sanctitati 
vestre intimabimus. Die martis infra Pentecosten, que dies 
nobis vere erat dies martis, immo fere mortis, egrediente 
conventu cum feretro, comitante innumerabili multitudine 
hominum utriusque sexus ad processionem faciendam, ut 
moris est ecclesie nostre, et, completo jam sermone, ad popu- 
lum proposueramus malefactores ecclesie sententia excommu- 
nicationis innodare. Quo audito, insurrexerunt in nos rustici 
nostri qui preeuntes Venelochiam venerunt, et valvas ecclesie 
nostre in tribus locis obsederunt. Tandem, nobis venientibus, 
viam occupaverunt clamantes : comprehendite virum injus- 
tum et occidite. Sed gratia Dei et militum auxilio defensi, 
illesi evasimus. Sed post nos lapides et baculos indevote 
jaciebant, ita quod aliqui monachorum et servientium ictus 
graves susceperint: Post talem et tam enormem excessum 
miserunt se rustici super sex monachos et quatuor milites ut 
ipsi gravamen eorum et excusationem priores audirent , et 
auditis hinc inde propositis, ipsi assessores quod justum fore 


(i) Sainte Milburge, vierge, fille du roi des Merciens, était honorée 
en Angleterre le 2 3 février. 


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*52 


Cartulaire de I*a Charité . 


statuèrent, ut prior et rustici sine aliqua reclamatione judi- 
cium subirent. Quod, annuente Domino, eodie factum est et 
se in misericordiam domni prioris obligaverunt , et in cras- 
tino terris suis colendis intenderunt. Porro venientes nuntii 
eorum a vestre sanctitatis amplexu , a pace formata resilie- 
runt, sibi per literas eisdem transmissas addentes cornua. 
Quod salva reverentia vestra minus caute actum fuit quia in 
absente non est ferenda sententia. Si que ergo in vobis mise- 
ratio, si que virtus charitatis, si que compassionis viscera, 
luporum rabiem tempestivius si placet coerceatis , et potesta- 
tiva authoritate vestra presumptionem malignantium cohi- 
beatis. Unum siquidem noveritis, quod nisi huic pesti 
occurratur, opprimet honorem charitatis presumptio laicalis 
Nos siquidem in hac causa facilius possumus mori quam 
vinci. 


LXIII. 

EPISTOLA LUDOVICI REGIS AD DOMINUM STEPHANUM 
EDUENSIUM EPISCOPUM. 


1170 circa. 

Louis VII prie V évêque d'Autun de mettre à exécution 
Vordre du Pape qui lui commande de restituer Véglise 
de Lormes au prieur de La Charité . 

Ludovicus, Deigratia Francorum rex, Stephano (1) vene- 
rabili eadem gratia, Eduensium episcopo, amico et fideli 
nostro, et universi ecclesie capitulo, salutem et gratiam 
nostram. Scitote quoniam ecclesia de Charitate de predeces- 

(1) Étienne II, évêque d’Autun, de 1170 à 1188. ( Gallia Christian * . 
t. IV, col. 396.) 


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Le comte de Sancerre. 


1 53 


sorum nostrorum beneficiis est fundata, et a nobis precipue 
debet esse sustentata, unde discretionem vestram rogamus in 
Domino, ut et vos eam diligere studeatis et honorare, neque 
in aliquo detrimentum pati permittatis, neque minuere. 
Preterea vobis mandamus et obnixe rogamus, ut quod etiam 
dominus Papa dignatus est vobis injungere, ipsius et nostri 
gratia minime differatis ad effectum perducere, videlicet 
quod eam de ecclesia de Ulmo (i) investiatis, de qua sine 
judicio spoliata est, sicut etiam nos et vos ipsi cognoscitis et 
ejusdem ecclesie scripta testificantur et confirmant testimonia. 
Valete. 


LXIV. 

CONCESSIO STEPHANI SACRI-CESARIS DOMINI, DE 
CHARITATE MUNITIONIBUS FIRMANDA. 


1164. — Paris. 

Étienne de Sancerre autorise les religieux du prieuré à 
établir des fortifications autour de la ville de La Charité 
quand et comment ils le voudront . 

Approbate consuetudinis est ea que inter ecclesiasticos 
secularesque personas solemniter acta sunt, ne prolixitate 
temporis in oblivionem deveniant , fidei committere litera- 
rum. Ea propter ego Stephanus, Sacro-Cesaris dominus (2), 

(1) Lormes, 'arrondissement de Clamecy. Gillet (1808, p. 55 ) cite 
cette lettre relative à l'église de Lormes. V Album du Nivernais (II, 
p. ig 5 ) et M. Baudiau (Le Morvand , II, p. 186), s*y reportent, mais 
en la confondant avec une autre charte de Louis-le-Gros, de ii 25 . 
Celle-ci doit être datée de 1170, époque où Louis VII unit ses armes 
à celles de Guy, comte de Nevers, pour châtier le seigneur de Donzy 
et s’emparer de son château. 

(2) Étienne de Champagne, premier comte de Sancerre, 1 153-1191. 

20 


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ï5 4 


Cartulaire de La Charité . 


existentium presentie et futurorum posteritati notum facio me 
ecclesie de Charitate in perpetuum concessisse, quod villam 
de Charitate monachis ibidem commorantibus , quantis 
voluerint munitionibus pro sue voluntatis arbitrio firmare 
liceat. Quod ut memoriter et ratum teneatur sigilii mei 
authoritate con firmare curavi, sub testibus istis quorum 
apposita sunt nomina. Ex parte monachorum: Vuillelmus 
cornes Nivernensis, Garnerus de Triangulo, Ebraudus de 
Charentone, Hugo de Patingiis, Umbertus Bertelais, Rai- 
naldus Burchardus. Ex parte mea : Hugo deVevra(i), 
Sœtanus de Feins (2), Arnulfus de Roche, Joannes Bûchai, 
Hugo Primus et quam plures alii. Actum est publiée in 
capitulo de Charitate, anno incarnati Verbi millesimo cente- 
simo sexagesimo quarto. Data Parisius per manum Odonis 
clerici mei. 


LXV. 

CARTA GUILLELMI IV NIVERNENSIS COMITIS DE MILLE 
SOLIDIS ANNUI REDDITUS SUPER QUASDAM DOMOS 
SITAS IN MERCATO NIVERNENSI. 


1166. — Nevers. 

Le comte de Nevers Guillaume IV donne aux religieux de 
La Charité , pour V office de la chambrer ie et des vête- 
ments , plusieurs maisons situées sur le marché de la 
ville de Nevers , d'un rapport moyen de mille sous par 


(1) Hugues II, seigneur de Vèvre et de Menetou-Salon (Cher), feu- 
dataire du comte de Sancerre, 1 162-1191. (Boyer, Monographie de la 
tour de Vévre y p. 8 et suiv.) 

(2) Feins, arrondissement de Gien, canton de Briare, et aussi Fins, 
commune de Vinon, près Sancerre, aujourd’hui le domaine de la Fin. 
(Ibid., p. 49-) 


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Les halles de Nevers . 


1 55 


an , dans lesquelles les merciers sont tenus de dresser 
leurs étaux avant de s'établir ailleurs . Si la place de 
foire est changée , les maisons y seront reconstruites . 
Pour les réparations d'incendie ou de vétusté , on prendra 
le bois dans la forêt de Paye. Les religieux s'engagent 
à célébrer une messe d'anniversaire pour le comte et pour 
son père . 

/ 

In nomme sancte et individue Trinitatis. Notum sit 
omnibus tam presentibus quam futuris sancte matris ecclesie 
filiis, quod ego Guillelmus, cornes Nivernensis, pro remedio 
anime patris mei et antecessorum meorum, monachis de 
Charitate, Deo et Sancte Marie in perpetuum servituris, dedi 
pro eleemosyna, domos meas que in mercato Nivernensi 
inter tabulas nummulariorum et cordubanariorum opertoria 
site sunt, ad agenda commercia. Ita scilicet ut mille solidos 
singulis annis accipiant in predictis domibus, etsi quod 
amplius fuerit ; si vero minus exiret de domibus istis, ego 
totum eis supplerem, et post obitum meum heres meus. 
Quod si aliquo casu in posterum, nundinis inde remotis, 
eedem domus villificate ad hune redditum minus su fficerent, 
ego sine dilatione prefatis monachis in loco nundinarum 
statuerem, unde singulis annis hec summa plene exiret, hoc 
ipsum faceret et heres meus. Si vero predicte domus combu- 
rerentur, vel vetustate décidèrent, ego quantum reedificandis 
opus esset, de nemoribus meis, Faia (i) scilicet et Illebertam, 
gratis accipiendum concessi. Hec itaque prefatis monachis 
ad eorum vestiarii supplementum donavi perpetuo tenenda, 
cum omni libdrtate et ea consuetudine qua pater meus 
primum tenuerat, et ego postmodum hue usque tenui, 
scilicet ut quamdiu venditores illarum mercium (2) que ibi 


(1) Plusieurs bois dans les environs de Nevers s’appellent Faye, 
entre autres dans les communes de Sauvigny et de Sermoise. 

(2) Marchands de mercerie ou de divers objets de toilette. 


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1 56 


Cartulaire de La Charité . 


vendi soient locum liberum illic invenire potuerint ad ven- 
dendum, alibi venditoria non conducant. Hoc donum Ida, 
comilissa mater mea et Aanor uxor mea et Vuido (i) frater 
meus laudaverunt. Pro hoc ergo beneficio religiosi fratres de 
Charitate, pie devotionis intuitu statueront, pro patris mei et 
antecessorum meorum animabus et pro salute mea, unam 
missam defunctorum in ecclesia beate Marie singulis diebus 
in perpetuum celebrari ; insuper etiam fieri anniversarium 
patris mei, ita quod eorum camerarius ipso die conventum 
procuret, et post obitum meum similiter anniversarium 
meum facient. Quapropter volo et precipio ut hanc eleemo- 
synam, pro antecessorum meorum et mea salute pie consti- 
tutam, heres meus, eo quo predictum est tenore, ratam 
habeat ac perpetuo illibatam conserve! ( 2 ). Actum est hoc 
Ni vernis anno ab incamatione Domini millesimo centesimo 
sexagesimo sexto, régnante Ludovico rege Francorum , Ber- 
nardo Nivernensium episcopo (3), his testibus magistro 
Stephano cantore Autissiodorensi , Garnerio de Triagnello 
Stephano de Petra-pertusia, Odone de Monte-Ruillon , ex 
parte mea. Ex parte vero monachorum : Rodulfo tune priore 
Charitatis, Roberto sacrista, Henrico suppriore, Vuillelmo 
socio ejus, Gaufrido cellerario, Joanne camerario. Et hoc 
donum postea apud Charitatem, in capitulo présente con- 
ventu, a me confirmatum est. 


(1) Guillaume IV avait épousé Éléonore, comtesse de Saint-Quentin ; 
il partit pour la croisade en 1168 et laissa le comté à son frère Guy, 
1168-1176. 

(2) Dans V Histoire manuscrite du Prieuré , folio i 33 , on trouve la 
mention d'une pièce de i 25 o relative à la propriété des halles de Nevers. 
C'est un arbitrage pour régler la dimension de ces maisons, à la suite 
d'une contestation survenue entre les religieux et la comtesse Mahaut. 
Il fut décidé que les étaux pourraient dépasser les piliers des halles 
de trois pieds du côté de la draperie et d’un pied seulement des trois 
autres côtés. 

( 3 ) Bernard de Saint-Saulge, 1160-1177. 


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Henri , roi d'Angleterre. 


i5 7 


LXVI. 

CARTA HENRICI II, ANGLIE REGIS PRO MONASTERIIS 
A CHARITATE DEPENDENTIBUS. 


1170 circa. 

Henri II , roi d Angleterre , confirme la possession des 

églises et prieurés tenus en Angleterre et en Normandie 

par les religieux de La Charité. 

Hearicus , rex Anglie et dux Nôrmannie et Aquitanie et 
cornes Andegavensis (1), archiepiscopis et episcopis, abbati- 
bus et comitibus et baronibus et justiciariis viris et omnibus 
ministris et fidelibus suis, per terram suam ubique consti- 
tutis, salutem. Sciatis me concessisse et presenti carta confir- 
masse, quod Radulfus (2), prior Charitalis et successores 
ejus, et conventus ejusdem loci habeant et possideant ecclesias 
etprioratus, ubique in terra mea, cum pertinentiis suis , 
scilicet in Anglia, prioratus isiosde Bremundesia, de Venelot, 
de Pontefracto, de Narantone, de Davintreia ; in Normannia, 
de Longavilla, bene et in pace, et libéré et quiete, et in ea 
dispositione et consuetudine qua tenuerunt tempore regis 
Henrici, avi mei etaliorum antecessorum meorum. Testibus 
R. ( 3 ), archiepiscopo Rothomagensi et Egidio Ebroicensi (4), 
apud Burum. 

(1) Henri II, roi d’Angleterre, 1154-1189. Il était fils de Geoffroi V, 
dit Plantagenet, comte d’Anjou, et de Mathilde, fille de Henri I* f , roi 
d’Angleterre, cité plus bas dans cette charte, dont il eut la couronne 
d’Angleterre et le duché de Normandie. 

(2) Rodolphe de Sully, dixième prieur de La Charité , environ en 
1 165, puis abbé de Cluny pendant trois ans ; il revint à La Charité et 
y mourut en 1176. Voyez la mention de ce fait dans la charte LXXII. 

(3) Rotrodus ou Rotrocus, de Beaumont-le-Roger , 1168 à n83. 
[Gall. Christ ., t. XI, col. 49.) 

(4) Egidiusdu Perche, évéque d’Évreux, 1170 à 1180. (Ibid., t. XI, 
col. 579.) 


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1 58 


Cartulaire de La Charité . 


LXVII. 

SALVA GARDA HENR1CI II, ANGLIE REGIS. 


1 161 circa. 

Lettre de Henri II confirmant la dispense des tonlieux et 
autres impôts de circulation sur les terres appartenant 
aux religieux de La Charité. 

Henricus, rex Anglie et dux Normannie et Aquitanie et 
cornes Andegavensis, omnibus ballivis et fidelibus suis, 
salutem. Sciatis quod ego do et imperpetuum confirmo rao* 
nachis Sancte Marie de Charitate, omnem theloneaream 
consuetudinem, de his que sibi concessa fuerunt in universis 
terre mee finibus, ut eundi ac redeundi iiberum habeant 
arbitrium, precipioque ut hommes mei eos absque consuetu- 
dine liberos custodiant, suosque et sua liberos abire permu- 
tant, et nequis eos disturbet, pro re aliqua que ad monachos 
pertineat nec pro alieno forisfacto calumniam et molestiam 
aliquam patiantur. Teslibus Theobaldo archiepiscopo Can- 
tuariensi (i), Philippo episcopo Baiocensi (2), Ward. fit. 
ger. camer. apud Westmonasterium. 

(1) Théobald, archevêque de Cantorbéry, 1 139-1161. (Gams, Sériés 
episcoporum, p. i 83 .) 

(2) Philippe de Harcourt, chancelier du roi d'Angleterre, puis évêque 
de Bayeux, 1143-1164. [Gall. Christ ., t. XI, col. 363 .) D’après la vie 
des témoins, cette charte doit être datée au plus tard de 1 161 ; il sem- 
blerait cependant qu’elle a été rendue après la précédente, qui confirme 
les biens de toute nature. Les confirmations avaient souvent lieu à des 
époques très-variables et quand il se présentait des contestations. Les 
mots abrégés sont transcrits textuellement. 


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Ebbon de Champallement. 


i5g 


LXVIII. 

EBBO DE CAMPO-ALLEMANI CONCESSIT VIGINTI SOU- 
DOS IN CENSU DE MILETO PRO DUABUS LAMPA- 
DIBUS JUGITER ARDENDIS ANTE DUO ALTARIA. 


I I7O. 

Ebbon de Champallement donne vingt sous de cens sur sa 
terre de Millet aux religieux de La Charité , qui s'enga- 
gent à entretenir deux lampes dans leur église . Le comte 
de Sancerre , suzerain, approuve la donation . 

Ego Stephanus, Sacro-Cesaris cornes (1), universis notum 
facio quod dominus Eubo de Campo-Allemanni (2) dédit 
monachis de Charitate viginti solidos annuales in censu de 
Mileto, et quittate fuerunt universe querele que inter ipsum 
et monachos vertebantur ; Symonem quoque de Lavenderiâ 
cum uxore et omnibus jheredibus ejus quittavit idem Eubo 
Deo et ecclesie beate Marie de Charitate imperpetuum. 
Monachi vero, pro viginti solidis, concesserunt domino 
Euboni duas lampades jugiter ardere ante duo altaria, vide- 
licet sancti Joannis Baptiste etsancti Stephani protomartyris, 
in corona ecclesie, in perpetuum. Si vero terra in qua 

(1) Étienne de Champagne, premier comte de Sancerre, 11 53-1191, 
avait épousé en premières noces Mahaut de Donzy, fille de 
GeofFroi FV, dont il tenait Champallement. 

(2) Champallement et Challement, canton de Brinon-les-AUemands, 
fiefs qui tiraient leurs noms de seigneurs appelés Alemans aux onzième 
et douzième siècles. Le 5o* évêque d’Auxerre, Geoffroy de Champalle- 
ment, fondateur du monastère de La Charité, est considéré par Lebeuf 
comme originaire de cette localité. (Hist. d* Auxerre, t. I, p. 263). Le 
nom de Ebbon est assez rare dans nos chartes; on le retrouve à 
Gharenton et Sancoins, ci-dessous ch. XCV. 


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i6o 


Cartulaire de La Charité. 


statutus est census aliquando vendi contigerit , monacbi 
laudationes et venditiones habebunt cum censu. At si des- 
tructa vel vastata fuerit, monachi illam tenebunt, vel quibus 
voluerint accensibunt. Ego siquidem de cujus feodo prefata 
terra est, hanc eleemosynam bona fide laudavi, unde et pre- 
sentem paginam sigillo meo roborari precepi. Anno incar- 
nationis Dominice, millesimo centesimo septuagesimo. Nota 
Galterii cancellarii. 


LXIX. 

CARTA GUIDONIS COMITIS NIVERNENSIS DE FEODO 
DE CHARITATE. 


1174. — Nevera. 

Gui, comte de Nevers , était premier suzerain d'un fief 
situé à La Charité ; Renaud de Druye le tenait du comte 
et céda son droit à Pierre de Courson ; Raoul de Patinges 
en jouissait directement et en rendait hommage. Ces 
divers seigneurs, avec l'approbation de leurs épouses et 
de leurs enfants , consentent à transmettre leur fief aux 
religieux de La Charité moyennant : le comte Gui, cinq 
cents marcs d'argent ; la comtesse Mahaut, dix vases 
d'argent et un cheval ; Renaud de Druye , mille sous, son 
épouse dix livres ; Raoul de Patinges y cent livres. Il fut 
convenu que ce dernier rendrait hommage désormais au 
prieur Geoffroi et à ses successeurs. Chacun des dona- 
teurs produit séparément des témoins pour affirmer la 
validité de l'acte. 

Quoniam ea que temporaliter aguntur facile a raemoria 

delabuntur, provisum est quod ea que memoriter retinere 


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Gui, comte de Nevers. 


6 1 


volumus literarum memoria commendamus, quapropter ego, 
Guido (i), cornes Nivernensis, notum facio per presens 
scriptum, tam futuris quam presentibus, quod feodum de 
Charitate, quod Regnaudus de Droi (2) habebat a me, 
predictus Regnaudus dédit et concessit Petro de Curchum ( 3 ), 
et Radulfus de Patingiis accepit illud in hominagium, sicut 
prius idem Radulfus habebat a Regnaudo. Hoc autem casa- 
mentum (4) tum pro remissione peccatorum meorum, tum 
pro pecunia quam inde habui, scilicet quingentas marchas, 
ego Guido, cornes Nivernensis, concessi et dedi et quittavi 
imperpetuum, et contra omnes garentire promisi Gau- 
frido (5), tune priori de Charitate et capitulo ejusdem 
ecclesie, Regnaudus quoque de Droia similiter concessit et 
dédit et quittavit imperpetuum feodum supradicte ecclesie. 
Et similiter Petrus de Curchum concessit et dédit et quittavit 
eidem ecclesie feodum et hominagium de eodem feodo quod 
Rodulius de Patingiis fecerat Petro. Idem Radulfus in 
instanti fecit Gaufrido, priori predicto de Charitate, me pré- 
sente, dictum quoque fuit et a Radulfo laudatum , quod 
quotiens in ecclesia de Charitate prior mutaretur, totiens 
Radulfus et ejus successores qui feodum tenerent, novo 
priori hominagium facerent (6). Hoc itaque feodum sepedic- 


(1) Gui, comte de Nevers, 1168-1176, et son épouse Mahaut de 
Bourgogne, dont il est question plus loin. 

(а) Druyes-les-Belles-Fontaines, canton de Courson (Yonne). 

( 3 ) Au sujet de Pierre de Courson, voyez ci-dessus, p. 33 , note. 

(4) Le casamentum , selon Brussel (Usage des fiefs , liv. III, chap. 8), 
est dans le principe une demeure, une maison donnée en loyer, puis 
convertie en fief, suivant la qualité du locataire, d’où vint l’expres- 
sion : feodum casamenti. 

( 5 ) Geoffroi I #r , onzième prieur de La Charité, 1173-1175. 

(б) Le successeur de ce Raoul, tenancier direct, un certain Sadon 
de Patinges, engagea et vendit ce même fief, en 1198, pour deux cents 
livres (voyez ci-dessus, charte XLIII, p. 1 1 3 ) ; et de la sorte le prieuré 
de La Charité fut seul et libre propriétaire. On remarquera la clarté 
et la précision de cette charte pour assurer la transmission régulière 

21 


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IÔ2 


Cartulaire de La Charité . 


tum , ego Guido, cornes Nivernensis et Regnaudus de Droia 
et Petrus de Curchum , ecclesie totiens nominate intégré et 
sine ulla retentione laudando quittavimus , laudante Ma- 
tilde (i) uxore mea comitissa que etiam pro laudatione suai 
monachis habuit decem cyphos argcnti et unum palefredum. 
Et laudante Aremburgi uxore Regnaudi de Droia et liberis 
ejus, et laudante uxore Pétri de Curchum et liberis ej us, 
laudante etiam Radulfo de Patingiis qui pro laudatione soa 
habuit C. libras. Renaudus quoque de Droia habuit pro 
laudatione sua M. solidos et uxor ejus decem libras. Ut 
autem hec donatio et quittatio sepedicti feodi a me et a supra 
nominatis ecclesie de Charitate facta et concessa imperpetuum 
rata habeatur et inconcussa, presentis scripti patrocinio 
munivi et sigilli mei impressione roborari feci , de mandate 
etiam et consensu Regnaudi de Droia et Pétri de Curchum 
et Radulti de Patingiis. Et ne quis heres perditionisde cetero 
hanc nostre donationis et attestationis paginam infringere aut 
calumniam inferre audeat, eorum testimonio quorum subs- 
cribuntur nomina convincatur de donatione et acquitatione 
mea. Testes sunt domnus Bernardus, Nivernensis episoo- 
pus ( 2 ), quo mediante utrobique res acta est, Theobaldus 
decanus Nivernensis, Garinus senescallus meus (3), Narjotus 
de Tuciaco, Gibaudus de Sancto Verano, Ode de Fraineto, 
Renaudus de Marchia , Radulfus d’Autri, Andréas de Fias, 


du fief. Les divers seigneurs au profit desquels était constituée U 
même propriété féodale disparaissent tous devant le prieur de La 
Charité, unique acquéreur de tous les droits établis sur cette terre. 

(i ; Mahaut, fille de Hugues II, duc de Bourgogne, dit le Pacifique, 
comtesse de Grignon, épousa : 1* Eudes, seigneur d’Issoudun ; 2* Guj, 
comte de Nevers ; 3 ° Pierre d’Alsace, dit de Flandre ; 4* Robert, comte 
de Dreux. Le présent de dix vases d’argent et d’un cheval est intéres- 
sant à noter pour l’histoire des mœurs. 

(2) Bernard de Saint-Saulge, évêque de 1160 à 1177. 

( 3 ) Ce Garin fut remplacé dans la charge de sénéchal de Nevers par 
Geoffroi de Pougues, qu’on trouve en 1197. 


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Gui , comte de Nevers. 


63 


Bernardus prepositus Marchie , Stephanus Pépins , Osbertus 
Chauchemanam, Stephanus Baudins, Giraudus Vulgrini, 
Tebertus de Sala. Testes de laudatione comitisse uxoris mee, 
Theobaldus decanus, Narjotus de Tuciaco, Renaudus de 
Marchia, Odo filius comitisse (i), PetrusdeCurchum, Hugo 
Dailant. Testes Radulfide Patingiis sunt, domnus Bernardus 
Nivernensis episcopus, Theobaldus decanus, et ceteri qui 
interfuerunt laudationi comitis. Testes laudationis Regnaudi 
de Droia sunt, dominus Bernardus, Nivernensis episcopus, 
Theobaldus decanus, Robertus capellanus , Thomas clericus 
meus, Renaudus de Marchia, Josbertus fraterejus, Achardus 
de Chalon, Gautherus Bernardi, Damianus de Malliaco, 
Bastardus de Cona , Hugo Darcuin, Guido frater ejus. Ter- 
ricus de Boschet, Enjobertus Lirestis, Archimbaudus de 
Boschet, Hugo Cornut, Gibelinus, Erardus de Varennis, 
David cambellarius, Renaudus clericus fraterejus, Bernardus 
prepositus Marchie. Testes Pétri de Curchum sunt, domnus 
Bernardus, Nivernensis episcopus, Theobaldus decanus et 
ceteri qui interfuerunt laudationi comitis. Testes laudationis 
uxoris Regnaudi de Droia sunt, Gaufridus capellanus epis- 
copi Nivernensis, Renaudus de Marchia 1 , Bernardus prepo- 
situs Marchie, Radulfus Brecardi, Terricus de Boschet, Hugo 
Cornut, Gaufridus Anglicus. Actum est hoc publice Nivernis 
annodominice incarnationis, millesimo centesimo septuage- 
simo quarto, régnante Ludovico, Guillelmo Senonensi 
archiepiscopo, Vuillelmo (2) Autissiodorensi episcopo. 


(1) Eudes d’Issoudun, fils du premier lit de Mahaut de Bourgogne. 

(2) Guillaume de Toucy, évéque d’Auxerre, 1 167-1181. Gui, comte 
de Nevers, avait déclaré la guerre à son beau-père, Hugues, duc de 
Bourgogne; il fut battu et fait prisonnier le 21 avril 1174. On croit, 
dit Lebeuf [Hist. d* Auxerre y t. III, p. ni), que ce fut pour payer sa 
rançon qu'il vendit son fief de La Charité à Gcoffroi prieur et aux 
religieux , pour 5 oo marcs d’argent. Le traité de paix, signé à Beau ne 
en cette même année par les deux seigneurs , est donné par Pérard 
(Pièces de Bourgogne , p. 247). 


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164 


Cartulaire de La Charité. 


LXX. 

CARTA STEPHANI SACRI-CESARIS COMITIS DE MOLEN- 
DÏNIS AD PONTEM SUPRA UGERIM SITIS. 


1 176. 

Étienne , comte de Sancerre , donne aux religieux ses 
moulins établis à La Charité , sur le pont de Loire , en se 
réservant d'y faire moudre les boulangers de Sancerre . 

Ego Stephanus, Sacri-Cesaris cornes , tam posteris quam 
presentibus significo quod divine pietatis instinctu , Deo et 
ecclesie Sancte Marie de Charitate donavi molendina mea 
super Ligerim ad pontem sita (1), ea conditione quod thaleme- 
larii (2) de Castro Sacri-Cesaris usu et consuetudine in molen- 
dinis molent, cum justitia que ad moiendinum pertinet, ut 
ex ipsis molendinis procuretur conventus in quadragesima. 
Testibus OdonedeMontefalconis, Arnulfo de Livron, Symone 

(1) Au sujet de ce moulin, il est dit dans V Histoire du Prieuré 
(folio 199 du manuscrit de M. Girerd) : « L'an i 52 o commencèrent à 
faire bastir un pont de pierre, n'y en ayant auparavant qu'un de bois, 
qui avoit esté ruiné et rompu en plusieurs endrois; et comme les 
religieux avoient un moulin sous une des voyes dudit pont de bois, 
lesditz habitans supplièrent lesdits religieux de vouloir s'accommoder 
de leur moulin, puisque c'estoit un obstacle pour pouvoir achever 
leur pont , ce qu’ils firent. Et en eschange , les habitants leur donnè- 
rent les isles de Parzy, contenant vingt arpens de terre, lesquelles ils 
tenoient desditz religieux, à la charge de 60 sols de rente. Ils leur 
donnèrent encore les gours de Parzy, depuis la planche par où l’on 
passe pour aller à Parzy, en montant jusques à la souche blanche . 
avec plusieurs terres contiguës. 1 (Ex carta transactions anno i>2o 
die 26 octobris.) 

(2) La copie porte la mauvaise leçon : thalemotarii. — Le mot taie - 
melariij talemeliers, désigne les boulangers jusqu'à la fin du treizième 
siècle. En latin on disait aussi pistores , comme à la charte suivante. 


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Moulins du pont de Loire. 


^5 


Traperio, Rainaldo Gaio, concedente uxore mea Béatrice (i); 
testibus Joanne Bucca, Gaudrico Goaudi, Roberto Malovi- 
cino, et multis aliis. Hanc vero donationem sigillo meo 
coafirmavi. Actum anno ab incarnatione Domini millesimo 
centesimo septuagesimo sexto, indictione nona. 


LXXI. 

CARTA GARINI BITURICENSIS ARCHIEPISCOPI DE 
IISDEM MOLENDINIS. 


1 176. 

Confirmation de la donation précédente par l'archevêque de 
Bourges. 

EgoGarinus, Dei gratia Bituricensis archiepiscopus (2), 
notum fieri volo tam presentibus quam futuris quod ex 
literis Stephani, comitis Sacri-Cesaris, cognovimus ipsum 
dedisse ecclesie beate Marie de Charitate molendina sua que 
super Ligerim ad pontem habebat , ea conditione quod pis- 
tores de Castro Sacri-Cesaris usu et consuetudine in molen- 
dinis molent, cum justicia que ad molendinum pertinet, ut 
ex ipsis molendinis procuretur in quadragesima conventus. 
Nos itaque ad preces prefati Stephani hoc donum confirma- 
vimus, quod vel cujus confirmationem si quis infringens, 
tertia expectata commonitione, non resipuerit subjaceat 
excommunicationi. Anno incarnati Verbi millesimo cente- 
simo septuagesimo sextô, pontificatus nostri secundo. 

(1) Béatrix est une deuxième femme du comte de Sancerre, dont 
l'es historiens de Sancerre ne parlent pas. Voyez charte LXVIII, p. 159. 

(2) Garin, archevêque de Bourges, 1174-1180. ( Gall . Christ ., t. II, 
col. 55 .) 


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i66 


Cartulaire de La Charité. 


LXXII. 

LAUDATIO PER PRIOREM ET CONVENTUM DE CHARI- 
TATE CUJUSDAM COMPOSITIONS FACTE INTER 
FRATRES DE JOVINIACO ET MONACOS ABBATΠ
DE ESCHARLIS. 


1177 Février 2. 

Les comtes de Sancerre et de Joigny , appelés comme 
arbitres , décident que les moines des Escharlis donne- 
ront , au lieu de la dîme , une rente de trois muids de vin 
aux moines de Joigny , dépendant de La Charité. Appro- 
bation de cet accord par le prieur de La Charité , leur 
suzerain. 

Ego Radulfus, prior de Charitate (1), et universusejusdem 
ecclesie convenais, fidelibus universis presentibus paritcr et 
tuturis imperpetuum. LJniversitati vestre notum facimus 
controversiam fuisse aliquando inter fratres nostros mona- 
chos de Joviniaco (2) et monachos de Escarlis (3) qui vincas 
apud Joviniacum possidebant de quibus , apostolicis inni- 
tentes privilegiis, décimas solvere non volebant. Tandem 
predicti vero fratres nostri et Escharlienses monachi, per 
manum charissimi nobilis Stephani Sacri-Cesaris comitis,et 
Vuillelmi Joviniaci comitis (4) futuri hujusmodi paciscom- 

( 1 Rodolphe de Sully, 1 i65-i 177. Voyez ci-dessus charte LXVI. 

(2) Joigny (Yonne), diocèse ancien de Sens. Les religieux de U 
Charité y possédaient deux prieurés, Pun dédié à Notre-Dame, l’autre 
à saint Sidroine. 

( 3 ) Les Escharlis, commune de Villefranche-Saint-Phalle, arrondis- 
sement de Joigny, canton de Charny, ancienne abbaye de l’ordre de 

Cîteaux. 

(4) Guillaume 1 ", comte de Joigny, circa u5o-i20o. — Étienne I", 
comte de.Sancerre, 1 1 53 -i 191 . 


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Dreux de Mello. 


167 


positionerft concorditer inierunt. Statutum est utriusque 
partis assensu quod monachi de Escharliis, pro decitnatione 
earum dumtaxat vinearum que tune temporis (hoc est primo 
anno quo Rodulfus de Soliaco de Cluniaco rediit) apud Jovi- 
niacum possidebant, très modios vini tantum laudabilis, ad 
mensuram Joviniaci singulis annis persolverent. Quod si 
deinceps, hoc est a Purificatione sancte Marie anni millesimi 
centesimi septuagesimi sexti(i), aliquid vinearum quoquo 
modo acquisierint,decimam persolvent, sicutalii. Quam pacis 
compositionem, in capitulo nostro recitatam, nos laudavimus 
et ratam habuimus , et ut stabilis et inconvulsa permaneat 
sigilli nostri impressione confirmavimus. 


LXXIII. 

CARTA DROGONIS DE MERLOTO DE CENTUM SOLIDIS 
ANNUATIM PERCIPIENDIS APUD MINTRIACUM. 


1177. 

Dreux de Mello fait don aux religieux de La Charité 
d*une rente annuelle de cent sous de Provins , sur ses 
revenus de Nitry . 

Noverint universi présentes pariter et futuri quod ego, 
Drogo de Merloto (2), centum solidos monete Proviniensis in 
eleemosynam, singulis annis, monachis de Gharitateconcessi, 
pro animabus fratris mei Roberti et Vuillelmi nepotis ibidem 

(1) D’après la tournure de cette phrase, il semble que Pacte fût 
passé le jour de la Purification, le 2 février, ce qui porte à 1177 la 
date de cette charte et la mort du prieur Rodolphe de Sully. 

(2) Dreux de Mello et son épouse Ermengarde fondent en 1172 le 
prieuré de Vieuxpou. ( Cart . de V Yonne, II, p. 242.) Il est très-fré- 
quemment question des membres de cette famille dans les chartes des 
douzième et treizième siècles. 


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1 68 


Cartuîaire de La Charité . 


sepultorum et antecessorum meorum, annuatim àt roga mea 
Mintriaci (i) percipiendos , jure perpetuo, dato termino,die 
solemnitatis sancti Remigii, horum jure reddituum mona- 
chos de Charitate saisi vi, domino Rege ( 2 ) présente et lau- 
dante, idemque sigilli sui authoritate communiente, assisten* 
tibus etiam et assensum prebentibus domino Vuillelmode 
Merloto, de cujus feodo redditus ipse movebat, et uxoremea 
Ermengardi. Quod ratum volens observari, sigilli meitestifi- 
catione feci communiri. 


LXXIV. 

CARTA LUDOVTCI VII FRANCORUM REGIS, DE ELEE* 
MOSYNA VUILLERMI DE GARLANDA ET DROGONIS 
DE MERLOTO. 


1177. — Paris. 

Louis VII ratifie les deux donations faites par Guillaume 
de Garlande et Dreux de Mello au prieuré de Ia 
Charité . 

In nomine sancte et individue Trinitatis, amen. Ludo- 
vicus, Dei gratia Francorum rex. Noverint univcrsi présentes 
pariter et futuri, Vuillermum de Garlanda (3) monasterio 

(1) Roga, exaction ou redevance destinée aux aumônes. Ducangt 
cite la phrase de cette charte d’après les archives de La Charité. Min- 
triacum ou peut-être Nintriacum, Nitry (Yonne), canton de Noyers 
arrondissement de Tonnerre. 

(2) Louis VII, que Dreux de Mello accompagnait souvent, ratifie 
cette donation dans la charte suivante. 

( 3 ) Famille illustre de la Brie, qui donna plusieurs sénéchaux à h 
cour. Guillaume IV de Garlande eut pour frère Robert, selon i< 
P. Anselme. Quant à Dreux de Mello, il était peut-être son frère de 
mère. Leurs anniversaires sont portés au n° 10 du nécrologe de L> 
Charité. 


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Louis VII et Philippe- Auguste. 


69 


Sancte Marie de Charitate pro remedio anime fratris sui 
Roberti ibidem sepulti et antecessorum suorum in eleemo- 
synam contulisse centum solidos annuatim in pedagio de 
Bunziis recipiendos. Noverit etiam presentium futurorumque 
universitas Drogonem de Merloto, predicti Roberti fra- 
trem, pro eodem Roberto, Mintriaci de rogatione sua, 
présente et consentiente Vuillermo de Merloto, de cujus 
feodo redditus iste movebat, prefato monasterio centum 
similiter solidos assignasse, singulisannis, ibidem reddendos, 
quod et nos concedentes , ratumque perpetuo volentes obser- 
vari , idem scripto commendari et sigilli nostri authoritate 
fecimus communiri. Actum Parisiis, anno ab incarnatione 
Domini millesimo centesimo septuagesimo septimo , astan- 
tibus in palatio nostro quorum nomina stibposita sunt et 
signa, S. comitis Theobaldi, dapiferi nostri, S. Guidonis 
Buticularii, S. Rainaldi camerarii (1), S. Radulfi consta- 
bularii. 


LXXV. 

QUOMODO PHILIPPUS FRANCORUM REX CONFIRMAT 
MONACHIS ET BURGENSIBUS DE CHARITATE OMNES 
EORUM LIBERAS CONSUETUDINES ET ACCIPIT OMNIA 
BONA EORUM IN PROTECTIONE SUA ET CUSTODIA. 


1182. — Paris. 

Philippe-Auguste confirme les privilèges du prieuré et de 
la ville de La Charité et prend leurs biens sous sa 
sauvegarde. 

Philippus, Dei gratia Francorum rex; noverint universi 
présentes pariter et futuri, quoniam nos monachis et burgen- 


(1) Renaud, chambrier de 1175 à 1180. Pour les autres officiers, 
voyez la charte suivante. 


22 


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170 


Cartulaire de La Charité. 


sibus de Charitate concessimus omnes. libéras consuetudines 
quas tenuerunt tempore patris nostri, et concessimus ut 
monachi et burgenses et omnia sua, in omni loco, in nostra 
sint protectione et custodia, salvo alieno jure. Actum Parisius 
anno incarnati Verbi miJlesimo centesimo octogesimo 
secundo, regni nostri anno quarto (1), astantibus in palatio, 
nostro quorum nomina supposila sunt et signa. S. comitis 
Theobaudi dapiferi (2) nostri, S. Guidonis buticularii, 
S. Mathei camerarii, S. Radulfi constabularii. Data per 
manum Hugonis cancellarii. 

(1) Cette charte est datée selon la manière de Philippe-Auguste, non 
de son avènement au trône et de la mort du roi Louis VII, son père, 
arrivée le 18 septembre 1180, mais de son sacre, qui eut lieu à Reims 
le i* r novembre 1179, du vivant de son père. M. Delisle {Catalogue 
des actes de Philippe-Auguste) porte les chartes datées de la quatrième 
année du règne comme étant faites du i* r novembre 1182 au 16 avril 
1 1 83, date de Pâques, et du 17 avril au 3i octobre n83. Notre charte, 
datée de 1182 et de la quatrième année du règne, répond donc à cette 
première période du 2 novembre 1182 au 16 avril 1 1 83. M. Delisle 
(p. 27, n* iro) mentionne cette charte à l’année 1184, d’après Née de 
La Rochelle ( Mémoire sur le Nivernais , I, p. 267), qui l’avait emprunté 
à Poupart ( Histoire de Sancerre, p. 47), lequel avait puisé ce rensei- 
gnement dans une histoire manuscrite de La Charité, qui doit être 
celle du manuscrit du Cartulaire. Or, au folio 10 1 du manuscrit de 
M. Girerd, on lit : « Le roi Philippe-Auguste, par ses autres lettres de 
l’an 1184, a pris le prieuré de La Charité en sa protection. » Les 
auteurs ont recueilli la phrase sans recourir à la charte, et l’erreur de 
date s’est continuée ; elle n’a d’importance que pour la rectification 
des actes de Philippe-Auguste, dont le catalogue a été fait avec tant 
de soin. 

(2) Thibaud, comte de Blois, mort en 1191 ; la charge de sénéchal 
fut supprimée après lui. Gui II de Senlis, bouteiller de 1149 à 1187; 
Mathieu III, comte de Beaumont-sur-Oise, chambrier de 1180 à 1208; 
Raoul, comte de Clermont-en-Beauvoisis, connétable de 1164 à 1191 ; 
Hugues de Bethisi, chancelier de 1180 à n85. 


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Hervé de Donçy. 


171 


LXXVI. 

CARTA HERVEI DE DONZIACO, DE QUODAM PRATO 
APUD ROCHEFORT. 


1187. 

Hervé de Don\y fait don aux religieux de La Charité d'un 
pré situé à Rochefort et des autres biens qu'ils y possé- 
daient du temps de son père . Geoffroi de Vêvre et ses 
frères , qui en contestaient la propriété , renoncent à leur 
réclamation sur tout ce qui reviendra aux moines . Eudes 
de Frasnay , tenancier supérieur , consent aussi à la 
donation. 

Notum sit omnibus tam presentibus quam futuris quod 
ego, Herveus de Donziaco (1), concedo monachis de Charitate 
quoddam pratum ante Rochefort (2), quod Gaufridus de 
Vevra ( 3 ) et fratres sui et heredes eorum clamabant de jure 
se habere , et ipsi ante me apud Charitatem quidquid in eo 
juris habebant quittaverunt, juraverunt quod nihil in eo nec 
in furno de Narciaco (4), nec in aliqua teneura monachorum 

(1) La charte LVIII, datée de 1 1 5 1 , mentionne Geoffroi de Donzy 
avec ses deux fils Hervé et Geoffroi ; c’est Geoffroi, quatrième du nom 
de Donzy, mort vers 1161. L'auteur de cette charte de 1187 est le fils 
aîné de Geoffroi IV, Hervé III, baron de Donzy, de 1 161 à 1187. Il dut 
mourir lui-même quelque temps après sa donation. Ses deux fils 
nommés plus bas dans la charte lui succédèrent : Guillaume Goet en 
1 187, Philippe en 1 191 ; deux autres fils, dont il n’est pas fait mention 
ici, furent Hervé IV, baron de Donzy en 1194 et comte de Nevers en 
1199, et Godefroi, le trop célèbre prieur de La Charité. 

(2) Rochefort, actuellement ferme de la commune de Narcy. 

(3) Un grand nombre de localités portaient ce nom dans le comté de 
Nevers, et il serait difficile de déterminer celle-ci. On trouve un Vêvre 
près Rochefort , ci-dessus charte LV. Peut-être ce personnage était-il 
de la famille de Hugues de Vêvre (charte LXIV, p. 154). 

(4) Narcy, canton de La Charité. Ce droit sur le four avait été donné 
par Hugues de Narcy, vers 1140. Voyez ci-dessus, charte L. 


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172 


Cartulaire de La Charité . 


nihil ulterius requirent, et hoc laudavit Odo de Fraxi- 
niaco (i) de quo terra ilia movebat, et ego laudavi de cujus 
feodo erat. Concessi etiam monachis quidquid temporibus 
patris mei in eo tenuerant de feodo meo ubicumque fuerit, 
usque ad diem quo iter Hierosolimitanum arripui et oratio- 
nibus eorum me commendavi in capitulode Charitate, in die 
nativitatis beati Joannis Baptiste. Et hec omnia laudaverum 
Guillelmus Goet et Philippus, filii mei. Viderunt hoc et 
audierunt Odo de Fraxiniaco, Humbaldus Capriolus et Giio 
frater ejus, Grosbos, Herveus Burgundio, Chotardus. Ex 
parte monachorura, Raynaldus de Galis, Chauderum, Odo 
Burfaut, prepositus de Charitate, Hugo Suavis, Gaufridus 
de Chastellux et multi alii. Actum anno incarnati Verbi 
millesimo centesimo octogesimo septimo. 


LXXVII. 

CARTA DE CHARNEIA. 


ii 88. 

En présence de V évêque de Nevers , Jean Lepie cède en 
censive , avec tous ses droits , au prieuré de La Charité , 
pour le service de V aumônerie , un champ situé à L& 
Chamqye , moyennant 3,ooo sous comptant , 1 3 livres, 
deux muids de seigle , plus un cens annuel de 6 sous 
payable à la Saint-Germain. 

Ego Theobaldus , Dei patientia Nivemensis ecdesie 
minister humilis (2), notum facimus presentibus et futuris, 

(t) Frasnay-les-Chanoines, aujourd’hui commune de Saint-Aubin- 
les-Forges. Un ancêtre ou prédécesseur de Eudes de Frasnay, Roclènc. 
signa la charte de fondation de La Charité en 1059. 

(2) Thibaut, évêque de Nevers, 1177-1188. 


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La Charnajre. 


173 


quod Joannes Pius accensivit monachis et ecclesie de Chari- 
tate, ad ôpus eleemosynarie, campum de Charneia ( 1 ) in 
integrum, cum juratis suis omnibus que sunt subtus campum 
ipsum, pro sex solidis annuatim sibi reddendis in festo 
sancti Germani, in octobri ( 2 ), et pro accensione ipsa habuit 
de monachis, in presenti, tria millia solidorum et XIII libras 
et duos modios siliginis. Hoc laudaverunt et concesserunt 
uxor ejus Aureaet filii, Robertus/Hugo, Renaud us, Grossus 
hopio, Gimo et uxor Roberti filii ejus Amelina ; et Petrus de 
Troncenges, de cujus casamento erat, et fratres ejus Girbertus 
et Girardus, et Maura, soror eorum. Ad majorem vero firmi- 
tatem, ad petitionem monachorum et Joannis Pii (3) et alio- 
rum, presenti pagine sigillum nostrum fecimus apponi. 
Actum anno incarnati Verbi millesimo centesimo octogesimo 
octavo. Hujus rei testes fuerunt, conventûs de Charitate, 
Renaudus de Galis, Gamerus Moranni, Gaufredus de Chas- 
tellux, Robertus Chabert, Guillelmus Savenet, et Guido 
frater ejus, Guillelmus et Thomas Moranni , Odo prepositus 
de Charitate, Thibaudus famulus eleemosynarii, Auveriat. 


(1) Il y a deux localités du nom de La Charnaye, l’une sur la rive 
droite de la Loire, entre Tronsanges et La Marche, l’autre en face, sur 
la rive gauche, près Argenvières ; elles semblent s’appliquer successi- 
vement à nos deux chartes. 

(2) Saint Germain, évêque d’Auxerre. Sa fête fut d’abord célébrée le 
i* r octobre, puis transférée au 3i juillet et au 6 janvier. (Lebeuf, 
Hist. d'Auxerre , I, p. 106.) C’était un terme de payement souvent 
désigné dans les chartes nivernaises. 

(3) Pour Jean Lepie, voyez ci-dessus p. ii3, note. 


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*74 


Cartulaire de La Charité. 


LXXVIII. 

ALIA CARTA DE CHARNEIA. 


I IQ2. 

Nouvelle affirmation de la vente d'un terrain situé à La 
Charnaye, faite à Gui, alors prieur et aujourd'hui aum- 
nier du prieuré , par Jean Lepie , avec approbation de sa 
femme et de ses enfants , et .) condition qu'en cas de 
dommage l'acquéreur s'indemniserait sur la ferme JAr- 
genvières . L'évêque de Nevers ratifie cet acte et lance 
l'anathème contre ceux qui oseraient l'attaquer . 

Sciant omnes qui présentes litteras viderint vel audicrinr 
quod Joannes Lepie et Aurea uxor sua vendiderunt Guidoni 
de Charitate eleemosynario, qui tune temporis erat prior (rj, 
quoddam frustrum de terra quod habebant in campo de 
Charneia et omnem censum quem habebant in teneura de 
Charneia predicta. Joannes vero predictus et Aurea uxor ejus 
et Reginaudus et Guillelmus, filii eorum, juraverunt istam 1 
venditionem tenendam et laudaverunt. Amelina vero uxor 
Roberti Lepie hoc laudavit et concessit. Tali etiam modo 
quod si eleemosynarius de Charitate recipiet aliquod damnum 
de terra vel de censu ab aliquo, restaurabit illud damnum | 
in guageria de Argenveriis ( 2 ), quam ipse tenet de Joanne 
predicto. Ut hoc autem ratum et firmum teneatur, ego 
Joannes, Nivernensis episcopus (3), sigillum raeum impono 
et anathematis sententie subjiciam Joannem Lepie et omnes I 

(1) Gui, surnommé Gui l’Aumônier, treizième prieur de U 

Charité, de 1179 à 1192. I 

(2) Guageria ou prædium , terre bâtie et garnie pour une exploita- 
tion agricole. (Oucange.) , 

( 3 ) Jean, évéque de Nevers, 1188-1196. 


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Cuffr. 


175 


heredes ejus, si de cetero venditioni predicte male oriuntur et 
omnes alios qui ex parte Joannis sepedicti ipsi venditioni 
aliquo modo résistent, donec veniant ad satisfactionem. 
Hujus venditionis sunt testes, scilicet Reginaudus de Galis, 
Vuido Garant, Chaldero Bartelais, Hugo Suavis, qui tune 
erat prepositus de Charitate, Giraldus Blanchet, Stephanus 
de Averiat, Odo Burfaut, Thomas Morant, Garnerius 
Mareschallus, Stephanus Mathue et plures alii, anno incar- 
nati Verbi millesimo centesimo nonagesimo secundo. 


JLXXIX. 

CARTA RAINALDI DE NIVERNIS DE SEX MODIIS ANNONE 
APUD CUFIACUM REDDENDIS. 


1 190. 

Rainaud de Nevers fait don aux religieux de La Charité 
de six muids de grain à prendre à son grenier de 
Cuffÿ. En retour les religieux s'engagent à dire une 
messe chaque jour à perpétuité , pour lui , pendant sa vie, 
puis pour les défunts ; à garder une lampe allumée nuit 
et jour et à donner un repas à deux pauvres chaque 
samedi. 

In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Notum 
sit omnibus, tam futuris quam presentibus, quod ego, 
Rainaldus de Ni vernis (1), volens satisfacere ecclesie beate 
Marie et conventui de Charitate, ab eisdem veniam de 
omnibus in quibus eos offenderam accipiens, pro Dei amore 

(1) Plusieurs personnages ont porté le nom de Rainaud de Nevers; 
nous donnerons dans la table onomastique leurs diverses situations. 
Celui-ci mourut au siège d’Acre en 1191; il fut enterré à Saint- 
Germain d’Auxerre ; sa femme se fit religieuse à Fontevrault. 


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176 


Cartulaire de La Charité. 


et anime mee antecessorumque meorum salute, dedi et 
concessi predicte ecclesie et monachis, sex modiosannone 
annuatim reddendos et perenniter in meo granario Cutiaa ti,, 
in octavis omnium sanctorum , duos modios videlicet firu- 
menti et quatuor annone. Ipsi vero monachi ad honorem 
Dei et utilitatem corporis et anime mee assignaverunt mihi 
unum altare cum universo ornamento, ubi missa quoddie 
celebrabitur de Spiritu Sancto, quamdiu vita mihi supcrsts 
fuerit, et post obitum meum pro fidelibus defunctis, unim- 
que lampadem die ac nocte accensam, duosque pauperes 
unoquoque sabbato semel reficiendos. Hoc idem laudavit 
et concessit Alix uxor mea. Hujus rei testes sunt Robertus 
de Clameciaco, Constantinus eleeraosynarius, Vuillelmus 
de Sancto Sepulchro, GuidodeTarenceio, Gaufridus Urtaldi, 
Guido Garaudi, Robertus Trossebois prepositus Germiniaci, 
Gerardus Baudins, Guillelmus Rex de Charitate, Seguinus 
Grivels, Renaudus Imbaud, Petrus Imbaud, Guillelmus de 
Jarria, Hugo Suavis, Garnerius Marescallus, HugodeJarria 
qui hanc cartam scripsit. Et ut hoc ratum et tirmum et 
inconcussum in posterum teneretur, sigilli mei et sigilü 
uxoris mee impressione muniri feci. Actum anno Vcrbi 
incarnati millesimo centesimo nonagesimo. 


LXXX. 

CARTA PETRI, COMITIS NIVERNENSIS, DE REMISSION! 
CUJUSDAM MALE TOLTE SUPER VINEAS PERCEPTE 
APUD CHARITATEM. 


1193. 

La comtesse Agnès, à ses derniers moments, et en l'absence 
de son mari, déclare en manière de testament , devant 

( 1 ) Cuffÿ, canton de La Guerche (Cher), châtellenie du comté de Nevers. 


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J 



Pierre de Courtenay. 


1 77 


témoins , quelle s'en rapportait à lui pour le choix d'une 
donation à faire pour le repos de son âme. Pierre de 
Courtenay , entre autres bénéfices , renonce à son droit 
de maletote sur les vignes , depuis la Bertrange jusqu'à 
La Charité , laissant désormais les vignerons libres de 
cultiver et vendanger à leur gré sans être astreints à 
autre chose que le cens et la dtme . L'évêque de Nevers 
frappera d'interdit ceux qui manqueraient à cette con- 
vention. 

Notum sit omnibus tam futuris quam presentibus quod 
Agnes, comitissa Nivernensis (i), laborans in extrema sua 
infirmitate unde obiit, cum sibi mors instaret , nec Petrus 
maritus suus, cornes Nivernensis, presens adesset, de testa- 
mento suo faciendo et ordinando, per manum Pétri mariti 
sui et Pétri de Curchum et ad eorum dispositionem dispo- 
suit penitus et confidenter reliquit, in his duobus pre ceteris 
confidebatur quod remedio anime sue affectuosa voluntate 
pre aliis essent provisuri, hoc quidem tecit, presentibus et 
audientibus ipso Petro de Curchum, Stephano de Champi- 
gnellis, Clavello capellano, domina Joanna Aupacia, domina 
Joanna, Isabel et Alaïca (2), Gaufredo Marescallo. 

Ego Petrus, cornes Nivernensis, volens satistacere honeste 
voluntati Agnetis dilecte uxoris mee defuncte quam in testa- 
menti sui negotio, sicut prescriptum est, habuerat ad conci- 
lium honestorum virorum tamen ideo prius habitum, inter 
alia bénéficia que pro remedjo anime Agnetis uxoris mee 


(1) Agnès, fille du comte Gui et de Mahaut de Bourgogne (voyez 
ci-dessus, ch. LXIX), héritière du comté de Nevers après le décès de 
son frère Guillaume V, mort en bas âge ; mariée par Philippe- 
Auguste à son cousin Pierre de Courtenay, en 1184. On porte sa 
mort à l’année 1192, quelque temps avant cette charte. 

(2) Les dernières volontés de la comtesse Agnès furent certifiées par 
des hommes et par des femmes comme témoins; c’est une circons- 
tance qui se présente rarement. 

23 


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i 7 8 


Cartulaire de La Charité . 


feci, quitavi penitus et in perpetuum condonavi quamdax 
pravam consuetudinem que vulgo dicitur mala tolia quam 
habui in vineis que sunt a Castro Marchie et a villa Canuot: 
et a bosco qui dicitur Bertrangia (i), totaliter usque ad 
Charitatem ; ut ilia prava consuetudo que in illis vineis 
prius exercebatur, pro remedio anime Agnetis sepedictecesset 
penitus et imperpetuum deleatur, ita scilicet quod hommes 
quorum sunt vel erunt vinee, ille in pace teneant et habeant 
sine calumnia sicut suas, et quando voluerint fructus colli- 
gent, et vindemiabunt sine mandato et sine licencia a m t 
vel a meis expetita, reddendo pro illis vineis annuatim census 
et décimas solum dominis quibus debentur, et salvo jure 
dominorum in quorum dominio site sunt vinee ille. Nec 
deinceps ego, vel alii pro me, vel pro successore meo, habe 
bimus in vineis illis custodes, nec vineatores, neque aliquas 
pravas consuetudines imperpetuum. Istud dono et concedo 
pro Agnete uxore mea ad remedium anime sue sempiternuΠ
Quod ut ratum sil et inconcussum, sigillo meo et sigillo 
domini Joannis, Nivernensis episcopi, et sigillo Gaufredi [2 
senescalli mei est confirmatum. Et si quis venire contra hoc, 
vel facere presumpserit, volo et peto a Nivernensi episcopo 
ut terram Niverncnsem supponat interdicto, donec fueri: 
emendatum quod contra hoc fieri presumetur. Hujus rei 
testes sunt : Hebraudus, prepositus de Ni vernis, in cujus 
tempore fuit hoc factum, Hugo de Poisolio, Chaudero 
Bertelais, Guido Guairaudo, Bernardus filius Vualonis 
Letericus de Castro-novo, Stephanus de Alvernia, Obertus 
Morandi, Petrus de Boney, Robertus de Brieria, Seguinus 
Porcherius, Michael de Marchia. Actum anno incarnau 
Verbi millesimo centesimo nonagesimo tertio, Philippo rege 
Francorum féliciter régnante. 


(i; La Marche, Champvoux, La Bertrange ; ces localités limitent k 
plateau qui s'étend au sud-est de La Charité. 

(2) Geoffroi de Pougues et Jean, évéque de Nevers, U8&-1196. 


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Menetou-Ratel. 


17 9 


LXXXI. 

CONVENTIO INTER ODONEM DE SOLIACO ET MONA- 
CHOS CHARITATIS, DE MONASTELLO. 


1194. 

Convention au sujet des réclamations , abus et contestations 
entre les hommes des religieux et ceux d'Eudes de 
Sully, à Menetou-Ratel et dans les environs. Les parties 
s'entendront pour le choix des arbitres dans les cas de 
vol et sur les circonstances où la justice leur appartien- 
dra, à l'un ou à l'autre . Les religieux ne prendront aucun 
avoué pour leurs terres et les héritiers de Eudes de Sully 
devront jurer les conventions dans leur première année. 
En terminant , Eudes reconnaît les donations faites par 
son père et son aïeul. 

Quoniam que provide et rationabiliter iiunt, ad posterorum 
notitiam scripto committere jus et ratio exigit, ego Savaricus 
prior (1) et conventus de Charitate, tam presentibus quam 
futuris notum facimus, quod pactiones que inter dominum 
Gilonem de Soliaco (2) et nos, tempore Humbaldi et 
Radulfi ( 3 ) antecessorum nostrorum facte sunt, nos similiter 
erga Odonem , filium predicti Gilonis, subsequenti scripto 

(1) Savaric, quatorzième prieur de La Charité, 1192- 1194. 

(2) Aujourd’hui Sully-sur-Loire, canton de l’arrondissement de Gien, 
berceau de l’illustre famille des Sully. Ces seigneurs, descendant de la 
maison de Champagne, avaient reçu leur fief des comtes de Sancerre. 
Ils paraissent fréquemment dans cette partie nord du Cher, où ils ont 
donné leur nom de Gilon aux Aix et à La Chapelle. (Boyer, La Tour 
de Vivre, passim.) 

( 3 ) Humbaud, neuvième prieur, 1162-1164, et Rodolphe de Sully 
ou Seuly, 1163-1176, vraisemblablement de la famille des Sully, ce 
qui lui facilita cette convention. 


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i8o 


Cartulaire de La Charité . 


replicamus, et posterorum memorie conservandas mandamus. 
Odo igitur spopondit et juramento firraavit , quod a die pac- 
tionis istius et in reliqua tota vita sua pacem monachis de 
Charitate et rebus eorum, nominatim apud Monastellum (i) 
et apud Sanctum Celsum ( 2 ), et Sanctam Montanam (3) aut 
ubicumque possessorium suum extendere contigerit, bona 
fide tenebit. Si de iis que monachi tenuerunt, pro tempore 
patris sui domini Gilonis, vel avi sui domini Archimbaldi, 
in aliquo jus se habere crediderit , ad monachos clamabit et 
in curia eorum jus suum, si quid fuerit, recipiet. De iis 
autem que dominus Archimbaldus, avus suus, suo tempore, 
vel pater suus sine reclamatione monachorum suo tempore 
possederat investitus remanebit. Porro si monachi in rebus 
ipsius jus se habere cognoverint, in curia domini Odonis vel 
modo vel quando ad terre totius universum perveniente jus 
suum récipient. Quod si forte aliquando ipse vel sui aliquid 
de rebus monachorum ceperit, infra quindecim dies quod 
requisitus fuerit, absque dilatione restituet, vel etiam si aliquo 
modo cognoverit. Si autem inde contentio emerserit, vel illi 
qui ceperint hoc negavcrint, quidquid monachi per duos 
legitimos homines probare potuerint, reddint absque ulla 
contentione et duello, % salvo jure et sacramento domini 
Odonis et militum et servientium ejus. Si quos homines 
post mortem domini Archimbaldi in commendatione rece- 
perat, quitabit et deinceps nec ipse, nec sui, aliquos hominum 
monachorum eos negaverit, vel ab eis aulugerit dominus 
Odo per totam potestatem suam pro posse suo , absque aliis 
sumptibus eos ad subjectionem et domini um monachorum 
redire faciet. Si homines monachorum de baronia domini 
Odonis alium dominum fecerint prêter monachos , dominus 

( 1 ) Menetou-Salon ou Menetou-Ratel, près Sancerre; plutôt Menetou- 
Ratel , où le prieuré dépendait de La Charité. Le prieuré de Menetou- 
Salon relevait de Pabbaye de Saint-Sulpice-lez-Bourges. 

(a) Saint-Céols, canton des Aix, arrondissement de Bourges. 

(3) Sainte-Montaine, canton d’Aubigny, arrondissement de Sancerre. 


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Mënetou-RateL 


1 8 1 


Odo monachos inde requiret. Quod si monachi de eis facere 
justitiam ei non potuerint, justitia corporum eorum et pecu- 
nie domni Odonis erit. Hommes vero quoquomodo reman- 
serint, monachorum erunt. De hominibus monachorum 
dominus Odo in curia unde fuerint jus suum recipiet, scili- 
cet de Monastello apud Monastelium, et similiterde reliquis. 
Laudavit etiam domnus Odo donum illud quod dédit 
domnus Archimbaldus, frater suus, pro animabus anteces- 
sorum suorum et sua , et pro quibusdam excessibus quos 
contra monachos irrogaverat, quidquid habebat apud Malum 
boscum (i), scilicet sex familial hôminum cum oschiis et 
terra plana et nemoribus, et quidquid deinceps ex eis exierit, 
et censum et justitiam, sicut domnus Archimbaldus avus 
ejus et domnus Gilo, pater ejus, quoquomodo apud Malum 
boscum possédèrent, quiete laudavit dominus Odo, utomnia 
monachi in pace possideant, sicut antecessores quiete et libéré 
tenuerant. Hec omnia, que superscripta sunt, dominus Odo 
juravit quod omnia bona fide servabit et firmiter tenebit, nec 
cartam hanc infringet. Monachi vero ei concesserunt quod in 
nullo loco quem in potestate domini Odonis habeant, aliquem 
advocatum vel dominum (2) admittent, neque ad Ororium 
super Ligerim ( 3 ), neque ad Argentum (4), neque ad 
Sanctum Celsum vel ad Monastelium, sed neque ut diximus 

(1) Ma u bois. Il y a dans le département du Cher trois hameaux qui 
portent ce nom dans les communes de Villequiers, Dampierre-en-Crot 
et Menetou-Ratel. C’est une présomption de plus en faveur de Menetou- 
Ratel comme désignation du lieu qui concerne notre charte. Nous 
devons ces renseignements et beaucoup d’autres à l’obligeance de 
M. Boyer, le laborieux archiviste du Cher, qui possède, malheureu- 
sement encore en manuscrit, un dictionnaire des plus complets sur 
la topographie de son département. 

(2) Les établissements religieux avaient presque toujours des avoués 
ou vidâmes, défenseurs et administrateurs de leurs intérêts temporels. 
Ici le seigneur qui traitait se réservait d’agir directement avec eux. 

( 3 ) Ouxouer-sur-Loire , canton et arrondissement de Gien. 

(4) Argent, arrondissement de Sancerre. 


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182 


Cartulaire de La Charité. 


in aliquo totius baron ie ejus. Heredcs autem ejus, dumsibi 
invicem successerint, si infra annum quo terram receperint. 
istas conventiones sacramento juraverint, monachi eiscon- 
ventiones supradictas tenebunt. Si vero infra annum non 
fecerint juramentum, monachi nullam convcntionem eis 
tenebunt. Et ut firmius teneatur, ex u traque parte, sigillo 
domini Odonis et sigillis prions et conventus de Charitate 
presens chirographum confirmatum est. Hujus rei testes 
sunt dominus Archimbaudus de Soliaco, Robertus de Asccio 
et Gaufredus frater ejus, Henricus de Bello-Joco, Joannes 
Tardis, Gaufredus de Cruce, Gaufredus Marescallus, Bellus 
frater et alii quam multipliées. Actum anno Verbi incarnati 
millesimo centesimo nonagesimo quarto, régnante Philippe 
in Francia féliciter. 


LXXXII. 

DE CONCORDIA QUE FACTA EST INTER RADULFUM 
ABBATEM ET MONACHOS DE CARITATE , PRO 
NEMORE QUOD DICITUR ISLA. 


113 g ci rca. 

Accord entre les religieux de La Charité et les chanoines 
de Saint-Satur pour la forêt d'isle et les pâtures envi- 
ronnantes , pour V église de Mêves et pour les dûmes ie 
Ménétréol et de Thauvenay. 

Inter P. ( i) priorem et monachos de Karitate et Radulfum. 
abbatem et canonicos Sancti Satyri (2), talis est facta concordia. 

(1) Pierre de Paule, cinquième prieur, d’environ n 38 à 114$ î N*® 
est déjà question ci-dessus, charte LI. 

(2) Saint-Satur, abbaye de chanoines de Saint-Augustin, aujourd hui 

commune du canton de Sancerre. Les archives du Cher possèdent un 
fonds très-important sur cette abbaye. 


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Saint-Satur . 


1 83 


in presentia multorum ab utraque parte laudata : calumpniam 
quam faciebant monachi canonicis, supra novalibus(i) de toto 
nemore ipsorum, quod Isla dicitur, que ipsi canonici fecerant 
propter usus pascuales et refugium, quod homines monacho- 
rum amiserant, penitus dimiserunt, salvis decimis illius 
terre que ad monachos jure parrochiali pertinent et consueto 
usuario in residuo nemoris donec nemus fuerit. Canonici 
vero clamorem ilium quem adversus monachos faciebant, pro 
pratis que in communibus compascuis hominum monacho- 
rum et canonicorum monachi fecerant, omnino dimiserunt, 
eo pacto ut canonici in eisdem compascuis ipsis congruum 
visum fuerit, videlicet juxta prata monachorum vel juxta 
terram canonicorum , octo arpennos prati canonici sibi 
faciant. Deinceps vero nulli liceat , videlicet nec ipsis mona- 
chis, nec ipsis canonicis, de ipsis compascuis aliquid minuere 
vel in aliquos alios usus redigere. Item clamorem, quem de 
ecclesia de Meva canonici monachis faciebant, ex toto dimi- 
serunt ; monachi vero questionem quam de abbatia Sancti 
Satyri moverant, quamvis nulla esset, in perpetuum dimise- 
runt. Décimas vinearum suarum, quas monachi in parrochiis 
canonicorum habent, in ea videlicet de Monasterello et in ea 
de Talvenniaco ( 2 ), quarum monachi ex parte eas retinere 
consueverant, ammodo se ex integro, sicut alii parrochiani, 
se reddituros canonicis promiserunt, finitis utriusque partis 
omnibus querelis et controversiis. Concessum est autem ut 
hujus concordie carta ab utriusque ecclesie capitulis laudetur, 
et sub cyrographo partita ab utraque ecclesia (3), utrique 

(1) Novales , rompeis , essarts , désignent des terres nouvellement 
dé frichées. 

(2) Ménétréol-sous-Sancerre , Thauvenay, communes du canton de 
Sancerre. 

( 3 ) La pièce porte en effet au bas du parchemin le mot cyrogra - 
phum, dont les caractères ont été, selon l’usage, coupés par la moitié, 
dans le sens de la hauteur, pour témoigner de l’authenticité des deux 
copies. 


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i8 4 


Cartulaire de La Charité . 


ecclesie sigillo munira habeatur. Facta autem ut predictum 
est concordia ista, per manus venerabilium virorum Himari 
Tuschulani episcopi, G. videlicet Burdegalensis archiepiscopi 
et Gui Cenomanensis episcopi et R. Petragoricensis episco- 
porum et multorum aliorum sapieniium et discretorum 
virorum (i). 


LXXXIII. 

DE CONCORDIA QUE FACTA EST DE NEMORE DE 
MEVA QUOD VOCATUR ILLA, IN QUO HOMINES 
DE POLIACO PETEBANT USUS PASCUALES. 


ii 39 Avril 10. 

En présence de Vabbé de Cluny et sur ravis de cinq 
arbitres y au sujet de la même forêt d'Isle, il est convenu 
que Vabbé de Saint - Satur donnera aux hommes de 
Pouilly et Charenton, appartenant à La Charité , l'auto- 
risation de pacage pour tous bestiaux , depuis Pâques 
jusqu'au / er octobre , et de panage , cest-à-dire de gland 
et de fêne , pour les porcs seulement , dans le courant de 
l'hiver. Il se réserve pour la chasse quinze jours avant 
Noël et avant Pâques . En cas de guerre ou de danger 
quelconque y les hommes de Pouilly pourront chercher un 
refuge dans la forêt pour eux et leurs bestiaux. 

Quoniam quicquid tempori subicitur cum tempore varia- 
tur et oblivione deletur, ne hujus rei communiter diffinite 
auctoribus pereuntibus, memoria deperiret, dignum duximus 
litteris adsignare pacem et concordiam que per manum 

(1) Cette charte et les suivantes existent en original aux archives du 
Cher, fonds de Saint-Satur, liasses de Mêves , n* 4. 


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Pouilly et Charenton. 


1 85 


domni Pétri abbatis Cluniacensis et illustrium virorum 
laude diffinita, facta est inter monachos de Karitate et cano- 
nicos de Sancto Satyro , quoniam inter eos orta erat mutue 
concertationis altercatio, propter consuetndines cujusdam 
nemoris Sancti Satyri, quod Isla dicitur, cujus usus pas- 
cuales homines sancte Marie de Polliaco et Charentonio sibi 
forte plus justo volebant vendicare, econtra homines Sancti 
Satyri de Meva (i), plus justo sibi conabantur defendere, ut 
posteris. innotescat quid monachi de Karitate et eorum ho- 
mines in predicto nemore querere debeant et habere, et quid 
illis non liceat usurpare. Notum ergo sit omnibus quod 
monachi de Karitate et canonici de Sancto Satyro, eorumque 
homines, diu sub hoc mutue altercationis genere contenden- 
tes, tandem ante conspectum domni Pétri Cluniacensis 
abbatis convenerunt, cujus consilio et assensu Radulli, 
abbatis Sancti Satyri , in manu quinque virorum sapientium 
causa mutue concentionis et totius concertationis controversia 
data est componenda : hoc videlicet pacto ut quicquid ab 
ipsis supra hoc , pacis intuitu et concordie , laudaretur ab 
utraque parte sine refragatione concederetur. Hi igitur quibus 
hujus rei agende negotium impositum fuerat, statuta die 
convenientes et res rebus comparantes, pacis intuitu commu- 
niter laudaverunt ut in annoquo in predicto nemore tantum 
pastus fuerit glandis et fagine, quo secundum usum terre 
propter pasnagium defendi debeat , a kalendis octobris usque 
in pascha defendatur, et sit in arbitrio abbatis Sancti Satyri 
quando ipsum nemus aperire velit ad pasnagium in predicto 
tempore; et tune hominibus Sancte Marie nec capras, nec 
boves, nec oves pascendi gratia immittere licebit, prout 
solummodo porcos propter pasnagium (2). Si vero infra ter- 

(1) Pouilly appartenait à La Charité, Mêves à Saint-Satur; la forêt 
d’Isle, objet de cette convention, se trouvait vraisemblablement entre 
ces deux localités. 

(2) Ces mots établissent très-clairement la différence entre les deux 
droits de pacage ou de panage. 

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1 86 


Cartulaire de La Charité . 


minum pasche porci, qui ad pascendam glandem sivefaginem 
immissi fuerant, a nemore pascendi necessitate recesserint, 
ex tune usque ad sequens festum sancti Germani, kalendas 
octobris (i), omnibus bestiis nemus ingredi et quod invene- 
rint pascere licebit. De cetero, laudatum est quindecim 
diebus ante Natale Domini et quindecim diebus ante Pascha 
solummodo idem nemus, causa venationis, defendi , hoc 
autem prius in eccclesia apud Polliacum annunciari. Additur 
etiam ut si timor hostium, vel incursio per domnum, vel 
imminens exercitus,ad nemus bestias quocumque tempore 
fugere compulerit, illud equum esse ut, quandiu talis néces- 
sitas exegerit, illic debeant habere refugium et ut vicini 
vicinis saltim in articulo prebeant necessitatis effugium. 
Laus ista facta et concessa est anno ab incamatione Domini 
millesimo centesimo tricesimo nono, regni vero Ludovici 
junioris, regis Francorum et ducis Aquitaniorum , anno 
secundo. Data die quinta iduum aprilium (2) indictione 
secunda. 


LXXXIV. 

DE CONCORDIA MONACHORUM DE CARITATE, EPISCOPI 
ALANI PRIVILEGIUM. 


11 58. 


Alain , évêque d’Auxerre, termine un différend entre les 
religieux de La Charité et V abbé de Saint-Satur. Chacun 
jouira des dîmes de ses églises . Les dîmes des vignes de 


(1) Saint Germain, évêque d’Auxerre, le i M octobre. 

(2) Cyrographe. Il reste la place de deul sceaux ; Tun manque en 
entier , l’autre, dont l’exergue a disparu, représente un abbé à cheval. 
Cire jaune, lacs de parchemin. 


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Mêves. 


187 


Saint-Romble , les droits dans la forêt d’Isle resteront 
aux religieux , qui donnent deux « aires » à Mêves. Les 
terres indivises seront partagées , wwe famille de serfs le 
sera également. Les moulins à blé et à foulon travaille- 
ront de concert pour les deux parties. 

In nomine summe et individue Trinitatis, Patris et Filii 
et Spiritus Sancti, amen. Quoniam ad nostrum spectat offi- 
cium paci ecclesiarum, et earum maxime que ad diocesim 
nostram pertinent, providere ; ideo notum fieri volo presen- 
tibus et futuris, quia ego, Alanus, Dei gratia Autissiodo- 
rensis episcopus, et plerique viri religiosi mecum, controver- 
siam quandam que inter monacos de Karitate et abbatem 
Sancti Satiri, pro jure alterutrarum possessionum emerserat, 
tali inter eos facta compositione, decidimus : décimas que ad 
jus parrochialium ecclesiarum abbatis Sancti Satiri pertinen- 
tium ad proprietatem domus Sancti Satiri ulterius, monachi 
non présument accipere et quas hactenus tenuerant prefato 
abbati dimittent. Simili modo décimas que ad jus parrochia- 
lium ecclesiarum de Caritate pertinentium ad proprietatem 
domus de Karitate, ulterius abbas vel canonici Sancti Satiri 
non présument accipere, et si quas hactenus acceperant in pace 
dimittent. Décimas tamen cujusdam vinee que dicitur clausus 
de Chissiaco, que est in parrochia monialium Sancti Romuli ( 1 ) 
que communisest per medium canonicorum Sancti Satiri, 
abbas monachis concessit, ea conditione ut ulterius monachi 
nichil adquirant in prefata parrochia, unde minuatur ilia 
medietas décimé que canonicorum propria esse dinoscitur. 
Item in pratis et novalibusdetotonemore Sancti Satiri, quod 
Isla dicitur, nichil ulterius monachi requirent, neque cano- 
nici in pratis et novalibus de Ulmeria, exceptis usuariis 
utriusque partis, sine detrimento pratorum et satorum. 
Monachi quoque concederunt ecclesie Sancti Satiri duas 

(1) Saint-Romble, près Sancerre. 


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i88 


Cartulaire de La Charité . 


areas (i) quas habent Meve, unam sine censu, aheram cum 
censu octo denariorum, sine laude et venditione, justicievel 
exactionis retentione. Terre communes, concessum est ut 
dividantur. Ubi compertum fuerit quod molendini, quo> 
abbas de novo edificavit, nocere habeant molendinis et pratis 
monacorum, abbas hanc eis querelam laude et consilio 
magistrorum qui id probare habuerint emendabit. Incapella 
de Pressorio (2) concedit abbas divinum officium celebrari 
secundum tenorem litterarum domini pape. De Ebrardo 
quodam, cognomento Vadit-petra, qui adhuc vivit, statu- 
ai m est ut statutum (sic), servitium utrisque, abbativide- 
licet et monachis, in vita sua annis singulis, in commune 
reddat. Post decessum ipsius Ebrardi, utrique, abbas scilicet 
et monachi, eos qui de Ebrardo geniti fuerint, equaliter per 
medium divident et substantiam. Prohibitionem vero quam 
monachi hominibus suis fecerant ne ad molendinos de Meva 
irent molerc vel pannos fullere [non] remanere facient, et 
ulterius talem prohibitionem non facient, nisi forte conti- 
gerit molendinos monachos habere proprios ad quoshomines 
suos ire faciant. In pressorio Sancte Marie juxta Sancerum 
decimam quam canonici in vino solebant accipere in botris 
accipient. Hanc compositionis paginam, in utroque capitulo 
scilicet beate Marie de Karitate et Sancti Satin lectamet 
sigillo utriusque capituli roboratam fecimus et nos sigilli 
nostri, impressione muniri, ut deinceps magisratum habeatur, 
in quo taliter convenisse utrorumque videtur assensus. 
Actum hoc, episcopatus domini Alani, Autissiodorensisepis- 
copi, anno sexto, Rainaldo venerabili viro existente priore 

(1) Le mot area , selon Ducange, désigne un champ non cultivé, une 
place de foire, un espace destiné au battage des grains, quelquefois 
même un droit de pacage dans les prairies. Dans la circonstance, il 
semble qu’il s’agit ici d’une place de foire. 

(2) Cette chapelle du Pressoir et le pressoir de Notre-Dame, près 
Sancerre, cité quelques lignes plus bas, doivent désigner le même 
endroit. Nous ignorons à quelle localité il se rapporte aujourd’hui. 


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Mêves. 


189 


Karitatis (1) ac Rainaldo archidiacono Autissiodorense, an no 
ab incarnatione Domtni millesimocentesimo quinquagesimo 
octavo. 


LXXXV. 

DE VENDITIONE OMNIUM RERUM QUAS HABEBANT 
MONACHI DE KARITATE APUD MEVAM. 


1208 Février. 

Les religieux de La Charité vendent aux chanoines de 
Saint-Satur , moyennant 620 livres de Gien, tout ce 
qu'ils possèdent à Mêves , excepté les dîmes et Véglise de 
Saint-Julien. 

Ego, frater Gaufridus dictus, prior et convenais de Kari- 
tate, notum facimus universis presentibus et futuris quod 
nos vendidimus, pro sexcentis libris et viginti libris Giemen- 
sibus, cum assensu et voluntate tocius capituli, nostris vene- 
rabilibus viris, abbati et canonicis Sancti Satyri , quicquid 
habebamus in territorio et in villa de Mevia, excepta ecclesia 
Sancti Juliani (2) que ad nos pertinet, et exceptis decimis que 
nostre sunt ab antiquo. Concessimus igitur nominatis cano- 
nicis ut que eis vendidimus, in pace et in perpetuum 
possideant et habeant , absque omni contracfictione. Et ne 
posteris veniat in dubium, presentem paginam sigillis nostris 
confirmavimus , et concessimus quod hoc idem a domino 

( 1 ) Raynaud, huitième prieur, de 1154 à 1162. Alain, évêque 
d'Auxerre, 1152-1167. Il confirma les biens du prieuré de La Charité 
dans son diocèse, à la demande du prieur Raynaud. Voyez ci-dessus, 
ch. XXV, p. 79, où les années de Raynaud sont portées par erreur de 
1 1 54 à 1179. 

t») L’église paroissiale de Mêves, récemment reconstruite à la place 
de l’ancienne, qui datait du douzième siècle, est dédiée à saint Julien. 


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Cartulaire de La Charité. 


190 


Cluniacensi faceremus confirmari. Rogavimus etiam venera- 
bilem patrem nostrum Vuillelmum (1) Autissiodorensem 
episcopum ut hoc idem suo sigillo confirmaretur. Actum 
anno Domini millesimo ducentesimo octavo , mense 
februario. 


LXXXVI. 

DE REBUS NOBIS VENDITIS QUAS HABEBANT MONACHI 
DE KARITATE APUD MEVAM. 


1 208. 

L'abbé de Cluny autorise la vente des biens de Méves aux 
conditions indiquées dans la charte précédente. 

Ego, frater Wilielmus, humilis Cluniacensis abbas, notum 
facio presentibus et futuris quod vendicionem quam Gau- 
fridus prior (2) et conventus de Karitate leeerunt abbati et 
canonicis Sancti Satiri, de omnibus rebus illis quas ecclesia 
de Karitate habebat in villa et in potestate de Meva, exceptis 
decimis bladi et vini et lini et canabi et milii et panicii ( 3 j 
et excepta ecclesia Sancti Juiiani de Meva, que excepta réma- 
nent in perpetuum ecclesie de Karitate, secundum quod in 
eorumdem prioris et conventus de Karitate autentico conti- 
netur, ratam habemus et sigillo nostro confirmamus. Actum 
anno gratie millesimo ducentesimo octavo. 

(1) Guillaume de Seignelay, évêque d’Auxerre, 1207-1220. 

(2) On se rappelle la triste conduite du prieur Godefroi, frère du 
comte Hervé, dont la rébellion contre l’abbé de Cluny est racontée 
tout au long dans les deux lettres d’innocent III. (Voyez ci-dessus, p. 67 
et suiv.) Cette charte est de la première année de Godefroi ; elle 
prouve que les hostilités n’étaient pas encore commencées entre lui 
et l’abbé. 

( 3 ) Chanvre, millet et alpiste ou sorte de millet. 


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Mêves. 


191 


LXXXVII. 

DE DONATIONE DECIME LANARUM ET AGNORUM , DE 
TOTA POTESTATE MEVE , QUAM DEDIT NOBIS GUIL- 
LELMUS AUTISSIODORENSIS EPISCOPUS. 


1209. — Cosne. 

L'évêque d'Auxerre abandonne à Saint-Satur la dîme des 
laines de Mêves , qui lui avait été donnée par le prieur 
de La Charité. 

Vuillelmus, Dei gratia Autissiodorensis episcopus , omni- 
bus ad quos littere iste pervenerint, eternam in Domino 
salutem. Noverit universitas vestra nos liberaliter et in 
perpetuum dedisse dilectis in Christo R... abbati et conventui 
Sancti Satyri totam decimam lanarum et agnorum de villa et 
de tota potestate de Meva, quam et nobis viri venerabiles et 
in Christo dilecti, Gaufridus prior et conventus de Caritate 
libéré et absoiute dederunt (1), sicut plenius in eorum conti- 
netur autentico ; quod nos eum presenti scripto nostro ipsis 
canonicis, in testimonium hujus donationis, concessimus et 
munimen. Ut autem hec nostra donatio et concessio rata et 
firmior in posterum habeatur, et ne prefati canonici possint in 
aliquo super hoc molestari, presentem cartam sigilli nostri 
testimonio et presentis scripti patrocinio fecimus roborari. 
Actum publice apud Conam, anno grade millesimo ducente- 
simo nono, indictione duodecima. 

(0 La donation à l’évêque Guillaume de Seignelay est datée de 
février 1208; elle existe aussi aux archives du Cher. Le prieur 
Godefroi fit une quantité de ventes ou donations qui réduisirent 
considérablement les revenus du monastère. 


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192 


Cartulaire de La Charité . 


LXXXVIII. 

CARTA DE PATINGIIS ET DE TORTRUM. 


1200 circa. 

Les religieux de La Charité consentent à ce que V église de 
Saint-Martin de Nevers donne deux quartauts de seigle 
et d'orge à leur prieuré de Patinges , en place de la dîme 
que leur devaient les chanoines de T or ter on. 

Noverint universi présentes litteras inspecturi quod que- 
rela que diu ventilata fuit inter ecclesiam de Cantate et 
ecclesiam Sancti Martini Nivernensis (1) super décima de 
Tortrum sopita est hoc modo : quod in perpetuum, singulis 
annis in crastinum Sancti Remigii, solvent canonici de 
Tortrum (2) prioratui de Patingiis duos cartallos siguli et 
duos cartallos ordei ad mensuram de Patingiis ( 3 ), de propriis 
laboribus ipsorum canonicorum etculturis. In cujus rei 
testimonium, ego Guillelmus (4), prior humilis et convenais 
Beate Marie de Caritate presentem cartullam sigillorum 
nostrorum impressione consignavimus. 

(1) Abbaye de Saint-Martin de Nevers, occupée par des chanoines 
réguliers de Saint-Augustin. Cette charte, dont l'original est aux 
archives de la Nièvre, vient du fonds de cette abbaye. 

(2) Torteron, sur l’Aubois, entre Patinges et Menetou-Couture 
(Cher). 

( 3 ) Pour les mesures, les noms restent presque partout les mêmes et 
les capacités varient à l'infini. A Chartres , Guérard estime le muid 
pour les grains à i 5 hectolitres 17 litres (Saint-Père, préf., n* 168), et le 
quartaut représente, soit le quart, soit quatre fois le muid. Ces calculs 
sont très-vagues et les renseignements précis font entièrement défaut. 

(4) Guillaume II, quinzième prieur de La Charité, de 1198 à 1209. 
L’écriture de la première moitié du treizième siècle et la mention de 
ce prieur autorisent à dater cette charte de l’an 1200 environ. 


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Nogent-l’ Artaud. 


193 


LXXXIX. 

QUOMODO GUILLELMUS, PRIOR DE CHARITATE ET DE 
SEZANN1A ORDINAVIT ANNIVE RSARI A FACIENDA 
PRO DOMINO ARTAUDO DE NOGENTO ET UXORE 
ET FILIIS EJUS. 


1198 Avril i ,r . 

Artaud de Nogent donne au prieuré de La Charité une 
somme de cent livres devant rapporter un revenu annuel 
suffisant pour un anniversaire de famille. La rente est 
établie sur les étaux des boulangers, où Von prendra dix 
sous pour chaque anniversaire de lui, de sa femme et de 
ses deux fils. En outre, les religieux s'engagent à dire 
une messe par jour et à les faire entrer , comme les 
autres moines , en participation de prières. 

Ego fraterGuillelmus, priorde Charitate (1), tune temporis 
tenens in manu mea domum beati Juliani de Sezania et 
conventus dicte domus de Sezania, notum facimus presen- 
tibus et futuris quod Artaudus de Nogento (2) tradidit nobis 
centum libras, ut de ipsa pecunia comparemus aliquem 
redditum qui pro anime sue, uxoris et filiorum remedio, sol- 
veretur annuatim. Nos autem quoniam sufficiebamus ad 
solutionem pecuniarie commissionis, annuum redditum 
quem diximus, assignavimus super estallia panetariorum 
que nostra esse dignoscuntur. Cujus assignationis hec est 
forma : singulis annis in anniversario prefati Artaudi X 

(1) Guillaume II, quinzième prieur de La Charité, 1198-1208, et 
auparavant prieur de Sézanne. 

(2) On trouve Gilon et Geoffroi de Nogent, en u 63 , comme bien- 
faiteurs de l’abbaye de Vauluisant (Yonne). ( [Cartulaire de V Yonne, 
I, p. 408; II, p. 157.) Il s’agit évidemment de Nogent-l’Artaud, arron- 
dissement de Château-Thierry (Aisne). 

23 


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*94 


Cartulaire de La Charité . 


solidi exhibebuntur de nominatis estallis, ad procurationem 
monachorum sancti Juliani et X in anniversario Joannis, et 
X in anniversario Nicolal filiorum ejus et X similiter solidi 
in anniversario Hodierneuxoris ejusdem Artaudi. Residuum 
hoc quod exhibebitur de ipsis estallis, totum prêter XX 
solidos qui ibidem antea assignata fuerant pro quatuor 
anniversariis, Milonis videlicet Bremaut, Joannis fratris 
eius, patris et matris ejusdem Milonis, totum inquam 
residuum in prefatorum monachorum expendetur vestitura. 
Concessimus preterea predicto Artaudo, uxori et filiis ejus ut 
pro eorum animabus, singulis diebus unam missam celebra- 
bimus in eternum , fecimusque eos participes omnium bene- 
ficiorum que fiunt et fient imperpetuum, in ecclesia de 
Charitate, tam in capite quam in membris et pro quolibet 
eorum fiet, quantum pro aliquo monachorum nostrorum. 
Ut igitur hec concessio firma sit et non possit infirmari 
in posterum, hoc chirographum sigillo beate Marie de 
Charitate et sigillo beati Juliani de Sezannia roboramus, 
anno Domini millesimo centesimo nonagesimo octavo (i), 
prima die aprilis. 


xc. 

QUOMODO SADO DE PATINGIIS DEDIT ECCLESIE DE 
CHARITATE QUIDQUID IBI HABEBAT IN CENSIBUS 
ET IN TERRIS. 


11 99 - 

Sadon de Patinges cède au prieuré tout ce qu'il possédait 
sur le territoire de La Charité , à l'exception de ses 
vassaux et de sa maison de ville , qu'il tiendra en censive 

(i) U n’y a pas lieu de rétablir la date de l’année, cette charte étant 
rendue trois jours après la fête de Pâques qui tombait, en 1198, 
le 29 mars. 


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Sadon de Patinges. 


i 9 5 


pour une redevance annuelle de deux sols , comme les 
autres bourgeois , les droits de justice restant au couvent . 
Il reçoit en payement deux mille livres et sa femme vingt 
livres . En outre , les moines lui assurent à perpétuité une 
rente de vingt livres pour laquelle Sadon sera tenu d'être 
Vhomme lige du couvent. 

Galterius, Dei gratia Nivernensis episcopus, omnibus pré- 
sentes litteras inspecturis, in domino salutem. Notum fieri 
volumusquodSadode Patingiis, miles, homonoster(i), laude 
et assensu uxoris sue Agnetis, pro anime sue et animarum 
predecessorum suorum remedio, donavit imperpetuam elee- 
mosynam ecclesie de Charitate, quidquid ipse habebat in villa 
de Charitate et in potestate ejusdem ville, in censibus, in 
consuetudinibus, in terris, in pratis, in vineis, in nemoribus, 
in aquis et in omni jure, prêter casatos (2) suos quorum 
nomina sunt hec : Rodulfus de Bosco, Chaudero et Guido 
Garaut. Et preterea domum suam de Charitate que Sala 
dicitur, que sibi et heredibus suis retinuit. Domum autem 
ipsam tenebit, tam idem Sado quam heredes sui, ad com- 
munem censum et consuetudinem ipsius ville et reddent ex 
ea, annis singulis, in Assumptione beate Marie, priori et 
conventui de Charitate duos solidos censuales, et prior de 
Charitate habebit in eadem domo omnimodam justitiam, 
sicut in aliis domibus burgensium suorum. Sane Prior et 
conventus ejusdem loci, pie recompensationis intuitu, prefato 
Sadoni duo millia librarum et uxori ejus Agneti viginti 
libras Giemenses liberaliter contulerunt. Insuper constitue- 

(1) Patinges relevait de Cours-les-Barres, fief dépendant de l’évéché 
de Nevers. Sadon avait déjà conclu Tannée précédente un accord avec 
les moines au sujet d’une maison sise à La Charité. (Voyez ci-dessus, 
ch. XLII 1 .) 

(2) Les casati ou vassaux étaient des nobles qui n’avaient pas de 
juridiction territoriale, des officiers attachés au service de la personne 
ou des terres des seigneurs. (Guéràrd, Saint-Père, n* 25.) 


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9 6 


Cartulaire de La Charité . 


runt eidem Sadoni viginti libras Giemenses annuatim, ipa 
et heredibus suis imperpetuum, infra octavas sancti Remigii, 
a priore vel a mandato ejus ipsius persolvendas, que viginti 
libre si statuto termino non solverentur, dictus Sado vel 
heredes sui possent capere vadimonia monachorum pro ipsis 
XX libris, sine sue âdelitatis transgressione. Pro quibus 
viginti libris et pro casatis superius nominatis, sepedictos 
Sado et heredes sui erunt ligii homines prions, et quando- 
cunque priorem de Charitate innovari contigerit, idem Sado 
et heredes sui eidem priori de novo ligium hominium facere 
tenebuntur (i). Preterea supradictus Sado sub jurejurando 
promisit, quod ipse heredesque sui légitimant garaniiam 
ferrent super prefata eleemosyna dicte ecclesie de Charitate, 
si quis ipsam ecclesiam voluerit super ipsa eleemosyna 
aliquatenus molestare, et propter hoc ibunt quocunque 
eos prior ducere voluerit, ad sumptus tamen prioris. Quod si 
memoratus Sado vel heredes sui de légitima garantia ferenda 
deficerent, prior recursum haberet ad XX libras quas supra 
diximus et ad domum et ad casatos antedictos. In hujus 
autem rei memoriam, presentem cartam notari fecimus et 
sigilli nostri munimine roborari. Actum anno incamad 
Verbi millesimo centesimo nonagesimo nono, mense marüo. 


(i) La situation faite à Sadon de Patinges se voit encore assez 
souvent chez ceux qui avaient besoin d'argent. Il vend ses biens en 
se réservant une jouissance et s'engage, lui et ses héritiers, à être 
vassal du couvent. Il était déjà homme-lige de l’évêque de Nevers et 
c’est pour cette raison que Gauthier ratifie cet acte. 


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Sadon de Patinges. 


197 

XCI. 

CONFIRMAT») SUPRADICTE DONATIONIS PER DOMINUM 
PAPAM INNOCENTIUM TERTIUM. 

1200 Mai 11. — Latran. 

Le pape Innocent III confirme et ratifie la donation faite 
au prieuré de La Charité par Sadon de Patinges . 

* 

Innocentius episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis 
priori et conventui de Charitate, salutem et apostolicam 
benedictionem. Cum a nobis petitur quod justum est et 
honestum tam vigor equitatis quam ordo exigit rationis. Ut 
id per sollicitudinem officii nostri ad debitum perducatur 
effectum. Ea propter, dilecti in domino filii, vestris justis 
postulationibus grato concurrentes assensu, possessiones et 
alios redditus quos nobilis vir, Sado de Patinges, vobis et 
ecclesie vestre in burgo de Charitate liberaliter in eleemosy- 
nam concessit, sicut ex donatione ipsius nobilis, juste et 
pacifice possidetis et in ejus autentico continetur, vobis e 
per vos ecclesie vestre authoritate Apostolica confirmamus, 
et presentis scripti patrocinio communimus. Decernimus 
ergo ut nulli omnino hominum liceat hanc paginam nostre 
confirmationis infringere vel ei ausu temerario contra ire. Si 
quis autem hoc attentare presumpserit, indignationem omni- 
potentis Dei et beatorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se 
noverit incursurum. Datum Laterani, V. Idus maii(i), pon- 
tificatus nostri anno tertio. 

(1) Innocent III fut élu pape le 9 janvier 1198. Le 5 des ides répond 
au 11 mai. 




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Cartulaire de La Charité. 


198 


XCII. 

ALI A CARTA DOMINI S ADONIS DE PATINGIIS, DE 
DIMIDIO MODIO SILIGINIS ET ALIO DIM 1 DIO AVENE 
IN TERRAGIO DE GARNAUT. 


1200 Juin. 

Sadon de Patinges , en partant pour la croisade , fait au 
prieur de La Charité donation pure et perpétuelle d ua 
demi-muid de seigle et d'avoine sur le territoire de 
Garnaut et , dans la même localité , donne la justice, le 
droit de pêche et le pacage de deux ânes dans les bois. 

Notum sit presentibus et futuris quod ego, Sado de Patin- 
giis, iter Hierosolymitanum aggrediens (i), laude et assensa 
Agnetis uxoris mee, pro anime mee et antecessorum raeonim 
remedio, Deo et beate Marie de Charitate et monachis ibidem 
Deo famulantibus, in puram et perpetuam donavi eleemo- 
synam, in terragio de Garnaut (2) et consuetudinibusejusdem 
terre, dimidium modium siliginis et dimidium modium 
avene ad festum beati Germani ( 3 ) annuatim. In hac eadem 
eleemosyna, ecclesie de Charitate omnimodam justitiam et 
bladeaream (4) quam habebam apud Montemperret et apud 
Breo concessi in perpetuum. Insuper, ab ulmo de Sanie 
usque Ligerim, in omnibus aquis usuarium piscandi, gur- 

(1) La cinquième croisade décidée par Innocent III et commandée 
par le comte de [Champagne, puis par Boniface de Montferrat, de 
1199 à environ 1206. 

(2) Terragium , territoire et plutôt impôt dû sur le sol à titre de jouis- 
sance de la terre. Garnaut, hameau desGarneaux, commune de Cufh. 

( 3 ) La Saint-Germain, anciennement le i* r octobre, époque adoptée 
pour les payements. (Voyez ci-dessus, ch. LXXVII.JJ 

(4) Bladeria, droit de faire pacager les bestiaux dans les champ* 
cultivés après l'enlèvement des récoltes. 


« 


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Hervé et Mahaut. 


199 


gitem Flaclard in pitanciam eleemosynarii donavi. Preterea 
in mea parte nemoris communis, infirmario de Charitate 
usuarium suum ad duos asinos imperpetuum donavi. Hanc 
donationem et eleemosynam feci in pleno capitulo de Chari- 
tate, videntibus et audientibus ex parte monachorum Guil- 
lelmo (i) priore de Charitate, Hugone suppriore, Iterio infir- 
mario, Hugone eleemosynario. Ex parte mea hujus rei testes 
sunt, Guido Garaut, Joannes, Japhardus, Chaudero, Hugo 
Suavis, Rodulfus prepositus de Chantillo, Gerardus Bau- 
dini, Guarnerius Morandi, Gaufridus et Andréas, Mincetus 
prepositus de Charneia, Hugo de Beffiis, Guillelmus 
Saneveti, Gilo Blanchet, et multi alii. Quod ut duret invio- 
labiliter, presens scriptum meo sigillo roboravi, anno Verbi 
incarnati millesimo ducentesimo, mense junio. 


XCIII. 

CARTA DOMINI HERVEI, NIVERNENSIS COMITIS, DE 
CONDONATIONE CUJUSDAM MALE TOXE SUPER 
VINEAS CHARITATIS. 


1200. 

Le comte et la comtesse de Nevers font remise perpétuelle 
d'une exaction , dite maltote , sur les vignes des environs 
de La Charité . 

Ego Herveus, cornes Nivernensis et uxor mea Mahaut (2), 
Nivernensis comitissa, notum fieri volumus universis, tam 

(1) Guillaume II, prieur de Saint-Julien-de-Sézanne, en Brie, puis 
quinzième prieur de La Charité, de 1198 à environ 1208. 

(2) Hervé IV de Donzy épousa Mahaut de Courtenay en 1199, et 
devint par ce mariage comte de Nevers. Cette charte n’est que la 
confirmation de l'abandon fait par Pierre de Courtenay, en 1193. 
(Voyez ci-dessus, ch. LXXX.) 


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200 


Cartulaire de La Charité. 


presentibus quam futuris, quod concilio et petitioni hones- 
torum virorum nostrorum acquiescentes, tamen ad consilium 
a Deo prius habitum appropinquantes, quitavimus penitus et 
in perpetuum condonavimus quamdam malam toxam que 
olim non recte habebatur in vineis que sunt a Castro Marchie 
et a villa Canvoti et a bosco qui dicitur Bertrangia (i) tota- 
liter usque ad Charitatem. Et in ilia, mala toxa que in illis 
vineis prius exercebatur, cesset penitus et in perpetuum 
deleatur. Ego Herveus , cornes Nivernensis et jamdictâ 
Mahaut uxor mea, tune temporis Nivernensis comitissa, 
quitationem istam et donationem , propriis manibus nostris 
tenendam et observandam, ita scilicet quod homines quorum 
sunt vel erunt predicte vinee in pace teneant, et sine calum- 
nia sicut suas habeant. Quando voluerint, fructus vinearum 
colligent et vindemiabunt sine mandato, et sine licentia a 
nobis vel a nostris expetita, reddendo tamen pro illis vineis 
annuatim census et décimas solum dominis quibusfdebentur 
et salvo jure dominorum in quorum dominio site sunt jam- 
dicte vinee. Nec deinceps nos vel alius pro nobis, vel pro 
successoribus nostris habebimus in vineis illis custodes, nec 
vineatores, neque aliquas pravas consuetudines in perpe- 
tuum. Quod ut ratum sit et inconcussum teneatur, ego 
pretaxatus Herveus, cornes Nivernensis, sigillo meo et sigillo 
domini Gualterii, episcopi Nivernensis (2), et sigillo Gau- 
fredi senescalli Nivernensis confirmavi. Et si quis venire 
contra hoc vel facere presumpserit, volo et peto a Nivemensi 
episcopo ut terram Nivernensem supponat interdicto donec 
fuerit emendatum, quod contra hoc fieri presumetur. Actum 
anno incarnati Verbi millesimo ducentesimo. 

(1) La Marche, Champvoux, La Bertrange. 

(2) Gauthier, évêque de Nevers, 1196-1201. Geoffroi de Pouguei, 
sénéchal du comte de Nevers, depuis environ 1190. 


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Prieuré de Sé^anne. 


201 


XCIV. 

CARTA FUNDATIONIS PRIORATUS SANCTI JULIANI 
DE SESANNA. 


io 85 . 

Le comte de Champagne Étienne-Henri fait don aux reli- 
gieux de La Charité-sur-Loire de Véglise paroissiale de 
Sé\anne , dédiée à saint Julien, avec toutes ses dépen- 
dances, fief, offrandes, dîmes , sépultures, terres et 
vignes . Cette église était détenue par Barthélemy de 
Broyés, chevalier, qui mourut laissant un fils, Hugues , 
en bas âge ; le comte administra les biens, et à la majo- 
rité de V enfant il obtint de lui la même concession que 
celle qu'il avait faite. Hugues se présenta dans Véglise, 
entouré de ses chevaliers , et déposa sur V autel, comme 
emblème de sa donation , un couteau noir semblable à ceux 
qui servent aux moines. En reconnaissance, les religieux 
unirent tous les donateurs dans l'association de leurs 
prières. 

In nomine sanctæ Trinitatis. Notum sit omnibus, tam 
futuris quam presentibus, quod nobilis cornes Stephanus 
Hfcnricus, præclarissimi consulis Tbeobaldi filius (i), non 


(x) Étienne, surnommé Henri, fils de Thibaud III, comte de Cham- 
pagne, Brie, Blois, etc., administra le comté de 1044 à 1089, pendant 
la captivité de son père et mourut en 1102. Il avait épousé Alix, fille 
de Guillaume-le-B&tard, roi d’Angleterre. Il céda, en 1088, l’abbaye de 
Saint-Germain d’Auxerre à l'ordre de Cluny. (Cartulaire de V Yonne, 
II, p. 37.) Son troisième fils, Henri , devenu évêque de Vinchester, en 
Angleterre, comparait comme témoin en 1111, à Bourges. (Voyez 
ci-dessus, p. 124.) 

26 


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202 


Cartulaire de La Charité . 


oblivioni tradens quod scriptum esse audierat, hoc est : date 
eleemosynam ut omnia munda sint vobis, et : honora 
Dominum de tua substantia et : frange esurienti panem 
tuum. Quodquede ædificatoribus ecclesiarum audire consue- 
verat : qui domum Dei ædificat, regnum Dei sibi præparat. 
Hæc, ut diximus, in libro sui cordis conscripta sentiens, pro 
salute animæ suæ parentumque suorum, quamdam panro- 
chialem ecclesiam in honore sancti Juliani martyris cons- 
tructam, in villa quæ dicitur Sezanna, cum omnibus rebus 
dictæ ecclesiæ pertinentibus, hoc est feodum presbyterorum, 
oblationes, décimas, sepulturas, et ea quæ predecessores vel 
successores pro animabus eorum, tam in terris quam in 
vineis dederant vel daturi erant Sanctæ Manæ de Charitate 
quæ est supra Ligerim, omnique conventui ibi Régi Christo 
famulanti dono dare placuit. Quomodo vero hæc donatio 
firmatasitmanifestandumest : Bartholomeussiquidem,domi- 
nus Brehearum (i), miles famosissimus, qui et ipsam eccle- 
siam quamvis injuste tenebat, quam nemo laïcus iuste tenet, 
cum ex hac vita casu migraret, supradictus cornes Stephanus 
Henricus ad regendum suscepit honorem , quoad usque 
Hugo, ipsius Bartholomei filius, qui orfanus et parvulus 
remanserat, ad virilem perveniret ætatem. Cumque ei reddi 
paternam hæreditatem placeret, exhortatus et obsecratus, 
comitis et multorum aliorum admonitione, et maxime pro 
ejus animæ redemptione et patris sui, atque cognomine ejus, 
et ipse Bardulfus cognominabatur (2), ipsam ecclesiam atque 
omnem donationem concessit et tradidit, sicut et cornes 
Stephanus Henricus fecerat, ut supra taxavimus. Nam ipse 


( 1 ) Broyés, canton de Sézanne, arrondissement d’Épernay (Marne). 

( 2 ) Les surnoms, communs à partir du onzième siècle, sont 
empruntés à diverses circonstances et particuliers à la personne. 
Guérard ( Cart . de Saint-Père de Charires , préf., n°68), donne une 
très-longue liste de surnoms, en faisant remarquer que plusieurs sont 
très-difficiles à expliquer. Bardulfus , d’après la tournure de la phrase, 
paraît signifier pieux, généreux, peut-être barda , barde. 


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Prieuré de Sé\anne . 


203 


ultroneus (i) in ipsam designatam ecclesiam ad altare accessit 
et donum ut diximus confirmavit, quemdam nigrum cul- 
tellum monachali usui aptum super altare posuit, astante 
comitissa, uxore Stephani Henrici comitis, et militibus 
ipsius juvenis faventibus et laudantibus, videlicet Nacherio, 
Leonio, Fulcone, Rolando filio Arduini et Hugone filio 
Germundi atque Hugone et fratribus de Bello-forte; unde 
etiam testes et confirmatores, Guiomundus Stephani Henrici 
comitis dapifer, Ansoldus de Carnoto, Bartholomeus et frater 
ejus Radulfus de ipsa Sezanna, ac Arduinus cellerarius et 
Guido de Pruvino et Philippus miles. Quapropter monachi 
ibidem Deo servantes, ipsi Hugoni et omnibus qui cum eo 
erant societatem dederunt, tam in orationibus quam in vigi- 
liis atque eleemosynis ( 2 ), quam societatem post eum ipso die 
et comitissæ supradictæ donaverunt. Fuit autem ista donatio 
facta anno ab incarnatione Domini millesimo octogesimo 
primo, sed millesimo octogesimo quinto firmata, Christo 
régnante in cœlis, Philippo rege Francorum sceptrum tenente, 
Stephano Henrico supradicto, sub pâtre suo Theobaldo con- 
sulatum suum optime regente, et Domno Gerardo (3) supra- 
dictæ ecclesiæ Sanctæ Mariæ Charitatis priore et fundatore 
fuit, Philippo Trecensi episcopo existente et sancte et stre- 
nuissime regente. 

( 1 ) Ultroneus y de lui-même, de son propre mouvement. 

( 2 ) Les sociétés individuelles étaient un honneur très- recherché par 
les grands. Le bienfaiteur qui sollicitait le titre de frère venait, en la 
présence du couvent, remettre ses biens entre les mains de l’abbé. En 
retour, on s’engageait à le recevoir dans la maison , soit pendant sa 
vie pour y faire profession, soit à sa mort pour y être inhumé On 
lui garantissait aussi une part à toutes les bonnes œuvres de la com- 
munauté. Parfois ces associations se faisaient avec solennité. (Article 
de M. Delisle, Bibl. de l’école des Chartes , 2 * série, t. III, p. 365.) 

(3) La donation de Sézanne. faite du temps de saint Gérard, fut 
confirmée plus tard, en 1 x 53 et 1179 , parles papes Anastase IV et 
Alexandre III. (Ci-dessus, p. 25, chartes VI et VII.) 


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204 


Cartulaire de La Charité . 


xcv. 

CARTA FUND ATIONI S PRIORATUS SANCTI CHRISTO 
FORI IN HALATA. 


1061 Avril 3o. — Compïègne. 

Il est exposé dans cette charte de Philippe P 1 qu’un 
chevalier nommé Valeran demande la confirmation 
royale pour une abbaye dédiée à saint Christophe , qu'il 
tenait en bénéfice de l’église Saint-Pierre de Beauvais. 
Il donne à cette abbaye plusieurs fermes avec leurs 
habitants , leurs maisons , leurs terres de toute nature et 
des héritages séparés à Clermont, Beauvais , Senlis , 
Meaux, etc . De son côté, le roi abandonne un cens qui 
lui était dû par Vabbaye et approuve la donation en 
général . 

Vidimus pur et simple de cette pièce donné par Charles IV 
en juin 1326. 

Karolus, Dei gratia Francorum et Navarre rex, notum 
facimus universis, tam presentibus quam futuris, nos infra- 
scriptas vidisse litteras, formam que sequitur continentes : 

In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, ego Phiiippus 
gratia Dei Francorum rex, cum status sacræ religionis quam 
maxime fulciatur multimodis bonorum studiis, magis tamen 
augmentari creditur sacrorum constructione locorum, ubi 
semper Deum exorent vota fidelium, unde remunerationis 
præmium apud Deum habet repositum quisquis sacra loca 
vel edificaverit vel terrenis opibus ditaverit. Innotescat 
igitur solertiæ omnium, tam præsentium quam futurorum, 
quod quidam miles noster, nomine Vualerannus, nostram adiir 
presentiam , una cum fratribus suis Vualtero archidiacono et 


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Prieuré de Saint-Christophe. 


205 


Hugone, necnon Balduino atque Rainoldo, petens ut abba- 
tiolam quam constructam in memoria Sancti Christofori (i) 
martyris tenebat de beneficio Sancti Pétri Belvacensis eccle- 
siæ, ejusdem ecclesiæ Gausberto antistite , cum consensu 
clericorum suorum et militum , nostra manu firmam face- 
remus. Ita ut nemo deinceps fratres ibidem Deo regulariter 
servientes vel locum (psum inquietare audeat vel consuetudi- 
nem aliquam exigere, sed perpetualiter absque aliqua inquie- 
tudine vel contradictione sub nomine immunitatis permaneat. 
Dédit autem supradictus miles ipsi ecclesiæ de rebus suæ pro- 
prietatis, ipsam scilicet villam nomine Hermene, ubi ea 
ecclesia sita est , et omnes consuetudines quæ sibi in eadem 
villa debebantur, et hospites et servos et ancillas et clausos 
vinearum et terras arabiles et prata , silvam quoque eidem 
villæ adjacentem, et milites de eadem villa bénéficia tenentes, 
villam similiter nuncupatam Florinas (2) cum omnibus ad 
eam pertinentibus. In villa quoque Pomponiensi (3), partem 
altaris sancti Pétri ecclesiæ quæ dicitur Cella, cum sua 
décima et cum censu viginti trium solidorum, et servos et 
ancillas sui juris , clausos quoque vinearum et terram arabi- 
lem et prata et adjacentem silvam juxta suburbium Clari- 
montis (4). In villa quæ dicitur Rosolum, unum clausum 
vinearum. Item in pago Belvacensi , in villa quæ vocatur 
Reus , très arpennos vinearum et dimidium. In villa quæ 
vocatur Pontis, ancillamquamdam, nomine Richildem, cum 
infan tibus suis. In civitate vero Silvanectensi (5) clausum 
unum vinearum et unum fumum. In villa etiam Amima- 

( 1 ) Saint-Christophe, commune de Fleurines (Oise). {Dictionnaire 
des postes.) 

( 2 ) Fleurines (Oise), arrondissement de Sentis, canton de Pont- 
Sainte-Maxence. Hermene , Hermes, canton de Noailles (Oise). 

(3) Pomponne et peut-être Chelles (Seine-et-Marne), arrondissement 
de Meaux , canton de Lagny. 

( 4 ) Clermont (Oise). Rosolum , Rosoy (?), près Clermont. 

(5) Senlis et Rieux (Oise). 


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20Ô 


Cartulaire de La Charité. 


censi (i) unum hospitem et terrain arabilem. In territorio 
vero Meldensi (2) villam quæ vocatur Sineverie, omne hoc 
quod Valterus pater suus ibi in proprio jure tenuerat. Dono 
etiam, ego ipse cum matremea, censum vinearura etdedena- 
riis et de vino quas habet predicta ecclesia in villa quæ 
dicitur Reus, ob remedium patris nostri Henrici regis ( 3 ). 
Item, in territorio Silvanectensi, predictus Vualeran nus dédit 
eidem abbatiæ duas partes de décima ejusdemecclesiæSancti 
Christofori, quam sub manu iirma tenebat de canonicis 
Sanctæ Mariæ Silvanectensis ecclesiæ, annuente feodando 
episcopo cum clericis ad quos ipsa décima pertinebat. Ut 
igitur hæc omnia inconvulsa et imperpetuum rata permane- 
rent, petentibus supradictis fratribus, Gualeranno scilicetet 
aliis fratribus, manu nostra subterfirmavimus et principibus 
nostris firmanda tradidimus. Si quis vero, quod absit, hoc 
præceptum violare præsumpserit, centum libras auri coactus 
regis fisco reddat. Actum Compendio, anno incarnationis 
Domini nostri Jesu Christi, millesimo sexagesimo primo in- 
dictione décima quarta, régnante Philippo rege, anno primo, 
datum pridie kalendas maii. Ëalduinus cancellarius scripsit. 

Nos igitur, prioris dicti loci Sancti Christofori in Hal- 
lata (4) devotis precibus inclinati, suprascriptas litteras, quasi 
jam nimia vetustate consumptas, duximus innovandas, 
nolentes quod, ex innovatione hujusmodi, novum jus dicto 
prioratui acquiratur, sed antiquum per innovationem hujus- 
modi conservetur illesum. Quod ut firmum et stabile perma- 
neat in futurum, presentibus literis nostrum fecimus apponi 
sigillum. Datum apud Sanctum Christoforum in Hallata, 
anno Domini millesimo trecentesimo vicesimo sexto , raense 
junii. 

(1) Probablement pour Ambiacensi (Amiens). 

(2) Meaux (Seine-et-Marne). 

( 3 ) Henri I ,r , roi de France, io3i-4 août 1060, épousa en 1044 Anne, 
fille de Georges, roi de Russie. 

(4) Saint-Christophe en Vexin, le même que plus haut. 


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Le comte de Vendôme . 


207 


XCVI. 

CARTA COMITIS VINDOCINENSIS DE DECEM UBRIS AB 
IPSO CONCESSIS SUPER MINAGIO VINDOCINENSI. 


1206 Septembre. 

Jean, comte de Vendôme, confirme la constitution d*une 
rente de dix livres faite par ses ancêtres en faveur des 
religieux de La Charité sur le minage de Vendôme. 

Ego Joannes, cornes Vindocinensis (1), notutn facio tam 
presentibusquam futuris quod ego concedo, laudo etconfirmo 
illas decem libras quas Joannes abavus meus, bone memorie 
venerandus cornes Vindocinensis, ecclesie beate Marie de 
Charitate in perpetuam eleemosynam contulit, et volo, sicut 
prefatus Joannes abavus meus et Burchardus cornes , filius 
ejus, institueront, ut in minagio (2) meo Vindocinensi 
sumantur prefate decem libre , centum videlicet solidi in 
festivitate sancti Michaelis et centum in Pascha annuatim; et 
ut hec carta firmitatis robur obtineat eam sigilli nostri muni- 
mine roboravimus ( 3 ). Hanc confirmationem viderunt et 
audierunt Hamel abbas Vindocinensis (4), Herveus prior, 
Gaufridus eleemosynarius, Gaufridus de Vindocino, avun- 


(1) Vendôme (Loir-et-Cher) eut des comtes particuliers jusqu’en 
1373 ; le comté passa ensuite dans la maison de Bourbon et fut érigé 
en duché-pairie par François l #r en 1514. 

(2) Minage, de mina , mine, mesure. Droit à payer pour le mesurage 
des grains au moment de la vente. 

( 3 ) Le nécrologe de La Charité porte à l’an 1206, date de la charte 
et non du décès, un anniversaire pour Jean, comte de Vendôme. 

(4) Abbaye de la Sainte-Trinité, de l’ordre de Saint-Benoît, fondée 
pqr Geoffroi Martel en io 3 a , célèbre par ses édifices comme par ses 
privilèges. 


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208 


Cartulaire de La Charité. 


culus meus, Radulfus de Marcheil, Gaufridus de Ituola, 
Andréas Rupenon. Actum est hoc apud Vindocinum , anno 
incarnationis Dominice millesimo ducentesimo sexto, menst 
septembri. 


XCVIl. 

ALLA. CARTA COMITIS VINDOCINENSIS. 


xi 85 circa. 

Bouchard , comte de Vendôme , ratifie la donation dm 
rente de dix livres instituée par son père , au retour de 
Jérusalem , quand il tomba malade à La Charité et y 
mourut , après avoir pris l'habit de saint Benoit (1). 

Ego Burchardus, cornes Vindocinensis, universis Christi 
fidelibus ad quospresens scriptum devenerit, salutem invcro 

(x) Cette charte est transcrite à la suite de la précédente sans rubrv* 
que et sans date. Elle est de quelques années plus ancienae et 
contient l’origine de cette donation de dix livres. Bouchard y parle de 
Jean, son père, et, dans les témoins, de Geoffroi, son frère. En 1206, 
Jean parle de Jean, son grand-père, et de Geoffroi , son oncle. Le» 
croisades du douzième siècle ont eu lieu en 1147 et 1188, trop tôtoti 
trop tard pour qu’on assigne à l’une d’elles le voyage que Jean fitec 
Terre-Sainte comme expiation, à la suite de l’excommunication dont 
il fut relevé en 1180 par l’évêque de Chartres. D’autre part, la charte 
suivante donne la confirmation d’Urbain III, qui permet de dater de 
xi 85 au plus tard la donation de rente de dix livres au prieuré de 
La Charité. 

Voici, à titre de renseignement, la filiation donnée par le P- Anselme 
(t. VIII, p. 724) : Jean I' r , de x 147 à environ 1182, mort au prieuré de 
La Charité; Bouchard IV, son fils ainé, auteur de notre première 
charte, comte de Vendôme du vivant de son père en 1180, morteo 
X202. Il eut un fils nommé Jean, qui mourut avant lui en laissant us 
fils , qui recueillit la succession de son grand-père sous le nom de 


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Le comte de Vendôme . 


209 


salutari. Universitati vestre notum fieri volumus quod cum 
vir venerandus et bone memorie Joannes, pater meus, cornes 
Vindocinensis, a peregrinatione Hierosolymitana rediret, et 
apud Charitatem egrotans diem expectaret extremum, a mo- 
nachis dicti monasterii in fratrem et monachum gratanter et 
honorifice, per Dei gratiam , juxta sue voluntatis petitionem 
est receptus, ibique eorum pia considerata devotione, consti- 
tuit ut de propriis redditibus suis in Castro Vindocinensi, 
pro salute anime sue et parentum suorum, decem libre pre- 
dicto monasterio annuatim perpetuo darentur, quasquidem 
scripto commendavit et sigilli sui testimonio nobis conceden- 
tibus roboravit. Verum quia semper de jure filii tenentur 
patribus obedire et eorum bonis operibus et exemplis adhi- 
bere, decrevimus et constituimus ut apud Vindocinum, de 
minagio nostro prefate decem libre memorate ecclesie de 
Charitate annuatim redderentur, juxta mandatum prefati 
patris nostri, centum solidi in festo sancti Michaelis et 
centum in Pascha(i). Quod ut hec carta robur obtineat, 
firmitatis sigilli nostri munimine roboravimus, statuentes et 
ex parte Dei et beate Marie et omnium sanctorum prohi- 
bentes, ne quis de cetero prelibatum monasterium vel fratres 
super iis audeat molestare. Hoc viderunt et audierunt Gau- 
fridus, frater noster (2), Gaufridus archidiaconus Turonensis, 
Joannes de Laval, consanguineus noster, Matheus de Bello 
Monte, Gaufridus Rulcy, Philippus Lautel , Bartholomeus 

Jean II, et mourut lui-même peu de temps après, en 1207. C’est 
l’auteur de la seconde charte de septembre 1206. 

L’abbé Chevallier ( Répertoire du moyen-âge), d’après le Bulletin de 
la Société vendômoise (t. XI, p. 54), porte : « Jean I* r , comte de Ven- 
dôme vers 1 1 36 , en Terre-Sainte en 1190, mort moine à La Charité 
en 1192. • Ces dates sont peut-être les vraies, bien que nos chartes 
semblent les contredire. 

(1) Ces deux dates forment presque exactement les deux semestres 
d’une annuité : Pâques en mars ou avril , et saint Michel le 29 sep- 
tembre. 

(2} Geoffroi, troisième fils de Jean I* r , comte de Vendôme. 

27 


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210 


Cartulaire de La Charité . 


de Plexeio , Andréas Rupenun, Rogerius Douin, Hcnrcus 
clericus noster, Guillelmus Calpa asini , Giraudus Minagc- 
rius , magister Rudalteus , prior Sancti Michaelis deGuer- 
chia (i), et plures alii. 


XCVIII. 

CONFIRMATIO PREFATE DONATIONIS PER DOMINIK 
PAPAM URBANUM III. 


il 85 circa. Janvier 28. — Vérone. 

Le pape Urbain III accorde la sanction apostolique à h 
rente de dix livres par le comte de Vendôme au profitât 
prieuré de La Charité . 

Urbanus, episcopus ( 2 ), servus servorum Dei, dilectis 
filiis priori et fratribus de Charitate, salutem et apostolicam 
benedictionem. Justis petentium desideriis dignum est nos 
facilem prebere consensum et vota que orationis tramitenon 
discordant, effectu prosequente complere. Quapropter, dilecti 
in domino filii, vestris justis postulationibus grato concur- 
rentes assensu, decem libras Vindocinenses (3) vobis, de 

(iî Saint-Michel-de-La-Guierche, près Tours, prieuré dépendant de 
La Charité, uni à la congrégation des Pères de l'Oratoire. Aujourd'hui 
La Guierche, hameau de la commune de Saint-Michel, canton de 
Langeais, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire). 

(2) Urbain II, pape, de 1088 à 1099; — Urbain III, de 1 185 à 1187; 
— Urbain IV, de 1261 à 1264. La rubrique du Cartulaire attribue U 
pièce à ce dernier, ce qui est inadmissible. On doit remonter » 
Urbain III, en n 85 , pour retrouver le père et le grand-père du comte 
de Vendôme, qui confirme la donation en (206. 

( 3 ) Cette phrase demande à être complétée ainsi : decem libras 4*# 
Joannes vobis. 


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Orléans et Joigny. 


21 1 


assensu Buchardi filii sui, percipiendas annis singulis 
concessit, sicut eas juste et sine controversia possidetis, vobis 
et ecclesie vestre authoritate apostolica confirmamus et pre- 
sentis scripti patrocinio communimus, statuentes ut nulli 
omnino hominum liceat hanc paginam nostre confirmationis 
infringere, vel ei ausu temerario contra ire. Si quis autem 
hoc attentare presumpserit indignationem omnipotentis Dei 
et beatorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit 
incursurum. Datum Verone, tertio kalendas februarii. 


XCIX. 

CARTA FULCONIS AURELIANENSIS DECANI DE QUIBUS- 
DAM REBUS APUD JOVINIACUM, SANCTUM QUETUM, 
MINGENNAM ET SANCTUM LAURENTIUM AUREUANIS. 


1210 Février. 

Foulques , doyen d'Orléans , et son clerc déclarent que les 
biens situés à Joigny et à Orléans , qu'ils tiennent du 
prieuré de La Charité, devront retourner aux religieux 
après leur mort. 

Fulco, decanus Aurelianensis, omnibus présentes litteras 
inspecturis, salutem in Domino. Noverit universitas vestra 
quod nos volumus et concedimus quod quidquid a venera- 
bili viro G... (i) priore et monachis de Charitate tenemus, 
tam apud Joviniacum (2) quam apud villam que dicitur 

(1) Geoffroi, frère du comte Hervé, seizième prieur, de 1209 à 1212. 
(Voyez ci-dessus, ch. XIX et XX.) 

(2) Joigny, où se trouvaient les deux prieurés dédiés l’un à Notre- 
Dame et l’autre à saint Sidoine. 


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212 


Cartulaire de La Charité. 


Sancti Queti (i), Aurelianensis diocesis, eu ni otnni meiiora- 
tione sua, ad ecclesiara de Charitate post decessum nostrum 
libéré et sine conditione qualibet revertatur. Tecelinus 
quoque, clericus noster, coram nobis voluit et concessit quod 
quidquid, tam in parrochia de Mingenna ( 2 ), Senonensis 
diocesis, quam in ecclesia Sancti Laurentii Aurelianensis (3), a 
prenominatis priore et monachis ei concessum est, sicut in 
eorumdem autentico continetur, post decessum ipsius cum 
omni melioratione sua ad eosdem monachos devoluatur. 
Datum anno ab incarnatione Dominimillesimoducentesimo 
decimo, mense februario. 


c. 

CARTA DOMINI HERVEI, NIVERNENSIS COMITIS, DE 
DOMNOPETRO. 


1210 Juin. 

Hervé , comte de Nevers , abandonne aux religieux de La 
Charité tous les droits qu'il avait à Dompierre , sur les 
hommes , les terres et les forêts , en sorte que les habitants 

(1) On trouve à treize kilomètres au sud d’Orléans, commune 
d’Ardon, sur la rive gauche de la Loire, une petite localité appelée 
aujourd’hui Saint-Quay. Ce nom répond assez bien à celui de Sanctus 
Quetus ou Quietus , Saint-Tranquille, suivant l’interprétation que notre 
confrère, M. Maxime de Beaucorps, a bien voulu nous communiquer. 

(2) Migennes, canton de Joigny (Yonne). 

( 3 ) Saint-Laurent-des-Orgerils est une paroisse d’Orléans. La liste 
des prieurés de La Charité porte : Prioritus Sancti Laurentii de 
Orgeriis , prope et extra muros Aurelianis. Ce prieuré fut rétabli 
en 1119 par Louis-le-Gros, d’après une charte que nous donnerons 
dans la liste des prieurés. 


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Le comte Hervé . 


2l3 


dépendront désormais du prieuré depuis Dompierre jus- 
qu’au ruisseau du Ma\ou . 

Notum sit presentibus et futuris quod ego Herveus, cornes 
Nivemensis, quitto monachis de Charitate imperpetuum 
quidquid juris habebam vel habere debebam in villa et in 
tota potestate de Domnopetro (i); et quidquid homines 
mei, qui mansionem hactenus habuerunt ab haiis (sic) plas- 
satis de Maso (2) usque ad locum quo communes sunt terre 
et justitie ipsorum monachorum et domine Cellensis (3), 
habebant tam de me quam de ipsis monachis, remanet imper- 
petuum eisdem monachis liberum et quittum. Nec ego, nec 
successores mei, nec aliquis hominum nostrorum, poterimus 
aliquid juris clamare in nemoribus de Domnopetro et de 
Boyo et de Sancto Bonito (4), ratione usuarii vel alterius 
modi. Nullusamodo homo seu femina poterit manere in 
tota potestate de Domnopetro, nisi de assensu prioris et 
conventus de Charitate ; et hec volo intelligi de hominibus et 
feminis meis et antecessorum seu successorum meorum. Hoc 
laudavit Matildis uxor mea. Actum anno grade millesimo 
ducentesimo decimo, mense junio. 

(1) Dompierre-sur-Nièvre, canton de Prémery. 

(2) Le Mazou, ruisseau qui coule de Murlin à Mêves. (Voyez ci- 
dessus, p. 5 , note.} 

( 3 ) La Celle-sur-Nièvre, canton de La Charité. 

(4) Dans le canton de Saint-Amand, au nord de Cosne, on trouve 
Dampierre-sous-Bouhy et La Celle-sur-Loire ; il ne s’agit point de ces 
localités. Les endroits désignés dans cette charte sont tous au nord- 
ouest de Prémery; ce sont: La Celle-sur-Nièvre, Dompierre-sur- 
Nièvre , la forêt de Bouy et Arzembouy, Saint-Bonnot et le Mazou, 
qui coule vers [.a Charité. 

Cote d’une pièce sur Saint-Bonnot (Histoire du Prieuré , folio 87) : 

« Humbaut Le Blanc, fils de Mathieu d’Huben, avant de partir pour 
Jérusalem, vint à La Charité et fit donation aux religieux de sa terre 
de Saint-Bonnet-les-Forges, à la charge de prier Dieu pour lui et ses 
parents. En reconnaissance, les religieux lui firent présent d’une cotte 
de mailles du prix de 120 livres. Circa n 5 o. » 


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214 


Cartülaire de La Charité. 


CL 

ALLA CARTA HERVEI COMITIS NIVERNENSIS, DE 
DOMNOPETRO. 


I 2 1 I . 

Hervé , comte de Nevers , déclare que les religieux de La 
Charité sont les seuls possesseurs de la justice haute et 
basse et de l'usage dans les bois , à Dompierre et à Saint- 
Bonnot . 

Ego Herveus, cornes Ni vernensis, notum facio presentibus 
et futuris, quod per legitimam inquisitionem didici et inveni 
quod monachi de Charitate , in villis de Domnopetro et de 
Sancto Bonito, totam habent justitiam, parvam et magnam, 
et quod nullus habet usuarium sive usagium (i) in nemori- 
bus de Domnopetro (2) et de Sancto Bonito, nec aliquid juris 
potest reclamare in ipsis, nisi monachi de Charitate tantum, 
quorum sunt ville predicte cum nemoribus supradictis. 
Actum anno gratie millesimo ducentesimo undecimo. 


( 1 ) Usuarium est pris dans le sens d'usufruit, usage en nature. 
Usagium est plutôt un impôt ou corvée. Ces deux termes ont été 
souvent confondus. 

( 2 ) Cote d’une autre charte sur Dompierre ( Histoire du Prieuré , 
folio i65) : 

c L’an 1 33g , Guillaume de Poitiers, prieur, emprunta des sous- 
prieur et couvent de La Charité la somme de 1,261 livres cinq solz, 
des épargnes que les religieux avoient faites pour achetter une croix 
et un calice d’or. Pour garantie et jusqu’au remboursement, il 
donna la jouissance de la terre et seigneurie de Dompierre, avec le 
cens dû par les prieurs de Joigny et de Saint-Moré, au diocèse de 
Sens. » 


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Sancoins. 


2l5 


CIL 

CARTA EBBONIS DE CHARENTONE, DE CENCONIO. 


ii 88 circa. — La Charité. 

Ebbon de Charenton donne aux religieux de La Charité un 

moulin et un étang près Sancoins avec les droits de 

rouage et de conduit pour les deux foires de la ville . 

Sciant omnes qui présentes iiteras viderint et audierint 
quod ego, Ebo de Charentone (i), pro quibusdam forisfactis 
que commiseram adversus ecclesiam de Charitate, donavi 
eidem ecclesie quidquid habebam in molendino stagni mei 
de Cenconio (2) et aquam jugiter manantem stagni, quantum 

(1) Les seigneurs de Charenton en Berry se rencontrent fréquemment 
avec les seigneurs de Sancerre , de Sully, de Montfaucon , de 
Patinges , etc. Il en existe une filiation encore incomplète donnée par 
M. de Kersers (Antiquaires du Centre , X, p. 296), à propos des deniers 
de leurs monnaies. Le premier cité est Ebbes VI, vivant en 1 171-1189, 
vraisemblablement auteur de notre charte, que le manque de date ne 
nous permet pas de fixer. D’autre part, dans les chartes LXI et LXIV, 
nous avons Ebraudus de Charentonio qui , selon toute apparence, est 
le prédécesseur de celui-ci. Plus tard, en 1264, Guillaume de Courtenay 
vendit la seigneurie de Charenton au comte de Sancerre. 

(2) Charenton et Sancoins, cantons de l’arrondissement de Saint- 
Amand (Cher); Sancoins était un prieuré dépendant de La Charité, 
sous le vocable de saint Martin. 

On lit dans Y Histoire du prieuré (folio 47) la cote suivante : 

9 Humbaud et Hugues de Bourbon donnent à La Charité le prieuré 
de Saint-Martin de Sancoins, en confirmant les biens déjà donnés. — 
Étienne de Bourbon, dit Materel, donne à La Charité l’église de Saint- 
Martin de Sancoins avec toutes ses dépendances. » 

Ces personnages ne sont point de la branche aînée des sires de 
Bourbon, qui étendaient leur puissance sur toute cette partie du Berry. 
Un Humbaud de Bourbon fut Voyer de Bourges sous Eudes Arpin, au 


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2l6 


Cartulaire de La Charité. 


scilicet opus fuerit molendinis duobus , et medietatem 
roagii (i) quod accipio in villa vel extra villam, et duas nun- 
dinas libéras et absolutas et ut in villa teneantur, et sint in 
conductu meo euntes et redeuntes ad nundinas bona fide 
quemadmodum si mee proprie essent. Hec fide mea in manu 
domini Henrici Bituricensis archiepiscopi rogavi ut carta 
ista firmaretur. Hec omnia eis concessi pro pace meaetsalute 
anime mee. Hec viderunt et audierunt dominus Gilo de 
Soliaco (2), Raimundus de Castro-novo , Bernardus de 
Olchia, Stephanus Sarpel , Petrus de Chasnai et alii multi, 
apud Charitatem. 

commencement du douzième siècle ; c'est peut-être celui dont il est 
parlé ci-dessus. (Chazaud, les Sires de Bourbon , p. 166.) On voit aussi 
Hugues de Bourbon, dix-huitième prieur de La Charité, vers I2i5, 
qui peut avoir contribué à cette donation. 

Du 6 novembre i366. Guillaume Ferret, chanoine de l’église 
d’Orléans, rend hommage au prieur de La Charité pour sa terre de 
Froidefond, consistant en un château entouré de fossés, un moulin 
sur la rivière de l’Auboys et en autres terres situées entre Nevers et 
Sancoins. {Ibid., folio 174.) 

(1) Le rouage est un impôt perçu en nature ou en argent, affecté 
dans le principe à l’entretien des routes. Une charte de la comtesse 
Mahaut de 1244 l’explique très-clairement : Dedimus eis in roagio 
ejusdem ville quinquaginta bichetos frumenti annui redditus. ( Gall. 
Christ., IV, col. 102, instr.) A Paris, le rouage se payait à l'entrée du 
petit pont et portait principalement sur les vins. (Voyez Livre des 
Métiers , p. 248.) Quant au conduit, c’était un droit de protection ou 
de sécurité que les seigneurs se chargeaient de maintenir sur les 
routes et pour le transport des denrées. 

(2) Henri de Sully fut archevêque de Bourges de ii 83 à 1200; Gilon 
de Sully, son frère aîné, seigneur de La Chapelle et des Aix-d’Angillon, 
était mort en 1 195. Il avait épousé Luce de Charenton, fille de l’auteur 
de cette charte. La vie des autres témoins n’est pas connue exactement. 
En admettant que Ebbes ait fait la donation dans les dernières années 
de sa vie, on peut dater cette charte au plus tard de 1188. 


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La comtesse Mahaut. 


217 


cm. 

CARTA MATILDIS , NIVERNENSIS COMITISSE , DE 
JUSTITIA IN OMNIBUS VILUS ET TERRIS AD 
CHARITATEM SPECTANTIBUS. 


1225 Septembre. 

Pour effacer les injustices et les pertes causées par elle ou 
par les siens aux religieux de La Charité , la comtesse 
Mahaut fait abandon de tous les droits de justice qu'elle 
peut avoir sur leurs biens, dans rétendue de son comté de 
Nevers. 

Ego Mathildis (1), comitissa Nivernensis, notum facio 
presentibus et futuris, quod ego f ob remedium anime mee et 
antecessorum meorum, pro damnis et injuriis que feci et fieri 
mandavi monachis de Charitate et rebus suis , in obsidione 
ville Caritatensis et alibi, dono, quitto et concedo Deo et 
beate Marie de Charitate et monachis ibidem Deo servien- 
tibus, omnes justitias et districtus (2), si quos habeo vel 
habere possum in villis, terris, granchiis, domibus, et aliis 
locis suis quibuscunque, in toto comitatu meo. Nolens quod 
inter me seu successor es meos et ipsos monachos discordia de 
cetero oriatur, occasione justitiarum aliquarum. Preterea 
concedo ipsis et confirmo , laudo et approbo omnes cartas 
predecessorum meorum, et me et successores meos in perpe- 
tuum observare promitto et ad hec me et heredes meos obligo 

(1) La comtesse Mahaut devint veuve de Hervé de Donzy en 
janvier 1223 et se remaria en 1226 à Guy de Forez ; elle administra 
directement le comté pendant son veuvage. 

(2) Districtus ou districtura, droit de justice, d’après cette phrase : 
Bannum seu districtum aut quidquid in aliquo terrene justicie titulo 
dici potes t. (Gué&ARD, Saint-Père de Chartres, n° 88 et p. 83.) 

28 


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218 Cartulaire de La Charité. 


et astringo. Actum anno grade millesimo ducentesimo vice- 
simo quinto, mense septembri. 


civ. 

CONSECRATIO ECCLESIE SANCTORUM PETRI ET PAULI 
DE RADOLIO IN BRIA. 


I 23 o Juin 29. 

Consécration de Véglise de Reuil , sous le vocable de 
plusieurs saints , par les évêques de Meaux et d'Avignon, 
avec approbation de Marguerite d'Oisy , dame de La 
Ferté-Angoult. 

Anno incarnations Dominice millesimo ducentesimo 
tricesimo, pridie kalendas julii, venerabilis pater Petrus, 
Dei gratia Meldensis episcopus, cum quo adfuit religiosus 
pater Nicolaus, Avinionensis episcopus, hanc ecclesiam dedi- 
cavit, in nomine sancte et individue Trinitatis et victorio- 
sissime Crucis , in honore beatissime virginis Marie et 
beatorum apostolorum Pétri et Pauli, in honore beatorum 
martyrum Vincentii, Blasii, in honore beatorum confesso- 
rum Remigii et Hylarîi et beatorum virginum Agnetis et 
Catharine atque omnium sanctorum Dei ; venerabili Petro 
Galtero Cornuto cathedram Senonensem regente, viroreli- 
gioso fratre Stephano existente priore de Caritate (1), fratre 
Theodorico de Radolio priore, et fratre Joanne de Montyon 
ejusdem ecclesie sacrista, regnum Francorum regente Ludo- 
vico, filio piissimi Ludovici, qui de peregrinatione contra 

(1) Gautier Cornut, doyen de l'église de Paris, évêque de Paris 
en 1220, archevêque de Sens en 1222, mort en 1241. Étienne, vingt- 
unième prieur de La Charité, d’environ 1225 à i 23 a. 


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Narcy. 


219 


infidèles Albigenses, et de obsidione AvinionenSi rediens, 
Vite laudabilis cursu peracto apud Montem-Pancerum (1) 
spirilum reddidit creatori , possidente Firmitatem Anculphi 
nobilissima domina Margarita, nomine dotis defuncti mariti 
sui domini Hugonis de Oysi pie memorie (2), cujus corpus 
sepultum fuerat in hac ecclesia, ante maiusaltare, antequam 
dedicaretur, et requieverat per quadraginta et unum annos 
quando extractum ab ecclesia pro dedicatione facienda, sicut 
decet, et célébra ta dedicatione reportatum fuit in ecclesiam, 
et ab episcopis superius nominatis inhumatum, cujus anima 
requiescat in pace. Amen. 


cv. 

ACQUISITIO QUORÜMDAM MOLENDINORUM APUD NAR- 
CIACUM ET GARCHIACUM. 


1228. 

Pierre de Moles , cellérier de La Charité , avait acheté de 
Hugues Mansel : i° la moitié d'un moulin à Garchy ; 
2 0 deux autres moulins à écorce et à foulon situés à 
Narcy , qui tombaient de vétusté. Le prieur consent à lui 
en laisser la jouissance , à la condition qu'ils retourneront 
au prieuré après sa mort . Les religieux lui diront un 
anniversaire . 

Universis présentes literas inspecturis, frater Stephanus, 
humilis prior beate Marie de Charitate, totusque ejusdem 

(1) Louis VIII, mort à Montpensier, en Auvergne. 

(2) Voyez ci-dessus, p. 12, la filiation des d’Oisy au sujet du prieuré 
de Reuil. Hugues est mentionné ici, en i23o, comme enterré depuis 
quarante-un ans, renseignement très-acceptable, car soixante ans 
auparavant, en 1171, Ade, sa mire, était déjà veuve. 


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220 


Cartulaire de La Charité. 


ecclesie conventus, salutem in Domino. Noverit universitas 
vestra quod dilectus frater noster, Petrus de Molis, quondam 
cellerarius de Charitate émit ab Hugone Mansello (i) medie- 
tatem molendini unius, siti apud Garchi ( 2 ) ; quam medie- 
tatem eidem concessimus in vita sua possidendam libéré, 
pacifice et quiete et sine omni contradictione. Post mortem 
vero ipsius, dicta medietas molendini supradicti ad supprio- 
rem et conventum de Charitate revertetur, ut inde fiat 
pitancia conventui die anniversarii sui, quod eidem conces- 
simus in perpetuum faciendum. Preterea cum supradictus 
Hugo a nobis haberet duo molendina, unum scilicet ad 
corticem et unum ad pannos (3) , sita juxta Narciacum, in 
loco qui dicitur li Boissons, que in vita sibi concessa erant a 
priore et conventu Charitatensi pacifice possidenda; ipsa 
quoque molendina per defectum dicti Hugonis jam pene 
defecissent, supranominatus Petrus eadem molendina redemi t 
a sepedicto Hugone. Nos vero eadem molendina sepedicto 
Petro in vita sua possidenda concessimus libéré, pacifice et 
quiete, post mortem autem ipsius sepedicta molendina ad 
ecclesiam de Charitate revertentur, cum omni melioratione 
qua ea melioraverit. In cujus rei memoriam et confirma- 
tionem, presentem paginam sigillorum nostrorum duximus 
munimine roborandam. Actum anno gratie millesimo 
ducentesimo vicesimo octavo. 

(1) Hugues Mansel ou Le Manceau, de Donzy, fut un des bienfai- 
teurs de l’abbaye de Bourras. (Gall. Christ ., XII, col. 455, et Gillet, 
1807, p. 79.) 

(a) Garchy, canton de Pouilly, et Narcy, canton de La Charité. 

( 3 ) L’existence de ces moulins à draps et à écorce est intéressante 
pour l’industrie. On en trouve rarement la mention dans les pièces 
du moyen-âge. Ducange, au mot molendinum ad corticem , cite notre 
charte, in tabulario B. M. de Charitate , et le molendinum fullonarium 
ou à draps, d’après une charte du Berry rapportée par La Thaumas- 
sière. 


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La Charité . 


221 


CVI. 

CARTA THEOBALDI PRIORIS DE CHARITATE QUI SUO 
CONVENTUI QUASDAM DOMOS CONCESSIT. 


1237. 

Le prieur Thibaud institue un service perpétuel d'anniver- 
saire, après sa mort , pour lequel les prêtres devront 
chacun dire une messe , les autres frères chanter sept 
psaumes et le couvent donner un repas à treize pauvres . 
Il fait donation, après son décès, de plusieurs maisons 
appartenant à Pinon Saimbaut, situées dans la ville de 
La Charité . 

Ego Theobaldus(i), prior humilis deCharitate, notum tacio 
omnibus quod ego dedi et concessi, penitus et imperpetuum 
in eleemosynam , conventui de Charitate, in proprios usus 
suos, totum tenementum domorum quod fuit Pinonis 
Saimbaut, situm in quadrivio Corderii de Charitate , sicuti 
consistit undequaque ante et rétro, superius et inferius, cum 
pertinentiis ejus, excepta domo que fuit Chauveili tantum- 
modo defuncti, pro anniversario meo, in perpetuum singulis 
annis, postquam de me humanitus contigerit dies obitus 
mei , solemniter celebrando. Ita quod unusquisque presby- 
terorum dicti conventus debet et tenetur die anniversarii 
mei unam missam celebrare. Unusquisque vero ceterorum 
septem psalmos cantare. Debet etiam dictus conventus et 
tenetur die anniversarii predicti tredecim pauperes pascere 
seu reficere (2), singulis annis in perpetuum, ut per hec et 

(1) Thibaud, vingt-troisième prieur, de 1237 à 1240. 

(2) Les prieurs ont souvent institué des repas de ce genre en 
souvenir du repas de la Cène donné aux douxe apôtres. 


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Cartulaire de La Charité. 


iii 


alia bona, que in carne gessero, quiete merear perfrui sempi- 
terna. In cujus rei testimonium présentes literas sigilli mei. 
munimine roboravi. Factum anno Domini millesimoducen- 
tesimo tricesimo septimo. 


CVII. 

ACQUISITIO DECIME DE OLCHIIS ET CUJUSDAM 
GATGERIE DE CONVENTU. 


1238 Mai. — La Charité. 

A la demande de Pierre Berruyer, devenu prieur de 
Bermundsey , qui avait acheté la dîme d* Ouche, la gager ie 
d'Humbert Chauderon et une vigne à Bulcy , les revenus 
de ces biens seront affectés aux usages particuliers des 
moines et ne pourront 'être détournés de cet objet sans 
leur consentement. 

Universis présentes literas inspecturis frater Theobaldus, 
prior de Charitate , salutem in Domino. Noverit universitas 
vestra quod nos, ad petitionem et instantiam venerabilis et 
charissimi fratris nostri Pétri Berruerii, tune temporis prio- 
ns de Bremundesia, decimam de Oschiis quam émit a Morino 
Temple et gatgeriam quam habebat ab H umberto (i) [milite 
cognomento Chaudero, et unum quarterium vinee quod est 
situm juxta clausum prions de Beluciaco (2) ; que omnia 

(1) Ouche, hameau commune de La Marche. La gagerie est une 
terre garnie pour la culture ; comme garantie d’un prêt d’argent elle 
restait souvent entre les mains du prêteur. Il est probable que Hum- 
bert, possédant des biens à Ouche (Voyez ci-dessus, charte XXXIX, 
p. io 5 ), abandonna dans ces conditions la terre dont il est question 
ici. 

(2) Bulcy, commune du canton de PouiHy. 


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Les moulins de La Marche . 223 


dictus Petrus ecclesie beate Marie de Çharitate, cujus tune 
erat monachus, et nunc est, acquisivit, statuimus conventus 
nostri Charitatensis specialibus et propriis usibus deputanda 
imperpetuum. Inhibentes in pleno capitulo, sub intimatione 
divini judicii, ne quis prior aut alius, contra concessiotjenj 
nostram et statutum, jam supradictam decimam et gatgeriam 
et quarterium vinee a propriis usibus conventus nostri Cari- 
tatensis, ut dictum est, subtrahat in posterum , nisi de com- 
muni voluntate et consensu omnium de conventu. Et ut hoc 
statutum robur obtineat perpetuum et jamdicti Pétri devotio 
quam ergamatrem Charitatensem ecclesiam hactenus habuit, 
nullatenus defraudetur, tam nos quam dictus Petrus presen- 
tem cartam sigillorum nostrorum munimineduximus confir- 
mandam. Actum apud Charitatem , anno Domini mijlççftqp 
ducentesimo tricesimo octavo, mense maio. 


CVIII. 

CARTA GUILLELMI, PRIORIS DE CARITATE, DE 
MOLENDINIS AD PORTAM MARCHIE. 


1244. — La Charité. 

Le prieur Guillaume fonde un anniversaire pour lui et ses 
parents et donne deux moulins construits par lui près la 
porte de La Marche , à la condition d'en affecter les 
revenus aux usages particuliers des moines et spéciale- 
ment à un repas général le jour de V anniversaire, 

Universis présentes literas inspecturis frater Guillelmus 
prior humilis de Charitate ( 1 ), salutem in Domino. Noveritis 


(1) Guillaume de Pontoise, vingt-troisième prieur, de 1240 à 1244, 
puis abbé de Cluny jusqu'en 1257, ensuite évêque d’Agen jusqu’à sa 


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224 


Cartulaire de La Charité . 


quod cum in ecclesia nostra de Charitate, in vita nostra 
pariter et in morte, nostri memoriam jugiter velimus perma- 
nere, ut anniversaria die obitus nostri pro anime nostreet 
animarum parentum nostrorum remedio , officium in 
conventu solemniter celebretur, duo molendina sita subtus 
portam de Charitate, per quam itur ad Marchiam , que in 
fundamentis construi fecimus (i) et omnino compleri , ipsi 
conventui in usus proprios assignavimus , volentes ut de 
provenu bus ipsorum molendinorum dicta die anniversarii 
refectionem habeant generalem. Et quia volumus hec predicta 
perpetue robur firmitatis habere, présentes literas sigillo 
nostro roboravimus, in testimonium veritatis. Actum et 
datum apud Charitatem , anno Domini millesimo ducente- 
simo quadragesimo quarto. 


mort, en 1203. Il fut enterré à Paris, dans le prieuré de Saint-Martin- 
des-Champs, où il avait pris l’habit monastique. 

(i) Ces mots semblent indiquer que le prieur Guillaume fit relever 
ces moulins sur leurs anciennes assises. En effet, dans la charte LXI, 
datée de ii6i (ci-dessus, p. 147), il est question de moulins construits 
près la ville de La Charité, à la porte de La Marche, et qui sont vrai- 
semblablement les mêmes. Ils furent l’objet d’une convention entre 
les religieux et Rodolphe du Bois, qui déclarait leurs deux moulins 
réciproquement indivis , convention difficile à tenir, et à la suite de 
laquelle le moulin des religieux aura été supprimé, puis reconstruit 
vers 1244. A ce sujet, l’auteur du Cartulaire (folio 92^ dit : c Les reli- 
gieux n’ont plus de droit sur le moulin de Munot, ni le seigneur de 
Précy, propriétaire de Munot, sur ceux de La Charité. » 


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Les moulins de La Marche. 


225 


CIX. 

CONFIRMATIO PREDICTE DONATIONIS A PREFATO 
GUILLELMO POST SUAM ASSUMPTIONEM AD CLUNIA- 
CENSEM ABBATIAM. 


1245. — La Charité. 

Confirmation de la donation précédente par Guillaume , 
ancien prieur de La Charité, élevé à la dignité d'abbé de 
Cluny. 

Universis présentes litteras inspecturis, frater Guillelmus, 
humilis abbas Cluniacensis, salutem in vero salutari. Nove- 
ritis quod cum in ecclesia nostra de Charitate, in vita nostra 
pari ter et in morte, nostri memoria velimus jugiter perma- 
nere, et ut anniversaria die obitus nostri pro anime nostre et 
animarum parentum nostrorum remedio, officium in con- 
ventu solemniter celebretur, donationem illam seu conces- 
sionem quam olim fecimus ratam et firmam habentes, vide- 
licet ut conventus de Charitate duo molendina, sita subtus 
portam de Charitate per quam itur ad Marchiam , que in 
fundamentis construi fecimus et omnino compleri in usus 
proprios, habeat et possideat in perpetuum, libéré pacifice et 
quiete volentes ut de proventibus ipsorum molendinorum 
dicta die anniversarii nostri refectionem habeant generalem. 
Hec autem que olim statuimus ordinavimus et precepimus 
imperpetuum conservari, approbamus et confirmamus, et 
sigillo nostro présentes litteras roboramus in robur perpetue 
firmitatis. Nulli ergo liceat hoc salubre statutum infringere, 
vel ei aliquatenus contra ire. Si quis autem hoc attentare 
presumpserit , indignationem omnipotentis Dei et beate 
Marie semper virginis, et beatorum apostolorum Pétri et 
Pauli et beati Benedicti, magistri nostri, et nostram et con- 

29 


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22 6 


Cartulaire de La Charité . 


ventus de Charitate se noverit incursurum. Omnibus autem 
hec conservantibus et approbantibus sit pax Domini nostri 
Jesu Christi, hic et in futuro. Inhibentes firmiter et districte 
ne quis deinceps contra premissa aliquid attentare présumât. 
Actum et datum apud Charitatem anno Domini millesimo 
ducentesimo quadragesimo quinto. 


ex. 

COMPOSITIO INTER JOANNEM, PRIOREM DE CHARI- 
TATE, ET ODONEM BELLO-JOCO, PRO JUSTITIA 
DE MONESTO ET ALIIS. 


1249 J u ' n 11. — Menetou-Ratel. 

Conventions arretées devant arbitres entre le prieur de La 
Charité , suzerain de Menetou, et le seigneur de Beaujeu. 
L'église aura toute justice sur les terres qui lui appar- 
tiennent, dans Menetou et dans les environs , jusqu'aux 
bornes posées récemment . Eudes de Beaujeu Laura sur 
toutes les autres terres . Ses hommes habitant Menetou 
ne seront pas jugés par lui , mais il pourra saisir les 
tailles et les gages de ces tailles. Le prieur renonce à 
tous les cens donnés par Archambaud de Sully , moyen- 
nant une redevance d'un muid de blé à la Saint-Michel , 
mesure de Sancerre. Il recevra aussi une première 
indemnité de 20 livres tournois pour les pillages commis 
par Eudes et ses hommes, et une autre de 5 o livres tour- 
nois pour coups et violences contre lui et le moine Picart, 
dont Renaud Mareschal est l'auteur responsable et qu'il 
devra payer sur ses biens. Quant à la forêt de la Chape- 
lotte , elle sera délimitée par quatre experts , et le traité 


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Menetou-Ratel . 


227 


passé jadis entre Eudes de Sully et le prieur Savaric 
sera maintenu. 

In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. 
Omnibus présentes litieras inspecturis, frater Gautredus, 
bumilis prior de Boniaco, et Odo Stampensis archidia- 
conus (i), salutem in Domino. Noverint universi quod cum 
vir religiosus Joannes prior humilis de Charitate (2), ex una 
parte, et nobilis vir dominus Odo, dominus Belli-joci ( 3 ), 
miles, ex altéra, super causisseu querelis inferius nominatis, 
in nobis comproroisissent. Nos inquisitione super iis, tam 
per juramenta partium, quam per instrumenta et testes 
légitimé facta, die mercurii proxima, post festum beati 
Barnabe apostoli, préfixa ad arbitrium proferendum, nostrum 
arbitrium seu dictum protulimus in hune modum : in 
primis dicimus quod ecclesia de Monesto (4) habet omni- 
modam justitiam apud les Espaissailles, et apud forestam 
que dicitur Gacelini, et apud Brociam ( 5 ). Item habet omni- 

( 1 ) Bonniacum peut s'appliquer à Bonny (Loiret), arrondissement 
de Gien, et à Bannay, près Sancerre, deux localités assez rapprochées 
et sièges de prieurés, dont le premier, de l’ancien diocèse d’Auxerre, 
dépendait de La Charité. L’archidiacre d’Étampes était désigné comme 
second arbitre. 

(2) Jean, vingt-cinquième prieur, 1244-1262. 

(3) Les seigneurs de Sully paraissent dans plusieurs chartes de La 
Charité, entre autres ci-dessus, charte LXXXI, où il est question de 
trois générations. Il se forma une branche de Beaujeu, qui tire son 
nom du château de Sens-Beaujeu, près Sancerre, dont l’auteur, Eudes 
de Sully, est cité à la fin de cette charte. 

(4) Menetou - Salon appartenait aux Sully; ils avaient aussi de 
grands droits à Menetou-Ratel, situé à très-peu de distance. Ces deux 
endroits sont presque toujours désignés simplement de Monesto et 
peuvent être confondus. Dans nos chartes ils ne portent jamais leur 
surnom distinctif; toutefois, il n’y a pas de doute possible ; la liste 
des prieurés contient : Prioratus de Monesto Ratelli, et tous lieux dits 
sont situés dans le voisinage. 

(5) Les Epsailles, la forêt Gasselin, la Brosse, localités situées entre 
Sancerre, Sens-Beaujeu et Menetou-Ratel. 


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228 


Cartulaire de La Charité. 


modam justitiam apui Malumboscum (i) et in terris ecclesie 
de Monesto , eidem menilio coherentibus seu continue 
sequentibus. Item habet omnimodam justitiam in villa de 
Monesto et in terris ejusdem ecclesie, ville de Monesto cohe- 
rentibus seu continue sequentibus , scilicet infra metas quas 
posuimus. Dominus autem Odo extra metas predictas habet 
totam magnam justitiam, etiam in terris que sunt de censiva 
vel in dominio monachorum, super quibus métis ponendis 
nobis fuit a partibus al ta et bassa concessa potestas. Et sic, 
ut dictum est, de consensu partium pronunciavimus, et per 
hoc etiam pronunciamus, quod quilibet in justitia sua magna 
potest ubi voluerit furcas facere et habere (2). Item pronun- 
ciamus per dictum nostrum quod prior de Monesto habet et 
potest exercere omnimodam justitiam in homines domini 
Odonis commorantes seu cubantes et levantes in villis et 
terris predictis, in quibus diximus ecclesiam de Monesto 
habere omnimodam justitiam et quod dominus Odo non 
potest homines suos justiciare, nec impedire quominus prior 
vel ministri sui justicient eosdem homines domini Odonis in 
villis et locis predictis, hoc salvo, dicto domino Odoni quod 
ipse suos homines cubantes et levantes in magna justitia de 
Monesto ibidem pro sua tallia poterit gagiare, sine licentia 
prioris, et similiter pro duodecim denariis a quolibet suorum 
hominum qui laborat cum carruca boum, et pro sex denariis 
a quolibet suorum hominum qui sine carruca laborat, suo 
preposito debitis annuatim, ut dicit idem Odo. Ita tamcn 
quod pro duodecim denariis non potest capere gagium quod 
valeat ultra duos solidos , nec pro sex denariis , non potest 
capere gagium quod valeat ultra duodecim denarios Si 
autem dicti homines domini Odonis contradicunt gagiationi, 
sive pro tallia, sive pro dictis duodecim vel sex denariis, 

(1) Maubois, commune de Menetou-Ratel , déjà cité ci-dessus, 
charte LXXXI. 

(2) Le droit attaché \ la haute justice d’élever un pibet sur les 
limites du fief. 


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Menetou-Ratel. 


229 


opportebit quod idem dominus Odogagia recredat hominibus 
quos gagiaverit , et quod assignet eos coram priore de Mo- 
nesto. Ita tamen quod si sine duello (1) poterit probare 
légitimé quod ipse ab illis contradictoribus habuerit talliam 
per duos annos, vel per très precedentes, licite pro tallia 
poterit gagiare, et similiter et pro duodecim et sex denariis 
antedictis. Item pro censu de Balene (2) ita est a partibus 
concordatum, et de consensu partium pronunciamus quod 
prior et conventus de Charitate ac prior de Monesto quita- 
bunt per literas suas dicto domino Odonicensum de # Balene, 
vel de Petraria et de Herdon et de Jarset et de Molendino- 
novo et decem solidos de pratis de Tou et de Dardoncel cum 
omni justitia et relevationibus, ac laudibus et vends, et plus 
si plus ibi habent ; quemquidem censum dederat Archim- 
baudus de Soliaco ( 3 ) ecciesie beate Marie de Charitate et pro 
omnibus dictis, ac pro quinque sextariis quos percipiebat 
ecclesia de Monesto annuatim, in terragio domini Odonis, 
percipiet de cetero imperpetuum annuatim eadem ecclesia de 
Monesto unum modium bladi , medietatem siguli et medie- 
tatem avene, ad mensuram Sacri-Cesaris, qua scilicet mensu- 
ratur emendo et vendendo in granchia de Croteto, de terragiis 
domini Odonis que habet idem Odo in parrochia de Monesto, 
et in locis vicinis a dicto domino Odone , in crastino beati 
Michaelis reddendum. Item super eo quod idem prior de Cha- 
ritate dicebat quod dictus dominus Odo, vel mandatum suum, 
domum de Monesto et domos hominum ecciesie de Monesto 
violenter ingressus, eis multa damna intulerat, cum de frac- 
tione ilia facta , scilicet quando porci fuerunt occisi , nobis 
constiterit, et per juramenta eorum qui tune in dicto prioratu 

(1) Le duel était encore assez souvent une preuve admise en justice 
et pour des cas fort simples ; quand les religieux s’y trouvaient con- 
traints. leurs avoués étaient chargés de les remplacer dans la bataille. 

(2) Balanée, près Menetou-Ratel. 

( 3 ) Cette donation fut confirmée par le petit-fils d’Archambaud en 
1194. (Voyez ci-dessus, charte LXXXJ.) 


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23o 


Cartulaire de La Charité. 


morabantur ac hominum predictorum , nobis si militer 
constiterit, quod usque ad summam valoris quadraginta 
librarum Turonensium damnificati fuerunt , tam monachi 
quam homines antedicti, taxatione a nobis super hoc facta in 
hoc, dictum dominum Odonem condemnavimus quod eccle- 
sie de Monesto pro hoc viginti libras Turonenses persolvat, 
de quibus prior duas partes, ac eorum homines qui damnum 
passi sunt, quilibet pro rata sua tertiam partem percipient et 
habebunt. Item, super eo quod dicebat prefatus prior de 
Charitate, quod Renaudus Marescallus et quidam alii , prio- 
rem de Monesto et Petrum Picardum monachum ejusdem 
domus, quiescentes in lectis suis de nocte, enormiter vulne- 
raverant et male tracta verant , recepto juramento prioris de 
Monesto et taxatione légitima precedente, cum idem prior de 
Monesto juraverat ecclesiam suam expensas fecisse et se 
damnificatum occasione hujusmodi in quinquaginta libris 
Turonensibus, dictum dominum Odonem in hoc condemna- 
vimus quod propter hoc priori de Monesto et de Charitate 
quinquaginta libras Turonenses , de bonis prefati Renaudi 
Marescalli persolvat. Item super nemora de la Chapellete (i), 
sic est a partibus concordatum , et sic de consensu partium 
pronunciamus, quod per quatuor bonos viros de quibus duos 
nominabit dominus Odo, et alios duos nominabit prior de 
Monesto, juratos super hoc quod bona fide inquirent et pro- 
nunciabunt super divisione seu métis nemoris antedicti, 
bona fide negotium terminabitur, ac partes quod super hoc 
fecerint predicti quatuor homines ratum habebunt et gratum. 
Item super hoc quod dicebat dictus prior de Charitate quod 
dominus Odo quemdam hominem ecclesie de Monesto per 
biennium injuste detinuerat, cum hoc coram nobis probatum 
non fuerit, et super eo quod dicebat dictus prior de Charitate 
quod dominus Odo non permittebat quod prior de Monesto 
essertet et accenset nemus de Malo-Bosco , ipsum Odonem 

(1) La Chapelotte, commune du canton de Henrichemont. 


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Menetou-Ratel. 


23 i 


duximus absolvendum. Actum est etiam et a partibus 
concordatum quod pactiones initas inter defunctum Odonem 
de Soliaco patrem domini Odonis et Savaricum tune priorem 
de Charitate (i) et conventum ejusdem loci tenebunt, et de 
eis tradet dictus prior dicto domino Odoni literas sigillatas 
sigillis ipsius prions et conventus Charitatensis et dominus 
Odo similiter vice versa. Consenserunt autem in hoc partes 
quod ratificatione presentis arbitrii et pronunciatione, sîcut 
in presenti pagina continetur, tradat dictus prior litteras 
sigiilo ipsius ac sigiilo conventus Charitatensis sigillatas, ac 
dominus Odo literas suo sigiilo, et uxor ipsius literas sigiilo 
reverendi patris archiepiscopi Bituricensis vel officialis ejus- 
dem archiepiscopi sigillatas. Nos autem eisdem injungimus 
quod infra instans festum beati Remigii, tradent alter alteri 
literas prenotatas, et eidem Odoni quod solvat priori Charita- 
tensi dictas summas pecunie infra terminum prenotatum. 
Hec autem omnia acta sunt et hec pronunciamus salvis 
literis et cartis et juramentis precedentibus istam diem ac 
articulis comprehensis in eis, nisi quatenus per présentes 
literas est aliquid innovatum. In cujus rei testimonium 
presentem paginam sigillorum nostrorum munimine duxi- 
mus roborandam. Actum apud Monestum anno Domini 
millesimo ducentesimo quadragesimo nono, die mercurii 
supradicto (2). 


(1) Ces conventions sont de 1194. (Voyez ci-dessus, charte LXXXI.) 

(2) Dans V Histoire du Prieuré , folio 1 33 , il est dit que l’original de 
cette charte est au trésor du sieur prieur de La Charité. — Cotes d’au- 
tres chartes : Vers 1 161, Théodoric de Montfaucon, malade à Vézelay 
donne à Notre-Dame de La Charité la moitié du panage de ses bois 
situés entre la Loire et la Valvise (rivière près Sancerre). {Ibid., folio 100.) 
— En 1261, différend entre les religieux et Robert de Montfaucon, au 
sujet de la vicairie fondée par Renaud, son père; l’archevêque de 
Bourges décide qu’elle serait unie à l’église de Berry-sous-Montfaucon. 
{Ibid., folio 140.) — En 1266, Jocerand de La Rivière, seigneur de Beffes, 
donne six livres de rente, assises sur sa terre de Beffes, pour sa sépul- 
ture et un anniversaire dans l’église de La Charité. {Ibid., folio 142.) 


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232 


Cartulaire de La Charité . 


cxi. 

RECOGNITIO GUILLELMI ET MORELLI CHAUDE RII, 
ARMIGERI, QUOD QUIDQUID IPSI ET GUIDO, MILES 
FRATER, ET MATER EORUMDEM , TENENT APUD 
POLLIACUM EST DE FEODO ET JUSTITIE ECCLESIE 
DE CHARITATE. 


n 5 o Août. 

Les frères Chauderon , chevaliers , reconnaissent devant 
V official d'Auxerre que leurs dîmes , cens et hôtes de 
Pouilly et de Charenton sont tenus en fief de V église de 
La Charité , qui y possède aussi toute la justice. 

Universis présentes literas inspecturis, officialis curie 
Autissiodorensis, salutem in Domino. Notum facimus quod, 
in nostra presentia constituti , Guillelmus et Morellus , dicti 
Chauderii fratres, armigeri, recognoverunt quod quidquid 
ipsi, Guido dictus Chauderius miles frater eorum, ac ipsorum 
mater habent et tenent apud Polliacum et Charentonem (i) 

(i) Pouilly et Charenton, aujourd’hui hameau de la commune de 
Pouilly, prèsMesves. Un peu au midi, entre Mesves et La Charité, se 
trouve la terre deCharant, qui a donné son nom à une famille bien 
connue pour services rendus à la ville et au monastère à partir du 
dix-septième siècle. Joseph Bernot de Charant est l'auteur d’une 
histoire du prieuré de La Charité (Bourges, 1709, in-8*). Il fut aussi 
chargé, en 1694, par le prieur Nicolas Colbert, de dresser un inven- 
taire des titres, qui complète le , Cartulaire de La Charité. Au 
douzième siècle, Charant était une forêt appartenant à l’abbaye de 
Saint-Satur et dépendant de la terre de Mesves ; il en est question dans 
les chartes de cette époque sous la qualification de Nemus de Charron . 
D’autre part, il y a plusieurs Charenton dans le Cher où paraissent 
nos religieux , mais ici la proximité de Pouilly ne peut laisser aucun 
doute sur la fixation de cette localité. 


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Garchy. 


233 


in decimis, censivis, sive hospitibus et rebus aliis quibus- 
cunque totum de feodo ecclesie Charitatensis existit. Reco- 
gnoverunt etiam quod ecclesia Charitatensis predicta totam 
omoino habet justitiam in omnibus et singulis supradictis. 
Promittentes dicti Guillelmus et Morellus, juramento super 
hoc nobis prestito corporaliter, ab eisdem tactis evangeliis 
sacrosanctis, quod contra recognitiones hujusmodi per se vel 
per alium non venient in futurum, neque super premissis, 
aut super aliquo premissorum in prejudicium dicte ecclesie 
aliquid per se de cetero attentabunt vel per alium facient 
attentari. In eu jus rei testimonium et munimen, nos, ad 
petitionem predictorum armigerorum, literas présentes sigillo 
curie supradicte duximus roborandas. Actum anno Domini 
millesimo ducentesimo quinquagesimo, mense augusto (i). 


CXII. 

COMPOSITIO INTER PRIOREM ET CONVENTUM DE 
CHARITATE ET PHILIPPUM DE CAMPOVOTO, SUPER 
MOLENDINO DE GARCHIACO. 


1254 Avril 19. 

Les religieux se plaignaient de ce que Philippe de Champ - 
poux détournait Veau de leur moulin de Garchy ; Philippe 
prétendait en avoir le droit à cause d'un autre moulin 
qui marchait autrefois. Les deux parties portent V affaire 

(1) On trouve sur le même objet la cote de cette autre pièce : En 
août 1 252 , Robert de Beurant et Isabelle de Pouilly, sa femme, 
donnent une rente de six septiers, moitié seigle, moitié avoine, sur 
les dîmes de Charenton , proche de Pouilly, sur la portion des sieurs 
Chaudière (1 Chauderii ), qui partageaient avec les religieux. [Histoire 
du Prieuré, folio i 38 .) 

3o 


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Çartulaire de La Charité . 


234 


devant V official d* Auxerre , siégeant à Var\y, qui auto- 
rise le seigneur de Champvoux à détourner Veau, mais 
seulement s* il rétablit le moulin et à la condition de la 
rendre ensuite à son cours, sans pouvoir remployer à 
arroser les prés. 

Omnibus présentes literas inspecturis, G... archipresbiter 
Varziacensis et magister J... de Charitate clericus, salutem 
in Domino. Notum facimus quod cum inter religiosos viros, 
priorem et conventum de Charitate, ex una parte, et domi- 
num Philippum de Campivoto (1), militem, ex alia, coram 
discreto viro officiali Autissiodorensi , authoritate ordinaria , 
contentio verteretur, super eo quod dictus Philippus aquam 
que solebat currere ad molendinum ipsorum de Garchiaco (2) 
a solito cursu divencrat, ut dicebant, et per prescriptionem 
legitimam ( 3 ) cursum aque molendini predicti obtinuerant 
pacifice et quiete; dicto Philippo in contrarium allegante 
quod secundum consuetudines patris, non obstante prescrip- 
tione predicta, dictum aque cursum divertere poterat juxta 
sue libitum voluntatis, pro eo quod predecessoresipsius aliud 
molendinum olim habuerant in superiori parte, quod solebat 
molere de aqua predicta. Et cum dicte partes in nos, tanquam 
in arbitros super iis, sub certa pena, compromisissent, 
tandem nos, auditis rationibus hinc et inde, inquisita super 
hec diligentius veritate, bonorum virorum usi consilio, die 
dominica qua cantatur quasimodo (4), partibus assignata ad 
proferendum arbitrium supradictum, arbitrando pronun- 
ciamus quod predicti religiosi solitum cursum aque ad suum 


(1) Champvoux, canton de La Charité. 

(2) Garchy, canton de Pouilly. 

( 3 ) Le mot prescriptio recevait déjà le sens juridique des coutumes. 
Elle était de trente ans pour les laïques et de quarante ans pour 
l’Église. (Coquille, Coutumes du Nivernois , in-folio, II, p. 377.) 

(4) En cette année 1254, Pâques étant le 12 avril, le dimanche de 
Quasimodo se trouvait être le 19 du même mois. 


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Garchjr. 


235 


molendinum venientem, sicut antea tenuerant, deinceps 
teneant pacifice et quiete absque impedimento dicti militis vel 
suorum. Hoc tamen salvo quod quotiescumque dictus miles 
vel successores sui voluerint construere molendinum in loco 
qui dicitur Centcoves ( i ), ubi molendinum esse solebat, licitum 
sit eisdem aquam divertere ad supradictum locum pro sue 
libito voluntatis, ita videlicet quod a saltu molendini cons- 
tructi, a loco ubi cadet aqua, supradicti religiosi aquam 
predictam ad solitum cursum molendini ipsorum ducere 
poterunt prout erit utile molendino predicto. Nec dictus 
miles pro adaquandis pratis suis dictum aque cursum solitum 
divertere poterit, vel aliquatenus impedire. Item pronun- 
ciamus quod marrementum (2) quod confessus fuit se aspor- 
tasse a molendino dictorum rcligiosorum ad idem infra octo 
dies reportet , vel valorem ipsius. Preterea dicte partes 
voluerunt et concesserunt sub pena predicta quod nos infra 
octavas hujus instantis festi nativitatis beati Joannis 
Baptiste, super expensis factis, coram officiali predicto et 
super damnis que dicti religiosi incurrerunt , propter impe- 
dimentum cursus aque predicti, iterum arbitremur et ipse 
promiserunt per penam predictam et tenentur dictum arbi- 
trium observare. In cujus rei testimonium et munimen nos, 
ad petitionem partium predictarum , literis presentibus 
sigilla nostra duximus apponenda. Datum die dominica 
supradicta, anno Domini millesimo ducentesimo quinqua- 
gesimo quarto. 

(1) Nous n’avons pu découvrir la situation de cette localité. 

(2) Merrementum ou roerrain, pièces de bois faisant partie de 
l’outillage d’un moulin. On trouve ce mot avec un sens analogue 
dans les statuts de l’Église nivernaise, en 1246: Clerici aliqui seu 
canortici merrementa seu ligna aliéna comburere présumant... (Martène, 
Thésaurus anecdotorum , IV, col. 1071. J 


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236 


Cartulaire de La Charité. 


CXIII. 

COMMUTATIO FACTA CUM DOMINO HENRICO DE 
SOLIACO, DE FURNO ET JUSTICLA ARGENTI, PRO 
QUINQUE MODIIS SIUGINIS. 


1255 Mai. 

Henri de Sully reçoit des religieux de La Charité les 
droits de four et de justice qu'ils possédaient à Argent et 
dont jouissait le prieuré de Sainte-Montaine , moyennant 
une redevance annuelle de cinq muids de seigle à fournir 
à la Toussaint audit prieuré . Les religieux conserveront 
les cens et revenus divers sur la maison fort et les habi- 
tations d' Argent. 

Ego Henricus, dominus Soliaci (i), notum facio presen- 
tibus et futuris quod cum viri religiosi, J. prior et convenais 
de Charitate, furnum suum quem habebant in villa de 
Argento et omnimodam justitiam ejusdem ville, que sua 
erat, et ad domum suam de Sancta Montana (2) pertinebat, 
concesserunt et quitaverunt imperpetuum mihi et heredibus 
meis pro quinque modiis boni et receptabilis siliginis annui 
redditus, ad mensuram de Argento, quos pro predictis furno 
et justitia assignavi eisdem recipiendos, libéré et quiete sin- 
gulis annis in perpetuum, in festo omnium sanctorum apud 
Argentum, in meis redditibus quos habeo in potcstatede 
Argento, et reddendos singulis annis, predicto termino, 
priori de Sancta Montana qui pro tempore fuerit vel ejus 
certo nuncio, sine contradictione aliqua vel dilatione , salvis 

(1) Voyez pour les seigneurs de Sully, ci-dessus chartes LXXXI et 
XCV. 

(2) Argent, commune de Sainte-Montaine, canton d’Aubigny (Cher). 


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Sainte-Croix de Venise . 


237 


eisdem et retentis censu quem habent in Castro meo,sive 
domo forti de Argento, et aliis censibus et redditibus quos 
habent in eadem villa, et parva justitia censuum predictorum 
quam illi consueverunt habere in partibus illis in censivis 
suis. Ego predictum bladum predictis loco et terminis , 
singulis annis, supradicto priori de Sancta Montana solvere 
et omnia alia premissa facere et firmiter tenere bona fide 
promitto et quod contra premissa per me vel per alium non 
veniam in futurum. Et ad hec teuenda et firmiter servanda 
imperpetuum me et heredes meos obligo et astringo. In 
cujus rei testimonium presentibus literis sigillum meum 
apposui. Actum anno Domini millesimo ducentesimo quin- 
quagesimo quinto, mense maii. 


CXIV. 

LITERE CONVENTUS SANCTE CRUCIS DE VENETIIS 
AD JOANNEM PRIOREM DE CHARITATE , PRO 
REVOCANDO EORUM PRIORE. 


1256 Mars i5. 

Les religieux de Sainte-Croix de Venise adressent au 
prieur de La Charité , leur suzerain, une réponse relative 
à la conduite de leur ancien prieur , qui s* était représenté 
comme bon et \élé dans ses fonctions. Il a quitté le couvent 
sans les prévenir , disant ailleurs qu'il se rendait au 
chapitre général de Cluny. Quant à sa gestion , il a fait 
perdre plus de cent livres en donnant une maison à quel- 
qu'un du dehors ; il a laissé s'introduire dans le cloître 
des prêtres séculiers étrangers à l'ordre. Par ses mau- 
vais discours , il a éloigné les amis et les soutiens du 
couvent. Si ces faits ne sont pas vrais , qu'on l'interroge 
publiquement. Les religieux demandent de ne pas le 


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238 


Cartulaire de La Charité . 


conserver comme prieur ; ils ont perdu plus de mille 
livres à le garder ; depuis quinze ans ils n'ont rien reçu 
et pourtant ils voudraient rester sous la protection de La 
Charité. Leur désir serait d % être administrés par le 
sous-prieur. 

Venerabili in Christo patri et domino Joanni (i), Dei 
gratia Sancte Marie de Charitate priori dignissimo, conventus 
Sancte Crucis de Venetiis ( 2 ) ejus subditi et devoti, reveren- 
tiam cum salute, in eo qui est vera salus et oratio fructuosa. 

Literas paternitatis vestre quas nobis hactenus nuncius 
vester ex vestra parte presentavit gratulanter recepimus et 
benigne, quibus inspectis in eis vidimus contineri quod 
frater Petrus, quondam noster prior, ad vos accesserat, vobis 
dicens et affirmans se negotia Sancte Crucis bene et hones- 
tissime pertractasse, super quibus nos exorando misistis ut 
vobis rescriberemus omnium veritatem : quas preces rece- 
pimus in mandatis. Verum quia in his et in omnibus aliis 
tenemur vobis super omnia obedire, ejus mérita per présentes 
literas vobis veraciter duximus rescribenda. Noverit itaque 
paternitas vestra quod ipse frater Petrus, nobis invitis, cum 
fratre Regnaldo de Sancto Christophoro Romam ivit, secum 
unum nostrum breviarium (3) continuum nobis nescientibus 

(1) Jean, vingt-cinquième prieur de La Charité, 1244-1262. 

(2) Venise comptait au dix-huitième siècle 54 établissements reli- 
gieux et 72 églises. Le prieuré de Sainte-Croix est cité dans les 
dépendances de La Charité à l’étranger; cette charte est le seul 
document qui la concerne, et nous ignorons à quelle époque eut lieu 
la séparation des deux couvents. Au dix-septième siècle, quand fut 
rédigé le Cartulaire , c’était un fait accompli depuis longtemps. 

( 3 ) Les religieux avaient des bréviaires de voyage qui se repliaieot 
en trois pour tenir moins de place. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse 
ici d’un livre de prières*- Ducange cite un sens qui s’applique bien à 
ce passage : Breviarium instrumentum notariorum, passim in statutis 
Venetorum anno 1242. Le breviarius était le secrétaire chargé de 
rédiger les brefs. On entend évidemment par breviarium une sorte 
d’inventaire des titres du prieuré. 


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Sainte-Croix de Venise. 


239 


apportans, et ad vos venit dicens et affirmans nos pro eo 
misisse ut veniret ad capitulum generale. Negotia vero 
raonasterii Sancte Crucis male et contra suum ordinem 
pertractavit, bona monasterii nobis nescientibus, aliis vide- 
licet domum Crispignage tribuendo; quam domum et bona 
cuidam Rimitano dédit, nobis aliquid non reddendo, de quo 
monasterium Sancte Crucis in plus quam C. libras est 
omnimode pejoratum. Causam vero quam habebamus cum 
presbyteris secularibus Sancte Crucis taliter terminavit quia 
literas domni Apostolici contra nostram voluntatem malo 

modo et nobis nescientibus apportabat ; unde misissemus 

nisi quod eas ei accepimus asportanti domino inspirante ; 
eosdem quidem presbyteros in unam cameram Sancte 

Crucis cum eis ordinarias que redundabant ; nos vero 

hoc sentientes, predictos presbyteros de monasterio expu- 
limus, sicut dixerat expellendos cupere prior; postea de 
monasterio ivit secum in ornua et monasterium tractaturus. 
Et propter suam maliloquam linguam fecit nos amittere 
dominum Joannem Badavarium, qui erat monasterii Sancte 
Crucis precordialis amicus in omnibus et patronus, et alios 
quamplures, quare deterioramentum monasterii plus quam 
in mille libris redundat et redundare videtur. Nos itaque 
verecumdamur omnia de eo rescribere ; sed vestra bepignitas 
ipsum per obedientiam, si placet, interroget et compellat ad 
veritatem dicendam, qualiter Venetiis et alibi duxerit vitam, 
quia si dixerit vobis erit sicut et nobis publice manifestum. 
Quare paternitati vestre duximus humiliter supplicandum 
quatenus pro domino ad nos ipsum non dignemini amplius 
destinare, quia nobis et amicis monasterii si eum mitteretis 
plurimum displiceret. Scientes quod ecclesie Sancte Crucis 
magna pars in terram cecidit et alia in eodem statu cadendi 
permanet, et propter de Romano omnes redditus monas- 

terii sunt amissi, ita quod de ipsis nihil habere possimus nec 
tenere, annis XV jam elapsis. Supplicamus itaque paternitati 
vestre uti ipsi monasterio dignemini taliter providere, quod 


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240 


Cartulaire de La Charité. 


six honor altissimi creatoris, quod sit honor persone vestre et 
totius conventus et quod monasterium de bono in melius 
protegatur et nos vestri clerici valeamus pacifice commorari, 
quod facere multimode affectamus de fratre Petro suppriore, 
qui est nobiscum, qui semper ibidem benevole stetit contenti 
sumus, ut ipsum nobis dare dignemini si vestre benignitati 
videbitur expedire. Valete in Domino. Datum die XV 
intrante martio, currente anno Domini millesimo ducente- 
simo quinquagesimo quinto, indictione décima tertia. 


cxv. 

CARTA DE QUIBUSDAM CENSIBUS ET TERRIS 
IN PARROCHIA DE PARCIACO. 


1262 Janvier 6. 

Agnès, fille de Robert Lepie, veuve et libre de ses droits , 
vend aux religieux de La Charité, pour cent sols parisis, 
les terres , cens et autres redevances qu'elle possédait à 
Par\y (1). 

Omnibus présentes litteras inspecturis, officialis curie 
Nivernensis, salutem in Domino. Noveritis quod in nostra 

(1) Cotes d’autres pièces concernant Parzy: « En 1263, Perrin Lepy, 
fils dudit Robert Lepy, confirma laditte vente. — En l'an 1275, Jeanne 
de Missy, dame de Noëmy (?), donna auxdits religieux et couvent 
toutte la justice, haute, moyenne et basse, avec toutes ses terres ee 
appartenances situées à Parcy , moyenant dix-sept livres tournois de 
rente, laquelle fut depuis racheptée par les religieux. — En < 458 , 
Jean Chambellan, prieur de La Charité, achepta de Guillaumt 
d'Hérisson, seigneur de Chanteregne, sa part et portion des dismesde 
bled, vin, lanage et charnage dans les villages de Parcy et Chau- 
dillon (?) pour la somme de 60 escus d’or; cette vente fut agréée et 


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Par\y. 


241 


presentia constituta , Agnes, filia Roberti Lepi (1), militis, 
vidua et sui juris existens, publiée et in jure confessa fuit 
se vendidisse religiosis viris conventui de Charitate, pro 
centum solidis parisiensibus , suis quittis et sibi solutis, 
intégré ut dicebat, tam terras quam census, bordelagia, 
costumas et res alias, quocunque nomine censeantur, quas ex 
quacunque causa dicta mulier habebat et habere poterat ad 
presens in parrochia de Parciaco (2) ; qui census portabant 
laudas et vendas, prout dicta mulier asserebat, quittans 
perpetuo et irrevocabiliter jamdicto conventui omnes res 
ipsas venditas et transferens in eumdem conventum totum 
jus et omne dominium que ipsa mulier habebat, in quibus- 
libet rebus sitis in parrochia antedicta, promittens quod per 
fidem suam, in manu nostra datam, et sub obligatione 
omnium bonorum suorum, quod non veniet contra ista et 
quod garentizabit eidem conventui ipsas res venditas adver- 
sus quemlibet querelantem. Supposuit autem dicta mulier 
se, quoad observantiam premissorum , jurisdictioni curie 
Nivernensis et, quantum ad ista, per suam fidem renun- 
ciavit actioni in factum de dolo, conditioni sine causa, et 
exceptioni non soluté pecunie, ac omni auxilio et beneficio 
totius juris, tum canonici tum civilis, ceterisque actionibus 
et exceptionibus universis et specialiter omni juri et omni 
privilegio in favorem mulierum, super rebus dotalibus et 
hereditariis intrjpiuctis, affirmans quod sponte et provide 
faciebat hec omnia et dicebat. In cujus rei testimonium, ad 


ratifiée par dame Catherine Cochon, sa femme. » ( Histoire du 
prieuré , folio 140.) 

(1) Les Lepie étaient seigneurs à Argenvières et à La Charnaye au 
siècle précédent. (Voyez entre autres ci-dessus, charte LXXVIII.) 

(2) La châtellenie de Parzy, aujourd’hui commune de Garchizy, 
appartenait à l’évêque de Nevers. Les tailles de Parzy comprenaient 
les paroisses de Parigny, Varennes, Parzy, Marzy, Soulangy, Pougues, 
Chaulgnes et Tronsanges. (Voyez Terrier de Vévéché de Nevers 
en 1287, p. 91 et suiv.) 

3i 


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242 


Cartuiaire de La Charité. 


petitionem dicte mulieris, presenti scripto apposuiraus 
sigillum curie Nivernensis. Datum anno Domini raillcsimo 
ducentesimo sexagesimo primo, die jovis ante Epiphaniam 
Domini. 


CXVI. 

ALIA CARTA ITEM DE PARCIACO. 


1261 Novembre 10. 

Giraud de Pesgnes et Alix , son épouse , vendent à La 
Charité , moyennant cent sols parisis, les terres et droits 
qu'ils possédaient ù Par\y. 

Omnibus présentés litteras inspecturis, officialis curie 
Nivernensis, salutem in Domino. Noveritis quod in nostra 
presentia constituti, Giraudus de Pesgnes, domiccllus, et 
Aalidis ejus uxor, publice ac in jure confessi fuerunt se, 
deliberaiione previa, vendidisse religiosis viris conventuide 
Charitate, pro centum solidis parisiensibus, suis quittis 
sibique solutis, in pecunia numerata, ut dicebant, ab eodem 
conventu , tam census, laudes et vendas portâtes, quam 
costumas et omnes redditus quos iidem Ger^idus et Aalides 
uxor sua habebant in parrochia de Parciaco, cum omni jure 
quod habebant ibidem, salva décima bladi quam ipsi habere 
dicuntur in parrochia antedicta, quam decimam bladi de 
feodo domine de Rupe movere dicebant, quittantes coram 
nobis penitus et précisé dicto conventui, dictos ccnsumet 
costumas et omnes redditus alios, quos ipsi Giraudus et 
Aalidis ejus uxor habebant in dicta parrochia, et quidquid 
juris sibi competebat seu competere poterat , aut debebat in 
dictis rebus quoquo modo, seu quacunque ratione possi- 
dendos et tenendos imperpetuum , libéré, pacifice et quiete, 


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Par\y. 


243 


titulo légitimé emptionis, salva dictis venditoribus décima 
sapradicta, promittentes quod fide in manu nostra prestita 
corporali et sub obligacione omnium bonorum suorum ubi- 
cumque sitorum, quod contra venditionem et quittacionem 
predictas per se vel per alium non venient in futurum , et 
quod garentizabunt easdem res et défendent dicto conventui 
adversus omnes gentes ad usus et consuetudines Nivernenses, 
preterquam adversus dominum feodi. Renunciaverunt siqui- 
dem quoad ista dicti venditores, per fidem suam exceptioni 
fori, exceptioni pecunie sibi non soluté, actioni in factum de 
dolo, conditioni sine causa, deceptioni et revocationi cuilibet, 
ceterisque actionibus et exceptionibus generaliter universis, 
que contra presèntes literas et factum hujusmodi possent ab 
aliquo objici seu dici ; neenon et omni auxilio et beneficio 
totius juris, tum canonici tum civilis, volentes pariter et 
concedentes quod nos vel officiarii qui pro tempore fuerint, 
ipsos ad observantiam premissorum per censuram ecclesias- 
ticam, si necesse fuerit, compellamus. Et se supposuerunt 
dicti venditores, quoad hec, jurisdictioni curie Nivernensis, 
quocumque loco maneant vel existant, dicta Aalidi per ejus 
fidem renunciante omni juri et omni privilegio in favorem 
mulierum, super rebus dotalibusaut hereditariis introductis, 
ipsaque affirmante quod scienter, sponte et provide faciebat 
hec omnia et dicebat. In eu jus rei memoriam et testimo- 
nium, ad petitionem dictorum venditorum, sigillum curie 
Nivernensis presentibus litteris duximus apponendum. 
Datum die Jovis ante festum sancti Martini hyemalis anno 
Domini millesimo ducentesimo sexagesimo primo. 


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244 


Cartulaire de La Charité . 


CXVII. 

CONCORDATUM INTER PRIOREM ET CONVENTUM DE 
CHARITATE ET DECANUM ET CAPITULUM ECCLESIE 
NIVERNENSIS, RATIONE USAGII IN FORESTA BER* 
TRANGIE (i). 


1266 Juillet. 

La partie nord de la Bertrange sera forêt réservée as 
prieur de La Charité , la partie sud consacrée aux droit $ 
d'usage des habitants de Chaulgnes et de Parignr-les- 
Vaux , dépendants du chapitre de Saint- Cyr de Ne:’ ers 
Les délits seront portés devant le prieur ou son manda- 
taire, à Raveau; les agents forestiers devront avoir 
des témoins contre les usagers , mais ils seront crus sur 
serment contre les étrangers dans la forêt réservée. U 
redevance annuelle pour droit d'usage restera fixée pur 
feu à cinq deniers , payables dans la semaine de k 
Toussaint, à Raveau. La justice appartiendra toui 
entière au prieur de La Charité. 

Universis présentes litteras inspecturis, fraterMilo, humilis 
priordeCharitate, Cluniacensisordinis, Autissiodorensisdiœ* 

(1) Outre la transcription de cette charte dans le Cartulaire (manus- 
crit de M. Girerd, folio 145), nous en avons deux copies du dix* 
septième siècle, l’une conservée en l'étude de M. Couraud, notaire a 
La Charité, terminée par cette mention : « Ex cartulario Caritatem 
fol. 145 », ce qui prouve qu’elle a été copiée sur notre Cartulairt , 
la seconde, conservée à la mairie de Raveau, contenant plusieurs 
phrases omises dans la première copie et vraisemblablement prise sur 
le texte authentique de la pièce. Cette copie est accompagnée de I 3 
note suivante : 

t Collation de la présente copie a esté faicte à son original estant 
en parchemin non signé, scellé à double sceau de sirre verte, par nous 


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Les usages de la Bertrange. 


245 


cesis, totusque ejusdem loci convenais, salutem in Domino et 
universitati vestre ad perpetuam rei memoriam tenore presen- 
tium intimamus. Quod cum inter nos, prioremet conventum 
predictos, ex una parte, et decanum et capitulum Nivernense 
et homines dictorum decani et capituli commorantes in parro- 
chia deChaugnia, exceptis hominibusdeTremblaio, et homi- 
nibus ipsorum ville de Usello, que villa de Usello est in 
parrochia de Parigniaco (1), et ipsorum hominum occasione 
et causa, ex altéra, concertacio versaretur super eo quod dicti 
decanus et capitulum et eorum homines predicti dicebant 
ipsos homines et domum dictorum decani et capituli de 
Angulo (2), habere et habere debere usagium in ilia foresta, 
sive nemore, que vulgariter Bertrangia Sancte Marie apel- 
latur ; nobis priore et conventu predictis in contrarium 
dicentibus et asserentibus quod dicti homines dictorum 
decani et capituli nullum habebant usagium in eisdem. 
Tandem bonorum virorum mediante concilio, inter nos 
priorem et conventum predictos, ex parte una, et dictos 
decanum et capitulum et homines ipsorum predictos, ex 
altéra, pro bono pacis super dicta concertacione, de consensu 
partium taliter extitit ordinatum : videlicet quod medietas 


notaires royaux, soubz le scel du bailliage de Saint Pierre le Moustier, 
pour servir lad. collation aux habitans de la paroisse de Chaulgnes, 
représenté à ceste fin par Michel Garnier, ung d’iceux, auquel, après 
lad. collation faicte, le tout luy a esté rendu. A Nevers le dix neufiesme 
aoust mil six cents dix neuf. Par-devant lesd. notaires , led. Garnier a 
dict ne sçavoir signer, de ce enquis. — Signé : Petit et Gentil. » 

Ces deux copies nous ont été communiquées par M. de Flamare, 
archiviste de la Nièvre. 

(1) Le Tremblay, commune de Chaulgnes, et Usseau, commune de 
Parigny. Ces deux paroisses dépendaient de Parchiprêtré des Vaux- 
de-Nevers, et les hommes du chapitre de Saint-Cyr étaient inscrits 
sur le registre de la taille de Parzy. (Voyez notre Registre-terrier de 
l’évêché en 1287, p. j3 et 91.) 

(2) Langle, commune de Chaulgnes. 


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246 


Cartulaire de Im Charité. 


dicti nemoris, foresta excepta (1), sicut jam divisa est, ic 
consensu partium est bornata et ab alia parte separata, vide- 
licet per cherainum qui appellatur vulgariter cheminusde 
Sauvages, per quem itur de Charitate ad Sauvages, eteiten- 
ditur a principio nemoris, ex parte ville Charitatis, usquead 
ilium locum in quo via publica de vallibus Nivernensibuset 
dictus cheminus de Sauvages similiter conveniunt, et ilia 
tota pars que a dextris remanet, cum quadam alia particuia 
circa sexaginta arpenta continente separata, de consensu 
partium, et bornata inter viam prefatam de vallibus Ni ver- 
nensibus et nemora de Seriaco et Franaio (2) , ad commune 
usagium predictorum hominum et domus ipsorum decaai 
et capituli de Angulo, neenon et aliorum hominum cujus- 
cunque dominii existentium et locorum , ratione usagii 
costumam solventium, remanebit in sicco, viridi, torto et 
recto nemore et magno herbagio et pacagio et panagio seu 
pasturagio ( 3 ). Residuum autem, videlicet alia medietascum 
foresta predicta, nobis priori et conventui predictis etecclesie 
nostre absque reclamatione usus alicujus seu pasturagii vel 
alterius cujuscunque rei libéra remanebit. Et si in foresta 
sive in medietate predicta que nobis priori et conventui 
predictis remanebit, aliquid de predictis usuariis scindere 
vel aliter disjungere contigerit, emenda hujus delicti nostra 

(1) Les deux parties du bois sont très-clairement indiquées. Li 
partie réservée aux propriétaires, dite foresta , pour U chasse « 
l'exploitation privée; la partie réservée au public ou usagers, pour I: 
chauffage et le pacage. Les ordonnances prescrivent cette division 
pour les forêts royales. ( Ordonnances des rois de France , L P- 

et 707.) 

( 2 ) La forêt des Bertranges s'étend sur plusieurs communes. Le 
prieur de La Charité se réserve la partie nord, à gauche du chemin, 
en allant de La Charité à Beaumont et à Sauvages, et laisse aux 
usagers la partie sud , du côté de Frasnay et de Chaulgnes. 

(3) Ces mots, que nous croyons inutile de traduire, exposent avec 
grande précision en quoi consistait le droit d'usage dans les ton?» 
pour les habitants. 


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Les usages de la Bertrange. 


247 


erit. Si autem in alia medietate que dictis usuariis assignata 
remanet aliquis alius, prêter ipsos usuarios, quoquomodo 
delinquens inventus fuerit et a forestario nostro captus et 
detentus fuerit, coram nobis priore de Charitate, vel coram 
nostro mandato apud Ravellum juraretenebitur, presentibus 
usuariis, si ad hec interesse voluerint, alioquin in ipsorum 
absentia recipietur : quibus terminum sive diem faciendi et 
recipiendi sacramentum hujus per dies aliquot tenebimur 
significare vel mandatum nostrum, quod ipse forestarius 
usagium ipsum bene et fideliter pro posse suo servabit, et 
quod ipsos usuarios minus juste non arestabit, nec capiet, 
nec accusabit, nec vexabit, nec odio, nec prece, nec pretio, 
nec spe lucri alicujus, sed secundum quod crediderit se posse 
facere bona conscientia et de jure ac ratione. Alias videlicet 
si juramentum hujusmodi non prestiterit pro forestario 
nullatenus habebitur. Insuper forestario predicto et jurato, 
super captione dictorum usuariorum in dicto usagio nullo 
modo credetur, nisi adhibitis duobus jtestibus fide dignis, 
forestariis vel aliis, quod si habere non potuerit, tune homo 
detentus sive arrestatus per juramentum suum se tenebitur 
excusare et sic dimittetur immunis ; sed super captione 
hominum in foresta et in alia medietate que nobis et ecclesie 
nostre remanet , dicto forestario per sacramentum suum 
credetur. Nos vero, prior et conventus predicti, tanquam 
domini feudi , predictum usagium supradictis usuariis 
garantizare tenebimur erga omnes qui ipsos super hoc inde- 
bite molestarent, nec in ipso usagio alios usuarios poterimus 
sociare, adjungere, vel etiam advocare, nec de ipso usagio 
poterimus aliquid dare vel vendere, vel in ipso assartare vel 
seminare, nec ad ecclesiam redigere quandiu predicti usuarii 
costumam debitam nobis reddiderint. Hoc autem sciendum 
est quod dicti usuarii de dicto usagio poterunt uti in edifi- 
cando, ardendo, terras eorum et vineas claudendo et palis- 
sando, et infra fines ipsius parrochie in qua ipsi morabuntur, 
scilicet de parrochiis predictisde Chaulgnia et de Parigniaco, 


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248 


Cartulaire de La Charité . 


et non alibi, dando unus alteri et vendendo; non tamen 
poterunt vendere vel aliis dare quam usuariis nec ultra nec 
extra fines predictas deportare. Quod si aliqui s aliter fecerit 
et convictus fuerit vel confessus, tenebitur emendare, ita 
tamen quod propter hoc usagium non poterit amittere, sed 
septem solidos tantum persolvet pro emenda. Si vero super 
his quispiam accusatus fuerit, nec per duos testes convictus 
fuerit vel confessus, légitimé per sacramentum suum se 
tenebitur excusari et sic dimittetur immunis. Locus autos 
in quo dicti usuarii, propter forefactum vel suspicionen 
dicti usuarii trahi poterunt, coram nobis priore predicto vel 
nostro mandato, erit apud Ravellum et non ultra. Preterea 
si aliquis usuariorum costumam ratione usagii débitant in 
statuto termino, videlicet Dominica post festum omnium 
sanctorum , quinque denarios pro quolibet foco apud 
Ravellum non solverit, forestarius predictus ipsum in dicto 
usagio existentem et scindentem , vel alibi ubicunque de 
nemore dicti usagii çumdem portantem invenerit, nec non 
pecudes ipsius in dicto usagio propter delictum hujusmodi 
capere, arrestare vel detinere poterit quo usque de dieu 
costuma ac etiam de duobus denariis currentis monetepro 
emenda fuerit plenius fuerit satisfactum. Si vero aliquis de 
usuariis predictis costumam suam predictam, predicta die 
dominica post festum omnium sanctorum, forte non solverit 
usque ad aliam dominicain propius subsequentem, absque 
emenda aliqua expectabitur et erit immunis, in quasidefe- 
cerit, et causam non allegaverit et probaverit, ex tune ut 
antea ad emendam tenebitur prout superius est expressum 
Et sciendum est quod quinque domus nostre Charitatis de 
Ravello, de Bulcy, de Oschiis, deCharneia, et de Roca- 
forti (1), usagium in dicto usagio sicuti alii usuarii habebunt 


(1) Ces localités sont situées à une distance encore assez grande de 
la Bertrange ; il est probable que ce droit d’usage remonte à u n,r 
époque où il n’y avait pas de bois plus rapproché. Bulcy et Roche* 


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Les usages de la Bertrange. 


249 


UOm 

lfîî *£ in futurum, et promittimus bona fide, tam pro nobis quam 
pro successoribus nostris quod nos grangias nostras supe- 
rius expressas et habitantes in eis uti faciemus usagio 
^ predicto, prout alii usuarii utentur, prout superius est 

nc:pr. expressum, nec predicti usuarii nec ipsi decanus et capi- 

tulum vel eorum successores in predicto usagio, sive in alia 
medietate et foresta, que nobis et successoribus nostris quiete 
r sscrr. rémanent, aliquam justitiam poterunt reclamare, nec se 

rr: opponere in futurum quominus nos in premissis omni jus- 

à-: ■ titia possimus uti, nisi forte dicta justitia a nobis per aliquem 
: evinciatur ; promittentes bona fide quod contra premissa, vel 

j*,-- aliquid premissorum, per nos vel per alium non veniemus 
in futurum; îmo premissa omnia et singula integraliter 
... observabimus , et observari ab hominibus nostris faciemus 

r r firmum et ratum, renunciantes juri dicenti factum alterius 

il promitti non posse. In cujus rei testimonium présentes 

litteras sigillo nostro munivimus et roboravimus. Datum 

fort sont commune de Mesves; Ouche, commune de La Marche, et 
La Charnaye, commune de Tronsanges. 

Notes de YHistoire du Prieuré. Folio 87 : Adam de La Marche, à la 
1 ' suite du bref d’Eugène III (voyez ci-dessus charte XVI, p. 45, les pour- 

: v suites contre ce chevalier}, en 1 1 53 donne à La Charité la moitié d’un 

• ; moulin et des terres dans la Bertrange; Bernard de Chazel donne 

l’autre moitié aux religieux du prieuré de Saint- Vincent, situé dans 
ledit bois. A présent (1675} ce n’est qu’une petite chapelle de huit 
livres de revenu, laquelle est unie à l’office de doyen du prieuré de 
La Charité. — Folio 134 : En 1233 les religieux acheptèrent d’Estienne 
r de Blancafort et d’Agnès, son épouse, la tierce partye de la forest de 

Bertrange, pour le prix de trente livres, monnoye de Nevers, pour une 
foys payée, et encore à la charge de payer par chascun an auxdits 
vendeurs la rente de quatre livres tournois sur leur taille de Raveau, 
au jour de Saint-Remy. Les religieux avoient la totalité de cette forest, 
qu’ils possèdent encore à présent. — Folio 149 : En 1294 Philippe- 
le-Bel donne au prieur Symon des lettres d’amortissement pour toutes 
les possessions du prieuré, mesme de six mille arpents du bois appelé 
: > le forest de la Bertrange, acheptée d’Estienne de Blancafort et d’Agnès, 

sa femme. 

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25o 


Cartulaire de La Charité . 


anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo sexto, 
mense julio. 


CX VI IL 

CONCORDATUM INTER CONVENTUM DE CHARITATE 
ET PRIOREM DE COLONGIIS PRO QUINQUE LIBRIS 
ANNUI REDDITUS DICTO CONVENTÜI SOLVENDIS. 


1266, Août 16. 

Les religieux de La Charité renoncent, en faveur du prieur 
de Coulonge , aux revenus de toute nature qu* ils avaient 
à Codde et dans les environs , moyennant une redevance 
annuelle de quatre livres que le prieur devra verser , à la 
Saint-Denis , à La Charité , avec les vingt sols quil payait 
déjà auparavant. Ces deux sommes seront affectées à la 
pitance des religieux et seront perçues à partir de 126g. 

Univcrsis présentes literas inspecturis, frater Milo, humilis 
prior de Charitate , salutem in Domino. Noveritis quod, de 
permissione et licentia nostra, actum fuit et compositum 
inter charissimum conventum nostrum de Charitate, ex una 
parte , et priorem nostrum de Colongiis (1), ex altéra. Vide- 
licet quod dictus conventus tradidit et concessit imperpetuum, 
dicto priori de Colongiis et prioratui predicto, omnes res et 
omnia jura que et quas habebat predictus conventus in villa 
et parrochia de Coudes (2), et in aliis parrochiis circumadja- 
centibus, tam in hominibus, terris, censibus, gallinis, borde- 
lagiis , costumis , talliis et rebus aliis quibuscumque et 
quocunque nomine censeantur, pro quatuor libris monete 

(1) Voyez ci-dessus (chartes LVI et LVII, p. 1 36) les donations faites 
en 1148 et 1 1 5 1 au prieuré de Coulonge. 

(2) Codde, hameau, commune de Cercy-la-Tour. 


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La Charnaye. 


25i 


currentis in patria, reddendis imperpetuum dicto conventui 
a dicto priore de Colongiis, qui pro tempore fuerit, quolibet 
anno, in festosancti Dyonisii (i), apud Charitatem, vehiculo 
et expensis dicti prioris, cum aliis viginti solidis monete 
currentis a priore de Colongiis ipsi conventui, ab antiquo et 
ante compositionem predictam debitis ; que quatuor libre 
cum dictis viginti solidis in pitantiam conventus conver- 
tentur. Si vero idem prior de Colongiis deficeret in solutione 
prémisse pecunie, nos et successores nostri ad petitionem 
dicti conventus, priorem dicti loci ad premissa solvenda 
compelleremus. Et est sciendum quod predictus prior incipiet 
solvere dictam pecuniam, in festo beati Dyonisii, quod erit 
anno Domini millesimoducentesimo sexagesimo nono et non 
ante. In cujus rei testimonium , presentibus literis sigillum 
nostrum duximus apponendum. Datum die martis, post 
assumptionem beate Marie, anno Domini millesimo ducen- 
tesimo sexagesimo sexto. 


CXIX. 

CARTA DE QUINQUE ARPENTIS PRATORUM SUBTUS 
CHARNAIAM. 


1269 Juin 11. 

Jean de Prye , seigneur de Buçançais, promet une rente de 
huit livres , assise sur cinq arpents de pré situés à La 
Charnaye , qu'il donne en toute propriété , moins la jus- 
tice, aux religieux de La Charité , s'engageant lui et ses 
héritiers à les garantir contre tous et principalement 
contre la dame de Corbelain 9 et se soumettant au juge - 

(1) Saint Denis, le 9 octobre. 


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252 


Cartulaire de La Charité. 


ment du bailli de Bourges en cas de contestation. En 
retour , les religieux lui versent une somme de cent livres 
tournois. 

Universis présentes literas inspecturis, Joannes de Pria, 
dominus Busenciaci (1), miles, salutem in Domino. Nove- 
ritis quod ego, ob remedium anime mee, de voluntate 
Isabellis uxoris mee, dedi et concessi in perpetuam eleemo- 
synam, ecclesie et conventui de Charitate, octo libratas 
terre (2), ad monetam Nivernensem, annui redditus, pro 
quibus octo libratis terre assedi et assignavi eidem ecclesie et 
conventui quinque arpenta pratorum que habebam subtus 
Charneyam ( 3 ), scilicet juxta alia prata mea et juxta pratum 

(1) Buzançais, aujourd’hui canton de l’arrondissement de Château- 
roux (Indre). L’illustre famille de Prye, qui posséda pendant longtemps 
la seigneurie de Buzançais, était vraisemblablement originaire de Prye, 
commune de La Fermeté, arrondissement de Nevers. Les seigneurs de 
ce nom paraissent au moyen-âge dans tout le centre de la France et y 
jouent un rôle important. Jean V fut grand panetier de France et 
capitaine de la grosse tour de Bourges jusqu’en 1427. Antoine, son 
fils, était grand queux de France en 1431. Leur généalogie est donnée 
par le Père Anselme t Grands Officiers de la couronne , VIII, p. 109). où 
Jean de Prye, auteur de notre charte, est mentionné, d’après plusieurs 
chartes de i 25 o à 1271 , avec Isabelle, sa femme. « Les seigneurs de 
prye avaient anciennement leur sépulture dans notre église, autour 
du chœur, devant la chapelle de Saint-Jean. » (Hist. du Prieuré , 
folio 144.) Leurs armes, en 1237, sont : De gueules à trois tierces 
feuilles d'or. 

(2) On disait une livrée, une denrée de terre, pour indiquer l'étendue 
nécessaire au produit d’une livre ou d’un denier de revenu annuel. 
Dans le testament de Hervé de Donzy (septembre 1218; on lit : 
Conferimus decem libratas redditus pro anniversariis nostris annuatim 
imperpetuum faciendis. (Martène, Thésaurus anecdotorum, I, p. 867.) 

( 3 ) Une localité de ce nom a déjà paru dans les chartes LXXVÜ et 
LXXVIII. Ici , en raison de la dame d’Herry qui donne son consente- 
ment, comme suzeraine, dans la charte suivante, il y a lieu de croire 
qu’il s’agit de La Charnaye, canton de Sancergues. L'Histoire du 
Prieuré (folio 144) porte La Charnaye dans la prairie d’Argenvières. 


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La Chamajre. 


253 


domus de Bor (i) et juxta pratum leprosorum de Charitate 
sita. Ita tamen quod predictis octo libratis terre quicquam 
ulterius prêter predicta quinque arpenta pratorum a me vel 
abheredibus meis, conventus dicte ecclesie petere sive exigere 
non valeat in futurum. Que quinque arpenta pratorum qui- 
tavi et quitto conventui et ecclesie Charitatensi predictis et 
totum jus quod mihi competebat seu competere poterat aut 
debebat in eis, quocunque modo seu racione quacunque pos- 
sidenda in perpetuum et tenenda jure hereditario libéré, 
pacifice et quiete; mihi tamen et heredibus meis in predictis 
quinque arpentis pratorum omni justitia semper salva ; pro- 
mittens per fidem corporaliter prestitam quod contra dona- 
tionem et assignationem predictas , seu contra aliquod 
premissorum, venire de cetero per me, sive per alium, nulla- 
tenus attentabo. Immo quinque arpenta predicta pratorum 
teneor garentire imperpetuum predictis ecclesie et conventui 
de Charitate erga omnes, et specialiter erga nobilem domi- 
nam Agnetem de Corbelain (2), uxorem Hugonis de Escola, 
militis, que in quinque arpentis pratorum predictis dicitur 
habere dotem, et damna omnia resartire, si quod absit ,pro 
defectu garantie aliqua sustinerent; et pro his tenendis et 
servandis dare teneor literas curie Nivernensis, et ad hec 


(1) V Histoire du Prieuré (folio 147) porte la cote suivante sur les 
mêmes personnages et les mêmes localités: o En 1280, différend entre 
les religieux et Robert de Prye , seigneur de La Charnaye, au sujet du 
bois et des terres communes de Bor (près Saint-Léger (Cher), V, p. 5 ); 
le tiers du bois reste aux religieux, la haute justice au seigneur de La 
Charnaye, puis on fait un échange réciproque de maisons à La Char- 
naye et à Argenvières. 

Une autre donation de la dame de Gondrecourt, veuve de ce Robert 
de Prye, et relative aux prés de La Charnaye, est transcrite ci-dessous, 
charte CXXXIX. 

(2) On trouve Corbelin, hameau, commune de La Chapelle-Saint- 
André, canton de Varzy, et Escolives (Yonne), canton de Coulange-la. 
Vineuse. Le Cartulaire de V Yonne ne donne aucune mention de ces 
noms, pour les hommes ou pour les localités. 


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Cartulaire de La Charité . 


254 


tenenda firmiter et servenda me et heredes meos, per fidem 
meam obligo et astringo. Volo etiam insuper quod ballivus 
Bituricensis , qui pro tempore fuerit , ad hec omnia supra- 
dicta facienda et complenda me et heredes meos compellat, 
per captionem rerum mearum, si me vel heredes meos conti- 
gerit in aliquo defecisse. Conventus vero predictus de Chari- 
tate in recompensationem predictarum octo libratarum terre 
mihi dédit centum libras Turonenses, de quibus grantum 
meum habui in pecunia numerata (1). In cujus rei memoriam 
et testimonium, présentes literas sigilli mei munimine robo- 
ravi. Datum die martis, in festo beati Barnabe apostoli (2], 
anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo nono ( 3 ). 


(1) La monnaie tournois paraît assez rarement dans nos chartes ; 
Jean dePrye l’aura spécifiée, parce qu’il fréquentait principalement le 
Berry et la Touraine. Quant au mot grantum , il signifie simplement 
gré, satisfaction. Sous forme de donation, cette charte est en réalité le 
placement d’une somme de cent livres, donnée pour un anniversaire 
quelconque et en quelque sorte remployée à l’achat de ces prés de La 
Charnaye. Cependant les prix ne concordent pas. U est difficile d’ad- 
mettre que cinq arpents de pré aient valu cent livres et rapporté 
huit livres de revenu. 

(2) La fête de saint Barnabé, apôtre, tombe le 11 juin. 

( 3 ) Cotes de V Histoire du Prieuré pour des localités voisines : En 
1281, flans un différend, il fut décidé que le prieur de Patinges aurait 
le droit de banvin et les habitants dudit lieu le droit d’usage dans le 
bois du Vcrnay. (Folio 147.) 

L’an 1282, le prieur acheta de Raynaud , écuyer, seigneur de Chas- 
nay, Robert et Jean, ses frères, la terre de Cramain, avec ses dépen- 
dances. En 1436, il était dû au prieur deux cens de fer long, au 
dimanche après la Saint-Martin d’hiver, sur la forge de Cramain, 
d’après une reconnaissance de Guillemette, veuve de Pierre Esperon. 
(Folio 148.) 

L’an 1372, la ville et le prieuré avaient encouru le crime de lèse- 
majesté et félonie. Le prieur Bernard en obtint l’abolition pour La 
Charité, Bonny, Sainte-Montane, Aubigny-sur-Loyre, Beffes, La Celle, 
Dompierre, Saint-Bonnot, Saint-Léger-le-Petit . Argenvières, La Cha- 
pelle-Montlinard , Parzy, La Cordille-sous-Herry, Pouilly, Tracy, 
Mal taverne, Varennes, Narcy, Garchy, Sully, Vesvre, Bulcy, Raveau, 


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La Charnaye. 


255 


cxx. 

A LIA CARTA DE EISDEM QUINQUE ARPENTIS 
PRATORUM. 


1269 Juin 11. 

Consentement de Aremburge , dame de Herry, suzeraine de 

La Charnaye , à lacté de donation des cinq arpents de 

pré par Jean de Prye. 

Ego Aremburgis, Domina de Airriaco (1), notum facio 
universis présentes literas inspecturis, quod ego literas sigil- 
latas sigillo dilecti et fidelis mei Joannis de Pria, domini de 
Busencay, militis, non canceilatas, non viciatas, nec in aliqua 
parte sui abolitas, vidi et seriatim inspexi in hec verba : 

Ego Joannesde Pria, dominus de Busencay, miles, notum 
facio presentibus et futuris quod ego ob remedium anime 
mee, de voluntate Isabellis, uxoris mee, dedi et concessi in 
perpetuam eleemosynam ecclesie et conventui de Charitate 
octo libratas terre (2)... 

Ego vero Aremburgis predicta , de cujus feodo dicta quin- 
que arpenta pratorum movere noscuntur, predictam assigna- 
tionem et assessionem volui, approbavi, laudavi pariter et 
concessi, bona fide promittens quod contra premissa vel 

Munot, Lory, Murlin et Chasnay, soit toutes les terres et justices du 
prieuré. (Folio 176.) 

(1) On verra ci-dessous ^charte CXXIII) que Aremburge était morte 
en 1274. Quant à Airriacus, il s’agit vraisemblablement de Herry, 
commune du canton de Sancergues; il est écrit Herriacus en 1274. 
M. Boyer ( Origines de Sancerre , p. 3 o 5 ) cite un passage du testament 
de l’abbé de Flavigny, Widrad, daté de 721, où il est question de ces 
deux localités : In pago Neverninse Senseriacum et Arriacum. (Diplo- 
mate, cartœ , t. II, p. 324.) 

(2) Le reste est conforme à la charte précédente. 


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256 


Cartulaire de La Charité . 


aliquod premissorum, per me vel per alium, non veniam 
ullo modo, et ad hec me et heredes meos obligo et astringo. 
In cujus rei testimonium presentibus literis sigillum meum 
apponere dignum duxi. Datum die martis in festo beati 
Barnabe apostoli , anno Domini millesimo duceniesimo 
sexagesimo nono. 


CXXI. 

CARTA DE VIGINTI SOLIDIS ANNUATIM SOLVENDIS 
PITENTIARIO DE CHARITATE SUPER TERRAM DE 
SANCTA MONTANA. 


1272 Mars 27 . 

Le prieur de La Charité fixe à vingt sols parisis la rede- 
vance annuelle à faire au pitancier de La Charité parle 
prieuré de Sainte-Mont aine , à raison des biens donnés 
par Gautier de Luppy et affecte ces vingt sols à un repas 
le jour de l'anniversaire du donateur. 

U niversis présentes litcras inspecturis, frater Milo, prior 
humilis de Charitate, salutem in Domino. Noverint universi 
quod nos, considérantes bona que domnus Galterius de 
Luppi domibus, monachus de Sancto Dyonisio, fecit domui 
nostre de Sancta Montana quam per longum tempus noscitur 
tenuisse, statuimus, voluimus et precipimus quatenus ille 
qui tenet dictam domum nostram de Sancta Montana (1) et 
successores ipsius in perpetuum reddant pitentiario de Cha- 
ritate, qui pro tempore fuerit, viginti soliJos parisienses 

(i) Prieuré dépendant de La Charité, aujourd'hui Sainte-Montaine, 
commune du canton d’Aubigny (Cher). Voyez (charte CXIU) un 
échange entre Henri de Sully et ce prieuré en 1255. 


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Baune . 


257 


annuatim in festo beatorum Remigii et Germani(i); de 
quibus viginti solidis dictus pitenciarius tenebitur facere 
pitantiam conventui nostro de Charitate, quolibet anno, die 
qua una missa de Spiritu Sancto pro dicto Galterio, ipso 
vivente, celebrabitur in conventu. Post mortem vero ipsius 
Galterii tenebitur idem pitenciarius facere similiter pitanciam 
dicto conventui, singulis annis, de'predictis viginti solidis 
die anniversarii supradicti Galterii. In cujus rei testimonium 
literas présentes nostro sigillo duximus roborandas. Datum 
die veneris post dominicain qua cantatur, Oculi mei (2), 
anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo primo. 


CXXII. 

DECEM SOLIDI SUPER CENSUS DE LEPORIBUS PRO 
ANNIVERSARIO REGNAUDI DE BELNEIS. 


1273 Novembre. 

Le prieur Milon autorise le pitancier de La Charité à 
prélever , sur le revenu d'un cens , les dix sols de rente 
que Regnaud de Baune avait constitués pour le service 
d'un anniversaire dans l'église de La Charité. 

Universis présentes literas inspecturis frater Milo, humilis 
prior de Charitate, salutem in Domino. NoveritiS quod nos 

(1) Les saints du diocèse d’Auxerre étaient spécialement vénérés 
dans les pays environnants. Saint Germain est l’illustre évêque 
d’Auxerre (le sixième, de 418 à 448). Il est nommé dans les calendriers 
au I er octobre, avant saint Rémi, qui a commencé un peu plus tard à 
avoir une fête en ce jour. (Lebeuf, Hist. d’Auxerre , I, p. 106.) Saint 
Rémi était un moine de Saint-Germain d’Auxerre, mort vers 908 ; il 
professa la théologie à Reims et à Paris, où il fonda la première école 
publique. Sa vie et ses ouvrages sont décrits par dom Rivet ( Histoire 
littéraire , t. VI, p. 99 à 122.) 

( 2 ) Ce dimanche est le troisième du Carême et quatre semaines 
avant Pâques, qui tombait en 1272 le 24 avril. 

33 


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258 


Cartulaire de I*a Charité. 


volumus et concedimus quod pitanciarius conventus nostri 
deCharitate, vice et nomine dicti conventus, percipiat et 
habeat annuatim , super census nostros de Leporibus qui 
partiuntur cutn dicto conventu, decem solidos monete cur- 
rentis, in quibus decem solidis Regnaudus de Belneis (i), 
domicellus, pro anniversario antecessorum suorum in oostra 
Charitatis ecclesia faciendo eisdem antèa tenebatur, de quibus 
decem solidis et rebus aliis ad quedam predicta cum dicto 
Regnaudo permutationem duximus faciendam , sigillum 
nostrum presentibus apponentes in testimonium hujus rei. 
Datum anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo 
tertio, mense novembri. 


CXXIII. 

CENTUM SOLIDI REDDITUALES PRO ANNIVERSARIO 
DOMINE DE HERRIACO. 


1274 Juin 11. 

L'official de Bourges transcrit une clause du testament de 
la dame de Herry , par laquelle elle donne au pitancier 
de La Charité , pour le service de son anniversaire , un 
revenu de cent sols à prendre sur les tailles de Herry. 

Universis présentes literas inspecturis. Officialis curie Bitu- 
ricensis, sede vacante, salutem in domino. Noveritis nos 

(1) Aujourd’hui Baune est un château situé sur la commune de 
Cuffy (Cher). C’était autrefois une paroisse faisant partie de l’archi- 
prctré des Vaux de Nevers, indiquée dans notre Registre-terrier de 
1287, p. 74, sous le nom de Belna et sans assimilation moderne. 
Près de cet endroit se trouve Lobray ou Laubrais, dans lequel on 
pourrait peut-être voir la corruption du nom de Leporibus , que nous 
avons cherché en vain jusqu’ici. 


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Car co t. 


*59 


annp Domini millesimo ducentesimo septuagesimo quarto, 
die veneris post festum sancti Barnabe apostoli , vidisse et 
diligenter inspexisse in testamento seu ultima voluntate 
defuncte Aremburgis, quondam domine de Herriaco (1), 
sigillo curie Bituricensis sigillato, quamdam clausulam in 
dicto testamento contentam, eu jus ténor sequitur sub hac 
forma: Item, lego ecclesie beate Marie de Charitate super 
Ligerim, centum solidos currentis monete reddituales et 
percipiendos annuatim in tallia mea de Herriaco, ad pitan- 
ciam conventus, pro anniversario meo faciendo. Ita quod si 
alias alibi dictos centum solidos assignavi , illam assignation 
nem revoco, et volo quod ista ultima assignatio teneatur. 

In cujus visionis nostre testimonium presenti transcripto 
sigillum curie Bituricensis duximus apponendum, an no et 
die predictis. Data visionis nostre anno et die superius nomi- 
natis et super plicam ; facta est collatio. Signatum Perellus. 


CXXIV. 

CARTA MILONIS, PRIORIS, DE DECEM LIBRIS SUPER 
CENSUM DE CARQUOTO, DE UNO DOLIO VINI ET 
DE FURNO DE VEVRA , PRO SUO ANNIVERSARIO 
FACIENDO. 


1275 Janvier 6# 

A V intention de son anniversaire , le prieur Milon fait 
donation entre-vifs et irrévocable , pour la pitance des 
religieux: i° d'un revenu de dix livres à prendre sur le 
cens de Carcot , acquis de Bernard de La Vieille-Porte ; 
2 0 d'un tonneau de vin contenant deux muids et pro- 
venant du clos acheté à Alard, livrable chaque année , le 

(1) Pour la dame de Herry, voyez ci-dessus, en 1269, charte CXX. 


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2ÔO 


Cartulaire de La Charité. 


jour de son anniversaire ; 3° du four nouvellmat 

construit à Vêvres. 

Universis présentes literas inspecturis , frater Milo (i 
prior humilis de Charitate, salutem in Domino. Noveritb 
quod nos damus et concedimus, pure et imperpetuum dona- 
tione irrevocabili facta solemniter inter vivos, animo obli* 
gandi nos et successores nostros, per donationem hujusmodi 
et per continentiam presentium literarum, venerabili a 
religioso conventui nostro de Charitate et eorum succcssû- 
ribus, pro anniversario nostro in nostra Charitatensi ecclcsia 
solemniter et perpetuo celebrando, ad pitantiam ipsi coa- 
ventui, die obitus et anniversarii nostri plenarie faciendam, 
decem libras annui redditus, et unum dolium vinoplemun 
duos modios continens, ad mensuram Charitatis, perd* 
piendas et habendas annis singulis in festo beatorum 
Germani et Remigii (2), super censu nostro de Carquoto(?> 
quem emimus et acquisivimus a Stephano dicto Chabut et 
Bernardo de Porta veteri, militibus ; qui census appellatur 
census domini Roberti de Bosco (4), et levatur et percipitur. 
annis singulis, in festo Pentecostes, nativitatissanctiJoanms 
Baptiste et in festo beatorum Germani et Remigii ; etdictum 
dolium vini percipiendum et habendum a dicto conventuin 
cellario nostro, de vino clausi quem emimus a defuncto 
Alardo, clerico, ad usum ipsius conventus, die obitus et 
anniversarii nostri. Damus etiam et concedimus dicto con* 

(1) Milon, vingt-sixième prieur, de 1262 à 1275. 

(2) Le i* r octobre. (Voyez ci-dessus , p. 257, note.) 

( 3 ) Carquot ou Carcot, aujourd'hui ferme située à deux kilomètres 
de La Charité, entre les routes de Donzy et de Raveau. 

(4) Au douzième siècle, on trouve dans nos chartes Rodolphe ci 
Robert du Bois, qui doivent être les ancêtres de celui-ci- Beaucoup 
de chevaliers ont porté ce nom de La Porte; il serait difficile de les 
reconnaître entre eux. Bernard de La Porte est fondateur du prieuré 
de Valigny-le*Monial , au diocèse de Bourges (Histoire dit Pria* 
folio 49.) 


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Nomination du prieur . 


261 


ventui, pure et in perpetuum, furnum nostrum de Vevra (1) 
quem acquisivimus et construximus, devestientes nos ex 
nunc de predictis rebus donatis, et investientes dictum 
conventum, per traditionem presentium literarum, animo in 
ipsum conventum possessionem , proprietatem et verum 
dominium rerum donatarum totaliter transferendi, promit- 
tentes bona bde quod contra donatiqnem ipsam , seu contra 
aliquod de premissis per nos sive per alium de cetero nulla- 
tenus veniemus. In cujus rei testimonium dicto conventui 
dedimus et concessimus présentes literas sigilli nostri muni- 
mine roboratas. Datum anno Domini millesimo ducentesimo 
septuagesimo quarto, die mercurii post Epiphaniam Domini. 


cxxv. 

LITERE PROCURATORII CONVENTUS DE CARITATE 
AD IVONEM, CLUNIACENSEM ABBATEM, PRO CON- 
FIRMANDO SUO PRIORE DE CHARITATE. 


1275 Mars 25 . 

Les religieux de La Charité envoient à Vabbé de Cluny les 
prieurs de Cosne et de Montigny , Vinfirmier et le sous - 
cellerier , pour recevoir la nomination de leur prieur. 

Reverendo in Christo patri ac domino , charissimo 
fvoni (2), Dei gratia abbati Cluniacensi, frater Joannes, 

(1) Vêvres est aujourd’hui un hameau de la commune de Garchy, 
à douze kilomètres au nord de La Charité. D’autres endroits plus 
éloignés portent le même nom, entre autres Vêvre, près Sancerre* 
dont il est question dans la charte LXXXI, à propos d’une donation 
des Sully. 

(2) Yves de Vergy, prieur de Saint-Marcel à Chalon, abbé de Cluny 
en 1257, mort le 26 août 1275. (Chevalier, Répertoire du moyen- 
âge.) 


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2Ô2 


Cartulaire de La Charité . 


humilis supprior de Charitate, ejusdemque loci conventus, 
salutem et obedientiam debitàm , cum omni reverentia a 
honore. Venerabiles et charissimos fratres nostros, deConada 
et de Montigniaco (i) priores, infirmariumetsubcellerariun 
de Charitate, paternitati vestre duximus transmittendos,pro 
provisione Charitatis ecclesie de priore (2), secundura consuc- 
tudinem dicte ecclesie hactenus observatam. Ratum et 
gratum habituri quidquid per ipsos super hoc factum fuerit 
seu etiam procuratum. In cujus rei testimonium presentibus 
literis sigillum nostrum duximus apponendum. Datumaono 
Domini millesimo ducentesimo septuagesimo quarto, die 
lune in festo Annunciationis ( 3 ) Dominice (4). 


(1) Le prieuré de Saint-Aignan de Cosne. Montigny est indiqué 
comme prieuré dédié à saint Pierre, dans le diocèse de Soissods, et 
porte le surnom de Montigny-le-Chatelet. Aujourd’hui, dans le dépar- 
tement de l’Aisne, il y a plusieurs endroits du même nom, avec la 
qualification de Montigny-Carotte, La cour, l’AJlier, le Franc, Lepgrain, 
les Condé, etc. 

(2) Le prieur Milon venait de mourir à La Charité ; cette lettre et la 
suivante avaient pour but de préparer le choix de son successeur. 

( 3 ) La fête de l’Annonciation tombe le z 5 mars; Pâques étant cette 
année-là le 14 avril, la charte doit être datée de 1275. 

(4) « Les originaux, tant de l’eslection que de la lettre et accepta- 
tion de l’abbé, sont au trésor du sieur prieur de La Charité, d’où 
j’ay extrait les copies qui sont dans mon cartulaire. > (Note de 
V Histoire du Prieuré , folio 146.) 


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Simon d’Armentières. 


263 


CXXVI. 

LITERE TESTIMONIALES PRO INSTITUTIONS DOMNI 
SIMONIS DE ARMENT ARIIS IN . PRIOREM BEATE 
MARIE DE CHARITATE. 


1275 Avril 3. 

Les prieurs réunis , après la mort du prieur Milon et le 
retour des émissaires des religieux de La Charité , certi- 
fient que sur la présentation régulière de trois noms , 
l'abbé de Cluny a nommé prieur de La Charité Simon 
d’Armentières, prieur de Coincy et chambrier de Cluny . 

Universis présentés literas inspecturis, frater P. de Longa- 
villa, Rotomagensis diœcesis, frater G. de Boniaco, Autissio- 
dorensis diœcesis, frater Hugo de Curtiniaco, frater Jacobus 
beate Marie de Portu sancti Leonis, Senonensis, frater Symon 
de Joigniaco, Senonensis diœcesis, et frater Petrus de 
Brena (1), Suessionensis diœcesis, priores humiles ordinis 
Cluniacensis , salutem in domino sempiternam. Quoniam 
per ea que in literis inseruntur successores a predecessoribus 
melius instruuntur, cum per hominum labilem memoriam 
multorum jura sepe contingat deperire, ne futuris temporibus 
super provisione facienda de priore in Charitatis ecclesia 
cum ipSam vacare contigerit, oriatur materia questionis, 
presentibus et futuris volumus non latere quod anno Domini 
millesimo ducentesimo septuagesimo quinto , secundum 

(t) Voici l’assimilation des localités où ces prieurés étaient établis : 
Longueville, canton de l’arrondissement de Dieppe (Seine-Inférieure). 
Bonny, arrondissement de Gien (Loiret); Courtenay, canton de l’arron- 
dissement de Montargis (Loiret) ; Port-Saint-Léon (?) diocèse de Sens ; 
Joigny (Yonne); Braisne-sur-Vesle , canton de l’arrondissement de 
Soissons (Aisne). Le Cartulaire ne contient Aucune charte sur ces 
prieurés, excepté celui de Longueville. (Charte V, p. i5.) 


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264 


Cartulaire de La Charité. 


stilum Romane curie et quarto secundum quod sibi consuc* 
tum est in partibus gallicanis, die mercurii, ante ramos pal- 
marum (1), mense aprili, vacante dicta Charitatis ecdesia 
per mortem felicis recordationis reverendi patris Milonis. 
quondam prioris dicti loci , constituti in presentia reverendi 
patris ac domini Ivonis, Dei gratia abbatis Cluniacensis, de 
Conada et de Montigniaco priores, ac infirmarius et subcd- 
lerarius de Charitate, procuratores et nuncii spéciales , cum 
literis procuratoriis venerabilium et religiosorum viroruo 
supprioris et conventus de Charitate, ad nominandum « 
postulandum priorem, secundum consuetudinem dicteecdesie 
Charitatis, ad dictum dominum abbatem specialiter desii* 
nati, nobis presentibus videntibus et vocatis a dictodomioo 
abbate ad ea que sequuntur audienda. Nominaverunt dicto 
domino abbati dicti procuratores , vice et nomine dictonmi 
supprioris et conventus, et pro ipsis, très personas, videlicet 
Symonem priorem de Conciaco (2), nos de Longavilla et de 
Boniaco priores, humiliter supplicantes, ut alterum istorum 

(1) En 1275 Pâques étant le 14 avril, le mercredi avant les Rameaux 
se trouve être douze jours auparavant, c'est-à-dire le 3 avril, et h 
charte précédente est du lundi 25 mars. Dans les huit jours d’inter- 
valle de ces deux dates les émissaires sont allés à Cluny, ont présente 
les noms à l'abbé et sont revenus annoncer le nom du prieur s Li 
Charité, où il est solennellement reconnu. 

(2) Le prieuré de Coincy, diocèse de Soissons, aujourd’hui Coincy. 
canton de Fère en Tardenois, arrondissement de Château-Thierry 
(Aisne). Simon était d’Armentières , village de la commune d’OuIchy. 
canton de Neuilly-Saint-Front , près Coincy. Nous ne savons si 
prieuré dépendait de La Charité ; il manque à la liste des prieure' 
donnés par les manuscrits de M. Girerd et de la Société nivernaise. 
ainsi que par le livre de M. de Charant. La Charité possédait à quel- 
que distance, dans ce même canton de Neuilly-Saint-Front, le prieure 
de Saint-Quentin. 

Simon fut prieur de La Charité de 1275 à 1294, puis cardinal-pré^ 
du titre de Sainte-Balbine , et mourut à Rome en 1296. Il est connu 
comme littérateur sous le nom de Simon le Moine. (Dom Rivet, 
littéraire de la France , 1847, XXI, p. 833 .) 


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Narcy. 


265 


trium quem crediderit esse dicte ecclesie Charitatis idoneum 
et utilem, preficeret in priorem, et de ipso dicte ecclesie pro- 
videret, secundum consuetudinem retroactis temporibus 
observatam et obtentam. Sicut ait sapiens : « Omnia fac cum 
consilio et non penitebis » dictus dominus abbas habito 
consilio cum peritis , ui ipsemet retulit viva voce dictorum 
procuratorum nominationi et votis annuens, domnum prio- 
rem de Conciaco , tune etiam camerarium Cluniacensem , in 
priorem Charitatis concessit eisdem , secundum formam 
nominationis eorumdèm in quem dicti procuratores, tanquam 
in nominatum abeis authoritate commjssa adictis suppriore 
et conventu ac eorum vice et nomine consenserunt , et eum 
in priorem receperunt. Que autem vidimus, audivimus et 
révéra esse scimus, scriptis redigi fecimus, ut futuris memo- 
rie habeaiur. In cujus rei testimonium sigilla nostra una 
cum sigillis dictorum procuratorum presentibus literis duxi- 
mus apponenda. Datum anno, die et mense predictis. 


CXXVIL 

SIMON DE ARMENTERIIS, PRIOR, CONCESSIT CONVEN- 
TUI DECEM LIBRAS SUPER MOLENDINO DE VALLIBUS 
APUD NARCIACUM PRO SUO ANNIVERSARIO. 


1285 Avril 25. — La Charité. 

Le prieur Simon d’Armentières fait don aux religieux 
d'une rente de dix livres tournois , à toucher la veille de 
Noël , et , après sa mort , le jour de son anniversaire ; 
ladite rente établie sur les moulins des vaux de Narcy , 
qu'il avait achetés de la dame de Merry. 

Universis présentes literas inspecturis, frater Symon de 
Hermenteriis, prior humilis de Charitate, salutem in Domino 

34 


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Cavtulaire de La Charité. 


266 


sempiternam. Noveritis quod nos, attendentes devonoaem 
quam conventus ecclesie nostre Charitatensis habet et habait 
ad Deum et ministros ejus in eadem ecclesia ministrante, ci 
eius excellentia mérita apud ipsum regnantem in cdis, 
damus eis pure et perpetuo et solemni donatione concedimus, 
pro salute anime nostre et pro anniversario nostro faciendo 
in dicta ecclesia, annis singulis, certa die, decem libras 
Turonenses annui redditus, solvendas ipsi conventui vei 
procuratori eorum, in vigilia natalis Domini, annuatiin 
quamdiu vixerimus et, post mortem nostram, tali die quali 
nos obire contigerit anno quolibet revoluto; quas assidemus 
eis et assignamus super molendinis de Vallibus, siiisapud 
Narciacum , que titulo emptionis acquisivimus et habuimus 
a nobili domina Yolandi de Merriaco (i), de cujusdomini- 
catura et hereditate propria dicta molendina movebant,eta 
dicta ecclesia ea tenebat ad censum. Et de quibus decem 
libris turonensibus dictum conventum in possessionem misi- 
mus, per ipsius petitionem, numerationem et presentis litere 
traditionem, obligantes nos et successores nostros, quantum 
possibile est, quod si dicte decem libre Turonenses in dicta 
vigilia natalis Domini vel ad tardius infra octavas dicii 
natalis, et post mortem nostram ipsa die obitus, vel infra 
octo dies, adveniente die obitus nostri quolibet anno soluté 
non fuerint dicto conventui vel eorum mandato, quod ipsi 
gagiare possint in dictis molendinis pro defectu solutions 


(1 ) Il sera encore question dans la charte suivante de Yolande, veuve 
de Gaucher de Merry. Nous ne voyons pas de localité portant ce nom. 
En 1148 (ci-dessus, charte LVI) comparaît comme témoin Guilld** 
de Marriaco ; l ’ Inventaire de Marolles mentionne au quatorzième 
siècle plusieurs seigneurs de Merry. II nous semble douteux qu’il y 
ait une relation entre eux et Yolande. Leur nom est peut-être tiré te 
Moiry ou Merry, hameau de la commune de Saint-Pame-le-Cbitd. 
Par une anomalie difficile à expliquer, l’acte de vente invoqué ici 
n’était pas encore passé, puisqu’il est exposé dans la charte suivante, 
datée du 28 avril, c’est-à-dire trois jours après celle-ci. 


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Narcy . 


267 


predicte. Obligantes insuper nos et quantum possumus suc- 
cessores nostros , qui pro tempofe erunt, omnes expensas, 
omnia damna, et deperdita que occasione defectus solutionis 
dictus conventus fecerit vel incurrerit, in integrum resartire. 
In cujus rei memoriam et testimonium présentes literas 
sigiilo proprio et quo communiter utebamur, voluimus et 
fecimus consignari. Datum apud Charitatem, anno Domini 
millesimo ducentesimo octogesimo quinto, die mercurii (1) 
in festo beati Marci evangeliste. 


CXXVIII. 

ACQUISITIO MOLENDINORUM DE VALLIBUS APUD 
NARCIACUM. 


1285 Avril 28. 

Yolande de Merry vend au prieur de La Charité son 
moulin des vaux de Narcy avec deux prés y attenant . 
pour 240 livres tournois , s'engageant à les donner libres 
de dettes et de fiefs envers tous et principalement le 
comte de Nevers, à supporter les contestations dans 
Vavenir et à les soumettre à la juridiction de la prévôté 
de Bourges . 

Universis présentes literas inspecturis, Laurentius Pelorde, 
custos sigilli regis prepositure Bituricensis , salutem in 
Domino. Noveritisquod presens coram Joanne de Augiaco (2), 
presbytero jurato sigilli dicte prepositure, vice et authoritate 

(1) La fête de saint Marc, évangéliste, tombe le 25 avril, qui se 
trouve être en cette année un mercredi; Pâques étant en 1285 le 
25 mars, Tannée de cette charte est exacte. 

(2) Augy-sur-PAubois, canton de Sancoins. 


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268 


Cartulaire de La Charité. 


nostra, nobilis lolandis domina de Merriaco, relicta Gual- 
cheri de Merriaco , müitis, vendidit et se vendidisse publiée 
recognovit religiosis viris, priori et conventui de Caritate, 
quoddam molendinum ad duas rotas, unam ad granum et 
aliam ad pannos ( i ), quod se habere dicebat juxta Narciacum, 
super riperiam de Mazo, quod vulgariter vocatur molen- 
dinum de Vallibus (2), cum duabus petiis pratorum quorum 
una sita est ante dictum molendinum, et alia rétro dictum 
molendinum contiguis et adjacentibus pratis dictorum reli- 
giosorum, pro duodecies viginti libris Turonensibus suis 
quittis sibique jam solutis a dictis religiosis, ut dicebat, in 
pecunia numerata, et de quibus dictos religiosos quitavit 
penitus et précisé , se desaisiens dicta domina de dictis rebus 
venditis, dictos religiosos saisivit per traditionem presentium 
de eisdem animo in ipsos possessionem etdominium totaliter 
transferendi. Quod molendinum, cum dictis duobus pratis, 
promisit dicta domina, per fidem datam in manu dicti jurati 
ac per stipulationem solemnem et ex pacto, garantire ac 
defendere dictis religiosis libéré absque omni onere debiti 
legati et cujuscunque alterius obligationis, et absque omni 
feodo. retrofeodo erga quoslibet contendentes, et spécialité 1 * 
erga comitem Nivernensem, excepto censu quem de rebus 
predictis venditis dictis religiosis debebat ; promisit etiam 
dicta domina per eamdem fidem ac per stipulationem solem- 
nem et ex pacto, omnem calumniam et impedimentum a 
quoque fuerit apposita et apponenda in premissis, in futurum 
removeretur propriis suis sumptibus et expensis et in se 
suscipiet onus litis et reddere eisdem religiosis omnia damna, 
de predicta missione et expensis, que et quas pro defectibus 
et occasionibus garentie incurrere plenariam restaurationem, 
se et heredes suos et omnia bona mobilia et immobilia» 

(1) Un moulin ayant une roue pour le blé et une autre pour fouler 
les draps ; ils sont mentionnés assez fréquemment dans nos chartes. 

(2) Toute cette contrée s'appelait les vaux de Nancy. Quant à la 
rivière du Mazou, voyez ci-dessus, p. 5 , note. 


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Symon d! Armentières. 


269 


presentia cura tuturis, quoad preraissorum observantiam 
obligando et jurisdictioni prepositure Bituricensis totaliter 
supponendo, renuncians in hoc facto exceptionibus fori, doit, 
traudis, deceptionis ultra raedietatem justi pretii , exceptioni 
pecunie non habite, non recepte, omni auxilio totius juris, 
canonici et civilis, et privilegio crucis surapte et sumende et 
omni privilegio, usui statuto, et consuetudini patrie sive loci, 
omni privilegio scripto et non scripto et omnibus aliis excep- 
tionibus, actionibus, allégation i bus, cavillationibus et cau- 
telis juris et facti que contra présentes literas possent proponi 
objici seu dici, et omni privilegio in favorem mulierum 
introducto, prout dictus juratus premissa nobis retulit viva 
voce. In cujus rei testimonium ad relationem dicti jurati, 
cui fidem super hec adhibemus pleniorem, sigillum dicte 
prepositure presentibusliterisduximus apponendum. Datum 
anno Domini millesimoducentesimo octogesimo quinto, die 
sabbati ante festura beatorum apostolorura Philippi et 
Jacobi (,i), sic signatum. Ego Joannes feci. 


CXXIX. 

DE QUADAM DOMO SITA APUD CH ARITATEM . 


1292 Juillet 19. 

Le prieur Symon fait donation irrévocable aux religieux 
d'une maison sise à La Charité , rue des Chapelains , avec 
garantie contre qui que ce soit , en se réservant seulement 
la justice qu'il avait sur toute la ville . 

Universis présentés literas inspectons', frater Symon, 
humilis priorde Charitate, salutem in Domino. Noveritis 

(1) La fête de saint Jacques-le-Mineur et saint Philippe, apôtre, 
tombe le i” mai, qui se trouve être un mardi en 1285 ; le samedi qui 
précède répond donc au 28 avril. 


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270 


Cartulaire de La Charité . 


quod nos , attendentes eorum mérita qui in ecdesia oostra 
Charitatis jugiter Domino famulantur, et devotionem quim 
ad nos licet immeritos hactenus habuerunt, precum etiin 
juvamina quibus suffulti gloriam eternitatis spenunus, 
domum dictam en Monnoiers, cum edificio ligneo et platea 
adjacentibus, sitam in longo, in vico de Cuei , juxta domum 
eleemosyne de Caritate, et in lato, in vico capellanorum (ij, 
juxta domum Odonis de Beaune, quam tempore regiminis 
nostri titulo emptionis acquisivimus, concedimus et donamus 
donatione irrevocabili dictis venerabilibus et charissimis 
fratribus nostris conventui dicte ecclesie nostre Charitatis, ab 
ipsis et successoribus suis jure perpetuo possidendam, tencn* 
dam et habendam cum exitibus et emolumentis omnibus de 
dicta domo et pertinentiis ejus provenientibus et proventibus, 
quidquid juris in dicta domo et ejus pertinentiis nobis com- 
petebat vel competere poterat, in ipsos et successores coraw 
totaliter transferendo, salva tamen et retenta nobis priori et 
successoribus nostris in dicta domo et locis adjacentibus 
omnimoda justitia, sicut in aliis locis et domibus dicte ville 
Charitatis habemus. Promittentes bona fide, predicta omoia 
in judicio et extra sumptibus nostris dicto conventui ergi 
omnes garantire, et ad hoc nos et successores nostros expresse 
et specialiter obligamus. In eu jus rei testimonium literam 
hanc dicto conventui tradidimus, nostri sigilli appensione 
munitam. Datum anno Domini millesimo ducentesimo non* 
gesimo secundo, die sabati (1) ante festum beate Marie 
Magdalene. 


(1) La rue des Chapelains porte encore ce nom aujourd’hui. 

(2) Sainte Marie-Madeleine, le 22 juillet, un mardi, en 1192; I e 
samedi d’avant est le 19 juillet. 


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Abbaye d* Or bais. 


27 


cxxx. 

EPISTOLA PRIORIS ET CONVErTUS BEATI PETRI DE 
ORBACO, DE SOCIETATE FACIENDA CUM MONACHIS 
DE CHARITATE AD LIGERIM. 


1294. 

Les religieux d’Orbais, heureux de la réception faite à 
leur abbé pendant son séjour à La Charité , accueillent 
avec joie la proposition de former entre les deux cou- 
vents une association de prières. 

Viris religiosis et honestis , venerabilibus et discretis et 
amicis suis in Christo, reverendissimis priori et conventui 
beate Marie de Charitate super Ligerim , prior et conventus 
beati Pétri de Orbaco (1), in Bria, Suessionensis diœcesis, 
salutem et cum salute orationes devotas, et quidquid possunt 
et poterunt in futurum. Quam leti sumus et quantas grates 
vobis referimus in cordibus nostris, pro eo quod vos nuper, 
ut relatum est nobis et rescriptum , domnum abbatem nos- 
trum Orbacensem , nunc in patria vestra prope vos commo- 
rantem tam honorabiliter et festive recepistis in domos 
vestras, tum in capite quam in membris. Deusscitet utinam 
vos sciretis ; sed parcendum est verbis ne videamur adulari. 
Gaudemus etiam gaudio magno valde super hoc quod vos de 
societate componenda inter vos et nos, cum dicto domno 

(1) Orbais-l’Abbaye (Marne), arrondissement d’Épernay, canton de 
Montmort. L’abbaye d’Orbais, de l’ordre de Saint-Benoît, était du 
diocèse de Soissons. Le prieuré de Montmort, dédié à Notre-Dame, 
situé à quelque distance dans le diocèse de Châlons-sur-Marne, 
dépendait de La Charité. Cette charte et la suivante sont insérées 
avec la mention a ex-manuscripto Caritatis » dans Martène. {Thésaurus 
anecd.y I, col. 1268. 


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272 


Cartulaire de La Charité . 


abbate nostro loquendum duxistis et tractandum , cujus 
societatis componende et bene firmande nos omnes unani- 
miter eidem domno abbati nostro predicto, prout omnino 
voluit et melius ac salubriuS pro nobis et vobis fieri potuit, 
plenam in nomine Domini concedimus facultatem ; desiderio 
enim desideramus esse fratres Charitatis vestre, quippe 
Charitas est re et nomine domus vestra, verum totius reli- 
gionis spéculum forma et exemplum. Eya, si placet, quod 
facitis tacite citius, quia ad votorum nostrorum plenitudinem 
nobis deest talem in Deo vobiscum habere societatem , ut 
quomodo in vita nostra fuerimus conjuncti , ita et in morte 
nunquam simus separati. Valete in Domino semper et 
gaudete, orantes pro nobis ut et nos pro vobis. 


CXXXI. 

LITERE SOCIETATIS INITE INTER ORBACENSES ET 
CHARITATENSES MONACHOS. 


1294 Mai 28. 

Anselme , abbé d' Or bais, écrit aux religieux de La Charité 
pour constater par un titre la promesse d'union de prières 
et demande qu'il soit dit de part et d'autre, à cette 
intention et chaque année, une messe solennelle du Saint - 
Esprit . 

Viris venerabilibus et honestis D. priori de Charitate, 
necnon et ejusdem loci conventui, Anselmus, Dei gratta 
abbas humilis de Orbaco, totusque ejusdem loci conventus, 
pignus pacis et incrementum salutis in eo qui mandat salu- 
tes, Jacob. Quoniam omne regnum in se divisum desolabitur, 
et hostis humane salutis a Christi regno et unione nos inces- 


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Orbais . 


273 


santer appétit separare, bonum est et jucundum habitare 
spiritu nos in unum, ut in eo uniti qui caput nostrum est et 
nos ejus membra , orationibusque mutuis circumfulti eorum 
vincula disrumpens , qui nobis assidue tendunt insidias et 
quasi quidam latrunculi iter nostrum obsident, quo ad vitam 
anhelamus, eorumque de manibus liberati, pie et juste 
uniendo, de virtute in virtutem proficientes , Deum Deorum 
in Syon videre mereamur. Cum vero orationes et bona spiri- 
tualia apud vos de cetero facienda qui bus nos vestri gratia 
deinceps ex Charitate non ficta communicare voluistis, nobis 
quam plurimum necessaria sint in premissis vobis ad eas 
quas possumus gratiarum consurgimus actiones, habitoque 
inter nos pleniori concilio, ea omnia que pro nobis facere 
promisistis juxta formam a vobis traditam de cetero pro vobis 
facere intendentes, hoc addito si bonum vobis visum fuerit, 
quod pro vobis et ecclesie vestre statu, missam de Spiritu 
sancto festive celebrabimus annuatim, supplicantes si placet 
ut et vos pro nobis ita faciatis. Et quoniam ea que memorie 
nostre repentina surripit oblivio, literarum munimine et 
scripturarum testimonio ad noticiam reducuntur, rogamus 
vos quatenus , ad memoriam presentium et notitiam futuro- 
rum, premissa scribi faciatis, in publico, ubi talia et consi- 
milia a vobis redigi soient in scriptis (1). Datum et nostris 

(1) II existe encore un certain nombre de monuments constatant les 
manières, en usage au moyen-âge, dans les communautés religieuses, 
de faire des prières soit pour les vivants, soit pour les morts ; c'étaient 
Us diptyques, les nécrologes, les lettres d'association et les rouleaux 
des morts. Les associations se formaient entre les religieux de tous 
les ordres. Ces traités se consignaient dans des lettres spéciales nom- 
mées lettres de communion , de société ou de confraternité. Au treizième 
siècle ils étaient pour les moines associés l'occasion d'honneurs parti- 
culiers, de refuge assuré en cas de disgrâce, de choix d'arbitres dans 
les contestations, d'assistance aux funérailles, etc. Bien que nous 
n'ayons que celui d'Orbais, ils durent être très-fréquents à La Cha- 
rité , comme dans les autres monastères. (Delisle, Monuments paléo- 
graphiques concernant Vusage de prier pour les morts , Bibl. de l’École 

35 


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Cartulaire de La Charité . 


2 74 


sigillis sigillatum, anno Domini millesimo ducentesimo 
nonagesimo quarto, feria secunda (i) post ascensionem 
Domini. 


CXXXII. 

LITERE PATENTES PHILIPPI REGIS > DE REBUS AD 
CONVENTUM CHARITATIS SPECTANTIBUS (2). 


1295 Février. — Paris. 

Philippe-le-Bel reconnaît que les religieux de La Charité 
ont traité avec les gens chargés de recueillir, dans la 
haillie de Bourges , la finance due sur leurs acquisitions , 
et qu'ils peuvent conserver ces possessions en toute 
sécurité. 

Philippus, Dei gratia Francorum rex, notum facimus 
universis tam presentibus quam futuris, quod cum viri reli- 
giosi , conventus prioratus de Charitate supra Ligerim, 
Cluniacensis ordinis, pro infrascriptis acquisitis sibi et eorum 
successoribus, ad opus conventus prioratus predicti perpetuo 

des chartes, 1847, P* 36 i 4 et aussi les Rouleaux des morts, Société de 
Phistoire de France, 1866.J 

(1) Les fêtes célébrées pendant plusieurs jours étaient indiquées par 
ces mots : secunda, tertia feria. Il s'agit donc ici du lendemain de 
l'Ascension, c'est-à-dire du 28 mai, pour 1294, Pâques étant le 18 avril. 

(2) Cote d'une charte précédente extraite de V Histoire du Prieuré , 
folio 149: « L’an 1294 le roy Philippe-le-Bel accorda ses lettres 
d’amortissement au prieur Simon pour touttes les terres et possessions 
dépendentes du prieuré de La Charité, mesme de six mille arpens de 
boys dans la forest appelée le boys de Notre-Dame-de-la-Bertrange. que 
les prieur et religieux avoient achettés d'Estienne, seigneur de Blanca- 
fort, et d’Agnès, sa femme. » (Voyez les usages de la Bertrange, ci- 
dessus, charte CXVII.) 


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Lettres de Philippe-le-Bel . 


275 


retinendis : videlicet aPerello, Joanne et Odone de Faya 
Livronis, fratribus, pro dimidio modio bladi ad mensuram 
Montisfalconis super terris eorumdem fratrum in parrochia 
de Faya; a Joanne dicto Faulque de Garchissiaco et Bono 
amico de Colengiis et ipsius Joannis sorore, et ab Helena et 
Hugueta, dictorum Joannis et Boni amici uxoribus, pro 
quodam prato vocato Vermeil ; a Perello Viviani et pluribus 
personis, in cartulario dicti conventus contentis pro sexa- 
ginta solidis , laudas et vendas portantibus, super diversis 
terris apud Guarchisiacum (1); a Durando Godeti et Isabella 
ejus uxore, de Guarchisiaco , pro una petia vinee, una pecia 
prati et una pecia terre apud Guarchisiacum; a Joanna dicta 
Fauque de Garchisiaco et Bono-amico de Colengiis et pluri- 
bus aliis, in cartulario conventus contentis pro triginta et 
quatuor bichetis avene, octo gallinis et duobus solidis annui 
census, in justitia domini de Poguis ; a Seguino, milite, 
et Isabella ejus uxore, pro quadam oschia ab omni censu 
immuni. A Morello de Noisu, clerico, filio Renaudi Benoy 
et Maria uxore dicti Morelli, pro tota parte décimé quam 
habebant dicti conjuges in parrochia de Chavannes (2), 

(1) Cote de V Histoire du Prieuré, folio 149: « L’an i?86 Guillaume 
d’Asnières, pitencier de La Charité, achepte au proffit du couvent, de 
Perreau Vivian, de Nevers, 60 sols forts de Nevers de cens estably à 
Garchizy, pour la somme de 79 livres 10 sols forts de Nevers. » 

(2) L'Histoire du Prieuré (folio 147) donne la cote de cette pièce : 
c En juin 1275 les religieux achetèrent de Morel de Noyson et Marie, 
sa femme, leur part de dîme dans la paroisse de Chavannes, se parta- 
geant avec le prieur de La Charité et le chapelain de Chavannes et 
les nommez les Napions, laquelle dîme on appelait la dîme de Saint- 
Pierre, pour la somme de 20 livres en forts de Nevers. » 

Cette localité est difficile à fixer. Les Chevannes, Chevennes, Cha- 
vannes sont très-fréquents. C’était une paroisse, donc un endroit d’une 
certaine importance. Les deux manuscrits qui sont entre nos mains 
portent, dans la liste des églises dépendant de La Charité : Ecclesia de 
Chavaitna, alias Chaunes (folio 27 du manuscrit de M. Girerd), puis 
dans celui de la Société nivernaise : « Chaugne, ecclesia de Chavattrta, 
dépendante du chapitre de Nevers. » Cette assimilation n’est pas 


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276 


Cartulaire de La Charité. 


vocata décima Sancti Pétri , et partitur cum priore de Chari- 
tate et cum capellano de Chavannes et cum dictis les 
Napions, cum omni jure quod habebant dicti venditores in 
décima supradicta. A Renaudo et Morello dictis Napions, 
fratribus, pro alia parte décimé quam habebant in dicta par- 
rochia. A Robertodicto Lepie, pro censibus, renodo, costumis 
et omnibus aliis quibuscumque redditibus quod habebat in 
parrochia de Parciaco. A Philippode Campignoto, armigero, 
et Agnete ejus uxore , pro quodam prato versus villam de 
Narciaco, subtus perreriam de Rupeforti (1). A Guiburgi de 
Bulcy, pro censu minuto, laudas et vendas portante apud 
Charcelles, in parrochia de Poga. A Gerardo de Pegnes pro 
censibus laudas et vendas portantibus et omnibus redditibus 
quos ipse et ejus uxor habebant in parrochia de Parciaco (2), 
cum omni jure quod habebant ibidem, salva décima bladi 
quam habebant in dicta parrochia. Ab Agnete, filia Roberti 
Lepic, militis, pro terris, censibus, bordelagiis, costumis, et 
aliis rebus quibuscunque quas habere poterant ex causa qua- 
cunque in parrochia de Parciaco ( 3 ). Ab Arnode de Broant 
pro undecim denariis census una pitta minus, supra duabus 

acceptable ; les deux manuscrits se seront copiés servilement l’un sur 
l’autre. D’autre part, dans le Registre de l’évêché en 1287 que nous 
avons publié sur l’original, on trouve à l’archiprêtré des vaux de 
Nevers (p. 72) t Chevennes t, que nous traduisions par Chevannes, 
près Coulanges, et « Chooigne », forme assez barbare qui ne peut 
s’appliquer qu’à Chaulgnes. M. de Soultrait (Dict. topographique de la 
Nièvre ), en parlant de paroisses des vaux de Nevers, aujourd’hui dans 
l’Ailier, semble indiquer Chevannes, commune de Tresnay. Les moines 
n’achetaient que dans leur voisinage, et il ne faut pas chercher aussi 
loin. Chavannes s’applique peut-être à Chaulgnes, Chevigny ou Cheu- 
gny, ou encore à Chevannes-Sichamps, cure dépendant de La Charité. 
(Inventaire du prieur Colbert, folio 27.) 

fi) La carrière de Rochefort, près Narcy, existe encore. Le même 
Philippe de Champvoux avait fait en 1254 un traité pour son moulin 
de Narcy. (Charte CXII.) 

(2) Ci-dessus, charte CXVI. 

( 3 ) Voyez cet acte de vente passé en 1261, ci-dessus, charte CXV. 


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Lettres de Philippe-le-Bel. 


é 2 77 

peciis vinee in terri torio de Broant, tota décima vinearum 
ipsarum cum omni jure quod habebat in duabus peciis 
supradictis, sex denariis census quos habebat supra terris 
sitis apud Villeroy (i) et décima cum omni jure quod ipsa 
Arnodis habebat in predictis terris et vineis in territorio 
predicto. A Joanne de Pria, Busenciaci, milite, et Isabella 
ejus uxore, proquinque arpentis pratorum juxta Charneiam (2). 
A Gaufrido dicto François et uxore sua pro decem solidis 
annui census cum sex denariis laudas et vendas portantibus, 
quatuor corveis et duabus gallinis in parrochia de Chaul- 
gnes ; a Jocerando de Riparia pro centum solidis annui 
redditus super terra de Vallibus ( 3 ); a Stephano de Sauveyo, 
curato de Conada pro viginti solidis super quadam domo 
apud Conadam ; a Gaufrido François pro decem solidis cum 
dimidio annui census laudas et vendas portantibus, quatuor 
corveis, duabus gallinis, in parrochia de Chaulgnes ; ab 
Arremburgi, domina de Harriaco, centum solidatis terre per- 
cipiendis in tallia ipsius domine de Harriaco (4), cum gen- 
tibus nostris ad hujusmodi et similes financias recipiendas 
pro nobis in Bituricensi bailliva deputatis, finavit ; nos 
eamdem financiam ratam habentes et gratam , concedimus 
memorato conventui quod predicta acquisita, ad opus ipsius 
conventus prioratus jamdicti , teneat et habeat perpetuo, 
absque coactione vendendi vel extra manum suam ponendi, 
salvo in aliis jure nostro et in omnibus qualibet alieno. Quod 
ut firmum et stabile perseveret , présentes literas sigillo 
nostro fecimus communiri. Actum Parisiis, anno Domini 
millesimo ducentesimo nonagesimo quarto, mense februario. 

(1) « En 1260 le prieur Jean acquit de Jean Lebrun et Isabelle, sa 
femme, la disme de Vyleroy, située dans la paroisse de Champvoux, 
tant en bled qu’en vin. » (Hist. du Prieuré , folio i 3 q.) 

(2) Ci-dessus , charte CXIX. 

( 3 ) Probablement la Vallée, aujourd’hui ferme de la commune de 
Parigny-les-Vaux. 

(4) Ci-dessus, charte CXX 1 I 1 . 


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278 


Cartulaire de La Charité. 


CXXXIII. 

FRAGMENTUM RESCRIPTI DOMINI CELESTINI PAPE V 
AD SIMONEM DE ARMENTARIIS CARDINALES. 


1294 Septembre 22. — Asti. 

Le pape Cèles tin V informe Simon d f Armentières de sa 
nomination à la pourpre cardinalice et lui donne Tordre 
de se rendre au plus vite auprès de lui . 

Celestinus (1), servus servorum Dei , dilecto lilio Siraoni 
de Armentariis, priori de Caritate, Cluniacensis ordinis, 
sancte Romane ecclesie presbytero Cardinali, salutem et 
apostolicam benedictionem. Auditis tue... tue persone vir- 
tutum odorimenta nostris sensibus attulerunt ingentem 
letitiam... ceperunt propter quod exultantes in Domino 
personam tuam in partem sollicitudinis nostre... providenrii 
divina vocavit, duximus eligendum ut secundum apostolum 
nostrorum onerum... ecclesie Romane cardinalium aggre- 
geris. Quocirca devotioni tue presens... presentiam nostram 
propter hoc festinus accédas. Datum Asti, X kalendas octo- 
bris, anno millesimo ducentesimo nonagesimo quarto. 

(1) Célestin V, religieux de l’ordre de Saint-Benoît, élu pape malgré 
lui le 5 juillet 1294, créa douze cardinaux, cinq Italiens et sept Fran- 
çais, dont Simon faisait partie. 'Inhabile aux affaires, il abdiqua le 
i3 décembre de la même année, puis mourut dix-sept mois apres, a 
l’àge de quatre-vingt-un ans, retenu prisonnier par Boniface VIII, * on 
successeur. Il fut canonisé par Clément V, le 5 mai i3i3. 


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Lettres de Philippe-le-Bel. 


2 79 


CXXXIV. 

LITERE PHILIPPI REGIS COGNOMENTO BELLI , AD 
BITURICENSEM ET AURELIANENSEM BALLIVOS , 
PRO GARDA ET RESSORTO PRIORATUUM ORDINIS 
CLUNI ACENSIS . 


1297 Janvier 28. 

Philippe-le-Bel ordonne à ses baillis de Bourges et 
d'Orléans de retenir la garde et les appels sur les dépen- 
dances de l'ordre de Cluny , malgré sa cession à Louis de 
Flandre des châtellenies de Gien et d'Aubigny. 

Philippus, Dei gratia Francorum rex, Bituricensi et 
Aurelianensi ballivis, salutem. Cum nuper dilecto et fideli 
nostro Ludovico (1) concesserimus castellanias de Giemo et 
Albiniaco super Nevram (2) , intentionis nostre non fuit 
eidem gardam prioratuum seu domorum Cluniacensis 
ordinis in dictis castellaniis existentium, aut ressortum 
ipsarum concessisse. Quare vobis mandamus quatenus prio- 
ratus seu domos predicti ordinis in dictis castellaniis exis- 
tentes, cum personis, bonis, rebus et pertinentiis eorumdem, 
custodiatis et deffendatis, prout per vos et predecessores 
vestros ante collationem hujusmodi fieri consuevit, non 
permittentes predictis prioratibus seu domibus super garda 
et ressorto predictis per gentes dicti fidelis nostri aliquam 
molestiam inferri ( 3 ). Actum Parisiis die dominica ante 


(1) Louis I* r , fils de Robert de Flandre, comte de Nevers, I28o-i332. 

(2) Gien, chef-lieu d’arrondissement du Loiret. Au sud, Aubigny, 
canton de l’arrondissement de Sancerre, sur la Nère, affluent de la 
Saudre, rivière qui passe à Salbris et se jette dans le Cher, à quelque 
distance de Blois. 

( 3 ) Bien que le prieuré fût sous la sauvegarde royale, le prieur 
Godefroi avait cédé ce droit de garde à son frère Hervé, comte de 


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28o 


Cartulaire de La Charité . 


festum Purificationis beate Marie virginis (i), anno Domini 
millesimo ducentesimo nonagesimo sexto. 


cxxxv. 

ALIE LITERE EJUSDEM REGIS, DE REMISSIONE ANNA* 
LIUM SEU DECIMARUM ET DE SOLUTIONE PENSIONUM 
ABBATI CLUNIACENSI. 


1298 Septembre 14. — Paris. 

Philippe-le-Bel ordonne aux receveurs des annates de lever 
le séquestre mis sur les biens des prieurés de Vordre de 
Cluny et fait défense de saisir , à Voccasion des vacances 
des prieurés , les droits dus à V abbaye. 

Philippus, Dei gratia Francorum rex, omnibus collecto- 
ribus annalium (2) nostrorum ecclesiasticorum et super 
intendentibus eorum negotio deputatis in regno nostro, ad 
quos présentes litere pervenerint, salutem. Mandamus vobis 
quatenus receptis presentibus manum nostram , de priora- 
tibus conventualibus ordinis Cluniacensis , licet a tempore 

Nevers. Une sentence rendue par un évêque entre la comtesse Mahaut 
et le prieur Estienne décida qu’elle conserverait la garde, ce qui eut 
lieu jusqu’en 1297, date des lettres de Philippe-le-Bel. (Histoire du 
Prieuré , folio 126.) 

(1) La Purification, le 2 février, tombait un vendredi en 1297; le 
dimanche précédent était le 28 janvier. 

(2) On appelait annates les mains-mises sur les revenus des établis- 
sements religieux par les sergents royaux, pendant les vacances par 
décès des prieurs. Elles furent l’occasion d’une foule d’abus plus ou 
moins réprimés. Les évêques de Normandie réclamèrent un adoucis- 
sement et l’obtinrent par lettres de 1299. ( Ordonnances des Rois de 
France, I, p. 334.) 


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De la nomination du prieur . 28 1 


gratie de annalibus nobis facte vocantibus amoventes, ab 
impedimento bonorum illorum quorumcunque penitus 
disistatis, quousque aliud a nobis super hoc recipere conti- 
gerit in mandatis. Preterea domos, domicilia vel maneria, 
quocunque censeantur nomine, que ad mensam seu cellam 
Abbatis Cluniacensis liquido deputantur, sibi deliberetis 
omnino. Item censas seu pensiones deberi et reddi annuatim 
ecclesie Cluniacensi, pro ipsius sustentatione, super aliquibus 
subditis sibi prioratibus consuetas, non impediatis occasione 
vacationis prioratuum hujusmodi, quominus eas prout soiito 
percipi valeant et haberi, omni submoto fraudis velamine, 
que si reperiatur teneatis, et ut prius procedatis, juxta potes- 
tatem alias vobis super iis attributam. Actum Parisiis die 
lune post festum Exaltationis sancte Crucis, anno Domini 
millesimo ducentesimo nonagesimo octavo. 


CXXXVI. 

CONCORDATUM INTER ABBATEM CLUNIACENSEM ET 
CONVENTUM DE CARITATE, DE ELIGENDO PRIORE. 


1 296 Septembre. 

A la suite de dissentiments entre l'abbé de Cluny et les 
religieux de La Charité pour le choix du prieur , les 
religieux affirmant qu'ils avaient , à chaque vacance , pré- 
senté trois noms , parmi lesquels l'abbé choisissait le 
prieur , de son côté l'abbé soutenant qu'il avait la nomi- 
nation directe et entière comme pour tous les autres 
prieurés placés sous sa dépendance , un réglement définitif 
et écrit fut décidé par la sage et bienveillante interven- 
tion de l'évêque d'Auxerre . 

Les religieux de La Charité ne prétendront jamais à un 

36 


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282 


Cartulaire de La Charité . 


droit d’intervenir d'une façon quelconque dans la nomi- 
nation ; aussitôt la vacance , le sous-prieur informera 
l’abbaye de Cluny t où , devant les moines assemblés en 
chapitre , le prieur de Cluny désignera trois personnes , 
lesquelles à leur tour en choisiront dix autres pour 9 tous 
ensemble , présenter quatre noms , dont l’un au moins sera 
de La Charité . L’abbé recevra ces noms, soit directement , 
soit par lettres scellées , et nommera le prieur. Quant aux 
sous-prieur et religieux de La Charité , ils s'engagent à 
accepter sans contradiction aucune cette nomination , et les 
conventions ainsi établies devront être tenues à perpétuité 
de part et d’autre. 

U ni versis présentes literas inspecturis, frater Bertrandus (ij, 
miseratione divina Cluniacensis ecclesie minister humilis ac 
conventus ejusdem loci, necnon Petrus supprior et conventus 
prioratus de Charitate, ipso prioratu vacante, salutem in 
Domino. Quam sit ecclesiis et personis ecclesiasticis dam- 
nosa et dispendiosa contentio , quam periculosa etiam esse 
soleat animabus, non solum jura testantur sed et magistra 
rerum efficax experientia manifestât. Nam animis litigantium 
circa contentionis exercitium solicitis et intentis emergant 
exinde corporum et animarum dispendia , erescunt invidie 
rancores et odia, subditorum tepescit obedientia, exhauriun- 

(1) En 1294, lorsque le prieur Simon d’Armentières, nommé car- 
dinal, fit sa démission du prieuré de La Charité, Pabbé de Cluny en 
pourvut Bertrand de Colombiers, de plein droit, ce qui causa un 
grand différend entre Pabbé et les religieux, qui voulaient se main- 
tenir dans le droit de présenter trois religieux à Pabbé, parmi lesquels 
il choisirait leur prieur. On en référa au Pape, et, à la suite de 
plusieurs enquêtes, Bertrand fut maintenu. L’année suivante, le 
27 septembre 1295, Pabbé étant mort, les religieux de Cluny choisi- 
rent pour abbé le prieur Bertrand et lui en firent porter la nouvelle 
à La Charité. Promu abbé de Cluny, Bertrand de Colombiers, comme 
le présent acte en témoigne, devait tenir à régler définitivement la 
nomination du prieur de La Charité. ( Histoire du Prieuré , folio i 3 i.) 


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De la nomination du prieur. 


283 


tur ecclesiarum facultates et bona , necnon et cultus fidei 
Christiane contescit. Expedit igitur succensas contentionum 
flammas extinguere, ac in cordibus litigantium pacis et con- 
cordie spiritum suscitare, quatenus inter taies et sub talibus 
quieta reperiatur conversatio. Deo grata inspicientibus pla- 
cideque considérantes non solum respiciat , sed et reficiat et 
confortet. Ea propter cum inter nos abbatem, nomine nostri 
Cluniacensis monasterii, ac nos suppriorem et conventum de 
Caritate verteretur materia questionis , super eo quod nos 
supprior et conventus predicti asserebamus nos esse et fuisse 
in possessione, vel quasi et ad nos pertinere, quoties priora- 
tum de Caritate vacare contingit très personas , de ordine 
Cluniacensi, abbati nostro Cluniacensi qui est et qui pro 
tempore fuit , nomine monasterii nostri de Caritate , presen- 
tare et ujiam de illis tribus personis quam maluerit, nobis 
preficiat in priorem. Nobis abbate, nomine quo supra, asse- 
rentibus et tenentibuscontrarium, videlicet nos esse et fuisse 
in possessione vel quasi libéré instituendi in dicto prioratu 
de Caritate priorem sine ipsorum aliorumve nominatione, 
dicto prioratu vacante, et ad nos ibidem priorem ponere, 
libéré pertinere, prout est et fieri consuevit in aliis prioratibus 
nostri ordinis, nobis immédiate subjectis. Tandem de pre- 
dicta questione mediante in Christo reverendo pâtre, domino 
Petro, Autissiodorensi episcopo ( i ), pro bono pacis et concordia 
convenimus et concordavimus in hune modum : Videlicet 
quod nos, supprior et conventus predicti de Caritate, per 
viam nominationis, electionis, postulationis vel alias quali- 
tercumque, jus aliquod in preficiendo nobis priore non pote- 
rimus petere imperpetuum vel quomodolibet reclamare. Nos 
vero abbas et conventus Cluniacensis predicti , proborum et 
maxime dicti reverendi patris domini Autissiodorensis épis- 
copi ducti consilio, voluimus et concordavimus quod, vacante 
prioratu Caritatis predicto , ad provisionem de priore in ipso 

f 

(i) Pierre de Mornay, évêque d’ Auxerre, de 1295 à i3o6. 


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284 


Cartulaire de La Charité. 


prioratu faciendam hoc modo in posterum procedatur : 
Videlicet quod, vacante prioratu de Caritate, vacatio per 
procuratorem supprioris et conventus debebit , quant cito 
scietur et commode poterit, apud Cluniacum intimari, et 
postquam sic intimata fuerit apud Cluniacum, prior major 
si sit ibidem , vel si non sit , prior claustralis dicti Clunia- 
censis monasterii conventum in capitulo congregabit , prout 
moris est et fieri consuevit , quando providetur in dicto 
monasterio de abbate. Conventu vero in capitulo congregato, 
prior major dicti monasterii Cluniacensis, si sit ibi, et si non 
sit prior claustralis qui erit, très de probis viris dicti monas- 
terii , secundum quod hactenus in electione abbatis Clunia- 
censis fieri consuevit , nominabit. Et illi très nominati per 
priorem majorent, vel priorem claustraient dicti Cluniacensis 
monasterii si non sit, ut premissum est , ibi prior major in 
capitulo Cluniacensi, in presentia conventus, ad sancta Dei 
evangelia jurabunt, quod ipsi nominabunt eligent et assu- 
ment secum decem alios probos viros ejusdem monasterii. Et 
illi très , una cum decem assumptis et nominatis per eos 
super sancta Dei evangelia jurabunt, similiter quod submota 
omni affectione illicita, nobisabbati et successoribus nostris, 
si apud Cluniacum présentes tuerimus, nominabunt quatuor 
personas de ordine Cluniacensi , sufficientes et idoneos ad 
regimen dicti prioratus Charitatis, quarum una saltem erit 
de Caritatis monasterio vel de membris eidem subjectis. Et 
si nos abbas Cluniacensis aut successores nostri absentes fue- 
rimus, nominationem dictarum quatuor personarum nobis 
et successoribus nostris per literas patentes sigillo conventus 
Cluniacensis sigillatas, intimabunt, ut alteram, ex ipsis qua- 
tuor nominatis concorditer ab ipsis tredecim vel majori parte 
ipsorum, quem nos abbas et successores nostri abbates Clu- 
niacenses maluerimus, Caritatensi monasterio preficiamus in 
priorem. Et nos, abbas Cluniacensis predictus, et successores 
nostri qui pro tempore fuerunt , alteram de ipsis quatuor sic 
nominatis personis suppriori et conventui Caritatis dare 


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De la nomination du prieur . 


285 


tenebiraur in priorem. Nosque supprior et conventus de 
Caritate predicti qui nunc sumus et pro tempore erimus, sic 
nobis ut premissum est, personam nominatam datam et tra- 
ditam in priorem tenemur et in futurum tenebimur recipere, 
omni contradictione postposita et submota, Hanc autem 
compositionem , nos abbas et conventus Cluniacensis pre- 
dicti, nosque supprior et conventus de Caritate promittimus 
bona fide per nos et successores nostros tenere, attendere ac 
in perpetuum inviolabiliter observare ; nec nos velle aut 
posse juvare in futurum, quantum ad possessionis vel pro- 
prietatis commodum , quacunque prescriptione actu seu usu 
contrario quomodolibet, contra ipsam, quin in sua semper 
remaneat firmitate. Promittimus insuper nos omnes superius 
nominati quod contra compositionem istam imperpetuum 
non veniemus facto vel verbo , in judicio vel extra, immo si 
quis eam impugnare vellet, quilibet nostrum eam tenebimur 
deffendere et tueri , suis propriis sumptibus et expensis ; et 
omnibus aliis instruments etquibuslibet munimentis, super 
dicta discordia et nominatione hactenus factis et habitis, que 
pro nobis omnibus seu altero nostrum possent facere et 
valere, cassis et irritis, hec nostra compositiô stabilis et firma 
imperpetuum perseveret. Et hec omnia et singula, nos abbas 
et conventus Cluniacensis , et nos supprior et conventus de 
Caritate predicti, laudamus, ratificamus et etiam approba- 
mus , aliis juribus , que in priore dicii prioratus Caritatis et 
ipso prioratu, nos abbas Cluniacensis et predecessores nostri 
habemus et habere consuevimus, in omnibus et per omnia, 
nobis et successoribus nostris remanentibus semper salvis In 
quorum omnium testimonium nos abbas et conventus Clu- 
niacensis monasterii et nos supprior et conventus de Caritate 
predicti, sigilla nostra presentibus litteris duximus appo- 
nenda. Datum anno Domini miliesimo ducentesimo nonage- 
simo sexto, mense septembri. 


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286 


Cartulaire de La Charité. 


CXXXVII. 

LITERE PHILIPPI REGIS PRO MOLENDINO DE NARCIACO. 


1297 Février 8. 

Philippe-le-Bel saisit le bailli de Bourges de la réclamation 
du comte de Nevers au sujet du moulin de Narcy . 

Philippus, Dei gratia Francorum rex, baillivo Bituricensi 
vel ejus locum tenenti, salutem. Mandamus tibi quatenus 
inquestam, ut dicitur, factam per predecessorem tuum, 
quondam Bituricensem ballivum, super causa jamdudum 
mota inter dilectum et fidelem nostrum, comitem Niver- 
nensem (1), ex una parte, priorem et conventum de Caritate 
ex altéra, super molendino de Narciaco (2), si est ita, vocatis 
vocandis fine debito termines et expédias eamdem diciis 
partibus, super hoc celeris justicie exhibendo complementum. 
Actum Parisiis , die jovis in Candelis (3), anno Domini 
millesimo ducentesimo nonagesimo sexto. 


(1) Louis de Flandre, comte de Nevers, 1280-1 33 a. 

(2) Ce moulin de Narcy avait été vendu par la dame de Merry au 
prieur Simon, en 1285 (ci-dessus, charte CXXVIII), et garanti par elle 
contre les réclamations du comte de Nevers. Simon devint cardinal en 
1294 et mourut en 1296. Le comte attendit probablement sa mort 
pour attaquer la vente. Le prieuré de La Charité se trouvant sous la 
sauvegarde royale, le roi dut déléguer son bailli de Bourges pour 
connaître de l'affaire. 

( 3 ) Festum Sancte Marie Candelarum , la Chandeleur, fête de la 
Purification de la sainte Vierge, le 2 février. Le jeudi de l'octave 
était le 8. 


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Visites des prieurés. 


287 


CXXXVIII. 

CONCORDATUM INTER ABBATEM CLUNIACENSEM ET 
PRIOREM DE CHARITATE , CAUSA VISITACIONIS 
IN DEPENDENTIIS DICTI PRIORATUS. 


1 322 Mai 18 et i 325 Mars 3 . 

Lettres d'accord pour réglement de la visite des prieurés 
dépendant de La Charité , entre l'abbé et le prieur. 

In nomine Domini , amen. Per hoc presens publicum 
instrumentum, cunctis appareat evidentius quod anno a 
nativitate Domini millesimo trecentesimo vicesimo quarto, 
die tertia mensis martii, indictione septima, pontificatus 
sanctissimi patris et Domini nostri, Domini Joannis, divina 
providentia pape XXII anno octavo, ego Joannes de Aula 
de Bellijoco, Matisconensis diocesis clericus, sancti Romani 
imperii authoritate notarius publicus, vidi de verbo ad 
verbum, legi ac diligenter inspexi quoddam instrumentum 
publicum, sanum et integrum, non rasum nec abolitum, 
seu in aliqua parte sui vitiatum, signo Pétri, iilii Bruni, 
olim Bipani de Montepoliciano, clerici, authoritate aposto- 
lica et imperiali notarii publici signatum , prout prima facie 
apparebat, cujus instrumenti ténor de verbo ad verbum 
sequitur in hune modum : 

In nomine Domini, amen, anno a nativitate ejusdem 
millesimo trecentesimo vigesimo secundo, indictione quinta, 
die décima octava mensis maii , pontificatus sanctissimi 
patris et domini Domini Joannis, divina providentia pape 
vigesimi secundi anno sexto, in presentia nostrorum Pétri et 
Alani notariorum et testium infrascriptorum , ad hec voca- 
torum specialiter et rogatorum, constituti personaliter in 


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288 


Cartulaire de La Charité . 


monasterio Cluniacensi, reverendus in Christo pater et 
dominus frater Raymundus , Dei gratia abbas monasterii 
Cluniacensis, Matisconensis diocesis, nomine suo et dicti 
monasterii sui et quantum in eo erat, vice et nomine con- 
ventus dicti monasterii ex una pane et venerabilis et reli- 
giosus vir dominus frater Petrus, prior prioratus de 
Charitate, ordinis Cluniacensis, Autissiodorensis diocesis , 
nomine suo et dicti sui prioratus, et quantum in eo erat vice 
et nomine conventus dicti prioratus Caritatensis, nec non 
priorum et conventuum, prioratuum dicto priori Caritatensi 
subjectorum, ex parte altéra, sponte voluntarie et ex cena 
scientia et non per errorem de lite, causa, questione, contro- 
versia et differentia, tam agitata in Romana curia quam 
etiam extra, coram reverendo in Christo pâtre et domino, 
domino fratre Guillelmo, Dei gratia sancte Viennensis 
ecclesie archiepiscope et venerabili et prudenti viro, domino 
Gerardo de Lautrico , preposito ecclesie Avinionensis , capel- 
lano dicti domini nostri pape, commissariis in dicta causa 
ab eodem domino nostro papa specialiter deputatis, ut que 
vertitur seu verti possit inter partes easdem, ratione visita- 
tionis et correctionis, quas prefatus dominus abbas Clunia- 
censis dicebat et asserebat posse facere et ad se spectare 
et pertinere, in prioratibus monachis et personis, dicto 
priori et prioratui Charitatensi médiate vel immédiate 
subjectis (i) 

(i) Ces lettres contiennent des formules et des définitions démesu- 
rément étendues et dénuées de tout intérêt. 11 ne s’y trouve aucun 
nom de lieu ni de personnes, sauf les notaires et commissaires, 
étrangers à nos contrées. Bien que nous ayons copié ces textes, nous 
n’avons pas cru devoir les publier en entier à cause de leur longueur; 
elles tiennent dix-sept folios du manuscrit, folio 172 à 189. 


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